N° 259
Avril

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Avril 2025
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
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Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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ÉDITO

AVRIL, NE TE DECOUVRE PAS…

        Chers Amies, Chers Amis,

        C'est vrai, nous sommes déjà en avril, mois pendant lequel, selon l'adage, il ne faut pas se découvrir d'un fil … Le 1er avril, place est faite aux "poissons d'avril", ces informations aussi loufoques qu'inventées de toutes pièces, qu'il s'agit de repérer dans le flot de nouvelles courantes.
        On aime le printemps, on l'aime pour ce qu'il représente : Le retour du soleil prolongé, le chant des oiseaux, les arbres en fleurs. Mais le printemps a ce quelque chose en plus, si l'on se réfère à nos assiettes.

        On se croirai aussi au théâtre. Que veut dire croire au théâtre aujourd'hui ? Que veut dire écrire pour le théâtre aujourd'hui ? Que veut dire enseigner l'écriture dramatique aujourd'hui ?
        Je pense qu'il faut se mettre devant la télé, écouter et voir les récents propos du " Macron " autour de la nouvelle guerre qu'il veut nous imposer.

        En effet après le " nous sommes en guerre " pour le covid, voilà qu'il a trouvé un autre terrain de jeux, la guerre avec Poutine. Et pour nous, il est prêt à nous servir des allaches au broumich.
        Son seul souci après le surendettement du pays avec son " quoi qu'il en coûte ", c'est de faire peur aux français, alors qu'il s'écrase face à un Tebboune qui lui crache à la figure et s'en lèche les babines.

        Le pays va à vau l'eau avec des dénis de démocratie concernant des élections ou des procès politique. Nous sommes en pleine dictature acceptée par une majorité de citoyens. Et pendant ce temps là, des jeunes continuent à mourir à cause d'une politique qui ne prend pas ses responsabilités envers les assassins.

        Par contre, " Micron " veut prendre des mesures incitatives, voire répressives à l'égard de parents qui n'exerceraient pas leur rôle éducatif en laissant leurs enfants devant les écrans ? D'autres mesures contre ceux qui se chauffent au bois ou qui rouleront en diesel. D'autres exemples sont là pour nous détourner des vrais sujets qui nous préoccupent. C'est sa France.
        Moi ce n'est plus la mienne, au seuil de ma fin de vie.

        Bon mois d'avril et " Bône " lecture

Jean Pierre Bartolini          
        A tchao,Diobône,         



Histoire d’œufs.

        S'il y avait dans la petite Cité de La Calle bon nombre de commerces de toutes sortes, qui, à eux seuls, suffisaient amplement au ravitaillement de la population, ils se trouvaient aussi des petits commerçants on ne peut plus discrets, qui, modestement exerçaient leur négoce, en faisant régulièrement du porte à porte dans tous les quartiers de l'agglomération Calloise.
        Pour ces derniers ce n'était certes pas, des personnages payant régulièrement patente à la tête d’un commerce florissant et prospère, mais, de très simples petites gens, qui modestement venaient régulièrement de la campagne, pour espérer vendre quelques menus produits du terroir, en démarchant discrètement dans toutes les maisons du village... Aujourd'hui, on les aurait sûrement ignominieusement qualifiés de clandestins : une appellation heureusement peu usitée à une époque héroïque, où ces petits commerçants de l'ombre rendaient à la population d'éminents services.

        Ainsi tous les matins et pendant de longues années le brave khroumir Gadoum venait à pieds du Tonga, pour livrer dans la maison quelques litres de lait qu'il tirait de son modeste troupeau de vaches. Ce lait du Tonga autant qu'il m'en souvienne, était particulièrement excellent et généreux... Il offrait une fois bouilli une riche et épaisse crème jaunâtre qui était un véritable régal. Cependant il arrivait parfois à l'instar de l'oued Messida que les vaches aient tendance à se tarir, alors pour honorer fidèlement ses clients et ne pas leur faire défaut ne serait-ce qu'une seul jour, pragmatique, le brave homme s’empressait de judicieusement compléter les pertes sèches enregistrées, par quelques volumes innocents d'une bonne eau claire et fraîche... Comme à son habitude Pétronille ma grand-mère ronchonnait un peu et menaçait d'aller faire peser le lait au Commissariat de police ! Alors le pauvre marchand de lait jurait par tous les Dieux, qu'il n'avait en rien trafiqué le contenu de ses bouteilles et que c’était de la faute de ses vaches… etc. etc. Et puis tout rentrait naturellement dans l'ordre, lorsque les vaches retrouvaient enfin leur bonne humeur. Alors de nouveau le lait se faisait excellent : « tu vois ? disait-t-il à ma grand'mère.» Bien sûr ! qu'elle avait bien compris le stratagème du brave Gadoum.

        C’est ainsi qu’au cours de la journée il arrivait parfois, qu'un de ces petits vendeurs ambulants vienne cogner la porte de chez-nous à l'ancienne Douane. Il proposait divers articles à vrai-dire toujours les mêmes : des volailles, vivantes et pattes liées, tenues d'une main la tête en bas - des canards sauvages, braconnés près du lac Mellah ou du Tonga - un couffin de champignons frais, ramassés en hiver sous les chênes lièges du Boulif, ou des premiers arbres - des Asperges ou des poireaux sauvages, de, je ne sais où - du Fragon d'ornement, en gros bouquets - des figues de Barbarie ou des oursins en été... et j'en passe !

        Par tradition ce petit commerce se faisait toujours sans aucun boniment ni insistance, mais, comme on s’en doute et par principe, le marchandage était régulièrement de rigueur. Cependant lorsque l'offre en valait la peine, alléchées, les voisines de pallier se disputaient fermement les enchères afin d'acquérir le modeste stock du brave homme, mais en restant quand même toujours très fermes sur les prix. Ainsi dés que le marchand toquait à la porte, du premier coup d’œil Pétronille estimait l'objet du négoce et lorsque l'affaire était intéressante elle concluait prestement la négociation, bien avant que les voisines aient eu le temps de pointer le bout de leurs nez... et vis-versa ! C'est toujours comme ça que les choses se passaient.

        Par un triste après-midi d'hiver, Pétronille comme d'habitude était confortablement assise dans son grand fauteuil d'osier, tout près de la fenêtre les lunettes posées sur son petit nez. Elle ne regardait aucunement la pluie qui tombait averse, mais lisait avec passion un roman d'un certain Max du Veuzy ou peut-être de Magali ! ? C'était me semble-t-il toujours la même et éternelle histoire : un Prince, jeune, riche et beau, tombant éperdument amoureux d'une merveilleuse petite Bergère ! ? Parfait ! mais il n'y a hélas que dans les beaux romans d'amour, qu'on peut voir se dérouler un tel scénario ! Mais enfin la lecture était agréable et en ce temps-là les gens un peu plus romantiques que de nos jours. Ce jour-là et comme de coutume, Pétronille demeurait toute absorbée par cette délicieuse lecture, qu'elle faisait cependant laborieusement puisque ne sachant pas très bien lire.

        Mais pour l'heure, dans cette histoire quelque chose la contrariait particulièrement : le Roi père du joli Prince, ne voulant pas à cette union donner son accord, venait sans égards d'enlever la donzelle pour l'enfermer cruellement dans une sombre tour. Mais ne voilà-t-il pas que son rejeton de Prince emporté par la passion, se précipite soudain fou de désespoir dans les douves profondes et glacées du château… Pauvre et malheureux garçon ! pensa-t-elle, car il faut dire qu'on était en plein cœur de l’hiver… Le sang sicilien de Pétronille était en ébullition : elle ne pouvait tolérer plus longtemps cette terrible injustice… et patati, et patata… Voilà comment ma grand-mère excellente femme devant l'éternel, vivait les singulières péripéties de ces succulents romans d'amour à l’eau de rose !

        Un beau jour alors qu'elle était très embarrassée par les embrouilles d'Esclave ou Reine un célèbre roman d’amour d'un certain Delly, on cogna vivement à la porte d’entrée de la maison. Contrariée de devoir sortir de son précieux roman, elle alla ouvrir la porte en maugréant de plus belle. Là dans le silence du sombre couloir se tenait très effacé l'habituel commerçant, qui venait proposer quelques douzaines d’œufs frais, livrées directement du producteur au consommateur. Il faut dire que jamais ma grand-mère n'aurait pu conclure une telle affaire, sans juger au préalable par l’œil et par le toucher les offres strictement au détail de ces petits négociants ! Mais ce jour-là et d'emblée, la corbeille du marchand ambulant révéla contenir des œufs qui étaient incontestablement superbes : gros à souhait et qui dans la main semblaient bien lourds… et le tout proposé à un prix défiant toute concurrence.

        Quelle belle affaire en perspective ! pensa Pétronille... Pour le moment pas une voisine à l'horizon, mais cela ne pouvait tarder. Alors en femme d'action et sans perdre un seul instant Pétronille conclut prestement l'achat : elle paya comptant en liquide et comme d'habitude sans facture ni TVA. Bien que surpris le pauvre indigène était tout content : son stock épuisé sa journée était alors terminée. De plus, il devait probablement éprouver quelque fierté, pour avoir vendu les oeufs de ses poules chéries et cela sans même un petit brin de marchandage, ce qui comme de bien entendu n'était pas très courant dans les habitudes locales. Mais qu'importe ! puisque l’affaire était conclue... Rapidement la porte se referma sur Pétronille et ses emplettes, et là, au beau milieu de la grande cuisine, ma grand-mère n'en finissait plus de s'extasier devant des oeufs, dont jamais elle n'avait vu les pareils. Un instant elle dédaigna même le pauvre Prince qui se noyait dans les douves et sa malheureuse mie qui risquait un chaud et froid dans la glaciale et sinistre tour où elle était enfermée.

        Alors pour savourer cette bonne affaire Pétronille rangea son roman et ses lunettes, puis, dans une casserole se fit chauffer un peu de café, qu'elle versa précieusement dans son bol à fleurs préféré. Alors que sur un coin de table elle sirotait béatement son Moka, une fois de plus elle voulut admirer les œufs qui trônaient fièrement sous son nez... mais, tout à coup surprise, elle devint soudain cramoisie de dépit : les œufs dont elle était si fière avaient mystérieusement rétrécis et à bien regarder de près, ils étaient même dirons-nous plus petits et à l’évidence pas gros du tout ! ? Superstitieuse au possible Pétronille fit alors en mémoire le tour de cette affaire, pour tenter enfin de comprendre cet étrange phénomène. Mais hélas ! rien de concluant en la matière, car les œufs demeuraient toujours aussi petits.

        Le temps s'écoulait lentement et malgré la lumière du plafonnier qui inondait la cuisine, le volume des oeufs de poule restait en l'état et Pétronille qui demeurait des plus inquiète n’en finissait pas de se perdre dans d'étranges conjectures. C'est vrai pensait-elle, l'homme avait un drôle d'air : sournois, silencieux, pas contrariant du tout... Avec un espèce de petit sourire bizarre et même quelque peu machiavélique - pour ne pas dire diabolique ! En guise de conclusion le mot était enfin lâché et le malin peut-être dans la maison ? ! Désormais pour Pétronille tout était décidé : dés le lendemain matin elle se débarrasserait promptement de ces oeufs maudits, soit, en les jetant dans le bidon d'ordures, ou mieux en les refilant à la voisine pour un prix dérisoire et sous un prétexte quelconque.
        Des oeufs qui changent curieusement d'aspect mieux vaut ne pas les garder, car on ne sait jamais des mystères qu’ils peuvent cacher.

        Pour tenter d'oublier un moment cette étrange péripétie, Pétronille repris son roman d’amour et ses lunettes : le Prince heureusement venait d'être secouru par ses gens et le Roi son père ému jusqu'aux larmes s'était empressé de libérer la pauvre petite Bergère… Alors qu'à la satisfaction quasi-générale, à ce mariage morganatique le Roi venait de donner son accord, Pétronille jeta de nouveau un regard soupçonneux du côté des oeufs mystérieux… Madonna mia, ils sont redevenus gros ! s'exclama-t-elle tout à coup…Tout cela paraissait incroyable - peut-être ! mais absolument vrai.

        Une fois de plus elle quitta en tremblant son délicieux roman, alors que ceux du livre convolaient en justes noces dans l’espoir de vivre heureux et d’avoir beaucoup d’enfants. Alors ma mère-grand devait poser son roman et retirer ses lunettes, pour se rapprocher à pas de loup de la table : une fois encore les oeufs s'étaient soudain mystérieusement rapetissés. Santa Maria ! que faire ? Pensa-t-elle un moment…

        Cette histoire devenait plus qu'inquiétante et un spirito rodait sûrement dans la maison ! ? Fallait-il faire appel à la voisine pour avoir son avis ou mieux demander l’aide de M. le Curé, qui dans ces moments-là connaissait les prières qui convenaient ? Alors qu’elle s'apprêtait à prendre une décision très grave de conséquences - pensez, Monsieur le Curé ! -, Vincenzo mon grand-père entra dans la cuisine.

        Bien qu’un moment éberlué par les explications de sa douce moitié, il devait trouver bien vite la cause du sortilège qui s'était abattu sur les oeufs : si les lunettes de Pétronille grossissaient les caractères du roman d'amour, elles faisaient scrupuleusement de même pour le volume des oeufs !

        Le mystère était enfin éclairci et Pétronille bien soulagée... Ses lunettes ? ! comment n'y avait-elle pas pensé ! ? Néanmoins et c’est depuis ce jour-là que ma grand-mère devait décider une fois pour toute, de ne plus associer ses lunettes au cours de quelque négoce que ce soit. Cependant, elle continua de croire fermement à ces puissances occultes, qui viennent parfois tourmenter les vivants et troubler leurs esprits par un pacte diabolique d’une sournoise paire de lunettes et d’un trop mielleux roman d'amour.

        A La Calle de France toutes ces superstitions ancestrales ont fait jadis naître, de merveilleuses histoires, que parfois je me raconte pour tenter de ressusciter les jours anciens qui ne sont hélas plus. Mais lorsque que bientôt Pâques sera, souhaitons que cette authentique histoire d’œufs puisse vous entraîner un moment vers ces rivages d’autrefois : ces temps de jadis où les cloches de Saint-Cyprien de retour de Rome, éparpillaient dans l’azur du ciel leur joyeux carillon, et que la brise du large se mettait aussi de la partie, en venant délicatement disperser le subtil parfum des divins Gazadiels de M. André TARANTO, lequel, s’en allait telle une bénédiction des Dieux, embaumer toutes les rues de la cité Calloise et alentours.

        C’est sur cette nostalgie des jours heureux des Pâques d’antan, que nous vous souhaitons à tous et à toute de bonnes et joyeuses fêtes pascales.
Jean-Claude PUGLISI
- de La Calle Bastion de France.
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
Giens en presqu’île - HYERES ( Var )


RECEPTION CHEZ ANGUSTAS
Par M. Gilbert Espinal
Echo de l'ORANIE N°260 janvier-février 1999

       - Ay ! S’écria Angustias, que je suis contente de vous recevoir chez moi, Aouéla !
       Depuis le temps que je souhaitais vous z'inviter ! Laissez que je vous serre dans mes bras à que je vous z'embrasse, ajouta-t-elle en serrant la vieille femme sur son cœur. Ay ! Comme vous sentez bon !
       - C'est pas z'étonnant, dit la grand'mère, je me suis parfumée.
       - A quoi ? interrogea Martyrio, la fille d'Angustias qui, avec Pepico Bolbac et son mari, Isabélica et Toinou, La Golondrina, Amparo et son époux, et enfin Bigoté faisaient partie de la fête.
       - J'ai toujours mon flacon de "Habanita" de Molinard qu'il embaume ; un souvenir d'Oran ! Je m'en sers souvent ! Qu'est-ce que tu veux, main'nant, pour se faire pardonner d'être vieux, y faut se parfumer à mort. J'ai presque fini ma bouteille de "Mais z'oui" (1) y m'en reste juste una mijitica (2) et je la garde comme un trésor. Je m'en mets que pour les z'enterrements ! Ca revigore !
       - Que le Bon Dieu y vous la conserve longtemps, ça sera bon signe ! Exhala Amparo.
       - Et qu'est-ce que tu nous z'a fait à manger ? Interrogea la grand'mère en s'installant à l'aise sur une des chaises de la pièce de réception.
       - C'est une surprise, chantonna Angustias prometteusement, je suis sûre que vous z'aller adorer. Un plat qui nous rappelle le pays.
       - Du couscous ? Du riz à l'espagnole ? Des gaspatchos ? sautèrent toutes ces dames.
       - Encore mieux ! répondit Angustias, je vous ai préparé des migas à l'andalouse avec de la semoule et des sardines salées et, pour que y en ait pour tous les goûts, des migas à l'aragonaise (3) avec du pain dur et du lard fumé coupé en petits bouts...
       - Pos, tu t'es pas cassée, constate la grand'mère. Venir de si loin pour se taper de la semoule qu'y faut a'oir un gosier de rémouleur pour la faire passer et du pain dur...
       - Aouéla, ne me faites pas de reproches, coupa Angustias aux cent coups, que y a un mois et plus que je ramasse les quignons de pain de chez moi et de chez ma fi' dans le but de vous préparer un régal qui fasse date dans vos mémoires !
       - toi tu gagnes ! proféra la grand'mère. J'espère au moins que tu t'es surpassée dans le dessert qu'on s'en aille pas de chez toi, ce soir, pégando botès (4)!
       - Ay ! Aouéla prononça Angustias d'une toute petite voix, comme dessert, comme j'avais rassemblé plus de pain dur que pour nourrir tout un poulailler, je vous ai concocté un gâteau anglais, qu'y parait que la Reine d'Angleterre elle en raffole, un poudding avec de la graisse d'oie et des raisins secs...
       - Bouh ! fit la grand'mère, amène la bonbonne d'eau douce sur la table à qu'on puisse faire passer tout ça!
       Et, dans ce pays de sauvages, où t'y as pu trouver des sardines salées ?
       - A Barbès-Rochechouart, dans z'une boutique où y vendent rien que des salaisons ! Y avait un monde! toute l'aristocratie parisienne qu'elle était venue, à se ravitailler en sardines salées. A Stéphanie de Monaco qu'elle était là, je l'y al donné la recette des migas. Elle était tchalée ! Elle est partie chez elle comme un ouragan, pour en préparer à son futur mari... Je crois que je l'ai réconciliée avec le poisson !
       - Pos, à table, fit la grand'mère avec résignation, déjà que Stéphanie de Monaco, aussi elle bouffe de la semoule et du pain dur, faisons comme elle.
       Toute l'assemblée se retrouva autour de poêles fumantes.
       - Et Bigoté il était avec toi quand t'y as rencontré la princesse ? demanda Amparo. - Bien sur ! sauta Angustias, quand je sors, mon mari il est toujours avec moi. Je le surveille, qu'avec ses moustaches, il attire tous les regards. Si vous sauriez comme tout le monde me les envie ajouta-t-elle avec ravissement. Si vous verriez, dans la rue les oeils jaloux qu'elles me lancent les femmes quand je me promène avec lui, c'est pas pour rien que, quand il était jeune, on l'appelait "le Bonheur des Dames".
       Quand y se chausse avec ses santiag's, qu'y se moule dans son jean et qu'il endosse son blouson de cuir clouté, il est irrésistible.
       - Et y se met aussi, le chapeau de coveboi ? se renseigna le mari d'Amparo.
       - Non ! répondit Angustias, il met la casquette pasque il veut pas qu'on le prenne pour un américain mais, malgré ça il a la dégaine de Clinte ISVOUDE.
       - Ses moustaches, affirma péremptoirement, la grand'mère, il les tient de sa mère.
       - Comment ça ? coupa Toinou.
       - Sa mère elle était très poilue, explicita la grand'mère...
       - C'était une portugaise ?
       - Que portugaise ni otcho cuarto ! s'écria la grand'mère. Elle était comme nous toutes d'origine espagnole, mais, le village de ses ancêtres il était situé au sud de l'Espagne, juste à la frontière du Portugal. Est-ce qu'une de ses tataraouéla elle aurait fauté ou quoi, mais le résultat c'est que la mère à Bigote elle avait sous chaque bras comme une botte de cresson et sur les jambes plus de poils que ne compte de clous la planche du fakir Burma. Elle se rasait les mollets, mais, à partir des genoux jusqu’en par en haut, elle se gardait comme un panty inextricable...
       - C'est pas possib'!
       - C'est tellement possib', compléta la grand'mère que le Directeur du Théâtre municipal qui avait eu vent de l'affaire, il est venu la trouver pour qu'elle fasse partie du ballet "L'après midi d'un faune". Au moins, a-t-il déclaré ça m'économisera un costume. Y voulait qu'elle danse nue, seulement revêtue de ses poils.
       - Y parait que, même sous les seins, elle était velue, renchérit la Golondrina, son mari, quand il était en disposition, il l'appelait ma petite guenon.
       - Qué gracia ! sourit Amparo. Et elle avait de la moustache ?
       - De la moustache et de la barbe, précisa la grand'mère. La légion, elle était descendue de Bel-Abbès pour lui faire des offres. Elle souhaitait qu'elle défile comme sapeur avec le tablier en peau de cochon et le tambour, elle aurait été à la fois sapeur et mascotte.
       - Et pourquoi elle a pas travaillé dans z'un cirque? s'inquiéta Toinou.
       - Pasque elle se rasait la barbe, la moustache et les sourcils ; elle avait ces derniers comme Emmanuelli, Allègre et Glavany conjugués, explicita la grand'mère. Elle se rasait les sourcils et, à la place, elle se faisait au crayon un arc de cercle qu'y lui remontait j'qu'au milieu du front, ça la faisait ressembler à Marlène Dietrich : ça lui donnait un air plus distingué !
       - C'est pour ça que Bigoté il a cette moustache qu'on dirait Napoléon, commenta Martyrio.
       A sa naissance il avait la même, précisa la grand'mère.
       Quand il a mis le museau dehors, la sache-femme, au milieu de tous ces poils, elle savait plus ça qu'y fallait tirer. Elle faisait que dire "mais je sais plus ni qui est qui ni qui est quoi !".

       A la fin à la fin, elle s'est aventurée à tirer les premiers poils qu'elle avait sous la main c'était la moustache à Bigoté ; et c'est comme ça qu'il est venu au monde. Avec l'âge, naturellement, elles z'ont forci et elles sont devenues son plus bel ornement, surtout quand il les gomine.
       - Il a tellement de succès avec, commenta Angustias que, chaque fois qu'il croise une femme, je suis obligée de dire "Rhamsa !" ?
       - Cinq doigts dans ton oeil, explicita Angustias. L'aut' jour, y a une jeune, qu'à peine elle avait la quarantaine et que depuis un moment elle était là, pégalosa (6), à le mater avec des z'yeux de merlan frit qu'elle s'est avancée vers lui et elle l'y a dit : "Vous z'étes Impérial !". Moins cinq je lui fous une ch'tata à cette poufiasse !
       - C'est vrai qu'y ressemble à Napoléon, constata Amparo.
       - Quel Napoléon ? demanda Isabélica, çui-là que, de tellement de lumière qu'il avait répandu dans sa vie, il est mort acétylène ?
       - Non, son fils ! précisa Angustias : çui-là qu'il était marié avec Ugénie. J'aime beaucoup ce nom d'Ugénie. Ça me rappelle une bonne que nous z'avions dans ma fami' qu'aussi elle s'appelait Ugénie...
       - C'était pas vot' bonne ! coupa férocement la grand'mère : s'était vot' cousine qu'elle avait atterri chez vous pasque ses parents, de pauv' qu'y z'étaient, y pouvaient pas la nourrir ; elle vous servait de bonne...
       - C'est pas ça, se défendit Angustias avec vivacité, c'était notre bonne Ugénie : ma mère elle l'a accueillie chez nous à la fois comme une fille à elle et comme une sœur à nous. Chez nous elle était considérée comme la patronne. On lui faisait faire quelques travaux à la maison pour pas qu'elle s'ennuie ; mais ma mère elle choisissait pour elle les taches les moins pénibles possibles. Elle faisait la lessive, que ça y avait qu'à frotter ; surtout que ma mère, la pauv’ elle lésinait pas sur les produits à met' dans l'eau, du cristaux, de la poud' des détachants ; laver, chez nous, c'était un plaisir ; on coulait à la cendre dans le cuvier; toute la nuit il fallait rester debout. Ugénie elle disait que c'était mieux qu'une surprise party. Pour la distraire encore, ma mère, la pauv' elle consentait à lui laisser faire la vaisselle et les vitres. Tous les jours, on la remerciait de faire le parterre et de s'occuper des gosses, que chez nous, nous z'étions cinq galopins à quel le plus crasseux et batailleur.
       Quand on rentrait de l'école ou de la rue, elle nous mettait au baquet avec not' linge, et astique que je t'astique. Elle nous laissait retchinéando (7) de prop' ! Quand Ugénie elle a eu trente ans (que ma mère elle l'avait adoptée quand elle avait, je crois douze ans) elle a rencontré un prop' à rien qu'y l'y a fait miroiter monts et merveilles et elle a voulu quitter l'existence dorée qu'elle avait chez nous et se marier avec lui ; et elle l'a regretté, que le type il était exigeant et, à toute force, y l'y imposait de faire la vaisselle, la lessive, les carreaux et le parterre. Et, quand Monsieur y trouvait que ça allait pas assez vite, y lui foutait de ces trompassos que l'ombre elle s'allumait.
       Y faut 'oir si elle s'est mordu les doigts, de nous avoir quittés!
       - Sans doute, coupa la grand'mère en stoppant net l'enthousiasme d'Angustias, mais ton père il a abusé d'elle.
       La femme de Bigoté en eut la respiration coupée. Elle devint rouge comme un coq et s'écria :
       - Mon père il a abusé de not' bonne Ugènie ? où c'est que vous z'avez vu ça, Aouéla ? Mon père que c'était l'Honneur, la Droiture, l'Honnêteté et la Dignité fait Homme, il aurait abusé de ma cousine ? Grand'mère, vous déraillez!
       - Tous les matins, reprit imperturbable la vieille femme, ton père il abusait d'elle. Je I'ai vu de mes z'yeux vu !
       - Et comment il abusait d'elle ? parvint-elle à articuler.
       - En lui faisant cirer ses chaussures, avant qu'y parte au bureau de la Douane où il travaillait. C'est pas de l'abus ça?
       Le vent du large passa sur l'assemblée.
       - Ay ! Aouéla ! gémit Angustias dans un souffle, vous m'avez terrorisée, j'ai mes cuisses qu'elles flageollent et mes tibias qui se croisent...
       La Golondrina voulut faire diversion, elle demanda :
       - Et, quand elle travaillait chez vous, vous la payiez ?
       - T'y es folle ou quoi ? se récria Angustias, ça l'aurait vexée !
       Elle travaillait à ouf ! Ma mère elle lui donnait chaque dimanche dix sous : cinq sous pour la quête et cinq sous pour la chaise, qu'à cette époque les curés y nous faisaient payer aussi la chaise (c'est pour ça que y a eu la révolution de 89). A l'heure actuelle, quand y passent dans les rangs à la messe je leur mets toujours cinq francs, qu'entre temps c'est devenu des centimes (c'est pas de ma faute à moi) pour pas qu'y puissent dire que je suis rognéta.
       - Ma fi', intervint la grand'mère, les curés y sont comme lez'aut : por el dinero baila elle perro. Et Ugénie elle a eu des z'enfants ?
       - Un, dit Angustias ! Un fils ! Justement, écœuré de voir son père comme il agissait avec sa mère, il est devenu curé.
       C'est lui qui fait la quête le dimanche et je dois vous dire qu'il a l'œil ! Cui là qu'y met pas une offrande dans l'aumônière il est sur d'a'oir une dizaine de chapelet à faire de plus quand y va à confesse !
       Chaque année, pour le denier du culte, je l'y envoie une douzaine de mantécaos. L'aut'jour, à la sortie de la messe y m'a dit : "c'est pas avec ça qu'on reconstruira nos églises mais l'intention y est ! Le Seigneur vous recevra dans son paradis pour que vous lui fassiez des mantécaos ! C'est bête comme réflexion, mais ça m'a rassurée. Les curés y trouvent toujours les mots pour t'embobiner ! L'année prochaine je l'y en enverrai deux douzaines... qu'est ce tu veux ? pour mériter la vie éternelle, y faut sa'oir faire des sacrifices !

       On était déjà très avancés dans le repas lorsque la grand'mère déposant sa fourchette et repoussant légèrement son assiette s'écria :
       - Ay ! Angustias, avec ce repas que tu nous a préparé, j'ai l'estomac comme un des blocs de la jetée du Fort Lamoune. T'y as pas du bicarbonate de soude à que je m'allège un peu.
       - Du bicarbonate de soude non, mais du sulfate voui !
       - Du sulfate ? T'y es folle ou quoi ? Tu veux que j'arrive à la maison avec des coliques charleston ?
       - Aouela, fit Angustias d'un ton geignard, c'est que y a encore le poudding délicieux que je vous z'ai prépare. Un régal ! Que la Reine d'Angleterre elle en mangerait sur la tête d'un teigneux ! Vous allez pas lui faire cet affront à Sa Majesté de refuser de goûter à son met favori…
       -Lo siento muncho (80), l'interrompit la Grand'mère, mais je crois pas que la Reine d'AngleTerre elle puisse' après avoir ingurgité comme moi. à la suite les uns des z'aut’, une platasse de migas de semoule et une autre de migas de pain, accompagnées de trois sardines salées, elle ait encore la place pour tâter d'un poudding, comme tu dis, fabriqué avec les quignons rassis du mois. Y a une limite à tout et ma bouche, c'est pas le sanibroyeur SFA ! Je suis schbatt' ! (9)
       - Si Lady Di elle serait là, voui qu'elle saurait vous faire changer d'avis : elle aussi elle raffolait de ce gâteau royal…
       Si Lady Di là où elle est, fit la grand'mère d'un ton attristé, qu'assez de peine j'ai eue quand elle a disparu, surtout dans ces conditions...
       Ay ! gémirent toutes les femmes de l'assemblée. Une femme si remarquab' avec tant d'allure. Et tant de grandeur dans l'adversité !
       - C'est vrai, reprit la grand'mère, qu'elle était belle ! Et bonne sans doute ! Qu'elle se souciait des enfants pauv’ des sidaiques et des mines anti-personnel ! C'est vrai qu'elle portait des galurins qu’y z'etchaffait la guitare (10) à ceux de sa bel'mère ! C'est vrai qu’elle avait de beaux yeux et un sourire charmeur ! Mais qu’est-ce qu'elle était allée fout' au lieu de rester les pieds dans ses chaussons, dans son palais de Londres, après avoir embrassé pour la nuit ses deux garçons sur leur tête d'oreiller qu'est-ce qu'elle était aller fout', à une heure du matin, à courir la séca y la méca à Paris avec un…
       - Ne sois pas raciste, man-man ! coupa avec violence La Golondrina. Encore on va dire que t'y apportes de l'eau au moulin de Le Pen !
       - J'apporte de l'eau au moulin de personne, se récria la grand-mère. Je regrette qu'une seule chose dans l'affaire, c'est que Dodi y soye même pas descendant des Pharaons.
       Pour une mère de Roi, il fallait au moins ça ! Allez Angustias, conclut-elle résignée, donne-moi une tranchette de ton pouding mais fine-fine-fine, à que, si je crève cette nuit, on sache pourquoi !

       (1) - "Habanita" de Molinard et "Mais oui" étaient des parfums, populaires qui ont fait florès en Algérie durant la guerre de 39-45. Après cette date, ils disparurent, laissant la place aux parfums de Paris.
       (2) - Expression espagnole : un tout petit peu.
       (3) - Il y a, en effet, deux sortes de migas (plats populaires et pauvres que l'on trouve de moins en moins en Espagne). Les migas a l’andalouse qui se préparent avec par exemple, un verre de semoule et un verre d'eau que l'on fait revenir dans une poêle chaude, déjà pourvue d'ail bien frit à l’huile. Il faut remuer un long moment pour que le tout ait l'aspect d'un couscous un peu grillé. Ce plat se déguste soit avec de la charcuterie frite (soubressade, longanisse ou boudin) soit avec des sardines salées frites préalablement.
       Les migas aragonnaises sont faites avec du pain rassis. Le pain qui reste, coupé en petits bouts et que l'on humecte bien avant de faire revenir dans une huile où ont été déjà frits avec de I'ail pilé en abondance des grattons ou des dés de petit salé. A un moment donné, lorsque le pain est encore humide, il faut en faire comme une galette que l'on fait dorer. A servir bien chaud avec le même assortiment que précédemment.
       (4) - Expression espagnole : en train de faire des bonds.
       (5) - La Grand'mère aurait-elle peur qu on lui serve de l'eau de Bredeah ?
       (6) – Espagnol : collante.
       (7) - Expression espagnole : propre comme un sous neuf. Brillant de propreté.
       (8) - Expression espagnole signifiant : je regrette infiniment.
       (9) - Mot arabe signifiant : je suis rempli jusqu'au bord.
       (10) - De l'expression espagnole, etchafar la guitara. Ecraser la suprématie des chapeaux de la Reine.
Gilbert Espinal



COMBATS SANGLANTS
ACEP-ENSEMBLE N°286

A KHANGA EL HAMMAM
AU SUD D'AMPERE

       En 1860, alors que les tribus de la plaine et de la montagne jouissaient de tous les biens que donne la paix, une insurrection éclata subitement chez les Ouled-Amor du côté du Hodna.

       Elle faillit entraîner plusieurs tribus de la subdivision de Sétif. Le fanatisme en était seul la cause. Cette insurrection aurait pris une gravité redoutable sans la bonne organisation et la solidarité de nos troupes. C'est dans la fraction des Ouled-Sidi-Rabah, marabout des Ouled -Derradji qu'un homme obscur jusqu'alors apparut : Si-Mohammed-ben-bou-Khemtach qui devait provoquer tant de désastres sur son pays. En peu de jours, cet imposteur réussit avec des promesses fallacieuses à motiver les tribus, huit cents tentes étaient venues le rejoindre et il disposait de mille huit cents fusils, lorsque le colonel Nesmers-Desmaret parti de Sétif et le colonel Pein de Batna vinrent le cerner.

       Si-Mohammed, s'intitulait le khalifat d'un chérif qui devait venir du Maroc, avait établi sa smala grossissant d'heure en heure, proche de la chaîne du Bou-Thaleb. C'est là que retiré sous sa tente, invisible, il était censé recevoir les inspirations du ciel et les faisait communiquer à la foule par ses lieutenants.
       Comment un tel ascendant avait-il pu naître, croître si rapidement ? Pourtant ces populations jouissaient depuis de nombreuses années des bienfaits de la paix la plus féconde et dont les cavaliers avaient vaillamment combattu dans nos rangs dans de maintes expéditions. Un tel changement dans les idées, dans les habitudes avait pu se produire, sans que rien ne donna l'éveil, par une prédiction ancienne, très populaire qui venait de recevoir un commencement de réalisation et les tribus de la plaine étaient convaincues que l'heure du triomphe de I'Islam avait sonné.

       C'est dans ces circonstances critiques, quand l’inquiétude gagnait les tribus que nos goums eux-mêmes montraient une incertitude alarmante, que nos deux colonnes arrivèrent près du camp du chérif, à Kanguet-el-Hammam. Un choc terrible, une affreuse mêlée s'ensuivit, on lutta au corps à corps avec acharnement. La ruine des Ouled-Amor et de tous ceux qui s'étaient laissé entraînés par le chérif fut consommée. Dans la journée le chérif, son principal lieutenant El-Mansouri, furent livrés au général Desmaret, l'autre lieutenant avait été tué dans la mêlée. Les révoltés avaient eu plus de cent tués, nos pertes étaient également importantes, vingt huit tués dont trois officiers et cinquante-six blessés.

       Insurrection sur I'Oued-Kébir.
       Au mois de mars 1864,une insurrection éclatait brusquement dans la Zouar'a du cercle de Constantine avec l'attaque du bordj du Caid de Zeraï.
       L’arrestation immédiate des Kouans de l'ordre religieux de Sidi-Abd-er-Rahman et surtout de leur mokaddem Moulay-Mohamed, ne permit pas à la révolte de se développer.
       Afin de mieux comprendre la suite des événements quelques éclaircissements deviennent nécessaires.

       Peu d'années avant, les deux grandes familles féodales des Ben-Az-ed-Din et des Ouled-Achour se partageaient le pouvoir sur la vaste région montagneuse de l'Oued-el-Kébir, du Ferdjioua et du Babor. Elles jouissaient sur leurs belliqueuses populations d'une autorité absolue et sans contrôle. Trop voisins pour ne pas être rivales, en 1858, une modification avait eu lieu dans l'Oued-el-Kébir à la suite de laquelle, Bou-Renan, le chef de la famille des Az-ed-Din, avait vu son commandement rentrer dans la loi commune. En 1860, les intrigues auxquelles il se livrait, les ennuis qu'il ne cessait de nous créer afin de reconquérir son ancienne influence, nécessitèrent des mesures plus radicales. Bou-Renan et les principaux membres de sa famille durent être éloignés d'Algérie, deux des Az-ed-Din seulement furent maintenus dans les emplois qu'ils occupaient. Quant à la famille des Ouled-Achour, elle continuait à être toute puissante. Ce ne fut qu'en 1862 qu'un remaniement, depuis longtemps projeté, put être opéré dans le pays où son influence dominait. Le cheik Bou-Akkaz, inquiet des plaintes portées contre lui par le plus grand nombre de ses tribus et cédant aux sages conseils de son gendre, Si-Ben-AIi-Chérif, consentit à quitter son territoire, ne plus exercer que des fonctions nominales, largement rétribuées et venir résider à Constantine. L’administration réelle, sous la surveillance de l'autorité française, était confiée à deux Kalifa parmi les membres de sa famille.

       Intrigues.
       Telle était la situation de cette région au début 1864. Les révélations du mokadem Mouley-Mohamed et de ses complices démontrèrent que les Ben-Az-ed-Din et les Ben-Achour regrettant la perte de leur pouvoir et de leur influence, s'étaient réunis afin de reprendre leur pouvoir. Ils poussèrent les populations à la révolte afin de démontrer que sans leur concours nous ne pourrions pas tenir le pays. Par ordre supérieur les uns et les autres furent arrêtés et internés.

       Néanmoins, quelques tribus, notamment du côté du Ferdfioua et du Babor, conservèrent la même attitude sans se livrer à aucune hostilité. L'été peu favorable aux expéditions ainsi que les mouvements qui se produisaient dans le Sud de la province d'Oran, ne permirent pas d'engager une colonne en Kabylie orientale. Pourtant dans cette contrée si agitée, il était nécessaire de montrer notre force, en la faisant parcourir par nos troupes.

       Au mois de septembre 1864, le général Périgot, commandant la province, parcourut à la tête d'une colonne d'environ quatre mille cinq cents hommes, tout le massif de Fedj-Baïnen et de Fedjel-Arbâ, sans rencontrer la moindre résistance. Après avoir réglé les affaires, organisant le pays, il se dirigea vers le Ferdjouia espérant que sa campagne se déroulerait sans incidents.

       Mais dans la nuit du 24, au camp de I'Oued-el-Halib, une vingtaine de coups de feu furent tirés par les Kabyles placés sur les hauteurs voisines. Pendant la marche du lendemain des contingents assez nombreux attaquaient la tête et la queue de la colonne qui traversait la plaine de Maranioun, près de l'Oued-el-Kebir. Le Général ne voulant pas laisser impunie cette provocation, décida que l'on camperait sur les lieux même afin de pouvoir infliger un châtiment aux agresseurs, il lança immédiatement deux compagnies de zouaves sur la hauteur occupée par l'ennemi.


       A midi, le général apprenait que de nombreux renforts venaient soutenir les insurgés réunis au village d'Arbaoun, situé à peu de distance. Le Général fit sortir du camp deux colonnes sans sac avec toute la cavalerie. A l'approche de nos troupes, les contingents abandonnèrent le village pour se positionner sur les hauteurs en arrière. En un instant nos colonnes les culbutent et s'emparent de leurs villages. Dès le soir les populations étaient disposées à entrer dans la voie de la soumission, comprenant qu'elles avaient obéi à des provocateurs contraires à leurs intérêts.


       Au moment où la paix allait être rétablie dans cette région, de graves nouvelles parvenaient du Sud. La défection des Ouled-Si-Hamza de la province d'Oran, s'était propagée et, les tribus du cercle de Bou-Saâda étaient entraînées en partie dans la révolte. Il était indispensable de diriger le plus promptement possible, des troupes vers ces régions afin de maintenir la fidélité des tribus qui ne s'étaient pas encore révoltées. Pressé par ces circonstances, le général Périgot laissa le commandement du Babor au caïd Ben-Habillès en remplacement d'Ahmed-ben-Daradji, gendre de Nou-Akkaz, dont la conduite dans ces derniers temps avait été plus que douteuse. Sa colonne quitta la Kabylie vers les derniers jours de septembre, se porta rapidement sur Sétif pour regagner Bordj-Bou-Arréridj.

       Le caïd Ben-Habillés
       Lorsque la colonne du général Périgot quitta la tribu du Babor, dont la réorganisation avait été effectuée, la situation de cette région sans être complètement raffermie, présentait cependant des garanties qui pouvaient permettre de la quitter pour parer à la situation qui se produisait dans la partie méridionale de l'Algérie. Le caïd Ben-Habillés avait été installé dans ses nouvelles fonctions. La manière dont il s'était acquitté de sa mission difficile qui lui avait été confiée antérieurement à El-Milia, les intelligences qu'il possédait dans le milieu des tribus du Babor, dont on lui remettait le commandement, donnaient l’espoir qu'il parviendrait à surmonter les difficultés inhérentes à l'exercice de son autorité.

       Sans être un étranger dans ce territoire, il n'y possédait pas de parti bien défini et, il allait se heurter contre les rivalités de çofs, plus vivaces que n'importe où dans cette contrée Kabylie. Il avait également à lutter contre le vieux parti du cheik Bou-Akkaz, d'autant plus dangereux que presque tous les cheiks sur lesquels il était forcément obligé de s'appuyer, en faisaient partie. Enfin il fallait qu'il combatte les nouvelles fausses mais que pouvaient confirmer le départ précipité de notre colonne et les insinuations des partisans de Bou-Akkaz.

       Quant aux autres tribus : Ouled-Salah - Beni-Merat - Djermona - Beni-Ismaïl-Amoucha, elles paraissaient s'être complètement calmées à la suite des affaires du Zaouara. Les Beni-Meraï, chez lesquels le malaise avait été le plus profond, semblaient s'être assagis, mais le feu couvait toujours. Ces tribus travaillées par de nombreux agitateurs ne devaient pas tarder à manifester leurs intentions belliqueuses. Ce fut dans la fraction du Babor qu'éclata l'étincelle qui devait bientôt propager la révolte dans toute la région environnante. Le 10 octobre, le caid Ben-Habillés se trouvait chez les Rlchia et les Ben-Zonndaï, occupé à faire rentrer les contributions de guerre.

       Ces populations l'avaient appelé, protestants de leurs bonnes intentions. Subitement les paiements s'arrêtent, des menaces sont proférées pendant la nuit qui suit les paiements, un coup de fusil est tiré contre la tente du Caïd qui doit chercher refuge dans un village de la tribu.

       Quelques jours plus tard, le 29 octobre, l’insubordination s'affirmait. Les Beni-Meraï requis pour un convoi, refusaient d'obéir et allaient attaquer le Caïd dans son bordj. Leur attaque fut repoussée, mais cette nouvelle révolte entraîna de graves conséquences, Les mauvaises dispositions des tribus du Babor à notre égard réapparurent immédiatement. De promptes mesures de sécurité furent prises pour faire face aux dangers les plus immédiats.

       Les ouvriers européens travaillant sur le chantier de Chabat-el-Akra à la construction de la route de Sétif à Bougie ainsi que les compagnies de tirailleurs qui les protégeaient, reçurent l'ordre de se replier sans tarder sur Takitount où ils arrivèrent sans être attaqués. La situation devenait de plus en plus tendue, les tribus révoltées se préparaient à attaquer Takitount et menaçaient les smalas du Caïd Ben Habillès et de celui des Ouled Salah. Les Ouled Salah aidés par des contingents du Babor, passèrent à l'attaque le 14 novembre brûlant le bordj de leur caïd situé dans la plaine des Amoucha, rentrant ensuite dans leur montagne sans s'attaquer aux établissements que la cessation des travaux du Chabet laissait à leur merci.

       Attaque de Takitount - Combats
       dans les massifs montagneux.

       Le 24 du même mois, les Ouled-Salah, les Beni-Meraï ainsi que les tribus du Babor, faisaient une démonstration armée contre le bordj de Takitount, repoussées par les compagnies de Tirailleurs mais qui laissait présager une nouvelle phase de la récolte qui s'amplifiait attaquant non seulement nos chefs indigènes, mais notre autorité même, qu'elle venait provoquer et insulter.

       Le but des dissidents était facile à comprendre. Ils voulaient entraîner par ce coup d'audace, Ies fractions encore hésitantes, les forcer à brûler leurs vaisseaux, en les compromettant de telle façon qu'elles ne puissent faire marche arrière. Les rebelles ne songeaient nullement à s'emparer de Takitount qu'ils savaient défendu par des forces suffisantes. Leur objectif était plus subtil, nous allons voir en suivant les événements, qu'ils réussirent pleinement. Presque aussitôt après l'attaque du chef lieu de l'annexe de Takitount, on signalait de l'agitation chez les Amoucha dont quelques fractions pactisaient ouvertement avec les insurgés, également dans les tribus des Djermouna, des Beni-Tizi, des Beni-lsmaïl, dans la majeure partie du caïdat du Babor, dans le Cercle de Djidjelli.
       Un bataillon fut envoyé pour renforcer la garnison de Takitount, sa présence calmait la tribu des Amoucha mais n'était pas suffisante pour arrêter le mouvement général.

       Dans les premiers jours de décembre, le caïd Ben Habillès qui avait cru pouvoir se rendre dans la tribu des Richia pour y activer la rentrée des contributions, fut attaqué par de nombreux contingents des tribus environnantes. Après avoir résisté toute la journée, retranché dans le village, il dut battre en retraite se retirant au milieu des Beni-Aziz, des Meddialeh et Arbazoun qui seuls paraissaient lui rester fidèles.
       Peu de jours plus tard, le désordre gagnait le Ferdjaoua où la fraction des Oud-Amer assassinait son cheik et occasionnait des troubles sur le marché de l'Arbâ.
                  
    


LE MUTILE N° 11, 1916


LE PETIT SOU DE JULIEN

        Souvenir d'une visite à l'Hôpital Maillot, pour l'arrivée des blessés des Dardanelles. 1915

        On a donné, pour son dimanche,
        A Julien, un beau sou doré.
        Il l'a mis dans sa veste blanche
        Et sort d'un air très affairé.
        Où allons-nous ? lui dit sa mère,
        Au jardin, c'est un peu banal,
        On y va peu depuis la guerre,
        Allons visiter l'hôpital.

        Car du combat sanglant et rude
        Plusieurs blessés sont transportés
        On leur doit la sollicitude,
        Quelques doux mots bien mérités.
        Dans les salles une foule intense
        S'agite et tous les regards
        Se fixent avec bienveillance,
        Sur ces martyrs aux fronts blafards.

        Ce beau garçon brun qui, farouche,
        Regarde cette haie de curieux,
        Est amputé et sur sa couche
        Une jambe reste sur deux !
        Celui-ci, c'est dans la poitrine
        Qu'un sraphnell le frappa.
        Sa joue est pâle, et sa main fine, Trace une lettre au papa.

        Et cet autre, comme une femme
        Pleure et ne sait ce qu'il dit,
        Il a vingt ans et dans son âme,
        Le lys sans cesse refleurit
        Il pense à sa pauvre mère,
        A la moisson qu'il ne fait pas,
        Il se lamente et désespère
        Car un obus lui prit son bras.

        Et de cette ardente jeunesse
        Il ne reste que des lambeaux,
        Mais un rayon brille sans cesse
        Sur ces jeunes fronts de héros !
        Sur leurs lits, languissants et tristes,
        Ils suivent tous, distraitement,
        Ces gens que, ce spectacle attriste,
        Muets, émus d'étonnement !

        Des cigares, des friandises,
        Sont installés sur tous les lits,
        Ils vont de surprises en surprises
        Nos chers petits soldats meurtris !
        Prés d’un blessé des plus timides,
        La mère et l'enfant sont penchés,
        Sûr eux, ses grands yeux noirs, humides.
        Reste longuement attachés !

        julien est triste et se désole
        Car il n'a plus rien à offrir,
        Sa mère pourtant le console
        Lui promettant de revenir !
        Tout à coup son front s'illumine
        Et d'un geste très empressé,
        Le cœur battant dans sa poitrine,
        Il offre son sou au blessé !
       

J. B.               

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63ème anniversaire du 26 mars 1962
Envoyé par M. José Castano
Par Mme Simone Gautier

"Le jour j'ai imploré la malédiction
définitive sur ces assassins"

       Simone Gautier, rappelée à Dieu le 27 novembre 2024, avait laissé en 2004 un témoignage personnel particulièrement fort et émouvant sur l'assassinat de son mari, l'ancien lieutenant de vaisseau et commando Marine Philippe Gautier, lors de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger, rue d'Isly, par l'Armée Française. Nous le reproduisons ici dans son intégralité.
       « Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente. »
       (Albert Camus)


       Plus de quarante ans ont passé et il faut que je me souvienne puisque je me lève, je parle, je marche, puisque, enfin, je suis sortie de ma tombe de silence. Il faut que je parle.
       C'était le siège de Bâb el Oued. Nous habitions à El Biar. Ce jour-là je me suis réveillée avec de l'angoisse. « Les événements » étaient éprouvants. Cela n'allait pas bien du tout. En accord avec Philippe, je décidai de rester à la maison et de garder les enfants avec moi. Mon mari avertirait que je n'irai pas travailler.
       À midi, il est rentré pour le déjeuner. Il avait l'air soucieux, comme triste aussi. Les enfants le sollicitaient beaucoup. Il m'a seulement dit qu'il avait vu un spectacle affreux. Il me semble me souvenir qu'il était passé par le haut, par les Tagarins. II avait vu un soldat ou un gendarme, je ne sais plus, tirer sur une colonne de boites de lait destinée aux enfants de Bâb et Oued enfermés dans leur enfer, un ghetto.

Bâb el Oued,
le Budapest enseveli

       Bâb el Oued, isolé, était devenu Budapest. Soldats, gendarmes et C.R.S encerclaient le quartier avec des barrages de fil de fer barbelés. Les chars tiraient sur les façades, les blindés écrasaient les voitures, les CRS brisaient les vitrines, saccageaient les appartements. Tous les hommes avaient été arrêtés. Plus de téléphone, plus de vivres, plus de médicaments, plus de lait pour les enfants. Et les forces de l'ordre, ivres de rage et de toute-puissance ne peuvent plus se retenir, continuent de saccager et de détruire minutieusement. Ils éventrent les meubles, les matelas, brisent les télévisions, la vaisselle, les bibelots, les jouets. Une petite fille est tuée sur son balcon. L'aviation s'en mêle et arrive en renfort. Tout était interdit et aussi d'enterrer les morts et de soigner les malades et de faire venir les médecins.
       Pendant quatre jours Bâb et Oued était devenu Budapest enseveli sous les décombres dans un couvre-feu intégral. Quels sont ces sauvages, où est la France ?

       Le prétexte à cet écrasement enragé hystérique était de chercher les hommes de l'OAS, qui eux avaient filé depuis longtemps.
       Le petit peuple de Bâb et Oued doit « payer ». Bâb et Oued, c'était notre fierté. Bâb et Oued avait le goût de la vie.
       De cela nous n'en parlons pas à cause des enfants qui veulent jouer avec leur père. Nous restons silencieux, dans nos pensées.
       Philippe me dit qu'un tract circule en ville, appelant toute la ville à une marche pacifique, de solidarité, vers Bâb et Oued pour tenter de lever le siège.
       Et puis il est reparti pour se rendre chez IBM, boulevard Saint-Saëns où il travaillait, et il a, peut- être, décidé de se rendre auparavant à la manifestation en faveur de gens de Bâb et Oued. Cela je ne le saurai jamais.

Dans le guet-apens... de la Grande Poste

       On a retrouvé sa voiture sur les quais en raison des barrages et des cordons de soldats, de gendarmes. Il a remonté le boulevard Baudin, le boulevard Laferrière et il a marché vers le « plateau des Glières ». Il s'est trouvé pris dans la nasse, dans le sac, dans ce guet-apens... de la Grande Poste... un vrai traquenard... Un choix symbolique et stratégique pour une tuerie... Pour massacrer ces pauvres combattants sans armes qui n'avaient que leur solidarité à offrir et des drapeaux pour l'honneur...
       Le plateau des Glières où se trouvait le Monument aux morts de ceux tombés pour la France pendant les deux grandes guerres... Mon grand-père avait déjà donné sa vie pour la France à Verdun en 1915. Il a mis des jours à mourir dans son boyau plein d'eau, sans secours, intoxiqué par les gaz.
       J'ai passé l'après-midi avec les enfants et je n'ai pas écouté la radio. Et puis, le soir est venu avec le couvre-feu. Philippe ne rentrait pas.
       J'ai téléphoné à mon père lui disant que Philippe n'était toujours pas là : «S'était-il passé quelque chose » ? Mon père a poussé un cri, je crois, me disant qu'il allait le chercher : « Il pouvait être pris dans les différents couvre-feux » ?
       Je ne sais pas comment j'ai fini de m'occuper des enfants. Comment j'ai passé cette nuit ? Je ne sais pas. Je n'en ai pas de souvenirs. Mais j'avais froid et je suis allée chercher la veste de Philippe qui sentait bon l'Amsterdam, pour y dormir dedans.

       Au matin, les enfants déjeunaient et mon père est passé devant la fenêtre de la cuisine... Alors j'ai compris... Il me semble que je tombe... les enfants crient... et puis, je ne me souviens plus... sauf que j'entre dans l'hôpital Mustapha et là une autre moi se met à hurler, que j'entendais de loin et qui m'assourdissait pourtant. La douleur naissait au creux du ventre, montait en s'irradiant, arrivait dans ma poitrine comme une brûlure intolérable et le hurlement s'échappait tout seul de ma gorge avec mon souffle. J'ai couru m'enfermer dans le service du docteur Sutter, chez qui j'avais fait un stage. Je ne me souviens plus combien de temps je suis restée là à hurler.

       

Je me suis mise à mourir...

       Et puis on est venu me chercher pour m'amener dans une grande salle où des corps tout nus étaient allongés, en vrac, par terre. Il fallait passer par-dessus, c'était un spectacle effroyable, tous ces corps mutilés entortillés de bandages au milieu desquels je le cherchais.
       Philippe était dans une salle, habillé, et il était allongé sur une table. On l'aurait donc amené vivant, et laissé mourir sur cette table ? II avait un gros pansement sur le côté de la tête. Il n'était pas défiguré, il était lui. Je me suis jetée sur lui alors que tout s'en allait de moi.
       Je me suis mise à mourir. J'ai dû passer l'après-midi avec lui, le serrant dans mes bras, l'embrassant. Et puis on m'a arrachée à lui. Et puis, je ne sais plus... Les jours suivants... Les défaillances de ma mémoire me protègent sans doute, encore aujourd'hui, des gouffres de l'horreur et de la douleur, de ces trous noirs et béants où il n'est plus rien. Je suis retournée, au plateau des Glières, place de la Grande Poste, avec Martine, ma fille. Je l'entendais qui disait « maman a du chagrin, il faut la laisser », tandis que j'embrassais chaque pavé où avait dû couler son sang.

       Philippe, cité à l'ordre de la Brigade et à l'ordre du Régiment, pendant son service militaire, pour avoir à chaque fois ramené ses hommes, s'était fait tuer d'une balle dans la tête, de façon délibérée, par l'armée française, comme on achève les chevaux ou plutôt un chien enragé. Achevé à bout portant, il a vu la mort arriver. De quel côté se trouvaient donc les bêtes sauvages ? Philippe, cité de façon élogieuse par cette même armée qui parlait d'honneur, de courage, de valeur... Je n'ai pas besoin de consulter les archives pour reconnaître dans cette sauvagerie et cette haine une volonté délibérée, calculée, préméditée... La violence de cette cruauté sur lui, cette mort humiliante infligée à un homme courageux et généreux, oui si généreux, cette violence s'est emparée de moi. Je crois qu'on peut mourir de chagrin, devenir fou, ne pas revenir...

"Le jour où j'ai imploré la malédiction définitive sur ces assassins"

       J'ai entassé tout ce qu'il y avait dans l'appartement, je voulais y mettre le feu, mais je n'ai fait que tout casser. J'ai maudit la France pour sept générations, j'ai supplié Dieu qu'il existe afin qu'il refuse à tous ces gouvernants tout espoir de rédemption. J'ai prié de toutes mes forces pour que ces donneurs d'ordre périssent par le feu, le fer le sang, que ces faiseurs de destins trahis au nom de la loi que ces faiseurs de belles paroles, crachats pleins de pus, croupissent en enfer à jamais. J'ai invoqué la malédiction définitive sur ma patrie, l'Algérie, et sur ce pays, la France, que j'avais tant aimée à l'école. J'ai supplié que toutes les souffrances des corps et des âmes soient à jamais réservés à ceux-là : les entendre gémir, supplier, crier de terreur, courir de terreur... et mourir dans le caniveau... Je serai là, pour les venger...
       Et puis, je me suis arrêtée de hurler.

La valise - ET - le cercueil !

       J’ai emmené les enfants au pays de leur père dont il était si fier. J'ai fait la valise. Pour mes enfants et moi, ce n’était pas la valise ou le cercueil ; c'était, pour nous, la valise et le cercueil... Nous n'avons pas trouvé les français, nous avons trouvé des gens qui ne nous aimaient pas.
       Mes enfants, eux, étaient Français.
       Nous l'avons ramené dans son pays. Je ne sais plus comment je me suis retrouvée en Bretagne chez ses parents tout de suite après le 26 mars : tout était interdit à Alger.

       Nous avons attendu son cercueil pendant cinq horribles jours, ce cercueil qui sillonnait la France, depuis on ne savait quel port d'arrivée. Je crois me souvenir que mon père avait tout acheté au marché noir. II avait embarqué son cercueil à la sauvette, dans la nuit, dans le couvre-feu, sur le premier bateau, en partance pour la France, qui l'avait accepté ; cercueil que la loi nous interdisait d'honorer.

       Il a été inhumé le 2 avril 1962, dans le petit cimetière d'Arzon, dont fait partie Port Navalo. C'est sur « la tombe du petit mousse » qui surplombe toute l'entrée du golfe du Morbihan que nous avions échangé nos premiers serments, si romantiques, de ne jamais nous quitter et de mourir ensemble.

       Je me suis enfermée dans 42 ans de silence. Je n'ai plus jamais parlé. À personne. J'ai trouvé refuge auprès de ceux qui étaient dans la peine.

       Je les accuse, aujourd'hui encore, et demande repentance !
       Aujourd'hui je peux témoigner de quelques souvenirs. Mes enfants ont grandi dans la douleur de la disparition incompréhensible, indicible, de leur père. Si aujourd'hui le temps n'est plus des malédictions et des désirs de vengeance, si l'héritage que je laisse à mes enfants est un héritage de douleur, ils sauront le transformer, le reprendre à leur compte et accomplir leur destin où ils le voudront et en être les maîtres. La fille de notre fille, notre petite-fille, celle qui va avoir vingt-deux ans, déjà, m'a rassurée : « Je viens de cette histoire, je l'aime, j'en suis fière et j'en prendrai soin. »

       Le temps des historiens est venu et leur travail de vérité et de mémoire m'est consolateur. D'autres se sont battus, d'autres se battent encore.
       Mais pour moi, aujourd'hui, c'est toujours le temps des accusations. Je « les » accuse, car ils sont toujours là, d'assassinat, de meurtre prémédité sur ces pauvres gens et sur la personne de mon mari. Je demande repentance.

       Hélas, aujourd'hui encore, le deuil de la tuerie du 26 mars 1962 est interdit : profanation de leur mémoire, sacrilège porté à leur humanité. Ils n'en finissent plus de mourir pour la deuxième fois. Comment cela se dit en français, en bon français : la mère qui tue son fils ?
Simone Gautier
Publié par SECOURS DE FRANCE

       NDLR : Texte rédigé le 26 mars 2004 et repris ici de la revue de presse de nos amis de Bâb el Oued Story, mise en ligne sur la Toile fin novembre 2024.
       Le titre et les intertitres sont de la rédaction.


Mon accent...
Par M. Marc Donato
À propos du texte Mon accent dont il est fait mention dans le dernier numéro de La seybouse.

          Octobre 1964, un village au fin fond de l’Alsace profonde au gré d’une nomination par l’Administration au retour d’Algérie.
          Ce samedi après-midi-là, la famille est réunie devant le poste de télévision en couleurs (le noir et le blanc !) acheté récemment.
          Sur l’écran, une émission de Jean Nohain, 36 chandelles.
          Et puis, Henri Vibert, un acteur marseillais connu dans le monde du théâtre et du cinéma se met à déclamer :
          - De l’accent ! De l’accent ! Mais après tout en ai-je ?
          Pourquoi cette faveur ? Pourquoi ce privilège ?
          Et si je vous disais après tout, gens du Nord,
          Que c’est vous qui pour nous semblez l’avoir très fort…
          Plus un mot dans la famille. Le cœur à fleur de peau.
          Tu parles, on en est encore tout sanguinolents de notre exode.
          Et l’autre qui enchaîne !
          - Lorsque loin du pays le cœur gros on s’enfuit…
          Oh ! Fan de pied ! Les mouchoirs sont trempés !
          Et le Vibert qui en rajoute une couche :
          - C’est pour les malheureux à l’exil obligés
          Le patois qui déteint sur les mots étrangers.

          Enfin, il y en a cinq minutes comme ça. La soirée sera tristounette.
          Le lendemain, je prends mon Bic et j’écris au producteur de l’émission.
          « Pardon, Monsieur, je voudrais savoir qui a écrit ce texte... Où c’est qu’on peut le trouver… Et cetera et cetera… »
          Quelques semaines plus tard, je suis tout étonné de recevoir une lettre de Jean Nohain qui me fait part de ses sentiments sur nos sentiments à nous et qui m’écrit tout simplement :
          « Ce texte était tiré d’une pièce de théâtre intitulée La fleur merveilleuse, écrite par un écrivain d’origine basque espagnole, Miguel Zamacoïs. »
          Merci, Monsieur Nohain.
          Mais, hasard ? Coût du sort, voilà-t-il pas que, me rendant un jour chez mon libraire, je trouve sur la barquette où il présentait les soldes, tout au-dessus, La fleur merveilleuse de Zamacoïs. Il est parfois de ces coïncidences !
          J’ai acheté le bouquin pour 3 francs 6 sous et j’ai lu cette pièce de théâtre qui a des relents de Cyrano de Bergerac. Tirade des nez vs Mon accent. Depuis, j’ai mémorisé ce superbe morceau d’anthologie et je le récite très fréquemment. Comme Georges Costanzo, je l’ai trituré, adapté, bônoisé… C’est toujours une joie de le déclamer… avec une pointe d’accent. Et il fait toujours son petit effet parce que dans l’assistance, chacun s’y retrouve avec son propre accent.
          - Ceux qui n’ont pas d’accent, je ne puis que les plaindre…
          Wikipedia m’a téléphoné un jour pour m’apprendre que « Miguel Zamacoïs avait été un écrivain né à Louveciennes (78) en 1866, mort à Paris en 1955. Il a écrit pour le théâtre Bohemos, Le gigolo, La fleur merveilleuse... Sa principale pièce, Les bouffons, est une comédie fantaisiste et lyrique, pleine d'esprit, de verve et à la versification des plus adroites. »
Mars 2025 - Marc DONATO


Algérie catholique N°11, 1937
Bibliothéque Gallica

LA MAISON DE RETRAITE
DU CLERGÉ D’ALGER

      Là haut, à la Colonne, un petit chemin à droite.
      Au bout de ce chemin une ravissante bâtisse précédée d'une chapelle ornée d'une croix et que vous apercevez au travers d'une grille qui, elle aussi, porte, à son sommet, le signe de la Rédemption.
      De grands pins dominent cette entrée. Tout à côté un parc qui nous rappelle les vieux vestiges de Mustapha-Supérieur.
      Le silence, le calme. Entrez, une faible clochette avertira de votre venue. En face de vous la croix dont je viens de vous parler, la croix qui domine tout, la croix qui se détache en gris sur le fond ocre jaune. Vous êtes dans une maison de Dieu.

      Une maison de Dieu très moderne, la maison des vieux prêtres retraités.
      Les vieux prêtres ! Vous doutez-vous ce que peut être la vie d'un vieux prêtre ?
      A l'âge où vous commenciez à songer à goûter aux joies de cette vie..., joies relatives mais tangibles..., un jeune homme, qui avait la foi parfaite, a senti que Dieu l'appelait à lui, qu'il pourrait, sur cette terre, aider, avec toute la faiblesse des moyens humains, le divin Créateur à gagner des âmes.
      Quand vous vous amusiez, il se recueillait, se confinait en lui-même, fidèle à sa vocation.

      Au régiment vous l'avez vu, à côté de vous, assurant, comme vous, service et corvées... avec peut-être, en plus, un sourire que vous n'aviez pas toujours. Il l'avait, lui, parce qu'il pensait que ces tâches médiocres et terre à terre, il les accomplissait pour la plus grande gloire de Dieu.
      Puis le Séminaire l'a repris et un jour il s'est prosterné devant l'Autel, la tête dans ses mains, au moment de la décision suprême. Il a, à cet instant tout abandonné, même sa maman, pour se donner définitivement à Dieu.
      Il a été vicaire puis curé, dans une cure quelconque, souvent au milieu de mécréants, d'ennemis qu'il n'est arrivé à conquérir que par sa douceur et sa volonté de rester au-dessus des querelles humaines.

      Puis, peu à peu, les années ont passé, tout a disparu lentement... ces amis, ces ennemis, sa famille, tout... tout.
      Le vieux prêtre est resté là, seul, en proie aux misères physiques humaines, en proie aussi, en général, à la pauvreté. Avez-vous, en effet, déjà songé à la somme dérisoire qui permet au prêtre de vivre ?

      Le désespoir, certes, ne l'a pas envahi puisqu'il n'a qu'un espoir : Dieu.
      Mais Dieu, dans sa suprême sagesse, a voulu que la carcasse humaine soit faible et, un jour, le vieux prêtre a senti qu'il n'en pouvait plus, que ses forces l'abandonnaient. Que devenir ? Dans la plupart des cas, autrefois, il ne lui restait pas d'autre solution que de s'éteindre doucement, sans soins, sans aide.

      S. E. Mgr Leynaud s'est senti ému de cette triste situation et, grâce à sa volonté, grâce à la générosité de fidèles et, aussi, de prêtres plus fortuné, la maison de retraite des vieux prêtres a été créée. C'est celle dont je viens de vous décrire les abords.
      L'autre matin, S. E. Mgr Leynaud nous a conviés à son inauguration.
      Chaque prêtre a une chambre claire, aérée et bien meublée. Des salles communes, réfectoire ou bibliothèque, des salles de bain modernes, la T.S.F. lui assurent le confort désirable. Rien n'a été omis. M. Vasselon, l'architecte, me permettra de lui dire combien j'ai admiré sa conception dans les moindres détails et, notamment la science avec laquelle il a su répartir la lumière affaiblie ne souffrent ni de son excès, ni de son insuffisance.

      S. E. Mgr Leynaud a inauguré cette maison dans la joie. Prêtres et laïques bienfaiteurs, architecte, entrepreneurs, maçons, manœuvres avaient été invités et, pour chacun, il a eu le mot aimable de remerciement.

      A côté de lui, un vieux curé, un de ceux que cette œuvre admirable a mis à l'abri du besoin, pleurait, silencieusement, de joie et de reconnaissance.
      Je laisse à d'autres le soin de citer des noms. Je ne les connais point. Peut-être même ces bienfaiteurs ne veulent-ils pas être connus ?
      N'ont-ils pas été payé de leur zèle par les larmes du curé de la Bouzaréah ?
      Et maintenant, si le Bon Dieu a bien voulu vous faire la grâce de ne pas être dans le cas de ces vieux prêtres, s'il vous a donné le nécessaire, de telle façon que ces organismes même un peu moins que le nécessaire car « le nécessaire est une formule élastique», n'oubliez pas les vieux prêtres qui vous ont, peut-être élevés, qui certainement, ont fait de vous des chrétiens.
      Le « nécessaire » ! On a toujours un peu plus que le nécessaire... et on peut se rappeler que l'Association Diocésaine d'Alger est moderne, comme nous devons l'être tous, qu'elle a un numéro de compte aux chèques postaux.

      Allons ! ! ! Un petit effort de mémoire et de bonne volonté : 121.68. Je puis compter sur vous ? Merci.

      Tous nos éloges vont aux Entreprises qui ont contribué à rendre un séjour parfait aux braves vétérans du Clergé algérien.
      Entreprise générale : Ets Haour frères, Dir. Rajon, 8, rue Lacanoud, Alger ; Menuiserie : V. Navarro, El-Biar ; Plomberie sanitaire : Calafat et Issert, Maison-Carrée ; Peinture, Vitrerie : Demicheli frères, Alger ; Stores : Baumann, Agence d'Alger, Dir. Loewer, Alger; Carrelages : Meley, Cimenterie « Atlas », Alger ; Etanchéité : «Le Mammouth», Eberlé, El-Biar.
F. MAUCOURT.


Splendeurs et Parfums Culinaires
de Tunisie
La Cuisine Juive de Gustave.
Recettes
De Gustave Meinier-Nahum
(recueillies et rapportées par Mme Lyne Sardain-Mennella +)
et de Mme Josiane Rachel Guez-Sultan
( Recueillies et rapportées par M. J-C Puglisi )

SOMMAIRE
    3°/ Plats chauds ou froids :
   - Poivrons de la veuve.
   - La Chtira.
   - Poisson malin.
   - Couscous au poisson.
   - Autre recette tunisienne de Couscous au poisson.

        Poivrons de la veuve :
        1 beau poivron vert doux par personne.
        Farce avec : mie de pain ( 1 baguette pour 6 poivrons ) trempée dans de l'eau et essorée + 1 hachis d'ail et d'oignon (très peu) et persil + 2 oeufs frais + 1 cuillérée à soupe rase de kamoun + 1 cuillérée à dessert rase de karouya + sel et poivre.
        1 sauce tomate avec : des tomates fraîches + 1 petite boite de concentré de tomate + ail et oignon + karouya + huile d'olive + sel et poivre.

        Préparer la sauce tomate.
        Farcir les poivrons. Cuire doucement les poivrons farcis à l'étouffée dans la sauce tomate.

        La Chtira.
        1 kg de poivrons verts doux.
        1 kg de tomates fraîches mûres.
        ½ tête d'ail. Sel et poivre.
        1 cuillérée à soupe rase d'harissa.
        2 à 3 oeufs frais battus en omelette.

        Faire griller les tomates et les poivrons, puis, les peler et les épépiner.
        Dans une poêle, faire dorer doucement l'ail écrasé à l'huile d'olive.
        Ajouter : les tomates et les poivrons coupés en morceaux + l'harissa.
        Laisser cuire un moment.
        Ajouter les oeufs frais battus en omelette.
        Cuire lentement à feu très doux. Rectifier l'assaisonnement.

        Poisson malin.
        1 beau poisson blanc débité en tranches : mulet ou autre poisson blanc.
        1 tête d'ail. Sel et poivre.
        4 belles tomates bien mûres.
        1 boite moyenne de concentré de tomate.
        1 cuillérée à soupe de kamoun, d’harissa et de karouya.

        Faire dorer l'ail pilé dans de l'huile d'olive.
        Ajouter : les tomates pelées et épépinées coupées en morceaux + le concentré de tomate dilué dans 1 verre d'eau + le kamoun, la karouya et l'harissa + sel et poivre.
        Laisser mijoter la sauce un moment, puis, incorporer les tranches de poisson et poursuivre la cuisson 10 à 15 minutes environ.
        Servir chaud ou froid.

        Couscous au poisson.
        1 beau poisson blanc : Mulet, Mérou ou Loup.
        Légumes : carottes + navets + courgettes + courge rouge + pommes de terre + 1 branche de céleri + pois chiches.
        Fumet de poisson* : tête du poisson + eau + 1 cuillérée à café de karouya + 1 cuillérée à soupe de poivre rouge + 1 à 2 doses de s safran + sel et poivre.
        2 à 3 gousses d'ail + 1 oignon.
        2 à 3 belles tomates bien mûres.
        1 kg de Couscous.
        Sauce à incorporer aux grains de couscous avant de servir : hachis d'ail, de persil et de menthe fraîche + 1 verre d'huile d'olive.

        Accompagnement :
        - Poivrons doux verts frits + sel et poivre + karouya + zeste de citron.
        - Boulettes de poissons blancs.
        La Sauce:
        Faire un fumet de poisson avec la tête et les ingrédients nécessaires.
        Passer au chinois et réserver le fumet ainsi obtenu.
        Faire revenir à l'huile d'olive : l'ail finement haché + l'oignon ciselé + les tomates pelées et épépinées coupées en morceaux + les légumes débités en tronçons ( sauf les courgettes qui seront gardées entières ) + les pois chiches.
        Ajouter à la préparation : le fumet de poisson + 1 cuillérée à café de karouya et de poivre rouge + 1 à 2 doses de safran.
        Laisser mijoter doucement.
        Enfin, intégrer les tranches de poisson et laisser cuire de 15 à 20' à feu doux.
        Le Grain de couscous :
        Préparer les grains de couscous en se conformant aux indications de l'emballage ( de nos jours utiliser le délicieux couscous TIPIAK aux épices du monde prêt en 10’ )
        Avant de servir, incorporer aux grains : le hachis d'ail, persil, menthe fraîche et 1 verre d'huile d'olive.
        Accompagnement :
        Poivrons doux verts frits à l'huile d'olive et assaisonnés avec : sel et poivre + karouya ( carvi de Hollande ) + 1 zeste de citron.

        Boulettes de poissons blancs : ( recette tunisienne )
        Hacher 350 g de filets de poissons blancs frais ou surgelés.
        Incorporer : 1 hachis d'ail, persil, menthe fraîche + 350 g de mie de pain rassis trempée à l'eau et essorée + 2 jaunes d’œufs frais + sel et poivre.
        Façonner des boulettes moyennes légèrement aplaties dans leur partie médiane.
        Passer à l’œuf battu, fariner et frire à l'huile.
        Retirer sur Sopalain, puis, laisser mijoter un court instant (10') dans un peu d'eau bouillante + curcuma ( kourkoub en Arabe : épice semblable au safran, tirée d’une racine ).

        N.B : * il est possible d'utiliser de la soupe de poisson en boite à la place du fumet.

4°/ Autre Recette de couscous au poisson,
d'origine tunisienne.

( Relevée dans le magazine " ELLE " N° 1 de Mars 1999.)

Auberge de la Fenière à LOURMARIN : Guy et Reine SAMMUT.

   Ingrédients : ( pour 6 personnes.)
        1 kg de poissons de roches.
        2 kg de daurade.
        350 g de filets de merlan.
        350 g de pain.
        1 kg de carottes.
        1 kg de courgettes.
        3 poivrons rouges. - 1 poivron vert.
        1 pied de céleri branche.
        6 fonds d'artichauts.
        3 oignons. - 5 gousses d'ail.
        6 tomates.
        ½ litre de vin blanc.
        2 oeufs.
        1 c. à c. de 4 épices. - 1 c. à c. de ras-el-hanout.
        5 brins de fenouil sauvage.
        Huile d'olive.
        Harissa.
        500 g de Couscous moyen.
        2 doses de safran + 1
        2 gousses d'ail. 1 botte de persil.
        Pour le bouillon :
        Faire revenir 1 oignon haché dans de l'huile d'olive avec 2 gousses d'ail, 3 tomates coupées en morceaux et les poissons de roches entiers non éviscérés, 1 dose de safran, sel et poivre, le vin blanc + ½ litre d'eau. Cuire 1 heure et passer au moulin à légumes.

        Dans un couscoussier :
        - Faites revenir 3 gousses d'ail et un oignon hachés dans un peu d'huile d'olive. Ajouter : le poivron vert + 3 tomates coupées en morceaux + ½ botte de persil haché.
        - Verser le bouillon et ajouter 1 c. à c. de ras-el-hanout ( 4 épices ) et laisser cuire 15'. Ajouter : les carottes épluchées + les branches de céleri - cuire encore 15'.
        - Ajouter : les fonds d'artichauts + les courgettes + les poivrons rouges épépinés et coupés en 2 - laisser mijoter encore 20'.
        D'autre part, faire cuire au four - thermostat 4-5 / 140° pendant 1 heure : la daurade salée, poivrée, et arrosée d'un filet d'huile d'olive.

        Pour les boulettes :
        - Faites tremper le pain 15' dans un verre de lait, essorer et mixer-le avec les filets de merlan.
        - Ajouter 1 oignon et ½ botte de persil haché, 1 c. à c. de 4 épices, sel, poivre et 2 oeufs.
        - Former les boulettes et faites-les frire dans une poêle dans un peu d'huile d'olive.
        - Terminer la cuisson en les mettant sur les légumes dans le couscoussier.

        Préparation de la semoule du couscous :
        - Verser la graine dans une passoire à petits trous et arroser avec de l'eau. Égoutter et arroser avec 2 c. à soupe d'huile d'olive, saler, poivrer, mélanger avec les mains et laisser gonfler 5'. Puis rouler la graine entre les mains.
        - Mettre dans le haut du couscoussier et cuire 10' sur le bouillon. Laisser reposer 10'. Ajouter 1 dose de safran, 2 gousses d'ail et de persil haché.
        - Mélanger et laisser cuire encore 10'.
        - Servir à part la graine et dans un grand plat le poisson avec les boulettes et les légumes. Prélever un bol de bouillon de cuisson et mélanger selon votre goût avec 1 à 2 cuillérées d'harissa.

        N.B :
        - On appelle poissons de roches toutes sortes de petits poissons utilisés pour la soupe.
        - Pour gagner du temps, faites le bouillon la veille, ou remplacez-le par une soupe de poisson vendue au rayon frais des supermarchés, ou bien, par une soupe surgelée.
        - La Daurade peut-être remplacée par un Loup, ou des tranches de Mérou.
        - Cette recette tunisienne a été léguée à Guy Sammut par sa mère tunisienne, fille d'un Maltais et d'une Sicilienne.
Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.


AGRESSION DU COMMISSAIRE DE POLICE
Bonjour, 137 du 2 octobre 1934
journal satyrique bônois.

       Alors qu'il était revêtu de son uniforme et ceint de son écharpe, M. Maraval, Commissaire de Police, à l'occasion de ses fonctions, est frappé et blessé par M. Pantaloni, Maire de Bône, en présence d'une foule d'indigènes.

       Lettre ouverte à M. le Gouverneur Général.

       Monsieur le Gouverneur Général,
       Une fois de plus, un simple journaliste se permet d’élever la voix jusqu’à vous, il vous fera remarquer que depuis la parution de son journal, on a pu l’accuser d’une critique acerbe, on a pu dire de lui que sa polémiqué est scandaleuse comme toutes les polémiques. On ne l’a jamais inculpé de mensonge.

       Il a pu persister dans son attitude parce qu’il est libre de toute attache. Lorsqu’il examine un événement de la rue, il ne prend point la peine de doser les renseignements qu’il publie au compte-gouttes de la politique locale, il ne prête aucune attention aux ménagements que l’on doit, parait-il, ici, a la chèvre pantaloniste et au clan de M. Sarda. Il n’a qu’un souci, constant, celui d'exercer ses droits de citoyen libre au seul bénéfice que la paix dans le travail pour tous et de réclamer, pour tous, la liberté d’opinion.
       C'est ce qui a fait sa force et c'est pour cela, probablement, que le très haut personnage que vous êtes, a pris la peine, plusieurs fois, de se pencher sur les problèmes qu’il vous a publiquement soumis, il vous en exprime sa reconnaissance profonde.

       Nous l'avons déjà écrit, Monsieur le Gouverneur Général, la ville de Bône n'est pas heureuse. Elle est comme oppressée dans l'attente d'un coup de force qu'elle redoute et dans la constatation journalière d'altercations, Ies provocations et insolences sans nom qui sont le fait de l'homme qui devrait assurer sa tranquillité, de son Maire en personne, aussi de quelques individus, sans profession définie, qui l’entourent celui-ci et sont sa garde particulière, ses lieutenants intéressés et ses propagandistes actifs.

       Les événements se précipitent. Le processus est impressionnant. Nous ne rappellerons que pour mémoire, les gestes obscènes faits publiquement à la terrasse d'un café par le Maire de la ville. Il y a quelques jours, en pleine audience de la Justice de Paix et à propos d'une misérable affaire de fourrages qui avaient été déposés en zone interdite par un de ses amis qui s'était mis en contravention, transformant intentionnellement le prétoire en salle de réunion publique, M. Pantaloni, Maire de Bône, a traité de lâche, M. Périn, Commissaire Central, qui était absent. Quelques heures après, alors qu'il avait fait appeler dans son cabinet un père do famille, un israélite, qu'il accuse de ne pas penser comme lui, il le faisait souffleter à tour de bras par un indigène dont le Commissaire de Police pourra vous remettre le dossier, de ce chef, et pour d'autres motifs encore, le Palais de Justice de Bône entend prononcer trop souvent le nom du premier magistrat de la ville à titre d'inculpé.

       Dans la rue, la semaine suivante, voir notre journal du 30 septembre M.Pantaloni, devant témoins, a tenté de faire assaillir, par un de ses assommeurs, un journaliste qui passait à quelques mètres de lui. Enfin, avant-hier, le même personnage, en présence de plus de deux mille Arabes, se jetait sur M. Maraval, Commissaire de police, lequel revêtu de son uniforme et ceint de son écharpe exerçait ses fonctions, le frappait et le blessait avec assez de gravité puisque deux médecins, quelques instants après, délivraient à ce fonctionnaire des certificats.
       Ne trouvez-vous point que ce Maire exagère ?

       Il est probable que ce magistral municipal a reçu, déjà, des observations, il est possible qu'il ait été objet de blâmes administratifs dont il ne se vante point. Mais le public n'en sait rien. Et, tandis que la population honnête et paisible s'effare, les prétoriens de M. Pantaloni triomphent sans mesure et redoublent leurs insolences et leurs provocations. Ils n'ont qu’un cri que l’on entend trop : « Nous sommes les rois de Bône ». Il semble que M. Pantaloni soit au-dessus et qu’il jouisse d’une immunité spéciale que personne ne comprend.
       Ne trouvez-vous point que c’en est assez ?

       Il est abominable, nos confrères l'ont fait remarquer avant nous qu'après les lugubres événements de Constantine et pendant la période de tension que subit le département le Maire d'une ville de 70.000habitants, qui est la plus française de toute l'Algérie, profite des plus dangereuses occasions et dans des buts électoraux que tout le monde connaît, pour accomplir, notamment devant une foule d'indigènes assemblés, et qui en conserveront le souvenir, des gestes d'insolence, d’insultes et de brutalité contre des fonctionnaires qui sont les gardiens de la loi française et de l'ordre public et que ce Maire, justement, devrait, dans tous les cas, faire respecter.

       Il est nécessaire de vous le dire, les Israélites que, malgré tout, M.Pantaloni n'a pu terroriser et les autres Français commencent à s'énerver. Il se pourrait qu'une action fort vive éclatât, dans un délai imprévisible, à l’occasion du méfait nouveau que ce Maire incorrigible ne manque pas de commettre. Vous êtes persuadé que cette éventualité doit être évitée à tout prix.

       Nos concitoyens ne s'embarrassent pas de casuistique, ils ne cherchent point à démêler si le Capitaine de Gendarmerie Bouland et le Commissaire de police Maraval étaient dans leur devoir, ou non, lorsqu'ils tentaient de refréner ou d'endiguer une manifestation subite qui avait apeuré la ville tout entière et rendue déserte, en un instant, les rues de ce dimanche. Ils connaissent que le Maire est le chef de la police municipale mais ils disent formellement que ce Maire, qui a déjà outragé un magistrat de police judiciaire, ces temps derniers, n'avait pas le droit de frapper, dans la rue et en telles circonstances, un autre représentant de la loi.
       Les Bônois pensent qu'en faisant ces gestes, leur Maire a bafoué l'Autorité dont, au nom de la France, vous êtes, en Algérie, le chef.

       Les Bônois n'ont pas à savoir si le Commissaire de Police était ou non, en service commandé. Dans leur simplicité, ils se posent une question : si, dans un de ces mouvements moutonniers que les foules commettent sur le signe isolé de quelque énergumène, la sous-préfecture avait été envahie, que n'aurait-on dit de ce fonctionnaire s'il était demeuré tranquillement sur le Cours Bertagna en promenade avec sa famille ou s'il s'était attablé à quelque terrasse de café, sous le prétexte qu'il n'était pas de service, alors que ses collègues et ses sous-ordres auraient été en contact avec une foule qui pouvait se déchaîner. Nos concitoyens estiment que ce fonctionnaire qui, devant la ruée qui balayait les rues, a couru chez lui pour y revêtir son uniforme et est allé se placer devant le cortège en manière de prévision, devrait être félicité et remercié. Il se peut que le bon sens de nos habitants heurte les formules et les susceptibilités administratives. C'est votre sagesse qui en jugera.

       Enfin, un fait se produit tous les jours. Les agents de police de Bône sont dans l'impossibilité, sauf incidents qu'ils redoutent, d'exercer librement leurs fonctions, car les indigènes leur disent en manière de menace : «Par le Maire, je te fais sauter le képi ! »
       Voici la mentalité qui règne dans notre ville depuis que M. Pantaloni en est le premier magistrat. Les Bônois n'avaient jamais connu ces scandales. Ils en sont excédés.
P. MARODON


 
Les Sarcasmes de Céline Glutin
Source Gallica
ALGER ETUDIANT
N° 21, 19 janvier 1924

              Si j'ai tort, veuillez me l'écrire
              A PROPOS...


              DES HOMMES
              J'entends toujours dire que les femmes sont capables de plus profonds attachements que les hommes. Or on voit des hommes s'attacher à un vieux chapeau. Que l'on me montre une femme capable d'en faire autant ?
              **
              Pour vous, Messieurs...... le Doute est un oreiller bien commode... surtout lorsque vos cornes poussent !
              **
              L'homme le plus propre à plaire aux femmes est celui qui, à tous les vices de leur sexe, joindrait tous les défauts du sien.
              **
              Un bel homme sans esprit ressemble à une lettre idiote... calligraphiée.
              **
              Tout se compense dans la vie. Souvent des filles de joie ont eu pour pères des hommes de peine !
              **
              L'amant éprouve mal et plaisir à la fois...... comme la menthe qui fait chaud et froid en même temps.
              **
              Qu'est-ce donc, mademoiselle, que l'Homme qui «éclaire » ?
              — L'homme qui « éclaire » Monsieur, est celui dont un corps souple fait jaillir des étincelles d'Or.... en le frottant !
              **
              L'homme, lorsqu'il a joui pour son compte... songe à mener une existence utile. En somme pour lui, la fin du cochon c'est le commencement du boudin.
              **
              Les hommes qui vivent d'expédients éprouvent toujours de la gêne. Ils ont souvent l'air emprunté !

              DES FEMMES
              Il est à remarquer que si beaucoup de femmes sont aujourd'hui très versées dans la grammaire, il en est encore fort peu qui déclinent le mariage.
              **
              Il y a des femmes tellement changeantes que ce serait leur faire injure que de les aimer d'une façon continue.
              **
              Les femmes qui ont la taille bien prise sont celles qui le sont le plus souvent.
              **
              Les trois grâces ! Trois jolies femmes vivant en parfaite harmonie ! Et l'on ose dire que l'antiquité a conçu un art vrai !
              **
              On oublie trop que Vulcain était bancal et chaudronnier. S'il en faut davantage pour excuser Vénus, je renonce à justifier quoi que ce soit.
              **
              Plus une femme a d'amants, moins elle est adultère ! !
              **
              Je suis un fervent du vote des femmes surtout parce que je suppose que, de par leur aveugle logique, elles étendront jusqu'aux choses du cœur le suffrage universel !
              **
              Ne plaignons donc pas les femmes laides. Elles sont loin d'être privées de toute affection. Si elles ne sont pas aimées des hommes, elles sont chéries de leur sexe, ... à elles,
Céline Glutin.



Juif ou arabe ?
Envoyé Par Annie

Un juif a l’habitude de donner son sang.
       Dans une famille où le père est arabe et la mère juive, le petit garçon va voir son père et lui demande :
       - Papa, je suis arabe ou je suis juif .... ?
       - T'es arabe, mon fils, parce que c'est mon spermatozoïde qui t'a créé.
       A ce moment, la mère arrive et dit :
       - Ah non, mon fils, tu es juif, car c'est moi qui t'ai porté dans mon ventre.
       S'ensuit une belle dispute conjugale, comme ils aiment bien .
       Finalement, le père demande à son fils :

       - Mais pourquoi veux-tu savoir si tu es arabe ou juif ?
       Et le fils de répondre :
       - Il y a un vélo en bas. C'est pour savoir si je discute le prix ou si je le vole.
         




LE SAHARA
ACEP-ENSEMBLE N°286


       Le grand désert du Sahara, on pourrait titrer la solitude et la mort. A première vue c'est la désolation, le grand vide, l'aridité.

       C'est aussi les étendues infinies du désert, à l'angoissante et fascinante beauté où le ciel et la terre souvent se confondent.
       Pourtant pour ceux qui le connaissent c'est tout autre chose que la monotonie.

       Certes le sable à perte de vue vous emplit les yeux, mais le vert des palmeraies, celui des jardins des oasis, avec sa multitude de légumes, d'arbres fruitiers, des céréales et des pâturages ou autour des « gueltas », le moindre trou d'eau et le vert jaillit en pleine lumière. Là dans ces endroits, des poissons, des oiseaux, des plantes qui fleurissent comme un éclair.

       Et sous toute cette étendue de sable, sous nos pieds, de l'eau souvent très abondante.

       L’eau.
       C'est grâce à cette eau qui quelque fois jaillit naturellement mais, que le plus souvent, il faut aller chercher là où elle se trouve, il est nécessaire de creuser la terre, un puits, et immédiatement c'est la vie qui apparaît
       Et c'est pourquoi on ne saurait jamais assez rendre hommage à ses pionniers français, qui n'ont Pas hésité par des forages très coûteux et aléatoires, rechercher et faire jaillir cette eau artésienne prisonnière depuis des milliers d'année dans sa masse argileuse permettait de rendre vie à tant d’oasis en train de périr et de permettre la création de nombreux autres jardins, dont la plus grande partie, destinée aux populations locales.
       Car, contrairement à ce que l'on pouvait supposer, les indigènes locaux sont et de très-loin les plus gros propriétaires de palmeraies.

       En 1959, il y avait dans tout le Sahara oriental, cinq millions de palmiers, dont 3.900.000 en production répartis de la façon suivante :
       Palmiers produisant des dattes muscades
       Indigènes 8/9éme ; Européens 1/9éme
       Palmiers produisant des dattes molles Ighars -3/4- 1/4
       Palmiers produisant des dattes sèches - 24/ 25éme - 1./ 25.
       Evidemment on peut se poser la question de savoir pourquoi la colonisation n'a pas créé plus de palmeraies dont les produits sont une source de vie et de revenus importants.

       Il y a deux raisons majeures :
       La question de l'eau.
       Et parce que ces arbres ne peuvent se développer que dans ce qu'on appelle «le Bled Djerid », qui est une bande de désert qui suit le 33éme parallèle, de I'Atlantique au Nil.
       En Algérie on ne trouve ces palmiers que dans le Sud Constantinois, principalement les régions :
       De Biskra, dans l'Oued R'hir et la région de Touggourt
       Région de Tolga et des Zibans, à l'Ouest de Biskra
       Dans la région à l'Est de Biskra jusqu'à Négrine
       Dans la région d'El-Oued et dans celle du Soufi
       Et dans la région d'Ouargla, au sud de Touggourt.
       Ces palmeraies produisent, la muscade ou deglet-nour, « doigt de lumière », les plus beaux fruits aussi bien par leur goût, leur qualité, leur couleur, leur présentation, leur conservation.


       Il existe bien sur d'autres palmeraies aussi dans les départements d'Oran et d'Alger, mais elles sont d'une importance nettement moindre et les fruits sont tout à fait ordinaires.
       Les palmeraies du Sud Constantinois sont d'une richesse économique inégalée. La plupart des variétés y sont regroupées, leur exploitation est favorisée par la proximité du port de Philippeville, relié directement par la voie ferrée de Touggourt, Biskra, Constantine, Philippeville.

       Le palmier
       C'est paraît-il l'arbre le plus vieux du monde.
       La légende orientale le fait remonter à l'origine de l'humanité, les Arabes disent qu'il a été créé par Dieu, avec les cheveux et les oncles d'Adam, lorsque ce dernier fut chassé du Paradis.
       Son fruit, la datte, qui est la base de l'alimentation des indigènes de ces régions, est un revenu élevé pour les propriétaires de ces palmiers.

       Mais d'autres ressources par exemple, le noyau de datte est lui-même un aliment pour les chameaux, les chèvres quand la sécheresse détruit les pâturages.
       Pendant la guerre 1939-1940, ils étaient ramassés et exportés, mélangés avec des pois chiches et de l'orge, torréfies afin d'en tirer un ersatz de café. On tire également partie du palmier qui est abattu.

       Mais, si on ne sait quand il fut introduit en Afrique du Nord, ce qui est sûr, par contre, c'est que dans le Sahara et dans les régions désertiques, le palmier est vraiment la providence de l'homme.
       Le tronc, scié en deux dans le sens de la longueur évidé devient une gouttière canalisant les eaux d'irrigation, une gargouille.
       Il sert également aux coffrages des puits, de poutres, de cadres de portes, de montants aux métiers à tisser, de planches.
       La bourre, cette matière fibreuse dont Ies feuilles de palmier sont entourées à leur base, sert à fabriquer des cordes, à renforcer les bâts des chameaux, à doubler les couffins ou à faire des balles pour l'amusement des enfants.

       Les branches sèches, emmagasinées sur les terrasses, sont avec le crottin séché de chameau, le principal combustible. Dépouillées de leurs feuilles, les branches sont transformées en piquets, tuteurs pour le jardinage et même à cannes.
       Avec les feuilles de palmes, les femmes confectionnent en les tressant des éventails, des chapeaux dont se coiffent les hommes, des couffins et toutes sortes d'objets de sparterie
       Les épines des premières feuilles très dures de la tige, près du tronc, sont utilisées comme épingles servant à divers usages.

       Les feuilles blanches qui poussent à même le tronc sans racines, sont des aliments tendres et très prisés comme le cœur du palmier qui est extrait au printemps sur certains arbres et dont la blessure laisse écouler une sève très appréciée comme boisson. Mais cette sève fermente rapidement ce qui permet aux indigènes, dont tout breuvage alcoolisé est interdit, de s'enivrer avec ce breuvage dénommé « lagmï »..

       Les régimes eux-mêmes dépouillés de leurs fruits deviennent des balais efficaces et servent aux chameaux à améliorent leur maigre pitance.

       Le palmier est donc vraiment la providence du Sahara.

       Mais les palmeraies nécessitent, contrairement à ce que l'on peut supposer, un travail, un entretien constant.

       Consolidation des puits, des canaux d'irrigation, désensablement des arbres, des puits, construction des barrages pour protéger contre I'envahissement du sable soulevé par les vents.

       Autres sources d'irrigation.
       Fort heureusement il existe de grands oueds dont l'oued Djeddi qui coule pratiquement en permanence Il arrive de très loin, presque d'Afflou, dans le Sud oranais et traverse d'ouest en est, une grande partie de l'Algérie pour aller se jeter dans les chotts en période de crue, alors qu'en temps normal, la presque totalité de ses eaux est retenue par des petits barrages avant Oumache village à 20 kms au Sud de Biskra. Un pont à arches dit d'Oumache à la fois pont routier et pont ferroviaire, le seul de la région permet la liaison de Biskra à Touggourt.

       Il n'est pas rare que des crues, aussi violentes que celles de l'oued Biskra ou de l'oued El-Abiod, submergent le tablier et interdisent I'accès de ce pont. Des flots violents s'étalent sur plusieurs kilomètres dans la plaine immense,
       - Ces crues dévastatrices on I'avantage d'inonder au passage les palmeraies, certains champs de céréales et de donner des pâturages pendant un certain temps.

       L’eau de boisson.
       L'eau pour la boisson provenait la plupart du temps, de puits de profondeur inégale.
       Creuser un puits était un travail dangereux et artisanal. On creuse un trou d'un mètre environ de diamètre. On évacue la terre avec des couffins. Pas d'étaiement ce qui est très dangereux pour le puisatier.

       Si I'eau est atteinte sans accident, les parois sont alors consolidées avec les moyens du bord, planches de palmier, maçonnerie et depuis peu anneaux de ciment superposés. Certains puits en plein désert sont entourés d'une petite construction qui l'entoure protégeant des vents dominants, sans elle, il serait rapidement comblé par le sable, Dans la région d'El-Oued, à proximité de la frontière tunisienne, la construction de la protection du puits est typique, c'est un dôme ne laissant qu'une petite ouverture pour puiser I'eau. Une poulie, une corde, un seau ou une outre, et chacun peut venir se servir. Suivant les régions la forme de ces entourages diffère.

       Dans beaucoup d'oasis, la nappe phréatique est si basse que I'on a recours à des ânes ou des dromadaires pour tirer les cordages qui remontent le seau d'eau.
       Ces animaux à longueur de journée se rapprochent du puits pour permettre la descente du seau dans le puits, ce dernier se remplit et puis tirer la corde pour faire remonter le seau remplit d'eau.
       Le seau, plein arrivé à hauteur de la margelle est déversé dans divers ustensiles utilisés pour la boisson ou déversés vers les canaux d'irrigation qui alimentent quelques plantations de légumes et d'arbres fruitiers. Ce va et vient se répète à longueur de journée. Ce moyen archaïque était le seul qui fonctionnait à l'époque.

       Dans le Souf, région d'El-oued, ses palmiers sont plantés en cuvette, dans des fosses creusées pour permettre aux racines des palmiers de puiser directement l'eau dans la nappe phréatique.
       Certains puits sont équipes de balanciers fabriqués avec des bois de palmier ajoutés bout à bout avec des cordes. Un contre poids est fixé à cette perche dont la longueur correspond sensiblement à la distance entre l'eau et la surface du sol. Une poussée sur le contre poids, et le seau relié par une corde à la perche, remonte plein d'eau.
       Mais I'entretien de ces palmeraies en cuvettes est fort contraignant car il faut lutter constamment et lès désensabler à la pelle et au seau à longueur d’année car le vent les comble de sable. Ce travail se fait en général à I'aide de bourricots qui remontent le sable dans des paniers, appelés « chouaris ».

       Il arrive également dans ses palmeraies que le forage de nouveaux puits avec la création d'autres palmeraies, provoque la baisse de la nappe souterraine d’eau, Alors les racines n'atteignant plus les zones humides dépérissent et meurent.
       Le fellah soufi tente alors, s'il dispose de moyens suffisants, main d'œuvre, cordes solides, de descendre ses palmiers jusqu'au nouveau niveau de la nappe d'eau. Il creuse alors un trou un puits de plantation, atteignant la zone humide, à coté de I'arbre, puis il découpe une large motte autour du stipe, ou tronc, taille dans les racines pour n’en laisser que 1m,50 à deux mètres de longueur et , c'est le moment le plus critique, fait glisser motte et palmier dans sa nouvelle fosse. Cette opération est dangereuse, nécessite une main d'œuvre nombreuse, mais la réussite de reprise de l'arbre est aléatoire.

       Dans les régions privilégiées ou I'eau coule naturellement, qu'elle provienne de sources, d'excédents d'eau artésienne, ou de crues, on construit, pour la récupérer, de petits barrages si possible en amont des palmeraies. Cela permet de canaliser l'eau dans des seguias jusqu'aux points d'arrosages et des répartiteurs ou,, peignes au fonctionnement desquels préside un Chef aiguadier, qui dirige I'eau, selon les droits de chacun vers leurs palmeraies respectives .C'est ainsi, par exemple, qu'un propriétaire a droit à une quantité d'eau correspondant, à trois doigts d'eau, deux fois par semaine pendant trois heures. Un autre a droit à la largeur d’un point ou « loukza » trois fois deux heures par semaine. Tel autre, peut disposer d'un « dra » ou une coudée, deux heures tous les jours, ainsi de suite.
       Pas de tricherie, ce serait trop grave, chaque vol de ce précieux liquide, risquant de déclencher une « nefra » violente bagarre, avec mort d'homme la plupart du temps.

       Les eaux artésiennes.
       Déjà bien avant l'arrivée des Français au Sahara, les indigènes irriguaient leurs jardins avec cette eau là.
       L'origine de ces puits artésiens est si ancienne que la tradition l'attribue à Bou-el-Kornein, l'homme à deux têtes, nom sous lequel le Coran désigne Alexandre le Grand, le conquérant macédonien que le statuaire antique représente avec ses cornes de bélier, symbole de puissance.
       Pour les Sahariens, le puits artésien n'est pas un puits, ni un « bir » mais une source, « ain ». Parce que I'eau des puits artésiens est vivante, au lieu d'être immobile comme dans un puits ordinaire, où l'eau n'est qu'ascendante au lieu d'être éruptive.

       Voici, d'après l'historien Ibn Kaldoun, quelle était la technique des puisatiers sahariens.

       Ils creusaient des puits très profonds, dont ils élargissaient les parois et au fur et à mesure ils remontaient les déblais à la surface. Ils continuaient à creuser, jusqu'à ce qu'ils atteignent une couche de pierre très dure, quand bien un éboulement ne les avait pas ensevelis vivants.
       Ils entamaient cette couche de pierre, souvent à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, avec un pic ou une pioche afin de I'amincir. Puis les déblais évacués, ils remontaient à la surface, en s'aidant d'une corde qu'ils ne lâchaient jamais, et jetaient alors au fond de I'excavation, une masse de fer très lourde ou une très grosse pierre. Sous le choc la couche pierreuse se brisait et laissait remonter les eaux prisonnières, aux-quelles rien ne pouvait résister, le puits se remplissait sous la pression de l'eau, ces eaux débordaient et se répandaient dans la nature, en suivant les pentes naturelles.

       Mais quelque fois, hélas, faute de disposer d'une masse de fer ou d'un caillou assez lourd, le plongeur devait lui-même à coups de pics, trouer la pierre du fond.
       Si le geyser souvent très impétueux ne jaillissait pas trop vite, le puisatier, aidé par I'eau remontante réussissait à remonter à la surface, mais si la pression était trop forte, le malheureux devenait le jouet des eaux et avait toutes les chances de mourir asphyxié.

       L'eau sitôt jaillie, était dirigée dans des «Seguias » jusqu'aux jardins à arroser ou, dans l'extrême sud, conduite très loin au moyen d'imposantes tranchées recouvertes, par la suite, de « Djerids » ou branches de palmiers, puis de terre.
       Des regards placés de place en place, permettaient le désensablage et l'entretien de ces énormes conduites ou «foggaras ».
       On trouvait surtout ces foggaras dans la région d'Adrar, il en existe d'ailleurs qui sont encore en service et, depuis des siècles peut-être. Quand I'eau canalisée durant parfois des kilomètres, suivant une pente imperceptible d'une parfaite régularité, surgit à l'air libre, elle est distribuée ici aussi par un système de distribution équipé de peignes qui permettent une répartition qui procède de coutumes et de règles ancestrales. Ces foggaras qui, en raison de leur couverture évitaient l'évaporation de I'eau, sont vraisemblablement d'origine égyptienne ou iranienne.

       Les puits artésiens artisanaux.
       Ils sont forés sans tubage, et sans crépine et, de ce fait, soumis à un ensablement rapide, et à un tarissement.
       C'est alors qu'entraient en action les « réthacines » ou cureurs de puits.
       En général, ils travaillaient par équipe de cinq. Ces réthacines demi-noirs, mornes et décharnés commencent à s'accroupir autour du puis à nettoyer, dont I'ouverture au ras du seuil, est coffrée en carré, à l'aide de troncs de palmiers, et dont I'eau affleure à ras du sol,

       A proximité, absolument indispensable, est allumé un feu de « if », où à I'issue de chaque plongée, ces malheureux viennent réchauffer leurs membres transis. Ils sont à jeun et, pour se préserver des infections cutanées, qu'ils pourraient contacter dans les eaux corrompues, ils enduisent tout leur corps d'huile et leurs oreilles sont obstruées avec du suif de mouton, ce qui, toutefois, ne les empêche pas de devenir sourds.
       Chaque réthacine accomplit plusieurs plongées par jour, six ou sept, parfois huit, pour un puits de 36 à 40 m de profondeur.
       Avant chaque plongée, le réthacine immergé jusqu'à la tête, les yeux fermés, prononce la «fatiba », la prière par laquelle il se recommande à Dieu, et qu'il redira à chaque nouvelle descente.
       Puis les pieds bien agrippés à une grosse pierre, attachée à une corde, il donne l'ordre de laisser filer la corde, après une ample inspiration.

       Arrivé au fond, les jambes bien entrelacées autour de la corde qu'il n'abandonnera jamais, il emplit avec les mains, un ou deux couffins de vase, de sable et quelque fois d'animaux putréfiés. Chaque couffin ne dépasse pas dix kilos. Une traction sur la corde et ses acolytes à la surface, tirent cette corde le plus rapidement possible.
       Certains plongeurs peuvent rester dans l'eau deux minutes, d'autres trois, certains même quatre minutes. Le record d'après la légende, étant de six minutes et 10 secondes.
       L'homme remonté à la surface, se réchauffe, s'enduit à nouveau de graisse et, après une nouvelle prière à Dieu, il refait une nouvelle plongée. C'est un travail très dur, extrêmement dangereux, il arrive quelquefois, qu'au bout de la corde remontée, il n'y ait plus qu'un cadavre.

       Pour rendre sa vie au Puits, pour un temps incertain, il fallait un nombre très important de plongées.
       Aussi, ces travaux pénibles et périlleux ont complètement cessé, les équipes de réthacines ont pratiquement disparu depuis les années 1910, mais avec l'arrêt de leur activité, de nombreux puits artisanaux se sont définitivement taris ce qui a provoqué la disparition d'oasis, et le retour du désert, partout où des puits artésiens modernes n'ont pu être forés. Les rescapés de cet infernal travail, et leurs enfants surtout, ont préféré devenir portefaix ou balayeurs dans les grandes villes.

       La civilisation française, avait déjà beaucoup simplifié le travail des autochtones en implantant de nombreuses norias, ou chaînes à godet mises en action par des bêtes qui tournaient inlassablement autour des puits et auxquelles on devait bander les yeux pour atténuer leurs souffrances, sur les puits où le débit le permettait.
       Des éoliennes avaient également été implantées là où cela était possible.
       Le moindre souffle de vent suffisait à faire tourner les pales qui actionnaient des pompes qui aspiraient et refoulaient l'eau, Dans les régions arides, ces éoliennes, communément appelées des « Pilter » du nom du fabricant, étaient la survie des bergers et de leurs troupeaux.

       Les barrages.
       Ajoutons que les responsables des grands services de l'Algérie avaient, sur le terrain, fait des études poussées pour l'édification d'ouvrages imposants, les grands barrages destinés à retenir d'énormes quantités d'eau provenant principalement des crues qui allaient se perdre dans les chotts du Sud.
       L’un de ses barrages, fut construit à une vingtaine de kilomètres environ de Biskra, sur l'Oued-el-Abiod qui draine toutes les eaux des versants sud de l'Aurès.

       Le barrage Foum-el-Ghersa.
       Ce barrage d'une retenue de près de 50 millions de M3 fut l'admiration de tous ceux qui le connurent. retenant cette énorme masse d'eau qui s'écoule vers chaque oasis, où, par mille ruisseaux dispensant la vie et la prospérité.

       C'est I'ingénieur Hutin Albert qui eut la charge de construire le barrage. Dans un premier temps un petit barrage fut construit, le batardeau, destiné à retenir et détourner à I'aide d'une canalisation, le maigre débit de I'oued-el-Abiod, dans des conditions de vie absolument inhumaines, chaleur, poussière, vipères, scorpions et autres. Cela était nécessaire pour permettre la construction, à sec du grand barrage mais également de constituer une réserve d'eau suffisante pour se reverser dans le grand barrage, et, également ne pas priver les riverains, en aval, du précieux liquide auquel, de tous temps, ils avaient eu droit pour leurs pauvres cultures de céréales notamment.

       Les eaux artésiennes modernes.
       Quand on constate combien est grande la pénurie d'eau, en surface, dans tout le Sahara, comment imaginer que son sous-sol en recèle des réserves artésiennes quasi inépuisables, que les forages modernes ont heureusement commencé à faire jaillir, mais il faut aller chercher ce précieux liquide au-delà des 1.200 m de profondeur,
       Ce n'est pourtant qu'en 1856, que fut admise I'introduction de la sonde par le colonel Desvaux qui, devant I'histoire, a bien mérité le titre de « résurrecteur » de l'Oued Rhir, immense contrée qui s'étend du Sud de Biskra, jusqu'à Touggourt, sur plus de 200 km,
       Le jaillissement du puits de Tamerna, foré au lendemain de la conquête de Touggourt, et qui, avec ses 9000 l/m sauva la palmeraie, confirma les Autorités dans leur intention de développer le nombre de ces puits.

       Mais, pour un succès, combien d'échecs et qui nécessitaient d'énormes crédits. Les ingénieurs se heurtaient à des difficultés considérables pour rechercher les nappes aquifères. Ils foraient un peu au hasard. La nappe atteinte, il y avait ensuite, des pertes considérables d'eau dues à des fuites dans les tubes en acier rivetés et de qualité moyenne, qu'il fallut remplacer par des tubes d'une seule pièce plus épais et de meilleure qualité.
       Nombre de forages étaient négatifs, les puits abandonnés, quelques fois après plusieurs centaines de mètres de forage. Quelques résultats heureux rendaient le moral à ces pionniers.
       Dans la région de Tolga et des Ziban à l'Ouest de Biskra, avec du matériel bien moins sophistiqué, les résultats étaient bien meilleurs. Cela s'explique par la profondeur de I'eau que l'on rencontrait entre 40 et 70 m de forage..

       Il existait deux sortes d'installations, la première ultra légère employant une sonde, la deuxième dite à battement utilisant un pilon très lourd et très long que I'on élevait au maximum et que l'on laissait retomber de tout son poids de façon répétitive, dans le même trou de forage jusqu'à qu'il atteigne la nappe d'eau.
       C'est en somme une amélioration du système archaïque des réthacines et adopté plus tard pour les fondations dans le bâtiment pour le pieux Frankie. Les véritables forages modernes ne furent vraiment entrepris que peu avant 1939.

       Enfin, en 1948, près de Zelfana, dans le M'Zab, et après de multiples incidents, un forage poussé à 1167 mètres, fini par atteindre la nappe. L’eau jaillit et le débit fût stabilisé à 7000 l/m et ajusté à 3200 l/m débit suffisant pour les irrigations prévues. Ce succès obtenu, les études de couches de terrain, traversés par ce forage, démontrèrent enfin, ce qui fût régulièrement confirmé par la suite, que la découverte d'eau artésienne n'était possible que dans des nappes de terrain albien, qui remonte à la période crétacée de l'ère secondaire, soit 150 millions d'années environ. Ces nappes sont alimentées au Nord de l'Algérie, par les pluies de l'Atlas où les couches albiennes affleurent entre + 1000 et 1500 mètres pour aller s'affaisser, au Sahara, à - 1000 et plus bas.

       La ressource albienne est donc devenue une réalité indiscutable ; l'eau jaillissant d'un premier puits, permets dès lors, de réaliser dans les environs, un où plusieurs autres forages, s'affranchissant ainsi du cauchemar de l'approvisionnement en eau par camions citernes.

       Ce puits de Zellana avait nécessité depuis Ghardaïa distante de plus 100 kms, des milliers de voyages de camions citernes d'eau. Pour faire de la boue à injecter dans les trous de forage, il est nécessaire d'utiliser une énorme quantité d'eau

       On peut citer d'autres puits pour lesquels on a été obligé de forer encore plus profond : Ouargla 1250 m. - Tamelhat ( Oued Rhir 1600 m.- avec des débits de 100 à 250 litres seconde - Zaouiet - Riabe, près de Djamaa ( Oued Rhir) débitant 9000 litres minute.

       Le plus profond des puits a été réalisé à Sidi Khaled à proximité d'Ouled- Djellal, à l'Ouest de Biskra. Sa profondeur est de 2172 m pour un débit de 200 litres seconde.

       Ce sont tous ces nouveaux puits qui ont permis de créer, dans des zones désertiques, des centres de vie, des oasis modernes et également de reconstituer des jardins, des palmeraies en voie de disparition.

       On peut citer d'autres puits, celui de la place principale de Touggourt, le puits de la propriété du docteur Taddéo dans la région des Ziban, ou un des puits de la propriété Osval à Foughala.

       L’arrivée d'eau de ce puits dans un bassin réservoir, premier puits sur lequel a été installé une turbine tourbillon débitant 1400 l/m, accouplée à un générateur « Compoud », de 2 KWh Pour I'alimentation des bâtiments en courant électrique. Un nouveau puits vient d'être foré sur un point haut et dont le débit a été provisoirement jugulé par une vanne. Il laisse pourtant échapper, sous la pression, un jet d'eau qui est une soupape de sécurité.

       L'eau qui s'écoule trace le profil de la canalisation qui va être posée, quand les terrains pour la future plantation seront aménagés. A ce moment là seulement la vanne sera ouverte pour fournir I'eau nécessaire aux plantations.

       Un autre forage effectué sur la rive droite de l'Oued Biskra, un peu en amont, I'eau artésienne douce, sera utilisée pour augmenter l'alimentation en eau potable de la ville. Le débit est de I'ordre de 4000 l/m. Ce puits comme tous les autres furent bridés, limités dans leurs débits, en attendant la pose de canalisations permettant l'écoulement de ce précieux liquide dans les bassins réservoirs de la ville ou une irrigation rationnelle des jardins.

       Quand I'eau jaillit, c'est un spectacle grandiose s'il en est et émouvant saluée par des cris de joie et de victoire.

       Il est nécessaire d'évoquer le forage du puits artésien de M'Raier, entre Biskra et Touggourt qui, lui, jaillit avec une puissance inouïe, 42000 l/m ou 700 l/s et avec une violence telle que le derrick fut projeté dans les airs en se disloquant complètement. Pas de victimes heureusement, le terrible grondement de l'eau dans le forage ayant alerté Ingénieurs et foreurs qui Ie plus vite qu'ils le purent allèrent se mettre à I'abri.

       Le puits de M'Raier fût, par la suite ajusté à 12/15000 l/m, débit suffisant à la palmeraie et permettant de ne pas épuiser inutilement les réserves qui, rappelons le, ne sont reconstituées que par la récupération dans l'albien, des eaux de pluies de l'Atlas.

        Les Palmeraies.
       L'eau doit être amenée au point choisi. Les meilleurs sols sont sableux, bien que souvent très salés. Souvent une couche de « deddeb », ou gypse, est interposée entre la terre arable, et la nappe d'eau phréatique. Il faut alors la fissurer avec des explosifs agricoles.

       Les plans des jeunes palmiers sont des rejetons ou «djebbars » qui poussent au pied des palmiers adultes qui, pour pouvoir être repiqués avec le maximum de chances de reprises, doivent peser environ 15 kilos. Pour les séparer du stipe ou tronc, on commence à élaguer ces rejetons, puis on utilise un outil spécial, avec un tranchant en demi-lune.

       L'outil est disposé entre le tronc porteur et le rejeton, parallèlement au stipe et actionné très fortement de haut en bas, puis sans relever l'outil de droite à gauche et inversement. Si I'on ne réussit pas du premier coup il faut recommencer I'opération.

       On utilise cette méthode car si l'on désire des fruits de qualité semblable, des dattes muscades ou « deglet-nour » par exemple, seuls les rejetons peuvent perpétuer la même qualité que I'arbre nourrisseur.

       Avec les plans issus de la germination de noyaux, même provenant tous du même régime, on pourra obtenir, indifféremment, des palmiers d'une espèce ou d'une autre, des dattes muscades ou des dattes molles destinées à être écrasées et réservées à la pâtisserie, ou bien des dattes sèches et dures « mech degla », ou « khentichi », qui forment l'alimentation principale des peuplades nomades, des habitants de l'ancienne Afrique noire française, à la confection de farines, aux dromadaires. D'autres noyaux, toujours issus du même régime, pourront donner naissance à des palmiers mâles ou « dokkars » indispensables dans une palmeraie.
       Il est souvent nécessaire de remplacer certains sujets qui n'ont pas pris, faire des apports de fumier environ deux cents kilos à l'hectare. Entre les palmiers l'herbe pousse abondamment, c'est le lieu idéal de reproduction des perdreaux rouges.. En général on ne laboure pas afin de ne pas faire remonter le sel, on se contente de biner autour des palmiers pour retenir l'eau et on arrête l’irrigation un peu avant la maturité des fruits. A chaque floraison ils doivent être fécondés.

       Les arbres sont plantés en ligne, à intervalle de 9m sur 9 m ou de 10 m sur 10 m, soit 100 à 121 palmiers à l'hectare, ils ne porteront leurs premiers régimes que dans 8 à 10 ans. Ce qui implique qu'il est nécessaire de posséder des réserves financières dans l'attente de cette production.

       Les palmeraies ne se vendent pas à I'hectare, mais en fonction du nombre de palmiers et, surtout, des droits d'eau attachés à la propriété.

        La fécondation des arbres.
       A chaque floraison les arbres doivent être fécondés, les abeilles certes, jouent un grand rôle en assurant une part de la fécondation, et ce rôle est confirmé par ce vieux dicton « tuer une abeille c'est tuer un palmier et tuer un palmier est aussi grave que de tuer 70 prophètes ».

       Mais les abeilles ne suffisent pas, c'est là que les acrobates, les hommes singes entrent en action. Les arbres les plus hauts ne les rebutent pas. C'est la fécondation artificielle, travail pénible dangereux, effectué par des spécialistes qui savent éviter les pointes très acérées des palmes, en posant justement leurs pieds nus, bien à plat sur la partie basse de la palme.

       Ces hommes singes insèrent dans chaque bouquet femelle de fleurs ivoirines, une tigelle de fleurs mâles, à l'odeur séminale, et dont le pollen éparpillé par le vent, opérera le mystère de la fructification.

       Après les années 1950, des méthodes modernes et plus efficaces étaient mises en œuvre, mais peu utilisées, sauf par la Station expérimentale d'Aïn ben Noui, et dans quelques grosses exploitations.

       Il s'agissait de recueillir dans des récipients, le pollen mâle, en secouant et tapotant les gousses de fleurs mâles, et de pulvériser ce pollen, sur les fleurs femelles, au moyen de pulvérisateurs à moteur et à dos.

       La production.

       Les palmiers dattiers peuvent porter de 1 à 12 régimes soit 100 kilos pour les dattes muscades et 200 kg pour les dattes sèches. Avant la récolte on limite en général à 10 le nombre de régimes par arbre, et on cisèle ceux qui restent, en coupant le bas au tiers environ, afin d'établir une colonne d'aération dans le régime.

       Les palmiers ne sont pas exempts de maladies, le « Bou-Faroua », dû aux acariens, le ver de la datte, les cochenilles et les coléoptères, et surtout «le Bayoud » qui est causé par un Fusarium et pour lequel à part des mesures prophylactiques, il n'existe aucun traitement pour empêcher sa dissémination.

       La cueillette.

       Les fruits sont jugés mûrs, la cueillette est effectuée par de véritables acrobates, qui ne craignent ni le vertige ni les piquants.

       Certains prennent quelques mesures de sécurité, en s'attachant à l'arbre par une ceinture ou une corde, mais la plupart préfèrent rester libres de leurs mouvements. Arrivés au sommet de I'arbre, leurs pieds nus bien équilibrés, à plat sur les palmes, ils attachent les régimes de dattes muscades à une corde, sectionnent la hampe du régime et le font descendre lentement jusqu'au sol. Les dattes sèches, « Mech Degla ou Kentichi », sont jetées du haut du palmier, sur des toiles ou marabouts réformés, étendus à plat autour de l'arbre.

        La commercialisation.
       Les régimes de dattes muscades sont attachés à une corde puis après avoir été sectionnés sont descendus avec précaution jusqu'au sol. Elles sont emballées dans des caissettes en bois de peuplier d'environ 10 et 30 kilos pour I'expédition. Les dattes sèches sont ensachées ou chargées sur des bourricots dans des « chouans » ou paniers doubles pour être stockées dans des magasins. Les dattes molles «ghars », sont compressées dans des peaux de chèvres ou dans des sacs en jute. Elles forment un véritable nougat, destiné aux pâtisseries, makrouts etc.

       Les dattes muscades de ces palmeraies, fruits d'une qualité exceptionnelle aussi bien par leur saveur que par leur présentation, sont très recherchées, s'exportent par wagons entiers par le port de Philippeville et sont d'un revenu très rémunérateur.

       Pourtant les palmiers qui produisent ces dattes, sont la plupart du temps cultivés dans des terrains magnésiens et salés. Il est indispensable d'ailleurs, pour lessiver ce salpêtre, de creuser toutes les cinq ou six rangées, des drains profonds qui canalisent vers les chotts ou les bas fonds, les eaux d'irrigation excédentaires, qui se sont chargées en sel.
       Paradoxe de la nature, malgré leurs racines dans le sel, les palmiers n'en donnent pas moins, avec I'aide du soleil, les fruits les plus doux de l'univers avec environ 65% de sucre.

Maurice Villard
Bibliographie : Deluc Charles    
              
    


PHOTOS BÔNE
Envoi d'un PPS de 2010





























Chéragas, une odeur de parfum
comme à Grasse
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°196 - Mai 2011
     
                 La fondation de ce village est évoquée en ces termes par Guyot dans son plan du 12 mars 1842.
                 « Chéragas, territoire de l'ancienne tribu de ce nom émigrée en 1839.
                 Terres fertiles et broussailleuses près de I'oued Beni-Messous.
                 Sources abondantes. Ce village couvrira les fermes et exploitations nombreuses de Bouzaréa. On pourrait y placer 50 à 60 familles de cultivateurs des environs de Grasse qui ont demandé à venir en Algérie. »
                 Ce texte montre que Chéragas est bien un village" Guyot" bien que sa mise en chantier soit antérieure à la rédaction du plan. On y retrouve les mentions de I'origine des terres, saisies à des tribus en fuite en décembre 1839, et du souci sécuritaire.

                 L'évocation de Grasse exige un commentaire : le voici. Dans un souci vraisemblable d'économie et de rapidité, le Gouvernement avait confié le recrutement et l’installation des colons à un dénommé Honoré Mercuri (un peu comme Tardis à "Guyotville) payé par I'octroi d'une vaste concession. Mercuri était de Grasse et c'est donc là-bas qu'il a fait la promotion de la région de Chéragas. Ainsi s'explique I'origine des premiers volontaires, tous des environs de Grasse, où ils avaient été recrutés malgré l'hostilité des maires et des curés qui craignaient que leur région ne se désertifiât ! Cette origine explique le succès exceptionnel de la culture des plantes à parfum, avant tout le géranium rosat, mais aussi le jasmin, la verveine et la menthe poivrée.

                 Le décret de création de Chéragas est signé le 22 août 1842. Furent distribués 50 lots: 20 de 8 ha, 20 de 6ha et 10 de 4ha. Les lots ont été accordés sous condition de ressources en capital (1500 à 5000 francs disponibles à l'arrivée en Algérie). Les 50 bénéficiaires ont été choisis par Guyot, parmi 80 demandeurs. Le transport des colons de Toulon à Chéragas était gratuit.
                 Ils parvinrent au village par la route du " débarquement" qui suivait I'oued Beni-Messous et qui fut négligée ensuite lorsque la RN 41 coupa au plus court entre Dély-Ibrahim et Cheragas. Lorsqu'ils arrivèrent au futur village, ils virent des broussailles et des palmiers nains partout alentour, et des baraques en planches. Ils furent peut-être déçus, mais restèrent, rassurés sans doute par la palissade et les trois tours de garde prévus par le projet. Plus tard ils eurent à prendre leur tour de faction, la nuit, pour surveiller les environs en cas de danger réel ou supposé. Le plan Guyot avait aussi envisagé l’implantation d'une brigade de Gendarmerie.
                 Quelques dates notables.
                 - 22 août 1842 : Décret de fondation du centre de colonisation
                 - 1843 Concession de la Trappe
                 - 1847 Premiers essais de plantation de géraniums rosat
                 - 1851 Première distillerie pour plantes à parfum
                 - 1856 Chéragas est promu CPE, avec deux annexes : Staouéli et Zéralda jusqu'en 1887)
                 - 1865 Visite de I'Empereur Napoléon III
                 - 1957 Création d'une SAS : section administrative spécialisée
                 - 1958 Ouverture d'un aérodrome pour une aviation légère

                 Le territoire communal
                 Ce qui apparaît d'abord en regardant ce village c'est que le territoire communal est plat à 80% au moins, et qu'il possède un petit bout de littoral : 2km de plages et de dunes basses, entre les oueds Beni Messous au nord, et Bou-Kara au sud.
                 Ces deux oueds, ainsi que l'oued Fouara constituent l'essentiel des limites communales.
                 Ce n'est qu'à l'est que la limite sinue à travers la retombée des collines du Sahel où se trouve le point culminant à 262m. Au nord la commune accède à la forêt de Baïnem grâce à une étrange excroissance rectangulaire.
                 L'essentiel reste le bas plateau, en pente douce vers la mer : 160m au village et 20m derrière les dunes. Le réseau des routes et des chemins en damier presque parfait dessert des fermes de colonisation consacrées surtout à la viticulture mais pas seulement.

                 Aux activités classiques des tout débuts, blé et fourrages, les colons du Var avaient ajouté les plantes à parfum et I'exploitation des tiges de palmier nain pour la fabrication e crin végétal. L'exploitation du crin végétal a disparu avec la fin des défrichements ; la distillation des plantes à parfum a survécu plus longtemps, mais a été concurrencée à la fin du XIXème siècle par les progrès de la carbochimie, et aussi par le déplacement de ces cultures vers la Mitidja autour d'El Affroun. La multiplicité des puits témoigne de la présence de cultures maraîchères, en tant que cultures d'appoint.

                 À noter que le hameau de La Trappe, si près de Staouéli, est resté dans la commune de Chéragas lorsque, en 1887, Staouéli a quitté Chéragas en devenant CPE à son tour.
                 A noter enfin qu'il n'y avait en 1935, et au-delà, aucune station balnéaire sur son bout de côte.
                 Chéragas était une commune agricole et un lieu de passage sur la route de Zéralda et du littoral vers Tipasa.
                 L'inauguration de I'aérodrome n'est intervenue qu'à la fin de la période française. Même si cela a apporté de nouvelles activités, celles d'un aéro-club et celles d'une école où étaient formés des officiers observateurs pour guider et appuyer les troupes au sol à la recherche des bandes rebelles, ce fut marginal et éphémère. D'ailleurs les personnes concernées ne résidaient pas forcément à Chéragas.

                 Le village centre

                 C'est un village de colonisation classique : forme rectangulaire, place centrale et réseau de rues en damier.

                 C'est également un carrefour à 5 branches, 3 chemins départementaux vers Guyotville, Dély-Ibrahim et Ouled-Fayet, et 2 branches situées sur la RN 41 traversant le village entre El-Biar et Zéralda. Au milieu du village une place avec, sur un modeste socle, la statue du buste du Maréchal Pélissier (1794-1864) duc de Malakoff. Pourquoi est-il à Chéragas plutôt qu'ailleurs ? Je I'ignore.
                 Si l'on voulait ignorer le Général qui avait en septembre 1855 enlevé le Fort de Malakoff près de Sébastopol durant la guerre de Crimée, il existait des lieux plus fréquentés. Et l'on pourrait faire la même remarque pour le conquérant de l'Algérie.
                 Quant à la colonisation, il a été Gouverneur Général durant la période de la politique de Napoléon III dite du " Royaume Arabe"
                 Napoléon III était hostile à une colonisation de peuplement européen, surtout loin de la côte, et à la distribution de concessions gratuites. Par son décret du 31 décembre 1864 il supprima la gratuité et décida de vendre les lots à un prix fixé payable en 5 ans.

                 La formule connue qui résume cette politique est " l'Algérie n'est pas une colonie proprement dite mais un royaume arabe. Les indigènes ont, comme les colons, un droit égal à une protection" el je suis aussi bien I'empereur des Arabes que I'empereur des Français). Ce texte figurait dans une lettre adressée en février 1863, à Pélissier alors Gouverneur Général en Algérie depuis novembre 1860. Pélissier avait été Gouverneur par intérim de mai 1851 à mai 1856. Puis le Gouvernement Général avait été supprimé et c'est Pélissier qui fut nommé en décembre 1860 lorsque ce poste fut rétabli. Il mourut d'ailleurs à Alger (mais pas à Chéragas) le 22 mai 1864. C'est pendant son deuxième séjour que I'on fonda le moins de villages de colonisation, conformément aux instructions de I'empereur.
                 Je doute que les colons et le Maire de Chéragas aient voulu célébrer cette politique. B. Venis.

                 Le hameau de La Trappe (ou Bouchaoui)
                 Historiquement La Trappe et les Trappistes apparaissent dans I'histoire de I'Algérie le 17 février 1843.

                 La Trappe est un monastère dont la création résulte d'une double volonté, celle du monastère de la Grande Trappe d'Aiguebelle dans la Drôme, et celle de la reine de France Marie-Amélie. Les Trappistes appartiennent à la grande famille monastique cistercienne. Le vicaire général Dom Joseph-Marie souhaitait créer en Algérie une oeuvre comparable à celle des défricheurs cisterciens des XIIème et XIIIème siècle dans les forêts françaises. Il hésita, paraît-il entre Bône en mémoire de Saint-Augustin évêque d'Hippone au début du Vème siècle, et Alger proche du pouvoir. Le Maréchal Soult, Ministre de la Guerre, et favorable aux grandes concessions, proposa un grand terrain de 1020 ha près du champ de bataille de Staouéli en 1830. Ces terres auraient pu servir à l'édification d'un village" Guyot" ; et les devinrent cisterciennes.
                 La concession ayant été attribuée le 17 février 1843, la première pierre fut posée le 14 septembre.
                 Bugeaud accorda le concours de ses soldats pour les premiers défrichements et les premiers labours ainsi qu'une subvention de 62 000 francs.
                 Fin 1843, 60ha étaient défrichés, et on grava au-dessus du portail d'entrée une devise susceptible de plaire à Bugeaud sans offenser le Christ "ense cruce et aratro ". Le bâtiment fut consacré le 30 août 1845 par Monseigneur Dupuch, premier évêque d'Alger.

                 Quand Napoléon III fit une halte en 1865, l'abbaye était prospère. Cette prospérité dura jusqu'aux années 1880. Mais ensuite I'abbaye souffrit de la mévente du vin et de I'ambiance anticléricale des gouvernements de Paris. Bien que les trappistes aient échappé à I'expulsion qu'aurait rendue possible la loi de 1901 sur les associations, ils décidèrent par précaution de vendre, et de partir en Italie, près du lac de Garde. Sur la carte le toponyme "caves d'Aiguebelle" a maintenu le souvenir de leur origine jusqu'en 1962.

                 En 1904 le domaine est vendu à trois frères d'origine suisse : Jules, Charles et Lucien Borgeaud. En 1908 Lucien rachète les parts de ses frères et reste seul propriétaire. Il acquiert bientôt la nationalité française.
                 En 1963 son domaine est nationalisé par le gouvernement Ben Bella. Il couvre alors 1303 ha dont :
                 - 12 ha de vignobles à vin
                 - 130 de raisins à chasselas
                 - 142 de primeurs
                 - 210 de bois d'eucalyptus et de pins
                 - 309 de bâtiments, cours et divers

                 Le domaine c'est aussi une cave de 82 000 hl, de nombreux bâtiments d'exploitation et de nombreux logements pour les employés qui formaient un grand hameau bien visible sur la carte au 1/50000 et sur la photo aérienne. La famille Borgeaud fut un modèle de "gros colons" qui ont su rester" gros" jusqu'au bout par bonne gouvernance.
                 La desserte du village de Chéragas était assurée, vers 1960 par deux sociétés d'autobus.

                 - L'entreprise Galiéro Joseph, départ 5 rue de Strasbourg, près du boulevard Carnot.
                 Ces bus suivaient la RN 41 et passaient devant le camp de Beni Messous.
                 - La RSTA (ex CFRA) ligne 15 départ de Châteauneuf, en correspondance avec les trolleybus de la ligne 5. Ces bus desservaient, au passage, Dély-Ibrahim.

                 Le crin végétal, exploité à Chéragas de 1847 à 1867

                 Le crin végétal est extrait du palmier Chamærops humilis var cerifera (ou palmier nain, ou palmier doum). C'est un Toulousain, né en 1810 à Caraman, Pierre Averseng, qui est à I'origine de cette exploitation. Sa famille possédait à Toulouse, une usine travaillant le crin animal. Lors de son second voyage en Algérie en 1846, alors qu'il se promenait du côté de Chéragas, Pierre déchiqueta machinalement une tige de palmier nain et il fut frappé par les similitudes de ces fibres végétales avec celles du crin animal qui se raréfiait et devenait très cher.

                 Dès 1847 il mit au point une machine permettant d'extraire de la plante de longues fibres tressables et résistants. Il appela crin végétal le produit obtenu. Il s'installa à Chéragas pour acheter aux colons les tiges de ce palmier au fur et à mesure des défrichements. Puis il envoyait les sacs de tige à Toulouse pour le tressage. Mais après l’incendie de I'atelier de Toulouse, il construisit un atelier à Chéragas.
                 Il y demeura de 1847 à 1867 : il ne quitta le Sahel que lorsque I'achèvement des défrichements eut tari la source de matière première. Il s'installa à El Affroun où le palmier nain était abondant sur les premières pentes de L'Atlas tellien. L'usine de la famille Averseng employa jusqu'à 400 ouvriers et ne ferma qu'en 1956 à cause de I'insécurité et de la concurrence du Maroc.

                 Le crin produit ainsi est imputrescible, à I'abri des attaques d'insectes et bon marché. Ses usages furent multiples : cordes, coussins de pressoir, paniers corbeilles et chouaris (paniers doubles pour les ânes) très appréciés localement. Les déchets d'usine peuvent servir également à rembourrer matelas, coussins et fauteuils.
                 La famille Averseng fit souche à El-Affroun et I'un des arrière-petits-neveux du fondateur, un autre Pierre, qui possédait et pilotait un petit avion, fut I'un des fondateurs de I'archéologie aérienne en Algérie, en survolant en 1934 le sud Constantinois.

Georges Bouchet

Chéragas par la traverse ?

                 Oui, pourquoi ? Voilà une question à laquelle tout Chéragassien, d'origine ou d'adoption, aurait aimé pouvoir répondre de manière satisfaisante.
                 Combien de fois dans le cours de notre existence I'avons-nous entendue, là-bas et même jusqu'ici encore, cette question, agaçante par I'ironie sous-jacente perceptible dans le ton de I'interlocuteur et par le petit sourire moqueur qui I'accompagnait ?

                 Mais, plus encore que l’ironie du ton, c'était l’impuissance de chacun de nous à donner une réponse logique à cette énigmatique expression qui nous tracassait. En effet, personne, même parmi les anciens de la région, ne se trouvait en mesure d'avancer, peu ou prou, la moindre explication sur son origine.., ce qui laissait portes ouvertes à toutes les interprétations, même les plus fantaisistes.
                 Mais où donc se nichait. Cette satanée traverse, le trajet Chéragas - Alger par la R.N. 41 étant, à l'évidence, le plus court, le plus direct ?

                 Eh bien ! certains la voyaient passer à travers le territoire de Dély-Ibrahim, en direction de Ben-Aknoun, d'autres la localisaient vers Beni-Messous, d'autres encore croyaient la reconnaître dans quelque sentier serpentant au milieu des vignobles et aboutissant à Châteauneuf, et les Guyotvillois, eux, la situaient sur la route reliant leur centre à Chéragas. Bref, chacun possédait sa version quant à l'existence de cette "traverse" et chacun était persuadé de la justesse de sa propre explication...

                 L'hypothèse la plus logique, apparemment, intéressait les voyageurs qui venant du littoral ouest, voyaient leur trajet vers Alger se raccourcir notablement lorsqu'ils empruntaient, la R.N. 41 traversant Chéragas, de préférence à la R.N. 2 par Guyotville et Saint-Eugène. Interprétation que l'on pouvait objectiver sur la carte des environs d'Alger la RN. 41, presque rectiligne, formait, la corde de l'arc que traçait la R.N.2, épousant les sinuosités de la côte.
                 Personnellement, j'étais depuis longtemps rallié, tout comme notre ami Jean Brune qui n'oubliait jamais ses racines chéragassiennes, à cette explication.
                 Une seule certitude I'expression "Chéragas-par-la-traverse" avait cours déjà au début de ce siècle. Outre le témoignage des anciens, j'en avais découvert la preuve dans une correspondance datant de 1910, mais c'était insuffisant pour satisfaire notre curiosité.

                 Certes, il avait été question aussi d'une " traverse" à Chéragas, dès la fondation du centre, dans les années 1842-1845, à ses débuts le village ayant été construit quelque peu à l'écart de la route Alger-Koléa qui, à cette époque, prolongée et à peine améliorée, était toujours celle qu'avait tracée le corps expéditionnaire de 1830 depuis Sidi-Ferruch.
                 Les premiers Chéragassiens réclamèrent.. aux autorités l'ouverture d'une "traverse " longue de 324 mètres, afin de relier leur centre à cette voie. Satisfaction leur fut donnée assez rapidement, car la route, enfin rectifiée, vint alors former la principale rue du village.., et I'on ne reparla plus de "traverse " jusqu'à...
                 Aujourd'hui, Chéraga s'orthographie sans s final et la route a retrouvé son trajet initial, évitant de nouveau le centre et se raccordant du "Christ" au pont de l'oued Defla.

                 Enfin, il y a quelques années, le hasard bienveillant, m'a fourni la clef de cette énigme, sous I'aspect d'un vénérable dossier, poussiéreux et jauni à souhait, consulté aux Archives d'Aix-en-Provence. Et les nombreux feuillets manuscrits de cette épaisse liasse ont reconstitué, sous mes yeux, la genèse d'une légende tenace.
La clef de l'énigme

                 Cela débute par le compte rendu, daté du 11 avril 1893, d'une séance du conseil municipal de Chéragas, présidée par le Dr Bordo, maire et conseiller général. Dans cette délibération, I'assemblée constate et déplore l'état, de dégradation avancée de la chaussée dans la traverse du village (nous dirions aujourd'hui "la traversée - sur le chemin de grande communication n° 15 (devenu plus tard la RN. 2 ) entre les points K 5910 et K6231, détérioration redevable en majeure partie, selon les édiles municipaux, à l’intense trafic intercommunal qui s'effectuait sur cette voie de grande communication. Pour remédier à cet état de choses, la construction de bordures de trottoirs maçonnées et de caniveaux pavés est, préconisée. Le service vicinal du départe ment d'Alger est sollicité pour une étude des travaux à entreprendre ainsi que l'évaluation de leur coût,. Le 30 septembre suivant, ce service remet un projet de travaux dont la dépense s'élève à 6.300 francs. Pour I'exécution de ces aménagements, le conseil général vote, au cours de sa séance du 31 octobre 1893, I'octroi d'une somme de 2.100 francs, égale au tiers de la dépense, à condition que la commune de Chéragas inscrive les 4.200 francs supplémentaires à son budget.
                 Par délibération du 22 avril 1894, le conseil municipal de Chéragas fait savoir que la commune se trouve dans l’impossibilité de verser à la caisse départementale la somme qui lui est demandée, il signale aussi que le centre n'a été doté, lors de sa création, ni de trottoirs, ni de caniveaux pavés, contrairement à ce qui se faisait cette année-là encore. Il émet en conséquence le vœu qu'une subvention soit accordée par I'Etat à la commune pour permettre la réalisation du projet.

                 Ce vœu est vivement appuyé par I'agent voyer de la circonscription de Douéra, dont la commune dépendait alors, dans un rapport en date du 6 juillet, 1895, ainsi que par une lettre du préfet d'Alger (5 août 1895 ) qui estime que la construction de trottoirs et de caniveaux dans la "traverse " de Chéragas présente un caractère d'urgence très marqué, l'exécution des travaux projetés devant avoir d'heureux résultats au point de vue de la salubrité publique. Et le préfet sollicite du Gouvernement général une subvention, allouée sur le budget de la Colonisation, égale à la part contributive imposée à la commune de Chéragas.

                 Une situation quasi-clochemerlesque
                 La première réponse, émanant de I'inspecteur général des services de colonisation, est un refus ( 9 septembre 1895).. Il y écrit notamment : "La demande du conseil municipal de Chéragas est d'autant plus inadmissible que ce centre est de très ancienne création, qu'il est situé à proximité d'Alger, qu'il se trouve dans d'excellentes conditions de prospérité et que le but que I'on se propose est surtout d'embellir les rues : si I'Etat donnait satisfaction à cette demande, il n'y aurait pas de raisons pour qu'il ne prit pas à charge une dépense analogue dans tous les anciens centres. Nous sommes, en conséquence, d'avis qu'il n'y a pas lieu d'allouer la subvention demandée."
                 Et c'est ainsi que, régulièrement, durant une bonne dizaine d'années, les deux parties se renverront la balle, c'est-à-dire leurs arguments respectifs pour ou contre le projet.
                 L'assemblée municipale arguant de ce qu'il s'agit de travaux d'intérêt collectif dont le coût incombe à la Colonisation, celle-ci rétorquant que les aménagements devant servir avant tout à l'embellissement du centre, cette dépense ne concerne donc pas I'Administration.

                 Une visite dans la localité du gouverneur général, alors en inspection dans le Sahel, permet au maire de plaider la cause de sa commune auprès du chef de la colonie. Et celui-ci, constatant de visu l'état déplorable de cette "traverse" du village, profondément ravinée par les pluies dans sa partie supérieure, creusée d'ornières et de trous emplis d'eau boueuse ou sa partie inférieure, décide alors que I'Administration participera aux frais de la restauration.
                 La Colonisation ne rendra pas les armes aussi facilement. Elle attendra encore près de quatre ans avant de consentir à couvrir, et pour moitié seulement, la dépense induite par ces travaux.

                 Et ce n'est qu'en 1903 que les Chéragassiens verront la "traverse" de leur village aménagée selon leurs vœux. Cette voie s'appelant alors rue Bordo, du nom du maire, décédé entre-temps.
                 Mais durant ces six années la presse locale, quotidienne et périodique, qui s'est naturellement faite l'écho de ce différend administratif tout au long de son déroulement, commence à railler, gentiment, la "traverse" de Chéragas. Et le public qui en a ainsi connaissance s'en amuse lui aussi : Alger n'est alors qu'une petite capitale provinciale qu'un rien divertit !

                 La "traverse" de Chéragas suit, si l'on peut dire, son petit bonhomme de chemin. L'expression s'enrichit et devient, tout naturellement, " Chéragas-par-la-traverse ".

                 Insensiblement, on y ajoutera un côté péjoratif on disant, par exemple, d'un personnage d'allure campagnarde, qu'il "arrive de Chéragas-par-la-traverse", d'où qu'il vienne d'ailleurs, et une charmante dame, depuis disparue, m'écrivait :" De mon temps, on disait même cela d'une personne mal vêtue, fagotée ou affublée de façon extravagante ! "

                 Quelques années plus tard, Personne ne se souvenait de I'origine de cette expression, mais les légendes sont tenaces !

Gaston PALISSER.
 
    


 
A L’EPOQUE DES COUPEURS DE TÊTES
L'Effort Algérien N° 259, 20 janvier 1933

         
              Je viens d'étudier l'histoire de ma profession sous la grande Révolution. Que l'on me permette d'en extraire la substance. Elle est intéressante et instructive.
           Sous Louis XIII et Louis XIV, la Presse avait vécu sous le régime de la liberté contrôlée : sous Louis XV et Louis XVI, sous celui de la licence tolérée, voire même encouragée : sous la Révolution, nous entrons dans l'ère de la licence publique, absolue, encanaillée.
           Les journalistes de l'époque révolutionnaire se divisaient en trois clans : les blancs, les bleus et les rouges.
           Les blancs étaient royalistes. L'un des plus célèbres fut Mirabeau-Tonneau, frère du grand ministre, rédacteur aux Actes des Apôtres. On le surnommait « Tonneau » à cause de son embonpoint et de son intempérance. Et comme son frère lui reprochait ses tares, le cadet répondait « De quoi vous plaignez-vous, mon frère ? De tous les vices de la famille, vous ne m'avez laissé que celui-là !.. »

           Il y avait aussi dans le même clan le fanatique abbé Royon — le Marat du parti monarchiste — qui dans l'Ami du Roi invectivait sans élégance les carmagnoles.
           Enfin nous rencontrons du même côté de la barricade François Suleau, ancien officier de cavalerie, que l'on surnommait le Hussard du Roi et fut massacré par les rouges. A ceux qui lui disaient de prendre garde à ses ennemis, il répondait tranquillement : « Mon sang ? Que veulent-ils en faire ? Le veulent-ils boire ?.. »
           Du côté des bleus, c'est-à-dire des patriotes, il y avait des journalistes admirables, notamment Mallet et André Chénier.
           Mallet était un écrivain d'un calme déconcertant à une époque où l'hystérie régnait dans les sphères du pouvoir... C'est lui qui a écrit la phrase fameuse :
           — « C'est le fer ou la corde en mains que la liberté dicte aujourd'hui ses arrêts. »
           C'était aussi l'avis d'André Chénier, journaliste admirable, dont le courage allait de pair avec le talent. Il n'avait peur de rien, ni de personne. Figure magnifique, a exemple vivant pour tous ceux qui portent une plume...

           Le couperet le guette... Il le sait, mais il fait face à la meute, et à la veille de monter sur l'échafaud, il lui lance sa dernière philippique : « Que les législateurs journalistes, écrit-il, que les philosophes libellistes et qu'avec eux tous les histrions galériens voleurs avec effraction, harangueurs de clubs ou de halles, continuent à me traiter d'aristocrate, de courtisan, d'autrichien, d'ennemi du peuple... je ne leur réponds qu'une chose : c'est que je serai volontiers pour eux tout ce qui leur plaira, pourvu que leurs cris et leurs injures attestent bien que je ne suis pas ce qu'ils sont. Je ne m'imagine pas d'aussi grand déshonneur que de leur ressembler ; et quelque nom qu'ils me donnent, s'ils ne le partagent pas avec moi, je le trouverai assez honorable... »

           Voilà en vérité de la grande littérature
           Enfin il y avait les rouges, armée de toutes provenances et de tous vices. Des mouchards corrects comme Barrère, des journalistes graves comme Brissot et Loustalot, des écrivains au style glacial et à la philosophie médiocre comme Condorcet, des plumes vulgaires comme Carra... Il y avait surtout les trois tigres de la Révolution : Hébert. Fréron et Marat.
           Hébert écrivait dans le Père Duchesne.
           Cet ancien garçon de théâtre condamné pour vol était surnommé l'écrivain des charniers. C'était pourtant un snob. un chercheur de femmes, un habitué de dîners fins.
           Il avait un style ordurier, traitait Louis XVI de porc et Marie-Antoinette de guenon..
           Son confrère Fréron opérait dans l’Orateur du peuple. C'était le disciple chéri de Marat, ce qui ne l'empêcha pas 15 ans plus tard de demander en mariage une sœur de Napoléon I".

           Tous ces hommes d'ailleurs allaient bientôt se dévorer entre eux. Tous, les uns à la suite des autres, vont mettre le nez à la petite fenêtre et éternuer dans le sac comme on disait alors des guillotinés... Même les moins mauvais comme Camille Desmoulins. n'étaient que des gamins insolents, insouciants et cruels... Aussi lorsque Robespierre abolit la liberté de la presse, il n'y eut que demi-mal.
           Par ses excès et ses ordures le journal s'était condamné lui-même.
           Le 18 fructidor an V, 42 propriétaires de journaux furent déportés : deux ans plus tard, 35 autres les suivirent. Enfin Bonaparte, par l'arrêté du 17 janvier 1800, ne laissa subsister que 13 journaux sur les 79 qui existaient encore... C'était la fin...
           Sous le 1er Empire, une seule voix osait parler... il est vrai quelle était soulevée par les ailes du génie, la voix du vicomte de Chateaubriand.
           L'empereur furieux ordonna à son préfet de police de massacrer le vicomte sur les marches de son palais. Mais ce n'était qu'une boutade. II se contenta de créer un Bureau de l'Esprit public, et de supprimer les quelques rares journaux qui restaient, à l'exception d'un seul. Le journal des Débats.
           Désormais il n'y aura plus en France que des troupiers au garde-à-vous devant la consigne du Maître.
PAUL RIMBAULT.

           NDLR : En 2025, nous avons aussi un Napoléon (dixit Poutine) et des nouveaux coupeurs de têtes (voir ce qui est arrivé aux chaines TV 8 et 12...). L'histoire repasse les plats, les libertés gagnés par les ancêtre sont gravements endomagées.


Histoire à l'endroit : Algérie française, le mois de mars 1962, mois de l'horreur
Par M. R. G.

" Le mois de Mars 1962 est le mois maudit
de ces 8 années de terrorisme

         Il sonne le glas de l'Algérie Française ; que pouvions nous encore espérer après ces sinistres pseudo-accords déviants qui ouvraient de façon irrémédiable la voie à l'abandon de cette terre Française entièrement façonnée par un peuple composé de multiples nationalités venues pour en embrasser une seule : Française ; ce peuple qui face aux difficultés gigantesques, à force de persévérance, de sacrifices parvenait à sortir ce pays de l'époque moyenâgeuse pour en faire la figure de proue de l'Afrique, mais aussi le fleuron de la France.
         Il débute dans l'horreur, l'ignominie et va être le reflet de ce qu'est le FLN, cette organisation terroriste à qui l'Etat Français va faire cadeau d'un pays où il ne poussait que des cailloux et à qui l'on va remettre sur un plateau un territoire digne d'un Eldorado.

         EVENEMENTS
         Mers-El-Kébir, banlieue oranaise. Le 1er mars 1962 tombait un jeudi. Il faisait le temps même de la vie, le temps qu'on imagine pour le Paradis. Un air doux et léger, un ciel aux profondeurs bleues auquel le soleil réservait sa plus fastueuse débauche de lumière, une senteur subtile de jardin laissait supposer une journée radieuse…
         Il était environ 11h, un groupe de musulmans encadré par des femmes fit irruption dans la conciergerie du stade de La Marsa, à Mers El-Kébir, tout près de la base militaire. Dans une véritable crise de folie meurtrière collective, ces hommes s'emparèrent de la gardienne, une européenne de trente ans, Mme Josette Ortéga et, sans la moindre raison, à coups de hache, la massacrèrent. Couverte de plaies affreuses, dans un ultime effort, elle tenta de s'interposer entre les bourreaux déchaînés et son petit garçon, mais en vain. Les tortionnaires déments frappèrent encore sous les yeux horrifiés du petit André, quatre ans, puis quand il ne resta plus qu'une loque sanguinolente, ils se saisirent de l'enfant et lui broyèrent le crâne contre le mur.
         Leur forfait est accompli, ils s'apprêtaient à partir lorsque l'un des barbares se retourne et voit arriver une petite fille avec des fleurs à la main. C'est Sylvette, 5 ans, qui est allée cueillir des fleurs. Aussitôt il se rue sur elle, la roue de coups et pour l'achever, la saisissant par les pieds, la fracasse, tout comme son petit frère, contre un mur.
         Quand M. Jean Ortéga, employé à la direction des constructions navales, franchit la grille du stade, le silence qui régnait le fit frissonner. D'ordinaire, ses enfants accouraient, les bras tendus dans un geste d'amour. Une angoisse indéfinissable le submergea. Il approcha lentement, regarda autour de lui… puis, là, dans la cour, un petit corps désarticulé tenant encore dans ses mains crispées des géraniums, la tête réduite en bouillie, une large flaque de sang noirâtre tout autour.


         Dès le lendemain les derniers défenseurs du drapeau tricolore entreprirent de venger cette boucherie inutile sur des innocents.
         Ils furent vengés. Mais ils ne revinrent pas à la vie.

         Ainsi débuta ce triste et sinistre mois de la honte de Mars 1962 qui conduisit à l'exode de tout un peuple.

         La Métropole aussi connaît ses drames.
         Le 3 Mars 1962 : trois résistants Toulonnais trouvent la mort dans l'explosion de leur véhicule. N'oublions donc jamais que des Métropolitains qui ne possédaient ni terre, ni réfrigérateur se sont battus pour que l'Algérie demeure Française.
         Le F.L.N. poursuit inlassablement ses crimes qui atteignent le summum de l'horreur ; les enlèvements se poursuivent.
         Le 4 mars 1962, Guy Lanciano et Daniel Falcone sont enlevés à Alger dans le quartier du Ruisseau. Pendant 41 jours ils subiront des tortures effroyables à la " Villa Lung ". On leur coupe le nez, les oreilles, on crève les yeux de l'un et l'on matraque l'autre qui perd l'usage de la parole.
         - L'aveugle peut parler, le muet ne voit plus.


         Ils seront libérés par un commando de l'OAS et remis aux services médicaux de l'armée française à l'hôpital Maillot. Leur état physique est tellement dégradé qu'on les garde longtemps… trop longtemps dans cet hôpital… jusqu'au mois d'avril 1963, période à laquelle la Croix-Rouge avise les familles de leur transfert à l'hôpital de Nancy par avion sanitaire. JAMAIS ces familles ne les reverront ! …
         Le Sénateur Dailly interpelle de Broglie sur cette disparition. Réponse du Ministre : " L'affaire est sans doute compliquée : il subsiste quelques points obscurs. Je fais actuellement poursuivre sur le territoire national des recherches extrêmement poussées."
         - Inutile de préciser que ces recherches - si elles ont vraiment eu lieu - n'ont jamais abouti…

         L'OAS a conscience que son combat est celui du dernier espoir aussi elle redouble ses actions notamment en éliminant les tueurs du FLN libérés ou sur le point de l'être.
         A Oran le 5 mars un Commando OAS prend d'assaut la prison et exécute 2 tueurs du FLN condamnés à mort mais graciés et en blesse 30 autres.
         Le lendemain un autre Commando détruit les archives et dossiers des membres OAS inculpés en faisant sauter le troisième étage de la Préfecture d'Oran

         Entre le 6 et le 13 Mars l'ALN intensifie ses actions à la frontière tunisienne dans le seul but de faire fléchir la France.
         Elle n'a pas besoin de cela car l'on sait parfaitement que de Gaulle a vendu l'Algérie.

         Le 7 mars les négociations FLN-Gaullistes qui avaient été interrompues aux Rousses, reprennent à Evian.
         L'OAS doit réagir avant que ne soient signés ces accords entre le Gouvernement Français et le GPRA.
         A Oran le Général Jouhaud envisage une insurrection qui devra se faire autour de Tlemcen., il fixe la date du 11 mars 1962, Jouhaud dispose de l'infanterie de marine, de 3000 harkis, de tous les GMS, du cinquième étranger, d'un régiment de hussard.
         Il tente de rallier le Commando Georges ; mais le Capitaine Georges GRILLOT s'y refuse et au contraire s'arrange pour une mutation en Métropole ; Jouhaud se retourne sur l'un des piliers du Commando Youcef qui se désiste également.

         Il est prévu qu'un territoire soit ainsi libéré, et que l'O.A.S. demande à participer aux négociations d'Evian.
         La date est fixée au 15 Mars.

         Alger, informé, demande de retarder pour se coordonner avec le maquis de l'Ouarsenis, qui doit se mettre en place plus tard.

         Le 13 mars 1962,Michel Debré répondant à une question du général Ailleret demandant si les musulmans perdront automatiquement la citoyenneté française déclare :
         - "Oui s'ils demeurent en Algérie, mais s'ils reviennent en métropole après l'autodétermination, ils pourront reprendre la nationalité française et bénéficier des aides aux rapatriés. "
         Puis se produit l'impensable en cette journée du 14 mars 1962 ; Pour la première fois, l'aviation française mitraille les terrasses d'Oran, à la demande du général Katz et sur ordre de De gaulle. Pour réduire l'OAS maître de la ville, Katz avait interdit toute présence sur les terrasses.
         Jamais l'armée n'avait nulle part en Algérie mitraillé de telle façon une ville Européenne. Il est vrai que jusqu'en 1962, aucune d'entre elle n'était ouvertement FLN.

         Et nous voici arrivés à la date de toutes les trahisons ; ce 18 mars 1962 sont signés des " accords d'Evian " par Krim Belkacem pour le GPRA et Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie pour la France.

         o Un cessez-le-feu applicable le 19 mars à 12h
         o Un programme commun d'intentions proposées à ratification par référendum (8 Avril en France et 1er Juillet en Algérie).
         De Gaulle fait libérer Ben Bella le soir même; il prend immédiatement - avec ses collègues - l'avion pour Genève et déclare à la télé " c'est la solution du bon sens. "
         Les élus d'Algérie publient un communiqué " les populations d'Algérie se défendront elles-mêmes ; "
         Le sort des Européens d'Algérie était scellé par l'article 2 du chapitre 2A qui permet aux Européens de faire la demande de nationalité algérienne après les trois ans de la période temporaire.
         Ils n'étaient donc pas de droit algérien, mais devaient obtenir l'accord du F.L.N., accord qui ne sera pratiquement jamais accordé. De plus cette nationalité n'est qu'une sous nationalité, celle d'un dhimmi en pays musulman.
         L'armée française rentre aux casernes, l'article 5 prévoit qu'elle stationne de façon à éviter tout contact avec les forces du F.L.N. Un décret secret du gouvernement leur indique : " l'armée française ne pénétrera pas dans les zones fixées pour le stationnement des forces F.L.N. Tout contact avec les forces F.L.N. sera évité ". Dans ses mémoires, le général Fourquet, successeur d'Ailleret en tire les conclusions : " … la sécurité diminue instantanément… "

         La population Européenne n'étant plus protégée, l'O.A.S. décide l'implantation de maquis afin de remplacer l'Armée et assurer la protection des populations rurales.

         Le Général Salan décide la création de maquis.
         Le colonel GARDES implante un maquis dans le massif de l'Ouarsenis, sur un terrain favorable contrôlé par le Bachaga BOUALEM.
         Le commando Albert du Sous-Lieutenant Giorgio MUZZATI, qui opérait dans le secteur, se renforce d'une centaine d'hommes venant d'ALGER.
         Accroché par l'ALN, encerclé par l'armée française, mitraillé par l'aviation, l'aventure tourna court rapidement et prit fin le 10 Avril.
         Un certain nombre de maquisards furent tués, principalement lors du combat contre l'ALN, d'autres plus nombreux furent fait prisonniers et le reste parvint à s'échapper.
         Le Commandant Paul BAZIN - le Sergent SANDOR - AOUSTIN Pierre - BEVILAQUA Michel - ESCRIVA Roland - MARQUES Jean Claude sont tués au cours de l'accrochage.

         En Oranie le Général Jouhaud donne l'ordre à Marc Peyras chef de l'Organisation de Mostaganem de créer un maquis dans les monts du Dahra.

         Dès son implantation il assurera la protection de plusieurs communes et interviendra dans toutes les actions que ni l'armée, ni la gendarmerie n'assurent pour se conformer aux accords déviants.
         Ses actions se montreront des plus efficaces et enrayeront les attentats du FLN. Régulièrement les maquisards sont renseignés tant par les SAS, que par les chefs de 2 douars.

         De Gaulle ce Général imposteur qui s'est imposé en 40 grâce et avec l'appui des Communistes, ce général adulé par les Français qui sans doute ignorent toutes ses trahisons, ce général d'opérette qui a sur les mains le sang de milliers de Français, celui qui est considéré par l'un des plus grands journalistes politologues français comme le plus grand traître de la 5ème République.

         Sur les ordres de de Gaulle Pierre Messmer donnera l'ordre à compter du 19 mars de désarmer tous les Harkis et Moghzanis les livrant ainsi à la vindicte des égorgeurs qui leur feront subir les pires atrocités indescriptibles.
         Les populations musulmanes qui pour leur grande majorité étaient pro-françaises comprennent qu'elles subiront le même sort que les Harkis.


         Voulant se racheter, elles commettront les pires atrocités dont le summum de l'horreur fut atteint à Oran le 5 juillet 1962.
         Ces assassins de dernière heure seront désignés les " marsiens " par leurs propres compatriotes.
         Les premiers Harkis désarmés subiront à Saint-Denis du Sig, village Oranien, l'assaut des barbares ; les Harkis se défendront avec acharnement mais leur courage n'empêcha pas la mort d'une centaine d'entre eux.
         Quelques Officiers enfreindront les consignes et au risque de leur carrière embarquent à destination de la France les familles des Moghaznis sous leurs ordres.
         Malgré la précipitation des évènements et le danger qui les guette plusieurs Douars d'Oranie manifestent leur attachement à la France.

         Le 21 mars à Djeniene Meskine, sur la route d'Oran à Sidi-Bel-Abbès deux délégations sont descendues respectivement de la Cité et du douar. Tous les hommes du village, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, suivaient les porteurs de drapeaux tricolores et scandaient " Algérie française " tous se dirigeant vers la mairie. En cours de route, des Européens du centre et des ouvriers, de la C.A.D.O., toute proche, se joignaient aux manifestants. Et ce fut bientôt un millier de personnes qui stationnaient devant la mairie. Puis, dans un silence impressionnant, devant toute cette foule figée au garde-à-vous, le grand drapeau tricolore était monté au haut du mât, hissé par deux employés municipaux, un Européen, et un musulman… Puis une femme musulmane, prenant la parole, exhortait, en français et en arabe, tous ses concitoyens à la fraternisation. Pour finir, une vibrante Marseillaise réunissait, d'une même voix et d'un même cœur, les deux communautés, réunies comme autrefois.

         On pouvait donc encore voir se rassembler Européens et musulmans sous les plis de notre emblème, malgré le F.L.N . Malgré le F.L.N., car la veille, trois rebelles étaient venus commettre des actions terroristes. Surpris par un groupe de G.M.S. de Saint-Lucien, commandé par le capitaine Audon, deux rebelles étaient abattus et le lendemain la population criait sa volonté de rester française.
         A Tébessa, le même jour, une manifestation analogue se déroulait.

         Le 23 mars c'est le drame de Bâb-el-Oued qui oppose l'OAS à l'armée ; Bâb-el-Oued va subir le joug des forces gaulliennes qui n'hésiteront pas à tirer sur toute cible quelle qu'elle soit.
         7500 appartements seront entièrement saccagés par les gardes mobiles pris de folie ; 15000 personnes vont être arrêtées et transférées dans des camps.


         Ce blocus conduira la population algéroise à une manifestation de soutien, d'apport de vivres et de médicaments ; manifestation pacifique réprimandée par le sang.

         A Oran depuis une semaine les combats de rue font rage, les gardes mobiles n'hésitent plus à utiliser les canons de 37 et mitrailleuse de 12,7 pour tirer sur les commandos OAS.

         Malgré les combats un commando OAS organise un hold-up à la Banque de l'Algérie. Le butin est estimé à plus de deux milliards d'anciens francs.

         Les combats entre gendarmes et Collines font 10 morts. le préfet de Police se réfugie à Mers-El-KEBIR.
         Les combats entre Collines et gendarmes mobiles s'intensifient et font autant de victimes dans les rangs OAS, Gardes mobiles que dans la population civile.
         Selon la presse, cette journée se solda par 1 tué et 15 blessés chez les gendarmes ; 3 blessés chez les soldats ; 1 tué et 21 blessés chez les civils.
         Au cours de ces attaques contre les gardes mobiles, ces derniers n'hésitèrent pas à tirer sur les immeubles à l'arme lourde et tuèrent plusieurs civils.
         Mesdemoiselles Lucette DOMINIGUETTI - 16 ans, Monique ECHTIRON - 14 ans, qui étendaient du linge sur leur balcon furent abattues par les gendarmes mobiles qui tiraient à la 12.7 ; madame AMOIGNAN, née DUBITON (dont le père avait été tué par le F.L.N.), sa petite fille âgée de 2 ans et demi furent fauchées, à l'intérieur de l'appartement, par des rafales de mitrailleuse 12.7 ; la sœur Sophie atteinte à la jambe dut être amputée par le docteur COUNIOT. Une mère de 7 enfants, Incarnation ESCODA, est tuée par une rafale de 12,7.

         A Bâb-el-Oued, c'est la poursuite de la répression, en particulier tous les jeunes entre 18 et 21 ans sont raflés et déportés en métropole. Cette mesure s'applique du reste dans toute l'Algérie et prendra l'appellation de " Plan Simoun ".
         Dans le bled, à Bou Alam, près de Géryville le F.L.N. fait lire par le maire sa première instruction officielle : " tous ceux qui porteront encore l'uniforme colonialiste après le 1er Avril seront exécutés . Par ailleurs les harkis et anciens harkis devront quitter le village de regroupement près de la SAS et regagner leur ancien douar. "
         La plupart souhaitent s'engager dans l'armée française, mais l'armée ne prend que les célibataires, ils sont presque tous mariés.
         Le douar regroupement de Yalou se pavoise aux couleurs française, drapeaux de fabrication locale.
         Le commandant Guillaume, adjoint de Jouhaud pour le bled Oranais est arrêté " par hasard " à un barrage routier.
         En fait, il a très certainement été livré par l'un ou l'autre des officiers qui lui avaient promis de démarrer ce jour l'insurrection, et qui n'ont pas bougé.

         Et ce 25 Mars 1962 : le choc. Les combats entre OAS et Gardes Mobiles n'ont pas cessé et s'intensifient ; tout le monde imagine que c'est la recherche du poste émetteur.
         Mais en réalité c'est l'arrestation du Général Jouhaud ; à ses côtés Claude-Sandra Raymond appelée Cléopâtre dans la Résistance Oranaise.


         Elle fut une héroïne au sein des défenseurs de l'Algérie Française. Cléopâtre fut son pseudonyme dans l'Organisation Armée Secrète.
         Elle fut la secrétaire du Général Edmond Jouhaud, étant à ses côtés en permanence, et resta à ses côtés lors de son arrestation un certain 25 Mars 1962. Cette femme exceptionnelle qui dirigeait l'Echo de l'Oranie, que nombre d'entre vous connaissent qui s'est éteint le 23 mars 2013.

         26 Mars 1962. Ce jour de 1962, alors que De Gaulle avait trahi et abandonné l'Algérie aux égorgeurs du FLN, des Français manifestaient pacifiquement rue d'Isly, à Alger. Pour empêcher la population algéroise d'apporter son soutien à Bab-el-Oued, quartier assiégé par la Gendarmerie mobile, le préfet Vitalis-Cros fit appel à l'armée pour bloquer le passage de la foule. C'est le 4ème Régiment de Tirailleurs Algériens qui est désigné malgré la mise en garde de son commandement qui prévient que ces soldats ne sont pas préparés à une confrontation urbaine.

         Ils étaient trois mille civils non armés à défiler vers le quartier de Bâb el Oued, et se retrouvèrent donc face à un barrage militaire.

         A 14h45, un lieutenant des tirailleurs vient les prévenir, ou plutôt les supplier : " dispersez-vous, nous avons ordre de tirer " (source Paris-Match n°178). Quelques minutes après, les armes automatiques crépitent vers la foule. Une centaine d'Algérois - hommes, femmes, enfants - furent abattus et d'autres centaines furent blessés par les balles françaises. Ils sont tombés victimes de la haine gaulliste.

         Ainsi s'achève ce mois de Mars 1962 que nul ne peut oublier.
         Une blessure peut, avec le temps, se refermer ; mais il y restera toujours la cicatrice.

         Il en résultera un bilan de 637 attentats qui auront causé la mort de 537 innocents et 936 blessés.

         Mais cette fin de mois de Mars 1962 ouvrait aussi le début des horreurs perpétrés quotidiennement : tueries, enlèvements dont le summum sera atteint ce 5 Juillet 1962 à Oran.


DJEBEL AMOUR
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°196 - Mai 2011
     


 
    


 
LA MOUNA
ACEP-ENSEMBLE N° 288, juin 2013

Maurice Villard

       La vie n'est pas faite seulement de bonheur ineffable et de catastrophes imprévues. Il faut dire que l'absence de ces événements excessifs est le gage d'une existence sereine et égale.
       C'est pourquoi il est bon de raconter aujourd'hui une coutume de notre petit peuple, une joie toute simple, dont l'origine se perd dans la nuit des temps et de la Méditerranée, et qu'il est bon de rappeler maintenant, car dans les brumes et les frimas où il se débat, isolé, du reste, au milieu d'une humanité indifférente, il n'y a guère de place pour cette réjouissance printanière dont il ne subsiste que quelques lambeaux.

       Curieuse tradition ramenée toute chaude d'Espagne et d'Italie, par les immigrants d'autrefois, Comme elle se marie merveilleusement bien avec l'arrivée du printemps dans ces pays, où toute vie sociale ne se passe en fait que dehors, les Français de souche s'y sont mis comme les autres, et préparant les agapes conséquentes agrémentées de quelques bouteilles de Mascara rouge ou d'un Clos Faranah, d'un Château Romain blanc pour la kémia, de vin pétillant pour le dessert et de la Mouna, brioche traditionnelle que les boulangers ont cuit sans discontinuer la nuit qui précède, partent aussi passer la journée à la campagne.

       Le phénomène est le même à Tarragone et ailleurs en Espagne. Cette fête d'abord, qui a lieu le Lundi de Pâques, est tout à fait profane. Elle le semble même tellement, que l'Histoire Sainte en est totalement exclue, et qu'elle paraît plutôt être la survivance d'un rite païen millénaire, d'avant le Christianisme, quelque célébration de l'équinoxe ou du printemps. Les fêtes se bousculent à cette époque, les nôtres se superposent à la Pâque Juive, commémoration de la sortie d'Egypte, donc d'essence sans commun rapport.
       A Tarragona, donc dès la pointe de l'aurore, les jeunes partent dans un lieu bien précis, autour de l'aqueduc de Las Fereras, appelé aussi Puente del Diabolo ainsi qu'il se doit, dans une forêt de pins d'Alep clairsemée et lumineuse comme dans ces pays de soleil.

       En fait, ils arrivent le plus souvent à pied, ce n'est ni tout près ni trop loin, à quatre bons kilomètres. Ils vont réserver un petit coin de forêt, le baliser pour ainsi dire. Pourtant ce ne sont pas les forêts qui manquent dans la région, mais ils ont besoin d'être avec la ville entière au même endroit. Plus tard le reste de la famille arrive, avec des couffins, des chargements de nourriture et de boissons, en voiture avec le grand-père, le chien, des distractions lectures, jeux, raquettes, ballons, des campings gaz, autrefois on allumait un feu dans un trou, mais avec les incendies de forêt, cela ne peut plus se faire.

       Les jeunes forment des groupes, invitent des connaissances, et ce sont des jeux de volley-ball, ou I'équivalent espagnol du colin-maillard ou du chat perché, c'est un moyen de lier connaissance de la leçon la plus correcte, car il n'y a pas un endroit d'où l'on ne soit vu de cent personnes ! C'est semble-t-il ce qu'ils recherchent ! Foule hallucinante, avec des transistors hurlant, des cris, des rires, on sort les tapas, la Kémia, l'apéritif, des gueuletons qui n'en finissent plus, bien sûr la fameuse mouna, de bonnes histoires sont racontées I'on accorde quelques guitares, des chants en chœur s'organisent, et il faut s'en donner pour courir ceux des voisins, des jeux de toutes sortes, un semblant de sieste pour d'autres, à l'ombre, enfin tout cela dure jusqu'à la nuit tombante. Alors, recru de fatigue, chacun regagne ses pénates dans une petite rue populaire, provision faite le grand air, de joie, ou d'espérance pour tout le printemps. Les derniers ne remarquent même pas les tombereaux de détritus oubliés là en partant, la nature bonne mère, étant invitée à tout bio dégrader pour l'année prochaine. Les jeunes ont fait quelques conquêtes, pas tellement de bêtises, si bêtises il y a.

       A Naples, c'est différent et la même chose. Plusieurs millions d'habitants, cela atteint au délire. Même les moribonds partent. Des chargements qui rappellent certains albums de Lucky Luke, avec le grand-père en chaise roulante hissé en haut d'un triporteur sur les plages, personne, il lait trop froid. Leur lieu de pique nique, c'est le Vésuve, sur les flans à mi-hauteur. c'est une vaste montagne, elle arrive à héberger tout le monde, tant bien que mal.

       Aux aurores, la montagne est littéralement prise d'assaut par des jeunes montant à pied, par familles, par petits groupes, allant aussi se réserver dans le maquis recouvrant le volcan à mi-pente, un coin accueillant. Partis en pleine nuit, Naples féerie de lumière nocturne, brille à vingt kilomètres, mais il en monte surtout d'Ercolano et des petites villes au pied de la montagne grouillant de populations, et ils ont bien grimpé déjà 7 à 800 mètres de dénivelé s'entend !
       Ne portant rien, progressant d'un bon pas, dès le lieu occupé, ils attendent sur le bord du chemin le triporteur ou la Fiat amenant la famille au grand complet, et les provisions de lasagnes et d'autres spaghettis. D'innombrables voitures se suivent et se tassent le long de la route, des camionnettes de coca-cola et autres boissons font une navette incessante entre le bas et le haut tant est grande la masse de ces assoiffés en puissance, dame le Vésuvio est plutôt secco ! Le défilé de la montée dure de six à onze heures, là tout le monde s'est à peu près casé, le volley bat son plein, des balançoires ont été installées, des barbecues répandent dans les broussailles une forte odeur de pointes de feu, de solides agapes se préparent, des fiasques de Chianti sont mises à rafraîchir entourées d'un linge humide, et de Lacryma Christi : ces vins italiens, que les vignerons du midi répandent à plaisir dans les rues de Sète, ont une délicatesse, un velouté, un parfum profond qui est inoubliable. Cela seul mériterait le voyage.
       La seule différence avec I'Espagne, c'est que les quelques guitares sont remplacées par des mandolines. Et encore le fond sonore est universellement transistorisé. C'est ce que l'on appelle le progrès, et la grande note discordante d'avec nos mounas d'autan.

       Et toutes bonnes gens venus autrefois avec les vignerons du midi ruinés par le phylloxera, Ies Alsaciens-Lorrains chassés de chez eux en 1871,et tous les autres, construire notre Algérie ont amené leurs coutumes avec eux D'Espagne, massivement, des paysans sans terre des huertas du Levant, Valence, et des Baléares. Les Mahonnais étaient d'extraordinaires maraîchers, d'Italie, Bou Haroun, Castiglione avec Chiffalo... d'autres se sont installés à l’intérieur à Souk-Ahras, plus tard en Tunisie. Ils ont amené avec eux cette habitude de la promenade le soir en grande tenue, lente et quasi rituelle, dans la rue principale, les filles groupées à plusieurs, les garçons aussi, se croisant, se toisant, se faisant des clins d'œil. Ces coutumes parfaitement assimilées avaient créé la race « pied noir », contestataire peut-être dans son sein, mais d'un monolithisme intransigeant dès que le danger menaçait quel qu'il fut. Alors la mouna se passait aussi pareillement chez nous.
       Les métropolitains fraîchement débarqués de leur frileux pays du Nord, surpris de se retrouver ce jour là dans une ville vidée de sa substance, s'informaient, et I'année d'après, s'empressaient de gagner les lieux des réjouissances comme les autres.

       A Constantine, les sites charmants ne manquaient pas. La pépinière et les rives du Bou Merzoug vers le pont d'Arcole, promenade d'agrément des Constantinois d'autrefois, il y avait encore un café restaurant abandonné sur la façade duquel se lisait en grosses lettres bleues « Adélaïde et Gaston Cœuret ». Des Normands, perdus au milieu des grenouilles et des cigognes, l'un n'allant pas sans l'autre, les Arcades Romaines une idée plus loin, avec leurs cinq arches qui avaient bravé le temps. Et la charmante forêt de Chetaba, à douze kilomètres avec des ruines romaines, un abri sous roche, dans une nature délicieuse et sauvage, pins d'Alep, pâquerettes et asphodèles.
       Mais non, il avait été décidé que la mouna, c'était le Djebel Ouach, toute petite oasis artificielle, arbres de France plantés par les Eaux et Forêts autour de trois petits étangs. Le tout au milieu d'un désert de rocaille, à douze kilomètres aussi de la ville.

       Tout ce qui roulait était ce jour là mis à contribution. Paniers de mangeailles où la cochonnaille était reine, boissons abondantes pour faire passer la mouna, jeux divers.
       Ces réjouissances étaient toujours aussi familiales, de l'arrière-grand-mère au plus jeune nourrisson, qui passait de bras en bras. Plus les peuples sont du sud, avec tout ce que ce mot sous-entend, plus les enfants sont aimés, personne ne pourrait penser qu'ils embarrassent.
       Toute la journée ce ne sont que sourires, cris de joie, le soir, chacun se rempilait dans les cars, calèches, et regagnait son foyer.

       A Alger, selon le quartier, il y avait deux forêts particulièrement appréciées, parmi une infinité de possibilités, dans cette magnifique région. Celle de Sidi Ferruch et celle de Baïnem. La plage n'intéressant pas en cette saison, et les autres lieux non plus. Dans celle de Sidi Ferruch, deux guinguettes, ma Normandie et une deuxième, attendaient les amateurs. Toujours pareil, jeux de volley, musique, gros gueuletons, pétarade des bouchons sautant au dessert, mouna, joie des familles et des jeunes, connaissances faites parfois, mais toujours gentiment, au milieu de Papa, Maman, Tantine et Tonton.

       A Oran, la veille de Pâques dans chaque famille on préparait la mouna, gâteau brioché parfumé à la fleur d'oranger. Le lundi de Pâques les familles s'entassaient dans les voitures hippomobiles, les camionnettes et les automobiles pour partir pique-niquer joyeusement à la forêt de Sidi Slimane, ou à Matarès. Cette tradition nous est venue semble-t-il d'Espagne. Chaque année le lundi de Pâques et à la Saint Vincent les familles d'origine espagnoles partaient pique-niquer aux alentour du fort de la Mouna, sous les pins des Planteurs.

       Le grand départ à lieu dès l'aube. Des familles entières prennent place dans des jardinières, des charrettes, des chars à bancs aux attelages les plus bizarres, on a entassé pêle-mêle les ustensiles de ménage qui vont servir à faire la cuisine en plein air pour toute la journée. Assise au fond du véhicule une vieille femme chante un refrain du pays ; près des brancards deux jeunes filles, brunes Carmen, nue tête sous le soleil de feu, mais protégées par le casque épais de leur chevelure font claquer leurs doigts imitant les castagnettes, tandis que derrière elles, un jeune homme s'essaie sur une guitare ou un accordéon. Le chef de famille, charretier improvisé fait claquer son fouet. Devant lui éclaireurs, cavaliers à la façon de Sancho Pança, des jeunes gens ouvrent la marche juchés sur des bourricots minuscules qui ont peine à les porter.

       Ce sont tout le trajet durant, des chansons et des rires qui ne feront que s'accroître quand, arrivés à destination, on aura dévoré les mets safranés, vidé pour calmer le palais embrasé, les bouteilles de vin de Tlemcen ou de Mascara.
       A la tombée du jour, à la clarté des foyers que quelques brindilles raniment, commenceront les danses successivement de polkas et de fandangos, de valses et de flamencos.
       Par contre dans toutes les régions où le peuplement avait d'autres origines, la mouna n'était pas forcément de la fête. Il y avait une coutume qui rassemblait les familles le Lundi de Pâques, « on allait manger sur l'herbe »

       Toutes les familles se réunissaient le lundi de Pâques. Autour de chaque village se trouvait un endroit verdoyant, apprécié par sa verdure, son calme, le charme de sa nature. Les familles entières s'y retrouvaient, chacun apportant des spécialités cocottées par les maîtresses de maison, des couffins débordant de victuailles, de friandises et de boissons, s'étalaient sur des nappes, des couvertures à même le sol. C'était la fête, la joie d'être ensemble grands et petits, c'était le temps heureux de notre chère Algérie.
       Au fond, les Pieds Noirs constituaient une population fort saine, physiquement et encore plus moralement, aucune toxicomanie alors que le pays touchait le Riff bourré de kif, pas de marginaux, ni de hippies et autres Farfelus, le but de chacun et de chacune était de fonder un foyer honnête avec la fille de sa vie, de lui faire des enfants, quitte à ce quelle devienne plus tard la « Mamma » avec tout l'honneur, la déférence, et l'amour que cela comporte, de construire sa maison.

       Et qu'importe si l'origine de cette fête de la mouna ou de celle du lundi de Pâques, qui existent dans tout le monde méditerranéen en exceptant tout de même l'Egypte, Libye et autres Turcs pose autant d'énigmes que les Mystères d'Eleusis ou le culte des Dieux Cabires à Samothrace, puisqu'elles apportaient une joie saine et sans réserve, n'est-ce pas le but, de plus en plus oublié, que l'on devrait se fixer toujours.

       L’eschatologie, le Catharisme et...la Mouna
       Quel étrange amalgame me direz-vous !
       Que vient faire la mouna pascale des Pieds Noirs dans ce texte ? Voilà la réponse.
       L’eschatologie, la philosophie, est l'étude spéculative des fins dernières de I'homme ou, pour parler plus simplement, la tentative de réponse à la question : Pourquoi ? dans quel but vivions-nous ? Question que se posaient les Cathares au XIIIème siècle.

       Le catharisme est au départ une doctrine hérétique du christianisme, doctrine venue semble-t-il de Bulgarie, ce qui a fait que l'on affublait péjorativement les Cathares du nom de Bougres. Leur doctrine était un fatras métaphysique manichéen – un Dieu du bien, un Dieu du mal - où I'on trouvait la Lumière, les Ténèbres, la réincarnation mais aussi et c'est là que le bât blessait, le suicide philosophique et la haine de la vie. En fait leur doctrine aboutissait au suicide physique, seul remède pour échapper à l'emprise de Satan. Tout était permis pour fuir cette vie terrestre : le poison, la saignée dans le bain, la mort par inanition. Leur symbolique était une invitation à la démence : grammaire lunaire, dialectique mercurienne, arithmétique solaire, etc. Ils s'intitulaient les Parfaits.

       Bien que végétariens absolus ils mangeaient du poisson, et, à l'équinoxe de printemps, ils consommaient rituellement une sorte de gâteau fait de farine de blé, d'huile, de sucre, d'eau en fait une sorte de pain sucré aromatisé. Cette consommation se faisait au plus haut sommet de l'échelle mystique, c'est à dire la foi suprême, ce que le poète Dante Alighieri appelait l'Emounah.
       La secte - car ils étaient en fait une secte qui se répandit dans le Sud-Ouest de la France et le conflit avec l'Eglise catholique et le pouvoir temporel aboutit à la croisade des Albigeois.
       Or le Sud-Ouest français était très lié à l’Aragon.
       Si le catharisme fut sérieusement réprimé en France, il ne le fut pas en Aragon où la tradition du gâteau se répandit et I'on mangea à Pâques ce pain sucré et aromatisé, levé par le propre aigrissement de la pâte. Ce serait ce pain que Jésus-Christ rompit le jour où il institua l'Eucharistie.
       Et voilà comment on est arrivé de l'Eschatologie à la mouna d'Algérie !
       Ceux qui désirent en savoir plus se pencheront avec intérêt sur l'ouvrage du docteur Paul Ghisoni, « l'eschatologie infernale »

 François Vernet   
              
    


SOMMEIL
De Jacques Grieu

     
Si l’excès de repos, personne n’a blessé,
Il n’est pas de douleur que le sommeil n’ait tué.
Mon ami, les yeux clos, dans son hamac, paresse,
Pendant que de Morphée, il goûte la caresse ...
La fréquence de ses sommes en fait un spécialiste,
C’est un serial-dormeur, un grand récidiviste.
Mais ce paisible ami, fut-il même agacé,
Nulle mouche ne tuerait, fut-elle une tsé-tsé.
Loin de l’horrible vice haï des moralistes,
Le sommeil est vertu et plaisir de puriste.

Sa surdose est d’abord très sage provision,
Et contre la fatigue, avance et précaution.
Car comme l’écureuil pour les faims de l’hiver,
On stocke du sommeil pour les nuits buissonnières.
Sa pénurie chronique est si grave carence,
Que son entreposage est lucide prudence,
Et qu’en mettre en conserve en vue de transfusions,
Serait en médecine une bénédiction.
Si dormir sans rêver se produit sans remords,
L’inverse n’est pas vrai : si tu rêves, tu dors.

Excepté cette espèce, appelée somnambule,
Qui s’éveille en rêvant et alors déambule,
On peut rêver dix heures et avoir mal dormi ;
On peut rêver qu’on dort, à moitié endormi !
Le rêve n’est-il pas, le gardien du sommeil ?
Qu’il soit « paradoxal « ou normal, c’est pareil !
S’il y a cent recettes pour rester en éveil,
Il en existe peu pour trouver le sommeil.
Et espionner le sien serait comme un prodige,
Puisque pour l’observer, à dormir il oblige !

Faut-il donc s’en remettre aux moyens de nos pères ?
Ou en plus raffiné, comme Schopenhauer,
Qui disait, convaincu : « si je veux, donc je peux » ?
En serrant fort les dents, j’essayai donc ce jeu,
Sans plus de résultat qu’une vraie déception…
Le comptage en moutons n’ayant pas plus d’action,
Je voulus rénover un si vieux monopole,
Compter aussi les vaches et même des bestioles.
Tous les risques prenant, j’essayai les scorpions,
Les rhinocéros noirs… et j’allai jusqu’aux lions.

Autre essai à tenter si l’insomnie persiste,
Ecouter les conseils d’un autre spécialiste :
« Le café fait dormir si vous n’en prenez pas »;.
Si vous le faites fort, ça marche à tous les cas...
Moi, souvent épuisé, à la fin de la nuit,
J’essaie de m’inculquer que trop de repos nuit :
Et si la vie n’était, rêverie sans sommeil,
Qu’un songe camouflé en illusion d’éveil ?
Comme la mort serait, un sommeil plein de rêves,
Pour que l’éternité, à nous, semble plus brève ?

Jacques Grieu                  



JUDO
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°196 - Mai 2011
     
                 Incontestablement c'est la discipline du judo (voie de la souplesse en Japonais) qui connut le plus rapide et extraordinaire essor à Oran.


                 Admise pour la première fois à un programme des jeux olympiques (ceux de Tokyo de 1940 dont I'annulation fut provoquée par la seconde guerre mondiale) elle ne put cependant être présentée à pareille compétition qu'en 1964 (Tokyo). Le manque d'unité qui avait caractérisé à ses débuts son organisation internationale s'étant de nouveau avérée jusqu'à l'établissement de règles de participation basées sur la création de catégories de poids à savoir : léger, mi-moyen, moyen, mi-lourd, lourd, catégorie ouverte (aucune limite).
                 En Algérie la naissance de cette discipline revient à I'Algérois Aimé Etienne qui créa en 1946 le Judo club d'Alger bien épaulé par son frère Gaston.
                 Se fixant à Oran en 1948 le maître Aimé Etienne tenta le lancement de ce sport dans sa nouvelle résidence par la fondation du Judo club d'Oranie.
                 Grâce à l'appui qu'il trouva auprès de deux journalistes de la ville, Léo Palacio et Pierre Chavand, il put surmonter toute une série de tribulations entraînant notamment des changements de local (successivement salle de culture physique de Roger Bellier, salle Forgues, foyer de la police) avant d'aboutir à une installation définitive 15 rue de la Bastille, sous le cinéma Empire.

                 Un succès inespéré s'ensuivit au point de vue recrutement avec principalement la venue de deux actifs professeurs d'éducation physique Roustouil et d'Esposito et I'admission d'enfants à partir de l'âge de 7 ans. Le nombre d'adhérents ne cessa de progresser jusqu'à I'approche de 800 sociétaires en 1958, ce qui valut au Judo Club d'Oranie d'être classé cette année là au 8ème rang par ordre d'importance des clubs affiliés à la Fédération française de Judo et disciplines assimilées.
                 Mais la féconde activité d'Aimé Etienne ne se limita pas à la ville d'Oran car il fut également à I'origine de la création en 1949 du Judo Club de Mostaganem, première association hors chef-lieu ainsi qu'à la plupart de celles qui suivirent.


                 Dès lors, après celui de la ville d'Oran, était donné le "grand départ" de l'Oranie.
                 En Novembre 1950 pour la première fois en Afrique du Nord fut organisée une rencontre inter-clubs par le Judo club d'Alger et sponsorisée par les papiers Job à laquelle participèrent toutes les sociétés affiliées d'Algérie.
                 À la stupéfaction quasi générale ce fut l'oranais Guy Esposito, pourtant ceinture verte, qui I'emporta sur tous les candidats ceinture marron.
                 Tandis que se poursuivait à l'extérieur d'Oran la création de clubs spécialisés, certains élèves du maître Aimé Etienne fondèrent dans cette dernière ville même des cercles privés et clubs, principalement à la diligence de Fauroux, Max Pastor, Ruant, Lacombe. Tout naturellement cette prolifération entraîna la constitution d'une ligue départementale dont la présidence échut à l'ex-marocain Guille puis au belabbésien Marc de Barry.


                 En 1956 lorsque furent disputés à Oran les championnats d'Algérie, 8 associations oraniennes, suffisamment étoffées pour une telle compétition, s'engagèrent. Il s'agissait des Judo Clubs de Mascara.


                 Mostaganem, Tlemcen, Inkermann, des cercles privés d'Oran, Hamman-bou-Hadjar, du judo escrime de Sidi-bel-Abbès.
                 De son côté le Judokwai d'Oran animé par son chef de file Max Pastor, secondé par François Marin, en conflit persistant avec son principal adversaire local, après un déplacement à Fédala I'année précédente, préférait participer à une rencontre contre une sélection espagnole à Madrid, rehaussée par la présence des plus hautes autorités de cette capitale.
                 Mais si les créations pouvaient se poursuivre à Oran, en dépit des évènements, certains clubs ou cercles réduisirent leur activité ou tombèrent en sommeil.

                 Au moment de I'exode, le bilan des judokas d'Oranie se traduisait par l'attribution d'une centaine de chemises noires dont une soixantaine à l'actif des membres du Judo club d'Oranie.
                 Le maître Aimé Etienne qui devait, après son installation en Métropole, recevoir la médaille d'Or de la Jeunesse et des sports ainsi que la croix de vermeil du mérite des ceintures noires de France, avait bien travaillé pour le bon renom de l'Oranie sportive.
                 Précisons les résultats obtenus dans les compétitions par les licenciés du club qu'il animait avec pour collaborateur principal Emile Mas.
                 Par équipes : 8 fois champion d'Algérie - 1 fois classé 3ème au championnat de France - 6 fois classé 5ème au championnat de France.
                 Individuellement : Yves Oriol champion de France militaire et présélectionné pour l'équipe nationale ; Jacques Gelot, champion de France scolaire puis militaire avec le bataillon de Joinville ; Jacques Dupré, champion de France scolaire ; Pierre Muzio-Olivi, champion d'Algérie juniors, considéré comme susceptible de" devenir le meilleur judoka français".

                 Mais le jodokawai oranais pouvait également présenter de belles références ayant enlevé une fois le titre de champion de France par équipe et suivant régulièrement de très près le classement fédéral, par ordre d'importance, de son grand rival local Max Pastor et son entourage ont eux aussi bien mérité de l'Oranie sportive.
                 Le judo est considéré avant tout comme un sport de lutte. Cependant si des débordements extérieurs aux compétitions ont parfois nui à la bonne harmonie générale, influencés sans doute pour une large pari par le manque de sérénité inhérent à la rébellion, il faut objectivement convenir que l'émulation qui en résultait a contribué au brillant palmarès ci-dessus résumé.

P. O.
 
    


 
SPORT
par DEPÊCHE DE CONSTANTINE
LA NATATION CONSTANTINOISE
EST TOUJOURS AU PREMIER PLAN

               La natation constantinoise, avec Sidi-M'Cid pour grand fief, reste toujours au premier plan en Afrique du Nord. Après avoir donné, de 1932 à nos jours, une bonne vingtaine de champions de France et elle se renouvelle actuellement et, vivant sur sa lancée, se prépare à glaner de nouveaux succès sur tous les champs d'eau.
                L'organisation de Constantine, du 5 au 8 Juillet dernier, des championnats nord-africains fut couronnée de la plus complète réussite, nos sirènes et tritons glanant huit titres dont celui du fameux relais olympiques 4x200.
               Maryse Morandini, Micheline Pierrot, Guedj Meyer, Belhadj, Bachara, Max Fitussi, Caddéo, Guy Montserret, Espanet, Aymard, Guglielmina auront, on ne peut mieux, défendu nos couleurs avec celles de l'UNIC, ASPTTC et CSC.


               MOC et USTEC repartent de leur côté et, avec cinq clubs, avec encore le Philippevillois (du RCP) Esposito, les Bônois, Djidjelliens, Bougiotes et bientôt Batnéens, des heures fastes seront sans doute réservés à la LCN.

                Voici le tableau des records de la LCN.
               RECORDS MESSIEURS
               100 mètres nage libre : Babey (UNIC) 60".
               200 m.: G. Bobcoff (UNIC) 2' 18" 8'10.
               400 m.: G. Bobcoff (UNIC) 5' 4" 2/10.
               1.500 m.: G. Montserret (UNIC) 21' 27".
               100 m. dos : Ovslankine (UNIC) 1’ 13" 7/10.
               200 m. brasse : Halimi (MOC) 2’ 54" 5/10,
               4x200 libre : ASPTTC : 9' 46" 8/10.
               10x100 : RC Philippeville, 11' 13’' 6/10.
               3x100 spécialités : MOC, 3' 40" 3/10.

               RECORDS FEMININS :
               100 m. libre : Annie Saingery (UNIC)1' 12".
               400 m. : M. Morandini (UNIC) 7’ 47" 9/10.
               100 m. dos : T. Schiano-Luciani (UNIC) 1' 34".
               200 m. brasse : A. Saingery (UNIC) 3' 17".
               3x100 m. : UNIC, en 5’ 12".
               4x100 b. : UNIC, en 5' 53" 4/10.
DEPÊCHE DE CONSTANTINE
des 1er et 2 janvier 1952


PHOTOS BÔNE
Envoi d'un PPS de 2010



























MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française

A SUIVRE



CASSE GRAINE

De Jacques Grieu


En ces temps de progrès, la graine est à la mode ;
Il n’est plus un repas sans qu’on chante son ode.
L’anis ou le pavot, tournesol ou lupin,
On devrait en manger comme on mange son pain.

« Celui qui vend sa paille, il vend aussi son grain
Mais s’il vend son fumier, il a vendu son pain ».
Ce sont de vieux dictons devenus obsolètes :
La graine est à l’honneur, crue, cuite ou en galette !

Loin de monter au nez, la graine de moutarde,
Bourrée d’oméga 3, est une sauvegarde
Contre le psoriasis et l’aérophagie :
Je vais m’en rassasier jusqu’à l’apoplexie…

Courge pour la prostate ou chia pour l’humeur,
Ont d’immenses vertus assurant le bonheur.
Lin pour la thyroïde, amande pour le foie
Et même la nivelle, ont de quoi mettre en joie.

« Veiller toujours au grain » est un conseil ancien,
Mais mis au goût du jour par nos bons médecins.
La becquée graine à graine engraisserait assez :
« Si la semence est bonne on aura la santé. »

« Séparer le bon grain de la mauvaise ivraie » ;
Il y a si longtemps qu’on le dit : on le sait !
En « prenant de la graine », on a cru en sagesse
Et un bon quinoa vient nous remettre en liesse.

« la graine est dans le fruit et le fruit dans la graine » :
Là on… égraine encore une douce rengaine.
Où on a de la graine, on aura du plaisir !
Sans un grain de folie, le génie va s’enfuir…

Si la graine de lin est meilleure que d’autres,
Elle ne peut remplacer notre bon vieil épeautre.
L’instruction n’est qu’un sac juste rempli de pierres :
La culture est la terre où la graine prospère.

Grainons, grainons, alors ! Puisque c’est le sésame !
Bourrons-nous de nos graines et foin des états d’âme !
Donc de « casser la graine », il faudra qu’on s’entiche :
Prenons en de la graine et vive le pois chiche …

Jacques Grieu                  



SOUVENIRS DE LA PROVINCE D'ORAN.
Gallica : Revue de l'Orient 1854-1, page 363 à 371
Tlemcen. - Annaia. - Lalla-Magnia. - Kouban et ses mines.

  La grande question d'Orient m'a subitement transporté à 50 lieues au sud-est de Sidi-bel-Abbès. Le devoir militaire, le plus impérieux de tous les devoirs, m'a fait quitter mes dieux lares; et douze heures après l'ordre reçu, nous allions camper à Ain-el-Adjar (la fontaine de pierre), puis, après avoir successivement traversé Ain-Anfreiss, Sidi-Dao, Ain-Tiffris, nous arrivions à Blad-el-Sultan (la ville des sultans), la coquette, la ravissante Tlemcen.
  Assise sur le flanc de cette longue chaîne de montagnes, qui se Prolonge du Nord-Est au sud-est et fait pressentir les confins du Tell, Tlemcen est ombragée par de nombreux massifs. Le soleil, à soulever, éclaire de ses feux, les ruines si curieuses, les minarets si multipliés de cette ville antique.

  Montez au Méchouar (la citadelle), C'est une vaste plate-forme dont les murs élevés présentent une inclinaison de 45 degrés et prouvent que les constructeurs de cette époque étaient des hommes habiles. Le Méchouar, au centre de Tlemcen, domine la ville de toutes parts. Au Nord-Est, vous apercevez le village de Boumédi, dont l'élégant minaret s'élève gracieusement au-dessus de ses terrasses. Ce village, bâti, en quelque sorte, au milieu d'un parc, est entièrement more et arabe. Il paie double contribution pour se soustraire à l'indiscrète curiosité des Européens. Au sud-est, sont les gigantesques ruines du Mansourah. A en juger par les ruines qui existent encore, l'enceinte de Tlemcen devait être trois fois plus considérable que celle qui existe aujourd'hui.

  La brande mosquée (Djamma-el-Kébir) de Tlemcen, donne, dans son genre, l'idée de nos grandes cathédrales. Ville est constamment remplie de fidèles. C'est un édifice à voûtes dentelées ; elle est précédée d'une cour pavée en dalles de marbre ; un bassin permet aux mahométans de faire les ablutions prescrites par le Coran. J'ai remarqué dans l'un des couloirs qui entourent la mosquée un cep de vigne d'une grosseur fabuleuse. Chaque minaret a son nid de cigogne ; ces oiseaux sont respectés par les Arabes, pour lesquels ils sont sacrés.
  A Tlemcen, la population indigène est beaucoup plus considérable que la population européenne. Les quartiers juifs, mores et arabes sont sales et négligés. On y vend principalement, la belle sellerie arabe, les tissus indigènes, la poterie, les huiles, la laine, les grains. Il y a peu de maisons françaises, et encore sont-elles peu remarquables. La plate-forme du Méchouar est occupée par de grandes casernes modernes, l’hôpital et les magasins. D'autres établissements militaires sont dispersés dans là ville. Deux cours d'arbres servent de promenades sur deux faces du Méchouar. Il faudrait habite Tlemcen une année entière pour recueillir tous lis souvenirs qui se rattachent à cette ville curieuse. A chaque pas vous rencontrez une ruine, des ponts écroulés, des canons détruits, etc.

  En quittant Tlemcen, et en se dirigeant à l'ouest, on aperçoit une immense ellipse, dont le petit diamètre de l'est à l'ouest peut avoir 8 à 40 lieues, et le grand diamètre du sud au nord 0 à -25 lieues. Cette grande étendue, qui n'offre à l'œil qu'une plaine unie, est cependant remplie de fortes ondulations qui dessinent, d'espaces en espaces, de jolies vallées, des ravins accidentés, des montagnes, des plateaux, des vallons traversés par de nombreux cours d'eau. L'ellipse est renfermée par la chaîne de montagnes des Msirda et des Tzara, dont le point le plus saillant est la montagne carrée que les arabes appellent Djebel-Trara. Cette chaîne s'étend circulairement du sud-ouest au nord-ouest l'autre demi-sphère est la longue chaîne de montagnes sur le flanc de laquelle est bâtie Tlemcen et qui s'étend symétriquement du sud-est au nord-est.

  En se dirigeant sur la Montagne-Carrée à trois lieues de Tlemcen, on arrive au village européen d'Annaia assis sur un mamelon peu saillant, aux pieds duquel coulent de belles eaux. Là, se trouvent de riches plantations d'oliviers concédées par petites portions aux colons qui se présentent pour habiter Annaia. Chacun doit apporter un capital de 4500 F et reçoit 40 hectares de terre en culture, avec l'autorisation d'ajouter à ce don tout ce qu'il pourra ou voudra défricher. Annaia est une ancienne ville qui conserve encore des ruines, entre autres la tour d'une mosquée. C'est un point qui doit avoir de l'avenir ; la fabrication de la tuile y est parfaite. Le village est fortifié d'une enceinte en pisé.

  Au sortir d'Annaia, on traverse des contrées accidentées, de vastes versants parfaitement cultivés, au bas desquels coulent l'Oued-Boumesrou, chez les Bled-Zneta ; l'Oued-Zitoun, dont les bords offrent un bivouac de prairies ; l'Oued-Soufinérof, chez les Ouled-Riah et les Ouled-Djonidah- (cercle de Lalla-Magnia), puis la Tafna et ses affluents ; la Mouliah, qui coule du nord-ouest au sud-est ; l'Oued-Ouederfond, qui coule du sud-ouest au nord-est, Cette dernière rivière prend sa source à deux lieues du fort de Lalla-Magnia, son lit est très-large, ses berges très élevées ; l'eau, quoique belle et courant sur le galet, n'est pas saine ; les montagnes et gorges qu'elle suit en se rendant à la Tafna sont boisées de dzabouges (oliviers sauvages).

  Sur la rive gauche de la Tafna, au gué que traverse la route de Tlemcen à la Mania et où était le pont que les Arabes ont brûlé à l'époque des guerres d'Abd-el-Kader, se trouve une oasis de palmier. Chaque tronc possède six, sept, dix, jusqu'à douze tiges. Sous ces beaux palmiers sont deux sources d'eau chaude à 58 degrés ; ces deux bassins, d'un mètre et demi de profondeur et d'une surface assez peu étendue, peuvent contenir douze à quinze baigneurs :l'un est destiné aux femmes. Ils sont recouverts de fourbis arabes tombant en ruines. Deux gourbis aussi sales et aussi négligés servent d'asile au sortir du bain. Un établissement européen est en construction sous. la direction du bureau arabe. Les eaux chaudes de la Tafna guérissent surtout les maladies de peau.
  Nous arrivons à LaIla-Magnia, notre poste avancé sur les frontières du Maroc. Lalla-Magnia est une sainte en grand renom parmi les Arabes de la contrée (Magnia est un participe qui signifie enrichie) ; son marabout, situé au sud du fort est en grande vénération ; il est parfaitement entretenu et se fait remarquer par l'élévation de sa coupole et l'élégance de ses corniches : il renferme quatre tombeaux.

  La descendance de Lalla-Magnia est à la troisième génération. Il y a encore des anciens de la tribu qui se rappellent avoir vu cette femme célèbre. Sa postérité est représentée par deux frères, dont l'un nous est dévoué et l'autre fait partie des bandes qui infestent nos marches du Maroc. Lalla-Magnia appartenait aux Ouled-Mellouk (fils de princes). Cette tribu, qui est fixée dans le cercle de la Magma compte cinq cents tentes et trois cents cavaliers.
  Le poste de Lalla-Magnia est un poste dans le genre de celui de Daia, mais beaucoup moins grand ; armé de quatre pièces de canon, il défend la route de Djemma Ghazouat (Nemours) et celle de Tlemcen ; à l'est, l'entrée du Maroc, et au sud-ouest, nos possessions des Mirda ; est bâti sur la rive fauche de l'Oued-Ouerderfond, et sa redoute avancée, construite en gabions, enfile presque à bout portant le passage du gué. Lalla-Magnia est dix lieues des frontières du Maroc. C'est au dernier pic de la chaire des Beni-Snouss que se trouvent les mines de Garrouban, chez les Beni-Bousaid (cercle de Sebdou).

  Le climat de la Magnia est lourd et malsain ; constamment chargé d'épais brouillards, il engendre des fièvres dangereuses. L'été y est excessivement chaud et les automnes très-difficiles à passer. Le cimetière, malgré le peu de population, est rempli de tombes . J'y ai remarqué les sépultures de M. de Rovigo, tué en 1814, au combat de la Mouliah ; de M. Offroy, autre capitaine de spahis, tué à la bataille d'Isly ; d'un capitaine du 7e bataillon de chasseurs à pieds, victime de l'insalubrité du pays.
  Beaucoup de maraudeurs circulent sur la frontière ; il n'est pas prudent de s'éloigner du fort , seul et sans armes. Plus d'un Beni-Snassen en embuscade derrière un buisson de jujubiers sauvages est disposé à décharger son moukala sur l'imprudent qui voyage isolément. Les convois sont toujours fortement escortés, et dans ce pays il est bon d'être toujours sur le qui-vive. Un escadron de spahis en garnison â la Magnia veille à la sûreté des routes.

  A propos de spahis, je ne veux pas laisser échapper l'occasion de signaler l'excellente idée qu'a eue le capitaine Chabaud de créer pour les enfants de ses spahis une zaouia (école française-arabe). Zaouia signifie : école religieuse, la seule que connaissent les Arabes, l'étude du Caran. M. Chabaud a institué son école pour les enfants arabes et français. Ces enfants ont un joli uniforme; ils apprennent le français et l'arabe; ils font l'exercice ; ils ont leur petit drapeau, leurs sous-officiers, leurs brigadiers, portent le nom de pupilles, apprennent de bonne heure la discipline ; ils connaissent à fond la géographie.
  J'ai admiré leur intelligence et leurs connaissances. C'est un moyen parfait d'amener les nouvelles générations à adopter notre langue, nos murs, nos habitudes et par la suite notre religion. L'un d'eux m'a récité couramment le Pater et l'Ave en très-bon français ; j'ai assisté à leur leçons. Le plus grand nombre ne porte plus la mèche de Mahomet. Il est à désirer que chaque escadron ait sa zaouia.

  En quittant Lalla-Magnia et en se dirigeant au sud-est sur le piton qui nous sert d'extrême frontière, on parcourt pendant trois lieues une plaine semée de cédras (jujubiers sauvages), de barouak (gros oignons sauvages qui sont un poison), de faraoun, espèce de fenouil à larges feuilles, d'oliviers sauvages, et l'on arrive à la rive fauche de l'Oued-Zidzer, affluent de la, Tafna, courant du sud-est au nord-est. Le sentier que l'on suit en partant du fort est une tangente à l'une des courbes de ce cours d'eau, dont les rives sont plantées de dzabouges ; puis on tourne brusquement à l'ouest, à travers les gorges les plus abruptes, les ravins les plus pittoresques. Après avoir franchi I'Oued-Souia, on arrive à un entonnoir des plus curieux; c'est une agglomération de montagnes, de mamelons, de collines, de rochers aux formes les plus bizarres. Dans ce trou sont situées les mines de Rouban.

  Un camp d'une compagnie préposée à la garde de cet établissement naissant est installé en dépit de la nature du sol. Chaque tente a dû conquérir son plan horizontal, à force de coups de pioche et par le jeu de la mine. Au-dessous de ce camp s'élève par les travaux les plus pénibles le bordj des mines ; il est placé sur une pointe servant de base à la montagne au bas de laquelle serpentent deux cours d'eau ; l'un, la rivière des Roseaux, venant du sud-est, se jette dans l'autre, appelé l'Oued-Garrouban, venant du sud-ouest et servant presque de limite entre nos possessions et le Maroc, car, en s'éloignant à une demi-lieue de la rive gauche de l'Oued-Rouban, vous avez le pied sur l'empire d'Abder-Rhaman. En montant au sommet des montagnes qui dominent de tous les côtés les deux établissements, l'immensité de la plaine s'offre à vos regards limités à L'ouest par la chaîne des Beni-Snassen. Dans cette plaine, â quatre lieues du camp, vous voyez très-distinctement au lever du soleil la ville d'Oucheda, son minaret et ses verts jardins : c'est une oasis dans le désert.

  Gar en arabe signifie : caverne, trou, excavation. Ainsi les Arabes disent : Gar-el-Col, caverne du plomb, Gar-el-Ma, trou de l'eau, Djebel-Garrouban, montagne du trou de Rouban. Rouban est un misérable village arabe d'une vingtaine de masures assises sur l'un des versants sud-est. Deux ou trois familles de Roubani habitent seules ces tristes restes d'une pauvre Kabylie. Il me semble donc que, d'après cette étymologie, l'on devrait dire : les mines de Kouban et non pas de Garrouban, comme l'indiquent les imprimés de la compagnie qui explore ces mines ; car il y a évidemment pléonasme, puisque l'idée des Arabes indique par le mot gar l'excavation produite par la fouille des mines, et Kouban étant d'ailleurs le nom d'une contrée parcourue par les Ben-Bousaid. Les montagnes de Kouban sont couvertes de schiste, de quartz et de baryte ; l'on y trouve des blocs énormes de rochers de grès ; l'on y voit également du. beau cristal de roche. Elles sont richement boisées de chênes verts, d'oliviers, de tuyas, de lentisques et de genévriers.
  La société qui est en instance pour la concession des mines aura à fouiller une superficie de 3,004 hectares, sans droit de culture ni d'autre exploitation. Le gouvernement retirera une rente annuelle de 20 centimes par hectare et 5 pour 100 des produits constatés à la douane.
  Ces mines possèdent des filons de cuivre, plomb, argent.

  Les mines de Kouban ont été exploitées par les Romains, qui, ne connaissant pas la poudre, les ont travaillées par coupes verticales, en suivant la direction des filons et en laissant intactes tontes les parties qui n'offraient. Pas de minerai. Leur travail a toujours été fait à ciel ouvert et n'a jamais dépassé la surface du sol de plus de 30 à 40 mètres de profondeur. Ces immenses fissures que la nouvelle compagnie vient de déblayer sont très curieuses. J'ai remarqué un banc de rocher servant de séparation à deux galeries : il a l'air de ne tenir qu'à un fil, son épaisseur n'étant guère que de 50 centimètres et sa surface suivant tout l'espace des deux galeries.
  Combien d'esclaves ont dû s'ensevelir dans cet affreux travail où le ciseau seul pouvait agir. Mais le peuple-roi était bien au-dessus de semblables considérations.
  L'administration actuelle procède par les puits commencés à la base des montagnes, et à 20, 25, 30 mètres de profondeur de ces puits partiront les galeries et contre galeries. L'eau se rencontre partout. II y a des parties où le travail commence par la construction immédiate des dateries. Tous les essais annoncent un grand avenir pour ces mines ; le minerai sera broyé et lavé sur place.
  On a l'intention de détourner l'Oued-Sonia qui apporterait ses eaux à l'Oued-Rouban.

  On estime à 200,000 F la mise de fonds nécessaire au premier établissement. Je ne doute pas que dans peu d'années l'étroit horizon sur lequel je plane aujourd'hui ne renferme un centre de population très considérable. Ce trou de Rouban offre dès aujourd'hui toute l'activité du travail : forgerons, charpentiers, maçons, mineurs, bites de somme, tout est en mouvement nuit et jour.
  Les ouvriers seront dispersés à proximité de leurs galeries et puits près desquels se construisent leurs maisons à une lieue à la ronde. Garrouban ou le trou de Rouban est à 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, à 90 lieues de la Magnia, et à 15 de Sebdou. Si je n'étais arrêté par la longueur de cet article, j'insisterais encore sur la beauté des sites et points de vue que l'on rencontre dans ces contrées vraiment dianes de l'admiration des touristes !

M. DE MASS0L.
Rouban, 21 mars 1854


La politique de la peur
(Envoyé par Mme A. Bouhier)

          Depuis quelques jours, les grands perdants de la guerre en Ukraine utilisent la peur pour soumettre les peuples européens à leur volonté belliciste.
          Ils ne veulent pas vraiment la paix, mais la continuité de la guerre avec la peur de la Russie comme moyen de la prolonger "jusqu'à la victoire" de l'Ukraine.
          Depuis plusieurs années maintenant, la peur est au centre de la politique d'Emmanuel Macron, de ses gouvernements, et de Mme von der Leyen.

          Levez-vous ce matin, écoutez-les, et vous subirez alors le langage de la peur.
          On nous ordonne d'avoir peur de tout : du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles, du COVID, de la grippe, de la France Insoumise, de la censure, des narcotrafics, des nouveaux nazis, de l'extrême droite française, britannique, hongroise, italienne et allemande, mais aussi de la Chine, de la Russie de Poutine et, désormais, de l'Amérique de Trump.

          La peur gronde dans la bouche de la classe politique européenne au pouvoir. Elle est devenue le moyen exclusif et central de toute politique.
          La peur est un sentiment de danger imminent. Elle peut entraîner une inhibition de la pensée, et prépare l'individu à fuir ou se défendre.
          Soyez de bons citoyens obéissants, ayez donc peur de tout, les amis, y compris de votre ombre, et, surtout, marchez sur la pointe de vos pieds, ayez de bonnes sueurs froides et le sang glacé.

          Soyez surtout prisonnier de la peur de Vladimir Poutine qui va attaquer à partir de demain les pays membres de l'OTAN en Europe, après trois années d'une guerre pourtant épuisante et meurtrière contre l'Ukraine.
          Si, si, croyez ce pouvoir. Il vous le dit. C'est donc vrai. Poutine va certainement nous attaquer.
          Le pouvoir vous l'assure. Ayez peur. Dans ces conditions, tout ira mieux.

          Pendant que Donald Trump gouverne avec l'optimisme de la grandeur et l'espérance de la paix, nos "élites" nous enferment dans leur logique de la peur permanente.
          Si vous voulez contrôler un peuple, surtout, faites-lui peur. C'est le meilleur moyen de l'auto-conservation, et de garder du pouvoir.
          La peur est une arme puissante qui repousse toutes les limites. Elle va permettre à Emmanuel Macron et à Mme von der Leyen de dépenser encore plus l'argent que nous n'avons plus, faute d'économies, pour notre défense.

          Le pouvoir veille donc à ce que votre peur soit bien une réalité. Il nous faut vivre dans un climat d'angoisses perpétuelles entretenu dans des médias qui ont perdu toute notion critique d'indépendance, de recul et de hauteur de vue.
          Écoutez Jean-Noël Barrot. C'est un professionnel de la manipulation des masses par l'usage habile de la peur sur des citoyens conditionnés donc obéissants.

          L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence, donc à la guerre.
          Voilà l'équation du pouvoir, alors que la peur est pourtant une mauvaise conseillère.
          La peur est une vieille potion politique qui n'est pas toujours magique.

          JD Vance avait raison. Nous devons nous inquiéter davantage du comportement de nos élites qui usent et abusent de la peur comme moyen permanent de la politique.


Algérie
PAR MANUEL GOMEZ
3 mars 2025
Algérie : les accords d’Évian n’ont jamais marqué la fin de la guerre           

               Le 19 mars 2016, le président de la République François Hollande a décidé, pour la première fois, de commémorer le 19 mars 1962 et les “Accords d’Évian”.
               Un autre président de la République, Emmanuel Macron, n’a pas hésité à qualifier la colonisation de l’Algérie par la France « de crimes contre l’humanité » et certains de ses ministres se sont agenouillés devant des monuments célébrant la mémoire de terroristes, ennemis de la France.

                Le 19 mars 1962, célébrant la fin de la guerre d’Algérie, est un mensonge éhonté.
               Les “Accords d’Évian” obligeaient la France à un cessez-le-feu en Algérie, mais autorisaient le FLN et l’ALN à enlever, assassiner, massacrer à volonté de jeunes soldats, des civils innocents et des harkis, alors que l’armée française avait l’obligation de rester l’arme au pied, sur ordre de De Gaulle.
               *Ce même jour, 19 mars 1962, à Eckmul (Oran), 16 personnes, dont 3 femmes, avaient été enfermées dans un hangar et l’ALN (Armée Nationale Populaire) y avait mis le feu. Elles sont toutes mortes carbonisées (un mini Oradour-sur-Glane, n’est-ce pas APHATIE ?).
               *Ce même jour, la gendarmerie d’Oran signalait que des dizaines d’Européens étaient séquestrés, jusqu’à ce que mort s’ensuive, pour servir de donneurs de sang pour les combattants de l’ALN. On les retrouva la peau collée aux os et totalement vidés de leur sang.
               Après ce 19 mars 1962, et je cite sous le contrôle de M. Eugène-Jean Duval, inspecteur général des armées et les “archives officielles” :
               *91 actions de guerre de l’ALN et du FLN contre la France.
               *Le 20 mars 1962, 18 soldats tués et 3 blessés.
               *90 soldats français disparus.
               *239 soldats français, fait prisonniers par l’ALN, qui ne sont jamais revenus.
               *1 580 civils européens disparus (dont des dizaines de femmes expédiées vers des bordels militaires de l’ALN).
               Entre le 19 mars et le 5 juillet 1962, plus de 5 000 enlèvements.
               *1 165 civils assassinés.
               *1 773 disparus.
               *Plus de 60 000 harkis massacrés ainsi que leurs familles.

                Interdiction, par le gouvernement français, à la Croix-Rouge Internationale de s’y intéresser : télégramme (très secret) signé Louis Joxe et daté du 2 avril 1962 : “Je serais, pour ma part, hostile à une intervention quelconque de la Croix-Rouge internationale dans tout ce qui concerne les arrestations et détentions d’Européens”.
               *Après le 19 mars 1962, blocus de Bab-el-Oued. L’armée, l’aviation, les tanks, tirent sur les habitants.
               *26 mars 1962, sur ordre de De Gaulle, confirmé par Christian Fouchet, Haut-commissaire en Algérie, l’armée française tire sur une population désarmée qui manifestait devant la Grande Poste de la rue d’Isly, à Alger : plus de 46 morts et 200 blessés.
               La France a reconnu officiellement des “morts pour la France”, en Algérie, après le 19 mars 1962, c’est bien la preuve que les “Accords d’Évian” n’ont jamais marqué la fin de la guerre.
               Nous aimerions savoir comment leurs noms ont été inscrits sur les monuments aux morts ?

                Sous les ordres des généraux Ailleret et Katz, l’armée française a terminé cette guerre, gagnée totalement sur le terrain, dans le déshonneur le plus total.
               Monsieur le (toujours) président de la République et Messieurs les maires des villes et communes de France dans lesquelles vivaient ces jeunes soldats et leurs familles, quand vous célébrerez cette date, ce prochain 19 mars 2017, et que vous garderez une minute de silence, vous les entendrez, tous ceux qui sont morts après le 19 mars 1962, vous hurler leur mépris et leur colère.
               Un crime contre l’humanité certes, mais il est daté du 19 mars 1962.



MENSONGE D’ETAT
Par VERITAS N° 165, février 2013
17 octobre 1961 par Bernard Lugan

          En reconnaissant la responsabilité de l'Etat et en rendant hommage aux « victimes » de la manifestation interdite du 17 octobre 1961, François Hollande s'est comporté en militant sectaire, non en président de tous les Français. D'autant plus que, pour les historiens de métier, les prétendus « massacres » du 17 octobre 1961 constituent un tel exemple de manipulation qu'ils sont étudiés comme un cas exemplaire de fabrication d'un mythe ; comme Timisoara en Roumanie, comme les « couveuses » au Koweit ou encore comme les « armes de destruction massive » en Irak !
          Tout repose en effet sur des chiffres gonflés ou manipulés et sur des cadavres inventés.

          Dans une inflation du nombre des morts, les amis du FLN algérien et les porteurs de valises communistes ont ainsi joué sur les dates, additionnant aux 3 morts avérés du 17 octobre ceux des jours précédents ainsi que les décès postérieurs. Pour eux, tout Nord Africain mort de mort violente durant le mois d'octobre 1961 est forcément une victime de la répression policière...même les victimes des accidents de la circulation.

          Il est possible d'affirmer cela sans crainte d'être démenti car :
          En 1998, le Premier ministre de l'époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission présidée par le conseiller d'Etat Dieudonné Mandelkem qu'il chargea de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l'ouverture d'archives jusque là fermées, le rapport remis par cette commission, fit litière des accusations portées contre la police française. Or ce rapport consultable sur le net n'a visiblement pas été lu par François Hollande.

          En 1999, Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période, publia un livre extrêmement documenté qui démontait la thèse du « massacre » du 17 octobre (Brunet, J-P, Police contre FLN. Le drame d'octobre 1961 Paris).
          En 2003, le même Jean-Paul Brunet publia un nouveau livre (Charonne, lumière sur une tragédie, Paris) dans lequel il démontrait que le prétendu « rapport de police » faisant état de 140 morts le 17 octobre, document qui sert de point de départ à J.L Einaudi, auteur du livre sur lequel repose toute la manipulation (Octobre 1961, un massacre à Paris), n'a jamais existé.

          Reprenant la liste des morts donnée par Einaudi, il montre également que la majorité des décès remonte à des dates antérieures au 17 octobre et il prouve que ce dernier a manipulé les chiffres, additionnant les cadavres non identifiés reçus à l'Institut Médico Légal au nombre des disparus et même (!) à celui des Algériens transférés administrativement en Algérie après qu'ils eurent été arrêtés le 17 octobre. Il montre enfin qu'Einaudi a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment les noms...
          Monsieur Hollande pouvait-il ignorer tout cela ? Si oui, la nullité ou l'aveuglement militant de ses conseillers laisse pantois.

          Quel est donc le vrai bilan de cette manifestation ?
          - Le 17 octobre 1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant massacre, l'Institut Médico Légal (la Morgue), n'a enregistré aucune entrée de corps de « NA » (NA: Nord Africain dans la terminologie de l'époque).
          - Le 17 octobre 1961, de 19h30 à 23 heures, il n'y eut qu'une seule victime dans le périmètre de la manifestation et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ?
          - En dehors du périmètre de la manifestation, « seuls » 2 morts furent à déplorer, Abdelkader Déroues tué par balle et retrouvé à Puteaux et Lamara Achenoune tué par balle et étranglé, gisant dans une camionnette, également à Puteaux. Rien ne permet de dire qu'ils furent tués par les forces de l'ordre.

          Le 18 octobre, à 4 heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne fut donc de 3 morts. Nous sommes donc loin des dizaines de morts et de « noyés » auxquels l'actuel occupant de l'Elysée a rendu hommage !
          Certes, nous dit-on, mais les cadavres ont été déposés à la morgue les jours suivants.
          Faux, car ce n'est pas ce qu'indiquent les archives de l'Institut Médico Légal de Paris puisque, entre le 18 et le 21 octobre, « seuls » 4 cadavres de « NA » furent admis à la Morgue ;
          - Le 18 octobre, Achour Belkacem tué par un policier invoquant la légitime défense et Abdelkader Benhamar mort dans un accident de la circulation à Colombes.
          - Le 20 octobre, Amar Malek tué par balles par un gendarme.
          - Le 21 octobre Ramdane Mehani, mort dans des circonstances inconnues.
          Nous voilà donc bien loin des 100, 200 ou même 300 morts « victimes de la répression» avancés par certains et pour lesquels M. François Hollande a reconnu la responsabilité de la France !

          D'autant plus que le « Graphique des entrées de corps N.A , (nord-africains) par jour. Octobre 1961 », nous apprend que du 1er au 30 octobre 1961, sur les 90 corps de « N. A » entrés à l'Institut Médico Légal, la plupart étaient des victimes du FLN.
          Plus encore, pour toute l'année 1961, 308 cadavres de « N. A. » entrèrent à I'IMI, la plupart ayant péri dans la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l'Algérie française ou du MNA de Messali Hadj.

          Ainsi, au mois d'octobre 1961, sur les 34 cadavres de « NA. » retirés de la Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons puis conduits à l'IMI, la quasi totalité étaient des harkis, des partisans de la France ou des membres du MNA, une des méthodes d'assassinat du FLN consistant à noyer ses opposants. La police française n'est pour rien dans ces noyades.
          François Hollande devra donc rendre compte au tribunal de I'Histoire car il a couvert de son autorité un mensonge, une manipulation, un montage grossier qui va être utilisé contre la France par ceux que son ministre de l'Intérieur a qualifiés « d'ennemis de I'intérieur ».



Mireille Knoll
PAR MANUEL GOMEZ
5 mars 2025
Mireille Knoll a été assassinée par Yassine parce qu’elle ne savait pas…           

               Souvenons-nous : Mireille a été assassinée le 23 mars 2018 parce qu’elle ne savait pas…
               « L’Histoire est un éternel recommencement. »
               Il faut croire que Thucydide avait déjà raison quatre siècles avant Jésus-Christ car nous revivons, en ce début du XXIe siècle, des événements aussi dramatiques que ceux que nous avons connus, en Algérie, vers la moitié du XXe.
               Mireille Knoll, cette vieille dame juive qui ne comprenait pas la haine, connaissait Yassine depuis qu’il était adolescent.
               Elle l’accueillait, lui ouvrait ses bras et son cœur.

                Ce vendredi 23 mars, Mireille et Yassine prenait l’apéro ensemble, un verre de porto.
               Le fils de Mireille, Daniel, l’avait pourtant mise en garde à plusieurs reprises : « Tu ne le reçois plus, on ne veut plus entendre parler de lui. ». Mais Mireille faisait totalement confiance à Yassine. Elle ne savait pas !
               Elle ne savait pas que des centaines d’autres avaient, déjà auparavant, fait confiance à des Yassine et qu’ils avaient été massacrés.
               Elle ne savait pas que le 20 août 1955, dans un petit village minier, El Halia, près de Philippeville, en Algérie, une bande de terroristes-égorgeurs du FLN, armés jusqu’aux dents, avait massacré 123 habitants.
               Elle ne savait pas que ces égorgeurs étaient dirigés par le Yassine de l’époque, il s’appelait Chérif et c’était le chauffeur du taxi du village, l’ami des 123 habitants massacrés, l’ami de la famille chez qui il pénétrait avec sa haine, son fusil et son couteau.
               Il avait assisté à leur récent mariage, il était même allé les chercher à la gare, lors de leur retour du voyage de noces.
               Chérif a tiré en pleine poitrine sur la pauvre mère, avec son fusil de chasse. Elle est morte sur le coup avec, dans ses bras, Roland, son enfant, grièvement blessé.
               Rose, sa fille, tuée dans le dos et son bébé fracassé contre le mur.
               Chérif a ensuite tiré sur Marie-Jeanne, son autre fille, et la troisième, Olga, a été violée puis assassinée. Enfin, la quatrième sœur, Suzanne, n’a été seulement que blessée à la tête.
               Puis Chérif et ses copains ont traversé la rue et pénétré chez la famille Azaï. Tous massacrés à coups de couteau, la mère, le père, les deux filles, dont l’une paralysée de naissance et la seconde qui venait d’arriver de France, en vacances avec son bébé, déchiqueté.
               Et le massacre de l’ami Chérif s’est poursuivi jusqu’au soir, jusqu’à l’arrivée de l’armée.
               Chérif, tout comme Yassine, buvait la veille l’apéro avec les hommes de toutes ces familles. Il était même l’ami de René, sourd de naissance, retrouvé mort 15 jours plus tard, au fond de la galerie d’une mine.

                Des exemples aussi dramatiques que celui-ci, des exemples d’amitié trahie, des exemples d’amis assassinés par leurs amis, il y en a eu des centaines en Algérie.
               Non, Mireille ne savait pas qu’il ne faut pas faire confiance aveuglément et pourtant n’avait-elle pas, toute jeunette, déjà connu la haine ! La haine d’une certaine croyance, celle des nazis, qui justifiait l’extermination des juifs et qui n’a d’égale, depuis des siècles et des siècles, que l’extermination des chrétiens par les islamistes ! La haine des islamistes pour tout ce qui n’est pas musulman.
               Mireille ne savait pas qu’il y a des haines plus fortes que l’amour, que l’amitié.
               Elle ne le savait pas et elle ne le saura jamais !



Macron et l’Algérie : fiasco total
Eric de Verdelhan, 5 février 2025
https://ripostelaique.com/macron-et-lalgerie.html
« Que les Français aient approuvé l’abandon de l’Algérie, ce morceau de France, trahie et livrée à l’ennemi, qu’ils aient été complices du pillage, de la ruine et du massacre des Fran-çais d’Algérie… Ceci, je ne le pardonnerai jamais. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment. » (Maréchal Alphonse Juin, le 2 juillet 1962)

       
        La période des vœux est terminée, nous voilà déjà en février. Cette période des vœux est pro-pice aux grandes résolutions… qu’on s’empresse d’oublier dès la fin janvier. Personnelle-ment, en 2024, j’ai pris une décision à laquelle je pensais me tenir : celle de tirer un trait sur l’Algérie. J’ai écrit plusieurs livres (1) et des dizaines d’articles qui traitent de l’Algérie fran-çaise. Je pensais sincèrement avoir épuisé le sujet, mais les « chicayas » entre Emmanuel Ma-cron et Abdelmadjid Tebboune, ce jeu dangereux qui consiste à chercher à être aimé par quel-qu’un qui nous déteste, est préjudiciable à tout le pays. On semble oublier – ou, plus exacte-ment, on fait semblant d’ignorer – que nous avons sur notre sol une cinquième colonne algé-rienne qu’il est très difficile de quantifier avec précision.
        L’Algérie actuelle compte 45 millions d’habitants. La moitié de cette population a moins de 25 ans. Et ces jeunes, plutôt que de crever de faim en Algérie, profitent des accords iniques de 1968 et viennent massivement en France, cet ancien colonisateur honni qu’ils apprennent à détester dès l’école.

        En 2022, Macron nous a imposé le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Ceci nous a valu, tout au long de l’année – mais surtout autour du 19 mars et du 5 juillet – des démonstrations de repentance honteuse de la part de notre classe politique, des articles ten-dancieux d’une presse (majoritairement de gauche) culpabilisant la France, des films et do-cumentaires à la gloire du FLN, et aussi des manifestations de liesse qui se transformaient immanquablement en actes de vandalisme de la part des Franco-algériens – « Français de papiers » par le Jus Soli – ou Algériens résidant chez nous, chez l’ancien colonisateur (dont ils ne dédaignent pas les aides sociales, aussi diverses que généreuses, que notre pays repen-tant leur verse sans compter).
        Sur la colonisation et la guerre d’Algérie, nous aurions pu, nous aurions dû, laisser le temps faire son ouvrage. Il cicatrise les plaies, favorise l’oubli et parfois même, le pardon (2). Mais François Hollande, sur les conseils de son ami Benjamin Stora, a préféré jeter du sel sur des plaies encore à vif : il s’est rendu à Alger en décembre 2012 et, sur place, il a condamné la France pour les massacres de Sétif en mai 1945. Ensuite, il a accusé notre police d’avoir commis une tuerie d’Algériens, le 17 octobre 1961, en plein Paris. Croyant s’attirer les suffrages des Franco-Algériens, il n’a fait qu’attiser la haine des jeunes issus de l’immigration maghrébine envers la France. Mais nous n’avions pas encore touché le fond ! Avant son élection, en février 2017, Emmanuel Macron qualifiait l’œuvre française en Algérie, le travail remarquable (et souvent désintéressé) des colons français sur une terre aride et inhospitalière durant 132 ans, de « crime contre l’humanité ». Puis, en octobre 2018, il allait salir notre Armée en faisant repentance, pour la France, au domicile de la veuve de Maurice Audin. Macron, qui ne connaît rien à notre histoire, ignorait ce que fut la « Bataille d’Alger » : une période trouble durant laquelle Alger, deuxième ville de France à l’époque, aura connu 112 attentats dans le seul mois de janvier (1957). Le commissaire Benhamou n’arrivant à rien avec 1500 policiers, le socialiste Robert Lacoste donna les pleins pouvoirs (y compris ceux de police) au général Massu qui rentrait de l’« Opération Mousquetaire » à Suez. Massu, qui étrennait ses étoiles, commandait la 10ème DP : une Division Parachutiste. Ses régiments ont tous convergé sur Alger. Je ne vais pas, une fois de plus, raconter la bataille d’Alger. Retenons que les paras de Massu ont éradiqué le terrorisme dans la ville. Pendant la bataille d’Alger, Maurice Audin a été arrêté par des Légionnaires paras de la section du lieutenant Erulin (3), du 1er REP, puis remis pour interrogatoire aux paras du commandant Aussarresses. Il disparaît le 11 juin 1957 et on ne saura jamais, de façon formelle, s’il a été tué par les gens chargés de l’interroger ou par ses amis du FLN après s’être évadé. Mais après tout, Maurice Audin était un traître à sa patrie : la façon dont il est mort n’a pas grande importance !
        Ensuite, Macron, en pompier-pyromane, n’a cessé de souffler sur la braise. C’est sciemment que je parle de braise, en pensant à deux films « engagés » (toujours contre la France) :
        « Chronique des années de braise » de Lakhdar-Hamina (4) sorti en 1975, et « Des feux mal éteints » de Serge Moati (5), sorti en 1994. Des procès en sorcellerie, à charge contre la France.

        En 2020, il chargeait Benjamin Stora de « dresser un état des lieux juste et précis » sur la mémoire de la colonisation et la guerre d’Algérie. Rappelons, brièvement, certaines proposi-tions du fameux « Rapport Stora » qui est une invitation à la repentance aussi unilatérale que l’étaient les funestes Accords d’Evian. Il propose notamment de constituer en France une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie ; de commémorer les dates symboliques du conflit (le 19 mars 1962, le 25 septembre, et le 17 octobre 1961) ; de restituer à l’Algérie l’épée de l’émir Abdelkader « hé-ros de la résistance à la colonisation française » ; de reconnaître l’assassinat de l’avocat et militant politique Ali Boumendjel, pendant la bataille d’Alger ; de poursuivre les travaux sur les essais nucléaires français dans le Sahara et leurs conséquences (ainsi que celles de la pose de mines antipersonnel durant la guerre) ; de faciliter les déplacements des Harkis et de leurs enfants entre la France et Algérie (6) ; de réactiver le projet de « Musée de l’histoire de la France et de l’Algérie », prévu à Montpellier et abandonné en 2014 ; de faire entrer au Pan-théon l’avocate Gisèle Halimi, figure d’opposition à la guerre d’Algérie (7) ; d’ériger des « lieux de mémoire » sur quatre camps d’internement d’Algériens en France, etc.
        Dans la foulée, Macron, comme Hollande avant lui, condamnait le soi-disant massacre du 17 octobre 1961 (8), puis la ministre Roselyne Bachelot annonçait que la France allait ouvrir « avec quinze ans d’avance » les dossiers concernant la guerre d’Algérie. Du côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune, comme TOUS ses prédécesseurs, se moque des gesticula-tions françaises comme de sa première djellaba. Ce qu’il attend, c’est un acte de contrition en bonne et due forme avec, à la clé, des indemnisations pour les spoliations et crimes que nous aurions commis en Algérie.
        Devant une France faible, une France avachie, une France à genoux, une France reptilienne, il ne faut pas s’étonner de voir des Algériens (ou Franco-algériens) manifester et saccager les vitrines de nos grandes villes, en brandissant des drapeaux algériens, lors de la victoire de leur pays (car pour eux la France n’est pas leur pays) à la Coupe d’Afrique de football. Il est dit que nous boirons la coupe jusqu’à la lie, jusqu’à l’hallali, puis juste qu’au « halal » tout court.
        Dans mes écrits sur l’Algérie, je me suis intéressé à l’histoire, au contexte géopolitique qui a entrainé ce drame, à la réal-politique, au démarrage économique créé par la France et aussi au côté sentimental de cet abandon tragique : la perte, pour les « Pieds noirs » et les Harkis, d’un pays de cocagne où il faisait bon vivre. Mais jamais je n’ai évoqué la guerre entre la chrétien-té et l’islam. D’autres l’ont fait avant moi, et sans doute mieux que je ne l’aurais fait moi-même (9).
        Je vais cependant en dire un mot, pour ne plus avoir à y revenir ensuite. Arrêtons de raconter que c’est le monde chrétien qui colonisa le Maghreb. Ce sont les Arabo-musulmans, en l’an 630, qui colonisèrent des peuples chrétiens (et romains) depuis des siècles. Peuples auxquels ils imposèrent leur religion – l’Islam – par la force. Ces peuples étaient chrétiens et ils ont donné trois papes et cinq empereurs romains. Les papes furent Victor (de 189 à 199), Mel-chiade (de 311 à 314), et Gélase (de 492 à 496). En Occident, les amoureux qui fêteront bien-tôt la Saint Valentin ne savent pas que cette fête a été instaurée par Gélase 1er, pape berbère. Et bien peu de gens savent qu’un évêque berbère, Saint Augustin d’Hippone, est considéré comme l’un des quatre « Pères de l’Eglise ».

        Ce n’est qu’en l’an 250 que la Gaule fut évangélisée ; ce n’est qu’en 392 que le Christia-nisme devint religion d’Etat sous l’empereur Théodose, alors qu’il était implanté chez les Berbères depuis l’an 150. Qui, chez nous, a entendu parler de Dihya, connue sous le nom de « la Kahina » (ou la Kahena) ? Une princesse berbère qui a combattu les Omeyyades, lors de la conquête musulmane du Maghreb au VIIe siècle. Après plusieurs succès contre les envahis-seurs musulmans, Dihya a été tuée au combat, dans les Aurès, en 703. Elle est une figure his-torique et identitaire des Chaouis et des Berbères en général. Selon Zineb Ali-Benali (10), Dihya réussit à unifier tout le Maghreb. Au début de la conquête musulmane, l’unité du Mag-hreb centrale (l’actuelle Algérie) est réalisée par Koceïla. Ce chef berbère prend la tête de la résistance, de 680 à 688. Le Maghreb était chrétien avant d’être musulman. Charles de Fou-cault était lucide quand, le 29 juillet 1916, il écrivait à René Bazin :
        « Les musulmans peuvent-ils être vraiment français ? D’une manière générale, non : plu-sieurs de leur dogme fondamentaux s’y opposent. Le seul moyen pour qu’ils deviennent fran-çais est qu’ils deviennent chrétiens ». Un retour à la religion chrétienne de leurs ancêtres qui eût été assez logique mais l’anticléricalisme maçonnique de la IIIe République ne pouvait l’accepter.

        Mais revenons à nos moutons, à savoir, ce qu’a été « notre » Algérie française :
        D’une colonisation, exemplaire à plus d’un titre, nous avons fait un motif de culpabilité et de contrition ; nous avons transformé une guerre indéniablement gagnée militairement en dé-faite ; en perdant les hydrocarbures sahariens nous avons bradé notre autosuffisance énergéti-que ; nous avons parqué dans des camps insalubres les Harkis fidèles à la France (quand nous ne les avons pas livrés désarmés aux égorgeurs du FLN) tandis que nous déroulions le tapis rouge aux Fellaghas.

        Donc, si nous devons faire repentance, c’est d’avoir abandonné l’Algérie française.
        Le bachaga Saïd Boualem a écrit : « Quand les Français débarquèrent sur nos côtes, le mot Algérie n’existait pas. 1830, c’est le chaos, deux millions d’esclaves rançonnés par les pil-lards, rongés par la syphilis, le choléra, la malaria ; des déserts, des marais pestilentiels… Pour juger l’œuvre de la France… il me parait utile de faire une comparaison. En Algérie, deux recensements 1856 : 2 307 350 musulmans ; 1954 : 8 670 000 musulmans. En Amérique du Nord, lors de l’arrivée des Blancs, il y avait 1 500 000 Peaux-rouges ; aujourd’hui ils sont moins de 300 000. Ces chiffres sont rarement cités par les décolonisateurs ! L’œuvre de la France est une réalité et aujourd’hui s’impose une vérité historique que l’Occident va ap-prendre à ses dépens : la nécessité de la présence française. Hors cette paix que la France a maintenue pendant un siècle, le vieux fanatisme religieux de l’Islam n’ouvre qu’une voie : le retour sanglant à la féodalité… ». On peut m’objecter que le bachaga Saïd Boualem était favorable à l’Algérie française ; c’est vrai ! Alors citons ce que Ferhat Abbas, le père du na-tionalisme algérien, disait en 1936 : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais na-tionaliste et je n’en rougirais pas comme d’un crime. Mais je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les vi-vants et les morts, j’ai visité les cimetières, personne ne m’en a parlé. Sans doute, ai-je trouvé l’Empire arabe, l’Empire musulman qui honorent l’islam et notre race, mais les Empires se sont éteints. On ne bâtit pas sur du vent. Nous avons donc écarté une fois pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans ce pays. » Et c’est encore lui qui déclarait : « L’œuvre de la France est admirable ! Si la France était restée vingt ans de plus elle aurait fait de l’Algérie l’équivalent d’un pays euro-péen ». Et d’ajouter : « La France a commis un crime : elle a livré le peuple algérien aux tueurs et aux assassins… ». Depuis la reconnaissance des droits du Maroc sur le Sahara occi-dental, Macron est à nouveau en froid avec Tebboune et il cherche à revenir dans ses bonnes grâces. Tout ceci ne rime à rien. Je ne crois pas à une possible réconciliation entre l’Algérie et la France. Parmi les Algériens (et les Tunisiens ou les Marocains), beaucoup de ceux qui ont connu la colonisation ou les protectorats français aiment notre pays. Ceux qui ont voulu devenir français se sont bien intégrés, ne le nions pas.

        Mais la jeune génération, manipulée par les imams, les islamo-gauchistes et une Éducation nationale imprégnée d’anticolonialisme, a appris à nous détester. Un sondage récent nous ré-vèle qu’en région parisienne 75 % des jeunes de 15 à 18 ans d’origine maghrébine font passer la charia avant les lois de la République. Souvenons-nous de cette prophétie de Houari Bou-médiène : « Après l’Algérie française viendra le temps de la France algérienne ; nous vain-crons ce pays par le ventre de nos femmes… ». Il voyait juste mais il ne pouvait pas imaginer que les dirigeants (et les partis de gauche) de l’ancien colonisateur se révéleraient des « collabos » de la pire espèce. Il y a quelques années, à la suite d’un de mes articles, un élu macroniste m’écrivait : « Sur l’Algérie, vous ne savez pas tourner la page ». Je lui ai répon-du : « Monsieur, il m’est difficile de tourner la page sachant que monsieur Macron s’est tor-ché avec. »…
Eric de Verdelhan

        1)- « Requiem pour l’Algérie française », « Un homme libre… », « Oran le 5 juillet 1962 (et quelques massacres oubliés) » et « Hommage à NOTRE Algérie française ».
        2)- Dans mon esprit, le pardon est dû aux « Pieds noirs » et aux Harkis honteusement aban-donnés par la France. Nous ne devons RIEN à l’Algérie qui nous doit son existence, son in-dustrialisation, ses infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, et la découverte de ses hydrocarbures, etc.
        3)- Philippe Erulin, né à Dole le 5 juillet 1932 et mort à Paris le 26 septembre 1979. Il était chef de Corps du 2ème REP lors de l’opération de Kolwezi en mai 1978.
        4)- « Chronique des années de braise », film algérien réalisé par Mohammed Lakhdar-Hamina, sorti en 1975 et qui, comme par hasard, remporta la Palme d’or au Festival de Can-nes.
        5)- « Des feux mal éteints », film français de Serge Moati, sorti en 1994, sur la guerre d’Algérie.
        6)- C’est sans conséquence puisque les Algériens considèrent encore aujourd’hui nos Harkis comme des traîtres et n’en veulent pas chez eux.
        7)- Rappelons que Gisèle Halimi était proche du FLN et œuvrait contre la France.
        8)- Le professeur Bernard Lugan et moi-même avons rédigé suffisamment d’articles sur le sujet pour qu’il ne soit pas utile d’y revenir ici.
        9)- Merci à l’ADIMAD-MARF d’avoir traité ce sujet dans un de ses bulletins.
        10)- Contentons-nous des écrits de Zineb Ali-Benali. Dans un (mauvais) livre, Gisèle Halimi en fait une ancêtre du… combat féministe.
Eric de Verdelhan - 5 février 2025


DECADENCE SPIRITUELLE
Par VERITAS N° 165, février 2013
Le meurtre des départements
Français d'Algérie

          Les raisons profondes liées à la décadence spirituelle de la France contribuent à expliquer l'éclosion de la subversion algérienne et le désastre français final. Mais, dans l'aggravation de cette subversion et dans ce désastre final, Charles De Gaulle a eu un rôle déterminant et, vivant ou mort, il endosse une responsabilité personnelle considérable.
          Il est intéressant de revenir sur les motivations de ce politicien dont les actes ont pour l'Algérie et pour la France une portée historique plus vivante que jamais. On ne saurait créditer totalement De Gaulle lui-même de son idéologie anticoloniale, anti Algérie Française, qui a sous-tendu son cheminement tortueux et contradictoire..

          En fait, il puisait ses idées dans l’idéologie des chrétiens progressistes en général, et du journal « Le Monde » en particulier complice de fait des communistes, dans cette affaire comme dans tant d'autres. Dans le meurtre de l'Algérie Française, De Gaulle a eu recours à la duplicité, au mensonge, au parjure, à la plus extrême brutalité et à la plus totale inhumanité, mais, aussi, il a régné en dictateur absolu, subjuguant des politiciens et des parlementaires lâches et prêts à tous les reniements, qui se sont avérés être des polichinelles entre ses mains.

          En 1958-1959, seul, semble-t-il, Couve de Murville était partisan d'une solution indépendantiste. Quatre ans après, tous les membres du Gouvernement l'ont suivi, perinde ac cadaver, dans les décisions génocidaires qui allaient mener à la pire des indépendances.
          Mais, en dehors de l'idéologie anticoloniale ambiante, plusieurs facteurs rendent compte de l'acharnement de Charles De Gaulle à mettre à mort l'Algérie Française à tout prix, à toute vitesse, et dans n'importe quelles conditions.

          Plusieurs faits témoignent de cette méconnaissance. C'est l'erreur qu'il a commise en croyant que les Français d'Algérie – hormis quelques profiteurs - pourraient cohabiter avec les Musulmans dans une Algérie placée sous la coupe des terroristes les plus anti-français. Le 8 décembre 1961, il répond à Peyrefitte qui craint un exode massif des Français d'Algérie : « Sur le million de Français de souche, il y a cent mille colons qui profitaient du régime colonial et qui, évidemment, cesseront de pouvoir le faire, mais les autres s'adapteront à la situation nouvelle que créera l'indépendance. L'Algérie nouvelle aura besoin d'eux, et ils auront besoin d'elle. ».

          Après les exactions ayant affecté des dizaines de milliers de ces Français d'Algérie, depuis le 19 mars en particulier, De Gaulle disait, le 4 juillet 1962, en Conseil des Ministres : « Même si beaucoup continuent à s'en aller, je suis persuadé que la grande majorité d'entre eux retournera en Algérie. ». A la veille du massacre des Européens à Oran, l'affirmation était tout sauf prophétique. Le 25 juillet, alors que les spoliations et les exactions se multipliaient en Algérie, De Gaulle affirmait : « Maintenant, l'important va être de persuader la plupart des repliés de rentrer en Algérie ! ».
          Quoi qu'il en soit, ces Européens, Français approximatifs, véritable mélange de plusieurs peuples méditerranéens, ne lui inspiraient, à priori, que mépris. De plus, ces Européens avaient été, en leur temps, pétainistes - comme l'avaient été, d'ailleurs, en France les « quarante millions de pétainistes » évoqués dans un titre fameux d'Amouroux. Et, dans l'ensemble, ils avaient osé lui préférer des hommes tel que Giraud et l'avaient fraîchement accueilli en 1943.

          Il est vrai qu'ils avaient préféré des chefs militaires plutôt orientés vers le combat pour libérer la France à un politicien rusé et retors qui ramenait le communisme, qui avivait les divisions entre les Français, et qui était plus préoccupé de s'emparer du pouvoir que de libérer son pays ! Ajoutons à cela que bien des officiers de l'Armée d'Afrique n'ont pas réservé un accueil enthousiaste à De Gaulle car, depuis trois ans, en bien de points de l'Empire ayant échappé à l'occupation allemande, les forces gaullistes avaient fait couler, inutilement, bien du sang français !

          Mais, surtout, le racisme de Charles De Gaulle à l'égard des indigènes d'Algérie était effrayant. Le fait est attesté par d'innombrables citations rapportées par Peyrefitte. Il détestait les hommes en turbans et en djellabas. La perspective de voir plusieurs dizaines de députés arabes d'Algérie à l'Assemblée Nationale était, pour lui, le summum de l'horreur ! Et il envisageait avec la plus extrême répugnance l'éventualité de la multiplication de mariages mixtes entre Français et Algériens musulmans, débouchant sur un véritable métissage... Il est évident qu'avec ses successeurs à la présidence de la Vème République, tels Giscard, Chirac, Sarkozy, et, aujourd'hui, Hollande, le gaullisme a fait du chemin vers... le métissage.

          Dans cette réaction passionnelle, Charles De Gaulle pouvait être d'une mauvaise foi sans limite. Quand, avec Soustelle, il évoquait les mutilations perpétrées par les terroristes FLN en Algérie, il faisait remarquer à son vieux compagnon de route devenu Gouverneur de l'Algérie Française :
          « Vous voyez bien que ces gens-là ne sont pas des Français, car jamais des Français ne commettraient de telles atrocités ! ».
          Il oubliait tout à la fois les quelques menues violences qu'il avait laissé commettre en France, au moment de l'Epuration. Il oubliait aussi le fait que les musulmans d'Algérie, dans leur ensemble et pendant les 132 ans de présence française, se sont plus souvent conduits en hommes civiques et loyaux qu'en tortionnaires... Encore fallait-il que la France fut forte et juste, impitoyable dès les premières velléités du réveil de la violence.

          Le meilleur moyen d'attiser une violence latente chez ces hommes était - comme l'a fait Charles De Gaulle - la volonté de ne traiter qu'avec les tortionnaires. La réalité de ce dégoût qu'inspiraient les musulmans d'Algérie à De Gaulle n'empêche pas un historien (?) engagé, comme Benjamin Stora, de prétendre que : « L'image de Charles De Gaulle demeure celle d'un décolonisateur, attentif au sort des populations du sud, proche de leurs aspirations et de leurs souhaits ».
          Ces hommages confinent au paradoxe s'adressant à Charles De Gaulle, politicien pleinement responsable de la mort violente de centaines de milliers de musulmans algériens. Il demeure aussi l'homme qui a octroyé leur indépendance aux pays d'Afrique noire pour se débarrasser de ces « nègres », comme il les appelait et dont il se sentait si distant !

          Quant à la prétention vertueuse d'un Charles De Gaulle voulant faire bénéficier chaque nation de son indépendance, ses déclarations intimes abondent qui démontrent qu'il considérait, en fait, les « Algériens » comme incapables d'assumer les devoirs d'Etat. Citons seulement celle du 25 juillet 1962. « Les Algériens vont s'étriper. Ils ne savent pas faire autre chose. Nous ne pouvons quand même pas recommencer la guerre d'Algérie pour arranger leurs choses...»

          Evoquons pour conclure l’ingratitude dont Charles De Gaulle pouvait faire preuve : Il lui fallait perdre l'Algérie pour démontrer qu'il ne lui devait rien alors que c'est le grand mouvement patriotique de l'Algérie, en mai 1958, habilement exploité par ses comploteurs, qui a acculé la IVème République à faire appel à lui et à lui permettre de reprendre le pouvoir.
          Pour mieux prendre ses distances, par rapport à ceux auxquels il devait le pouvoir, De Gaulle n'hésitait pas à les calomnier : ainsi, le 8 juin 1962, s'exprimant à la télévision, il dénonça le 13 mai 1958 comme « une entreprise d'usurpation venue d'Alger ». Il est dommage que personne ne lui ait posé la question : « Quel était le plus grand usurpateur ? »
Par Georges DILLINGER



Algérie
Par M. Michel Festivi
HISTOIRE, RIPOSTE LAIQUE 11 mars 2025
Face à un Bernard Lugan, Aphatie, Macron et Stora sont écrasés comme des crêpes

        C’est toute la différence entre de vrais historiens, ceux qui depuis des années étudient en profondeur les questions qu’ils traitent ensuite dans des livres et des articles, et des démagogues, des histrions, des idéologues à la mode trotskiste ou islamo-gauchiste, qui se permettent toutes les élucubrations parce qu’ils sont protégés par leur idéologie, totalement wokiste, et que des médias du système, ceux aussi du service public, leur ouvrent largement leurs micros, pour qu’ils puissent déverser leur haine anti-française, et des Présidents qui n’ont été formés que par la lecture des annales de Science Po et les articles du Monde et de Libération.

        Les grands médias se devraient de donner la parole à des historiens comme Bernard Lugan, pour traiter de l’Afrique, de l’Algérie, du Maroc, pays qu’il connaît en profondeur. Il a écrit un nombre d’ouvrages considérables et sa lettre, L’Afrique réelle, est remarquable. Si nos gouvernants étaient avisés, ils en feraient leur conseiller spécial pour l’Afrique, cela éviterait bien des bévues, des bêtises, des drames.

        Bernard Lugan vient de publier aux éditions Ellipses Histoire des Algéries, des origines à nos jours, et il répond à de nombreuses questions dans le dernier numéro 182 de l’Afrique réelle, de février 2025. Ses développements lumineux sont autant de gifles données à nos prétendues élites politiques, et à un Jean-Michel Aphatie qui ferait mieux de reprendre ou de commencer ses études à zéro, et de se taire, surtout se taire.

        Dans l’éditorial de ce numéro, Bernard Lugan nous brosse un tableau sidérant du pouvoir algérien, qu’il qualifie « de fuite en avant », par ses « errements diplomatiques ». Les militaires théocratiques totalitaires multiplient les provocations, avec le Maroc, avec la France et même, nous l’apprend-il, avec la Turquie. « L’amateurisme-fanatisme d’Alger est le reflet d’un régime aux abois qui se raidit et se crispe au lieu de tenter d’acheter sa survie par une profonde remise en cause. ». En contrepoint, il condamne la politique française qui « au lieu de profiter de la situation pour enfin mettre à plat le contentieux qui existe entre la France et l’Algérie, les dirigeants français vont une fois de plus composer ». Pour Bernard Lugan, la France a toutes les cartes en main pour agir efficacement, car le gaz et le pétrole algérien ne représente que 8 et 9 % de la consommation française, le commerce de la France avec l’Algérie c’est 12 milliards d’euros pour un commerce extérieur global de 770 milliards d’euros, et que les dangers de la cinquième colonne immigrée tant crainte par nos faisant fonction de gouvernement « pourraient être facilement réglés par des mesures de simple police… ». C’est bien là le problème, il en va de Macron, de Bayrou et d’autres comme du dernier Président de la IIIe République, que de Gaulle avait mis plus bas que terre d’une simple pichenette : « Pour être chef de l’État, encore avait-il fallu qu’il y eût un État, et qu’il fût un chef ».

        Outre ses considérations passionnantes sur la constitution ethnique, linguistique, historique, religieuse de ce territoire qui va devenir l’Algérie par la grâce des Français et de la France, Bernard Lugan nous fournit dans cet entretien quelques éléments de réflexion bien utiles et bien précieux. Car c’est la France qui créa de toutes pièces l’Algérie ; sans la France, pas d’Algérie, n’est-ce pas Monsieur Aphatie ? Les militaires français ont constaté dès 1830 qu’il y avait autant de tribus dispersées que de pouvoirs à honorer, le roi du Maroc, la Sublime Porte, et d’autres potentats. « Ce fut la France qui rassembla ces ensembles, notamment à travers une ambitieuse politique de désenclavement routier. Ce fut elle, qui en 1839, leur donna un nom : l’Algérie. Ce fut encore la France qui traça les frontières. ». Bernard Lugan n’élude pas les fautes politiques commises par la France, notamment après 1870, sous la IIIe République jacobine et idéologue à souhait, qui mit à bas tout le formidable travail qui avait été réalisé par les militaires et les bureaux arabes sous Louis-Philippe et Napoléon III.

        Outre l’unification du territoire, la France permit à la future Algérie de s’agrandir. Un fait particulièrement méconnu est porté à notre connaissance par Bernard Lugan. Le Maroc fut amputé à l’Ouest du Touat, du Tidikelt, du Gouara, du Tindouf, de Béchar, de Tabelbala notamment « au Sud, en l’ouvrant sur le Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé ». Comme à son habitude, l’universitaire Bernard Lugan nous reproduit des cartes particulièrement explicites et parlantes. C’est cela que Macron aurait dû rappeler en permanence à un certain monsieur Tebboune, s’il avait du courage, et la grandeur de la France chevillée au corps. Un point important, c’est pour avoir remis sur le tapis cette vérité première que Boualem Sansal a été embastillé. Le pouvoir algérien ne supporte pas que l’on lui dise ses quatre vérités, il préfère les folles élucubrations d’un Macron, d’un Aphatie, d’un Benjamin Stora.

        S’agissant des crimes contre l’humanité et des Oradour-sur-Glane algériens, Bernard Lugan expose que « loin d’avoir pillé l’Algérie, la France a construit 54 000 km de routes et pistes, 80 000 avec les pistes sahariennes, dont 31 routes nationales dont près de 9 000 km étaient goudronnés ; 4 300 km de voies ferrées ; 4 ports équipés aux normes internationales ; 23 ports aménagés dont 10 accessibles aux grands cargos et 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots ; 34 phares maritimes ; une douzaine d’aérodromes principaux ; des centaines d’ouvrages d’art ; des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels ; 31 centrales hydroélectriques ou thermiques ; une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., des milliers d’écoles, d’instituts de formation, de lycées, d’universités ; en 1962 plus de 800 000 enfants étaient scolarisés dans 17 000 classes, soit autant d’instituteurs dont 1/3 de musulmans ; un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, trois grands hôpitaux à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Tous ces équipements, toutes ces infrastructures, tous ces établissements ainsi que le personnel qui les faisait fonctionner avaient été payés par la France avec l’argent et l’impôt des Français. »

        Concernant l’humiliation que subit la France vis-à-vis de l’Algérie, par les inconséquences inouïes d’un Macron qui piétine nos intérêts, Bernard Lugan propose des solutions emplies de bon sens et qui auraient dû être mise en œuvre depuis des mois déjà. « Pour soigner l’œdipe algérien », comme il le qualifie, il préconise de suspendre ou taxer fortement les colossaux libres transferts de fonds des Algériens vivant en France vers leur pays d’origine ; de suspendre les relations aériennes et maritimes avec l’Algérie ; de suspendre les achats de gaz et de pétrole algérien ; de suspendre les relations commerciales avec l’Algérie ; de suspendre les exorbitantes facilités de circulation offertes aux Algériens désirant venir en France, souvent pour s’y faire soigner, la plupart du temps gratuitement au demeurant ; de suspendre les IDE, les investissements directs étrangers français en Algérie qui sont en moyenne de 2,4 milliards d’euros. Un Trump aurait déjà agi, fortement, et l’Algérie serait rentrée instantanément dans le rang, comme on l’a vu avec les USA pour la Colombie ou le Mexique qui ont plié en quelques jours.

        Enfin, il faut nous souvenir et le redire en permanence, lorsque le conflit éclata en 1954, vers qui se retournèrent les musulmans algériens ? Vers le FLN, l’ALN ou vers la France ? Et bien sans équivoque aucune, vers la France, qui avait créé et transformé leurs pays. Les Algériens autochtones furent 3 à 4 fois plus nombreux à s’engager dans l’armée française. « Effectivement, 200 000 Algériens combattirent dans les rangs de l’armée française (tirailleurs, spahis, harkis, moghaznis etc.), ce qui constitua des effectifs au moins 4 fois supérieurs à ceux des maquisards de l’intérieur ou des membres de l’ALN, stationnés en Tunisie ou au Maroc ». Au demeurant, nombre de ceux qui avaient rejoint les maquis avaient été préalablement terrorisés par des crimes monstrueux et sadiques perpétrés sur des membres de leurs familles, des voisins, des connaissances. Des fascicules établis notamment par des médecins exerçant en Algérie à l’époque en témoignent. Monsieur Aphatie devrait les lire.

        Espérons que ceux qui vomissent la France et son action auront un jour des comptes politiques à rendre au peuple français. Car « depuis deux décennies, ce sont les faiblesses, les courbettes, les génuflexions et l’ethnomasochisme français qui ont encouragé l’Algérie sur cette voie. Mais tout a changé avec les déclarations irresponsables de François Hollande, suivies par celles encore plus irresponsables d’Emmanuel Macron au sujet de la colonisation. Car à partir de là, la France s’étant auto-humiliée, l’Algérie s’est donc trouvée en position de force pour exiger toujours plus d’elle, allant jusqu’à prendre Boualem Sansal en otage et à refuser le retour de ses nationaux délinquants. »
Michel Festivi


         https://ripostelaique.com/algerie-face-a-un-bernard-lugan- aphatie-macron-et-stora-sont-ecrases-comme-des-crepes.html



Hommage au Colonel
Jean-Marie BASTIEN –THIRY

Envoyé par M. Alain ALGUDO

        Une Messe a eu lieu aujourd'hui en fin de journée à Nice... Il était réconfortant de voir qu'il y a des Pieds-Noirs qui n'ont pas la mémoire courte.

        Mardi 11 mars 2025
        Rendons un hommage tout particulier au Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY, héros et martyr de la Patrie, fusillé, il y a aujourd’hui 62 années, le 11 Mars 1963.

        Jean-Marie BASTIEN-THIRY était Lorrain, polytechnicien, Lieutenant-Colonel dans l’Armée de l’Air et l’inventeur de deux missiles antichars, les SS-10 et SS-11.
        Il avait 36 ans et laissait une veuve et trois petites orphelines.

        Organisateur de l’opération du Petit-Clamart, le Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY aura tout sacrifié, sa famille et sa vie, pour l'honneur de la France.
        Il nous a laissé, en versant son sang, un message, un exemple à méditer, à admirer et à suivre.
        Alors que les tireurs du Petit-Clamart seront graciés par De Gaulle, celui-ci refusera d’accorder sa grâce au Colonel BASTIEN-THIRY.

        Jean-Marie BASTIEN-THIRY est l’exemple parfait du dévouement, du courage, de l’abnégation, du don de soi et du sacrifice de sa vie pour la Patrie.
        Il est l’honneur de l’Armée Française.

        Homme de Foi, grand Catholique, il mourra comme un Saint, marchant vers le peloton d’exécution son chapelet à la main, après avoir entendu la Messe.
        Refusant d’avoir les yeux bandés, il regardera la mort droit dans les yeux avant de pouvoir contempler ensuite la Vie Éternelle.

        Il sera le dernier condamné à mort à avoir été fusillé en France.
        Assassiné sur ordre de celui qui aura trahi l’Algérie Française et livré des dizaines de milliers de Harkis et Pieds-Noirs aux tortures les plus innommables des bouchers fellouzes du FLN, le Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY demeure un Français modèle, un héroïque soldat dont le nom restera pour toujours inscrit sur le Martyrologe de notre pays.

        Que Jean-Marie BASTIEN-THIRY repose en paix, aux côtés de tous les Morts pour la France, dans le Paradis des Héros, des Martyrs et des Soldats.
Alexandre Simonnot
- Délégué Général du Parti de la France
Envoyé par Alain Algudo

LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


               Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône et la Province du Constantinois méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il a continué jusqu'à son dernier souffle. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous, des pages qui pourraient être complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir. Jean Claude est décédé, et comme promis j'ai continué son oeuvre à mon rythme.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Guelma, Philippeville, etc. a été fait pour d'autres communes de la région de Bône et de Constantine.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et du Constantinois
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
Autres Communes

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

 
De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.                                              PDF 193

    PDF 194                                              PDF 195

    PDF 195A                                                  PDF 196

    PDF 196A                                                  PDF 197

    PDF 197A                                                  PDF 198

    PDF 199                                              PDF 200
Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr

75 ans ….. ?????
Envoyé Par Eliane

Bernard Pivot nous a quittés.
          Voici la lettre qu'il écrivait il y a 14 ans. Prenez le temps de la lire, vous êtes pratiquement tous concernés, pour les autres, ne vous inquiétez pas, ça arrive!
          Lettre de Bernard Pivot.

          "L'église informe qu'à partir de 75 ans, l'adultère n'est plus considéré comme un péché, mais comme un miracle "
          À 70 ans, 75 ans, on ne peut rien dire, on ne peut rien faire, sans risquer de se faire rabrouer.
          Ne dites jamais que vous vous sentez fatigué, on vous répondra : c'est normal à votre âge.
          Ne dites pas davantage que vous vous sentez en forme, on ne vous croirait pas, on dirait que vous plastronnez, que vous bluffez, que vous vous vantez.
          Si vous ne faites rien, on dira : il faut vous occuper, sinon vous allez vous encroûter ! Si vous envisagez d'entreprendre un travail qui vous plaît mais qui est un peu risqué, on dira, laissez donc, ce n'est plus de votre âge.

          Remarque gentille qui part d'un bon fond, mais personne ne vous proposera de venir le faire à votre place.
          Ce n'est vraiment pas marrant, assurément, d'avoir 75 ans ou plus.

          A 75 ans, on doit tout supporter, sans rien dire : Les petits-enfants qui braillent et qui cassent tout : c'est la jeunesse qui vit !
          Les beuglantes et les transistors des adultes : c'est de leur âge, il faut bien qu'ils se défoulent ! (N'insinuez pas que de votre temps on se défoulait aussi mais autrement ! on vous fusillerait du regard).

          Les idioties et les navets de la télé : il en faut pour tous les goûts. (Les vôtres étant exclus, bien entendu, car vous êtes complètement dépassés)
          Ce n'est pas marrant, assurément, d'avoir 75 ans.

          Ne discutez jamais avec un automobiliste, même s'il vous fait la pire des entourloupettes.Il vous dira : à votre âge, on reste chez soi où on va à pied.
          Si à un stop, vous tardez à démarrer, votre jeune voisin, assez pressé, vous lancera : alors pépé, on fait la sieste ? (ce n'est pas méchant, mais c'est vexant).
          Ce n'est pas marrant, assurément, d'avoir 75 ans.

          Là où vous êtes encore reçu, on vous réserve toujours le fauteuil le plus moelleux : mettez-vous là, vous serez bien mieux , comme si à 75 ans, on ne pouvait plus poser son cul sur le siège de tout le monde.
          Si quelqu'un apprend que vous avez 75 ans, il va se précipiter vers vous : vous avez déjà 75 ans, vous ne les paraissez pas, vous les portez bien c'est flatteur mais qu'en sait – il ?

          Si vous annoncez le décès d'un ami qui , comme vous, a 75 ans, on entendra : c'est quand même un bel âge, il a bien vécu. Vous êtes prévenu, vous connaissez votre oraison funèbre.

          Avant de raconter une histoire, cherchez à vous rappeler si vous ne l'avez pas déjà racontée à plusieurs occasions.
          Sinon quelqu'un vous dira : mais pépé, on la connaît cette histoire, tu nous l'avais déjà racontée et l'un se permettra même d'ajouter : pépé tu commences à radoter.

          En société, qu'il y ait eu apéros ou pas, parlez le moins possible, fermez votre gueule, évitez toute discussion, ne cherchez pas à exprimer votre point de vue et encore moins à le défendre, car, bien entendu, c'est certain, vous n'êtes plus dans le coup, et vous n'y connaissez plus rien.
          Ne dites pas non plus que vous rentrez dans votre 10ème-15ème année de retraite, il se trouvera toujours quelqu'un pour dire : vous coûtez cher à l'État.

          Assurément, ce n'est pas marrant d'avoir 75 ans et plus.
          En fait ? MOI ?, JE LES EMMERDE !
          Bernard PIVOT






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Notre liberté de penser, de diffuser et d'informer est grandement menacée, et c'est pourquoi je suis obligé de suivre l'exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d'information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est reconnu par la Résolution 59 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d'expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
    
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