La presse Algérienne sur mai 1945
à Sétif et sa région
Journaux du 11 au 15 mai 2005

Les harkis reviennent cette semaine !

Chassez le naturel, il revient au galop ! On se doutait déjà bien fort que les déclarations pompeuses du maire de Paris sur les massacres du 8 mai 1945, suivies de celle du chef de la diplomatie, n’engageaient pas réellement les plus hautes autorités de I’Etat français, contrairement à ce que d’aucuns avaient préjugé, et que cet Etat, aujourd’hui malade de son identité, n’était pas tout à fait prêt à affronter cet examen de conscience lié à son propre passé colonial dans toute sa complexité et sa globalité.
La confirmation nous est venue du Quai d’Orsay qui réagissait il y a trois jours à un appel pressant et véhément du président algérien à l’occasion de ce 60e anniversaire du 8 mai dans lequel il exhortait l’Etat français à reconnaître les atrocités commises par l’armée française dans ces événements, comparées à celles commises par les nazis. En appelant au «respect mutuel» dans le travail de mémoire entre l’Algérie et la France, la France officielle ne laisse plus aucun doute quant aux limites de son engagement. Que pouvait-on en fait attendre de cette France officielle qui a déjà fait son choix en promulguant une loi – la fameuse loi du 23 février – qui juge «positive» la présence de la France dans ses anciennes colonies et qui honore ses criminels de guerre et ses supplétifs «indigènes», autrement dit les collabos locaux ? Une loi qu’un ancien harki, ministre délégué de son état, vient défendre bec et ongles, en revendiquant toute honte bue une prétendue «fraternité d’armes» qui lierait les deux peuples et en appelant à «l’apaisement des passions». Or, lui-même suggère le contraire. Il écrit par exemple que «si nous voulons apaiser les souffrances des rapatriés et des harkis, d’abord reconnaître la réalité de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils ont subi (…)». Notre journal a ouvert le débat sur cette polémique, en s’inspirant de ce texte révisionniste de M. Mékachera. Aujourd’hui, nous publions un appel inédit de l’ALN adressé aux goumiers et aux harkis qui remet en cause bien des idées reçues. Dans ce texte, on découvre que le FLN avait déjà essayé de sensibiliser l’opinion sur le cas de ces traîtres et tenté de les ramener dans le giron de la révolution en leur proposant la «réconciliation», avant de penser à leur faire subir «l’humiliation» une fois l’indépendance recouvrée. «Durant toute votre vie, vous serez obsédés par votre trahison.
Y pensez-vous ?» C’est un texte d’actualité.
14-05-2005 Mussa Acherchour

Goumiers ! harkis ! appelés musulmans !

Malgré les appels d’un peuple martyr, vous continuez à servir dans les rangs ennemis, vous voulez que triomphe la mauvaise cause de ceux qui baignent dans les larmes et le sang de vos concitoyens.
Depuis que vous êtes engagés dans l’armée française, votre situation s’est améliorée, vos familles ne manquent der rien, vous profitez des larmes et du sang de vos frères. Mais quand la paix sera revenue, votre situation sera des plus humiliantes, et durant toute votre vie, vous serez obsédés par votre trahison. Y pensez-vous ?
Vous avez cédé à la pression de l’ennemi quand notre victoire n’était pas certaine. Ce n’est pas courageux, mais enfin cela peut se concevoir. Mais aujourd’hui, que plus personne ne doute de l’indépendance de l’Algérie, qu’attendez-vous pour nous rejoindre, pour participer à nos côtés aux derniers combats avant la libération, pour mériter le nom d’Algériens que vous portez, pour vous venger de ceux qui vous ont couverts de honte, qui vous ont poussés à salir votre pays ? Votre décision ne doit pas se faire attendre car dans quelque temps, il sera trop tard.
Vous aviez toujours douté de notre victoire. Et maintenant avons-nous raison des vous dire que vous êtes dans l’erreur ? Vous devez être au courant de l’actualité politique et des événements internationaux. Nous sommes persuadés que vos officiers vous cachent la vérité et vous maintiennent dans l’ignorance la plus complète quant à l’avenir de l’Algérie. Nous allons vous informer. Ecoutez ! Notre organisation FLN est si puissante qu’elle tient en échec l’armée et la diplomatie françaises. L’aide dont nous disposons à l’extérieur est immense, des volontaires par centaines de milliers avec un armement moderne n’attendent que notre signal pour entrer en opération. Et la France le sait puisqu’elle renforce à outrance les frontières.
Sur le plan diplomatique, l’isolement de la France se précise. Le monde entier ne pardonne pas à de Gaulle et aux ultras d’avoir fait échouer les entretiens de Melun et les paroles injurieuses prononcées par ce chef d’Etat à l’adresse de l’ONU pendant sa conférence de presse du 5 septembre. Son attitude intransigeante adressée contre la France, le monde entier et la résolution qui a été votée à l’ONU est très sévère pour elle.
Des Français épris de justice s’élèvent violemment contre les exactions de leur armée et la politique de soumission aux généraux de leur gouvernement, les tortures, les assassinats, les viols, etc… les soulèvent d’indignation, les révoltent ; ils dénoncent toutes les exactions à la barre des tribunaux militaires. Les soldats français refusent de venir en Algérie et d’éminentes personnalités les encouragent à déserter. Le nombre des signatures du manifeste des «121» ne fait qu’augmenter. Les partis politiques et les syndicats prennent position. Des comités pour la Paix en Algérie se forment à travers toute la France et demandent des négociations avec le FLN. Vous voyez que des Français reconnaissent que notre lutte est juste, que notre cause est gagnée, que notre indépendance est certaine. Ne persistez pas dans votre aveuglement. Désertez en emportant vos armes ; l’ALN vous accueillera en frères ; l’Algérie a besoin de tous ses fils et vous offre la réconciliation.
Vive l’Algérie indépendante !
Document inédit : «L’ALN et les harkis» – Wilaya III, Zone II, Région 4. 14-05-2005

Alger - Paris
La controverse préfabriquée

Au moment où les relations entre l’Algérie et la France connaissent une amélioration remarquable, voilà qu’un grain de sable surgit du passé pour freiner quelque peu les élans.
Les réactions tous azimuts émanant du cercle français au discours du président de la République à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, demandant à la France de reconnaître sa totale responsabilité dans les actes commis, dénote toute la différence qui sépare les regards portés sur le fait colonial par chacune des deux parties. Cet aspect des choses ne manquera certainement pas d’influer de manière négative sur la refondation des rapports bilatéraux et le traité d’amitié auquel se préparent les deux pays, une solution médiane ne venant pas à la rescousse pour tempérer les ardeurs de certains qui voient d’un mauvais œil ce rapprochement entre les peuples algérien et français. Les propos du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères français semble aller dans la voie de la sérénité lorsqu’il a estimé mercredi qu’il convient d’abord d’établir les faits dans le respect mutuel par un travail de vérité et de mémoire avant de s’exprimer. Quant aux déclarations du président de la République qui ont soulevé un tollé parmi certains milieux dans l’Hexagone, M. Renaud Muselier considère qu’il appartient à chacun de s’exprimer comme il estime devoir le faire, en fonction des sensibilités de ce côté-ci comme de l’autre de la Méditerranée.
«Nos dirigeants, nos présidents, nos peuples veulent travailler ensemble, vivre ensemble en paix», a-t-il déclaré tout en affirmant que la volonté des gouvernements français et algérien de signer un traité d’amitié d’ici fin 2005 reste forte. L’essentiel, peut-on dire, est là. Quant aux sons discordants auxquels on a eu droit, ils ne sont que brassage d’air auquel nous ont accoutumés les sempiternelles campagnes chroniques contre l’Algérie diligentées par des officines connues.

14-05-2005 O. Cheikh


Actualités : LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT FRANÇAIS
AUX AFFAIRES ÉTRANGERS
“Pour que la vérité s’impose, il faut qualifier les faits”

La signature du traité d’amitié entre la France et l’Algérie devrait intervenir d’ici la fin de l’année. Cela est loin de vouloir dire qu’entre les deux pays toutes «les brouilles» soient aplanies, surtout quand il s’agit de l’histoire commune de ces deux rives de la Méditerranée qui, selon Renaud Muselier, entretiennent des rapports «d’excellence et d’exception». Récemment, Abdelaziz Bouteflika, qui n’a pas manqué de comparer les fours à chaux de Guelma aux fours crématoires des nazis, a émit le vœu de voir la France reconnaître ses crimes. La fin de non-recevoir lui parvient du Quai d’Orsay qui, mercredi dernier, a appelé au «respect mutuel» dans le travail «de mémoire et de vérité».
Saïda Azzouz - Alger (Le Soir) - «Nous nous sommes fait la guerre, nous avons l’obligation de qualifier les faits, c’est un travail de vérité… Quand les faits seront qualifiés, à ce moment-là on pourra s’exprimer de façon claire, précise, comme cela a pu se faire dans tous les conflits du monde, avec des peuples qui ont fait la paix, sinon ce n'est pas possible ! », c’est la réponse que fera Renaud Muselier à un journaliste qui, mercredi dernier, lui demandait s’il est envisageable qu’un jour la France demande pardon aux Algériens. Le chef de l’Etat avait formulé la question autrement dans son discours pour la célébration des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945. Visiblement du côté de l’ex-colonisateur,l’excolonisateur, la question ne sera à l’ordre du jour qu’une fois «le passé examiné et surmonté y compris dans les pages les plus douloureuses de la période de colonisation et de la guerre d’Algérie», comme n’a pas manqué de le souligner Jean-Batiste Mattei. C’est d’ailleurs autour de la «guerre de Libération» ou «guerre d’Algérie», selon que l’on est d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée, du «travail de mémoire» et de «vérité»qu’a tourné la conférence de presse que le secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères a donnée mercredi dernier à la résidence de l’ambassadeur de France à Alger, pour clore sa visite officielle dans notre pays. L’objet de sa visite à Alger et Annaba n’aura finalement été évoqué que dans le discours préliminaire du secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères qui, lors de son séjour en Algérie, a eu des entretiens avec le chef du gouvernement et les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur.
Il faut dire aussi que la rencontre avec les médias intervenait quatre heures après la diffusion d’une dépêche de l’AFP qui cite le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français pour rappeler la qualité des rapports entre Alger et Paris, faite de «respect mutuel» dans le «travail de mémoire. Par souci de vérité». Renaud Muselier fera remarquer au journaliste qui revenait à la charge en évoquant l’exemple de Bertrand Delanoë qui, lors de sa visite à Alger, avait indiqué en réponse à la même question «que l’Allemagne s’en est trouvée grandie quand Willy Brandt s’est mis à genoux pour demander pardon au nom de l’Allemagne pour les massacres de Juifs» que tout le sépare du maire socialiste. «Il est maire de Paris, je suis un élu de la mairie de Marseille, il parle en son nom personnel, je m’exprime au nom de l’Etat français….» Le secrétaire d’Etat français qui ne s’attendait peut-être pas à ce que sa conférence soit axée sur «l’histoire» entre l’Algérie et la France a été d’entrée de jeu interrogé sur les déclarations du Quai d’Orsay suite au discours de Abdelaziz Bouteflika pour la commémoration du 08 Mai 45. «J’ai lu avec beaucoup d’attention le discours du président algérien. Chacun s’exprime comme il le souhaite, il faut savoir que nous avons les uns comme les autres des opinions publiques très sensibles. Chacun a ses codes de lecture. Nous devrions arriver à travailler ensemble autour de faits et la vérité s’imposera», dira Renaud Muselier qui met l’accent sur le travail de mémoire, objet de sa visite en Algérie, puisqu’il a été question lors de ses entretiens et visites sur le terrain d’archives, entre autres celles de l’état civil français en Algérie et des cimetières chrétiens.
Le secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères en est convaincu «l’histoire s’écrira, elle s’écrit mais pas autour de malentendus ». Et d’ajouter que les historiens et les chercheurs ont la responsabilité du travail de vérité «les deux gouvernements sont d’accord pour les aider en ce sens». Il ne manquera pas de souligner en faisant référence à la déclaration d’Alger la volonté de Jacques Chirac et d’Abdelaziz Bouteflika de faire aboutir le traité d’amitié entre leurs deux pays.
S. A.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2005/05/14/article.php?sid=23022&cid=2



Quand les harkis veulent faire la loi !

Le débat sur les perspectives de reconnaissance du passé colonial de la France en Algérie vient d’être relancé à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la victoire qui coïncide avec celui des massacres de Sétif-Guelma-Kherrata.
Des officiels français, parmi lesquels le maire de Paris et l’ambassadeur de France à Alger, ont même pris des initiatives faisant montre d’une ouverture prometteuse qui a donné lieu à cet engouement qu’on ressent chez nous et encourage les autorités algériennes, à travers le président de la République, à exhorter l’Etat français à «reconnaître sa responsabilité dans les massacres du 8 mai en Algérie», en attendant de s’atteler sur tous autres les crimes commis par l’armée française durant la période d’occupation.
Aucune réponse officielle n’a été formulée jusqu’à présent. Preuve que cette question demeure problématique en France et objet de controverses qui risque d’aggraver les dissensions qui sont apparues entre ceux qui souhaitent que l’Etat reconnaisse tous les crimes commis par la France coloniale en Algérie et ceux qui, sous divers prétextes, jugent positive la présence de la France dans ses anciennes colonies. C’est d’ailleurs les mêmes termes qu’on retrouve dans le texte de la loi du 23 février 2005, votée par l’Assemblée nationale, qui s’intitule «Reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés» et qui, entre autres, préconise l’indemnisation des anciens de l’OAS, ces criminels de l’armée française qui, à l’approche de l’indépendance de l’Algérie, ont voulu plonger le pays dans le chaos, ainsi que les harkis. Sept articles de ladite loi ont été consacrés à ces derniers.
Cette loi est venue répondre à une forte contestation dans la communauté des harkis et des anciens supplétifs de l’armée française d’origine «indigène» qui se voyaient marginalisés, voire abandonnés par l’Etat qu’ils ont servi au péril de leur vie. Une contestation qui était déjà en partie contenue avec la désignation d’un ancien harki à la tête du ministère des Anciens combattants.

Cela dit, le législateur français, en promulguant un texte qui met en avant la «reconnaissance de la nation» du rôle de ces supplétifs et de tous les rapatriés, n’a sans doute pas prévu tout ce que cela pouvait induire sur les relations algéro-française que les dirigeants français entendent refonder sur des bases saines et fraternelles.
Car il faut dire qu’après cette loi, l’Etat français n’osera plus prendre des mesures qu’exigerait l’assainissement des relations entre les deux pays sur cette question d’histoire commune. Aussi cette loi va-t-elle renforcer dans leurs thèses les nombreux politiques et animateurs français qui réclament que si «repentance» et reconnaissance de crimes il devait y avoir, il faudrait que ce soit mutuel. C’est-à-dire en demandant à ce que le FLN, à travers l’Etat algérien qui en incarne le prolongement historique, consente à avouer ses «exactions et sévices» contre les soldats français et les harkis. Maintenant qu’ils sont «réhabilités» dans leurs droits, ces derniers vont s’acharner jusqu’à obtenir la reconnaissance des prétendues «atrocités» dont ils auraient été victimes à la fin de la guerre par la main des soldats de l’ALN.
Cette manière d’appréhender une question aussi épineuse que celle des harkis en France risque donc d’empêcher d’aller de l’avant dans cet élan enthousiaste de réconciliation entre nos deux pays. Puisqu’en Algérie, il ne sera jamais question de pardonner aux anciens harkis et goumiers, même symboliquement, leur acte de trahison. Comme l’a rappelé à maintes reprises le chef de l’Etat pour qui les harkis sont l’équivalent des collaborateurs de l’armée nazie pendant l’occupation.

12-05-2005 Mussa Acherchour

Source de cet article :
http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?ida=25649&idc=4

Colonisation : réconcilier les mémoires

Mon histoire, mon expérience personnelle m’autorisent à le dire avec tranquillité et fermeté, l’histoire de la présence coloniale française en Afrique, en Asie et en Amérique mérite mieux que l’artificielle polémique que certains tentent de développer.
S’emparant de façon simpliste de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, certains mouvements prétendent que le Parlement voudrait instaurer rien moins qu’une histoire officielle.
Puisque procès en rigueur scientifique il y a, revenons au texte. L’article 1er de la loi dispose : «La nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.» Plus loin, l’article 4 indique : «Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit.»
Les griefs contre ces articles laissent pantois : ils conduiraient à la mise en place d’une histoire officielle sur la colonisation, ils feraient peser une contrainte injuste sur la manière dont les enseignants exercent leur métier, ils nieraient les aspects négatifs de la colonisation. J’ai même lu qu’ils auraient été inspirés par des parangons de l’OAS ! Je dois dire, non sans une certaine gravité, que ces sujets sont suffisamment douloureux pour éviter de créer des passions supplémentaires, source de nouvelles blessures.
Je revendique pleinement la reconnaissance exprimée aux rapatriés et aux harkis. Ce texte contient d’importantes mesures matérielles qui répondent à des injustices que la France tolérait parfois depuis près de cinquante ans et qu’il convenait de faire cesser. Mais, au-delà, cette loi a également un volet «mémoire» très important.
Si nous voulons apaiser les souffrances des rapatriés et des harkis, nous devons d’abord reconnaître la réalité de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils ont subi. Ce n’est pas nier les aspects sombres qu’a pu revêtir la colonisation qu’en reconnaître les aspects positifs.
De même, si nous voulons intégrer les jeunes issus de ces régions, nous devons leur apprendre que leurs aînés ont eu un rôle majeur dans les guerres du XXe siècle. Si nous voulons établir des relations nouvelles, fortes et durables, avec des pays devenus nos partenaires et nos amis, nous devons aussi le faire en regardant l’histoire en face. Il n’aura d’ailleurs échappé à personne que la disposition critiquée s’inscrit dans un ensemble cohérent d’initiatives fortes prises dans le domaine de la mémoire ces trois dernières années, et, jusqu’à tout récemment, avec l’Algérie en particulier. Toute lecture en dehors de ce contexte est tronquée et, dès lors, trompeuse.
Je trouve indigne que la reconnaissance de la contribution des combattants venus d’outre-mer, d’Afrique, du Maghreb et d’Asie pour combattre à nos côtés soit méconnue. Ce rôle doit aussi être connu pour la guerre de 1914-1918. Qui sait que la Mosquée de Paris a été bâtie en reconnaissance des sacrifices des soldats musulmans tombés au champ d’honneur pendant la grande guerre ? Les Français, les enfants de ces combattants, ne doivent pas ignorer cette fraternité d’armes. Il n’y a aucune raison pour que ce qui a été fait outre-mer, en près de deux siècles, par des hommes et des femmes de toutes origines, conditions, convictions et nationalités, continue à être oublié. Qui peut raisonnablement contester leur engagement et leur apport positif dans tant de domaines : routes, ponts, avancées médicales, sanitaires… ?
Laisser cette vérité de l’histoire dans l’ombre serait malhonnête et injuste, tout comme le serait la négation des tragédies, des injustices et des erreurs commises dans cette même période. En ajoutant une disposition sur les programmes scolaires dans la loi, les parlementaires ont simplement voulu que ces aspects positifs de la présence française outre-mer ne soient pas occultés. De quelque manière qu’on lise la loi, on ne voit nulle part qu’il conviendrait de nier ou de cacher les aspects négatifs, voire dramatiques de cette longue période.
Nulle part, on ne voit l’esquisse d’instructions données aux historiens ou aux enseignants. Il est évident que les historiens et les enseignants travaillent et travailleront comme ils l’entendent. Ils ont toujours été libres en France, et on voit mal qui voudrait les contraindre. Prétendre imposer une pensée officielle aux historiens et diffuser une histoire homologuée en classe serait stupide et n’a jusqu’à présent été réalisé sur notre continent que par les régimes totalitaires. Ni le législateur ni le gouvernement n’en ont eu le projet ni même l’idée.

Il appartient aux historiens d’écrire l’histoire et aux enseignants de l’enseigner. Il appartient à la République de rendre à ses enfants l’hommage qui leur est dû et au législateur de créer les conditions d’un travail serein. Je ne vois vraiment pas au nom de quoi les représentants de la nation ne pourraient pas s’exprimer sur ces sujets qui devraient être réservés à des spécialistes plus ou moins autoproclamés. Loin de ces polémiques infondées, notre priorité est à la réconciliation des mémoires, à l’apaisement des passions, tant en France qu’avec les peuples auxquels nous lie un passé commun et, plus encore, un avenir à écrire ensemble.

Hamlaoui Mékachera, harki, ministre délégué aux Anciens combattants
- In Le Monde du 7 mai 2005.

Source de cet article :
http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?idc=4&ida=25647

Les massacres du 8 mai 1945 dans la balance des relations algéro-françaises
L’avenir otage de l’histoire

Côté algérien, c’est à la France de reconnaître ses responsabilités historiques dans ce qui s’est passé à la fin de la guerre mondiale en Europe du côté de Sétif, Kherrata et Guelma.
Dans une contribution, le ministre français des Anciens combattants, Hamlaoui Mékachera, publiée dans le journal français Le Monde, a voulu rappeler presque de manière officielle que la France ne voulait pas instituer une sorte d’histoire officielle des événements liés à la colonisation après le vote de la loi du 23 février 2005 portant «reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés». Une loi qui n’a pas vu de commentaire côté officiel algérien.
S’il admet dans le cadre franco-français la reconnaissance des pleins droits des harkis et surtout de leurs descendants, pour lui la loi en question, ne cherche ni à nier ni à occulter «les aspects négatifs, voire dramatiques de cette longue période».
Par ailleurs, il souligne que l’esprit de ce même texte «tend à la réconciliation des mémoires, à l'apaisement des passions, tant en France qu'avec les peuples auxquels nous lie un passé commun et, plus encore, un avenir à écrire ensemble».
Dans tout cela, il n’est pas dit comment la réconciliation serait effective sur le plan historique. Même si c’est pratiquement une première, la presse française a consacré de longs articles aux événements de 1945 en Algérie. Les hebdomadaires Marianne, Le Nouvel Observateur, L’Intelligent (Jeune Afrique), Télérama, mais aussi des quotidiens comme Le Figaro ou Le Monde ont abordé le sujet.
Si la déclaration de l’ambassadeur de France en Algérie sert de tremplin à certains journalistes (le diplomate avait évoqué une «tragédie inexcusable»), on lit dans Télérama que l’on ne veut pas arriver à la repentance ou à l’indemnisation. «Personne ne tient à ouvrir la boîte de Pandore», y lit-on.
Si on évoque le passif historique, il est clair aussi que ce n’est pas seulement la presse – la télévision a été aussi de la partie – qui va y apporter un début de solution.
Cela étant, le traité d’amitié que l’Algérie et la France devraient signer ne peut se suffire des simples déclarations d’intention et il ne fait aucun doute que faute de débat, il faudra que chacun sache mettre ses griefs en sourdine. Restera alors, en principe, aux historiens de faire leur travail sans se soucier des atermoiements et des hésitations des politiques, mais aussi sans faiblir devant les polémiques qui naîtront forcément des révélations sur cette période trouble de l’histoire commune des deux nations.

12-05-2005 Amine Esseghir

Source de cet article :
http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?idc=4&ida=25646


Suite aux déclarations françaises sur le 8 Mai 1945
Amalgame révélateur

Certains mélangent tout. Un amalgame terrible ! Serait-ce exprès pour créer la confusion. On appelle les événements de Sétif, ce qui s’est passé, ou disons-le carrément les massacres commis, outre à travers plusieurs localités du pays, dans principalement trois villes, distinctes l’une de l’autre, Sétif, Guelma et Kherrata.
Il s’agit d’innombrables et indescriptibles massacres qui ont eu lieu dans chacune de ces trois villes, distinctes l’une de l’autre. En voulant mettre en doute une vérité datant d’il y a soixante ans, la dépêche de l’AFP nous apprend une autre ignominie, peut-être un lapsus ou une autre vérité vraie sortie d’une plume qui a été ou trop légère ou trop pointilleuse, mais on ne peut mieux révélatrice : de fait, nous savons que le four à chaux d’Héliopolis de Marcel Lavie ou son fils Louis a été utilisé pour incinérer les cadavres de la région de Guelma, mais nous ne savons pas qu’il le fut aussi pour ceux de Sétif ! Les cadavres auraient été ramenés de Sétif à Guelma, sur une distance d’environ 237 km ! Car un autre amalgame à éviter : Guelma ne se trouve pas à 537 km au sud-est d’Alger, mais à 537 km à l’est d’Alger, ou à l’extrême nord-est du pays. A propos du four à chaux d’Héliopolis, dont lors de l’incinération des cadavres l’odeur âcre qui s’en dégageait prenait terriblement les survivants à la gorge, pour les rescapés de ces massacres, la chose est d’une clarté inouïe : à quelque trois kilomètres de Guelma, le four à chaux, qui a été transformé en four crématoire, ouvre toujours sa grande bouche béante comme pour divulguer le sombre passé du colonialisme. Si les pierres pouvaient parler, que ne diraient-elles pas !? Elles en rabaisseraient bien des caquets. Certains officiels français ont parlé de « tragédie », qu’ils ont qualifiée d’inexcusable. Certains descendants des victimes du 8 mai préfèrent parler de « massacres ». Et bien sûr, à propos de « qui a massacré qui ? », on peut toujours ergoter, c’est gratuit et ça peut toujours rapporter, comme pour le fameux : « Qui tue qui ? ».
Vrai, les survivants, les rescapés, les orphelins laissés par les victimes de ces massacres, seuls ceux qui ont souffert dans leur chair, et qui, passé le temps de la rancune, ont vécu et vivent encore dans une terrible douleur, en savent quelque chose, et se sentent offusqués par les propos du Quai d’Orsay, qui ressemblent à un certain triste « point de détail » ! Pour les autres, ce n’est plus que littérature et chiffres. « La page est tournée, mais non déchirée », a dit un des membres de l’association du 8 Mai 1945 de la wilaya de Guelma. « Page gravée à tout jamais dans notre mémoire collective », dira un autre.
A. Boumaza

Source de cet article :
http://www.elwatan.com/2005-05-14/2005-05-14-19210

Déclaration

La France s’émeut. Le discours du président Abdelaziz Bouteflika, lu à l’occasion du 60e anniversaire du génocide du 8 Mai 1945 à Sétif, a suscité moult réactions officielles et médiatiques en France. Il a eu au moins le mérite d’interpeller la conscience française sur une page d’histoire occultée depuis plus d’un demi-siècle.

Que cache cette levée de boucliers ? C’est d’abord, et avant tout, un parjure et un déni de justice pour tous les martyrs de l’Algérie et des colonies. Le refus de repentance dit en termes clairs que la guerre d’Algérie n’est pas finie. Elle est alimentée par la haine des nostalgiques de la défunte Algérie française auxquels se sont joints les révisionnistes de tous bords y compris parmi les parlementaires français à l’origine de l’infamante loi 2005/158 du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». « Avancer sur le chemin de la mémoire », c’est d’abord avoir le courage d’assumer l’histoire de son propre pays dans sa globalité, loin de toute approche sélective et réductrice du fait colonial qui est, de par son idéologie, un fait raciste. L’armée coloniale expérimenta l’extermination par le gaz un bon siècle avant l’Allemagne nazie. Les enfumades et emmurements dans le Dahra - dans la région mostaganémoise - des tribus Sbih en juin 1844 par le colonel Cavaignac et des Ouled Rhiah le 19 juin 1854 par le colonel Pélissier ; les fours à chaux de Guelma (mai 1945) ; les cuves à vin (1957) des colons de Tlemcen, Sidi Bel Abbès, ou Zéralda ; le gazage des habitants du Dahra qui s’étaient réfugiés dans Ghar Layachine (1959) - pour ne citer que ces quelques exemples - ne sont nullement une vue de l’esprit. Le charnier de Chréa, dans la wilaya de Tébessa, qui compte pas moins de 651 cadavres en dit long sur « l’œuvre accomplie par la France en Algérie... » (loi 2005/158). Le meurtre collectif était devenu banal, la mort des Algériens un simple fait divers classé dans la rubrique des chiens écrasés. Ce qui s’est passé un certain 8 mai 1945 en Algérie et les jours suivants ne procédait pas du hasard ou de quelque incompréhension que ce soit.
La responsabilité d’un gouvernement légal est entière. C’est au nom des intérêts suprêmes de la France qui combattait pour sa libération que l’homme du 18 juin 1940 ordonna froidement (le 14 août 1944 puis le 12 mai 1945) le massacre des Algériens. La responsabilité de l’Etat français et de la nation est entière. Il faut que les opinions publiques française et internationale sachent que la France a commis un véritable génocide à l’endroit du peuple algérien en mai 1945 qui a été de surcroît couvert par les Alliés qui ont failli à la parole donnée. La repentance reste pour le peuple algérien une condition sine qua non en vue de la conclusion du futur traité d’amitié franco-algérien. La construction du futur est indissociable du devoir de mémoire.

Pr Mohammed El Korso Président de l’Association du 8 Mai 1945

Source de cet article :
http://www.elwatan.com/2005-05-14/2005-05-14-19211

8 mai 1945
Jusqu’où peut aller la France ?

Des voix s’élèvent en France pour demander le rétablissement de la vérité sur les crimes coloniaux. Toute la vérité.
La tâche paraît laborieuse en ce sens qu’elle réveille les démons du passé et doit amener à la reconnaissance d’atrocités jusque-là ignorées. L’irritation de Paris, suite aux déclarations du Président Abdelaziz Bouteflika sur les massacres du 8 mai 45 dans le Constantinois, paraît toutefois révélatrice quant aux limites de ce travail de mémoire. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi, a effectivement surpris en appelant au « respect mutuel », en réaction aux propos du Président Bouteflika qui a comparé aux « fours crématoires » des nazis les fours à chaux utilisés par des colons pour incinérer des cadavres d’Algériens tués dans le Constantinois. Il est essentiel pour construire un avenir commun que nous arrivions à examiner ensemble le passé afin d’en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples. Il faut pour cela encourager les historiens français et algériens à travailler ensemble », a ajouté M. Mattéi. Une partie de la presse française a, elle aussi, exprimé son mécontentement. « Abdelaziz Bouteflika n’a pas hésité à franchir la ligne jaune en comparant la colonisation française en Algérie à l’Allemagne hitlérienne », a écrit Le Figaro, en passant toutefois sous silence le 60e anniversaire de ces événements tragiques. De nombreux observateurs relèvent la frilosité de la France à reconnaître entièrement son passé colonial. Ils citent le vote « en catimini », le 23 février 2005, d’une loi qui évoque « l’œuvre positive » de la colonisation française.
« Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit », est-il noté dans son article 4. Un paragraphe qui dévoile, estiment les détracteurs de la loi, le double langage de la France. Une pétition ayant recueilli plus de mille signatures, notamment celles d’éminents professeurs français, avait circulé aussitôt pour exiger l’abrogation de cette loi car « elle impose une histoire officielle » et « un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu’au génocide, sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé ». « En se limitant à évoquer les seuls aspects positifs de la colonisation, cette loi paraît inviter au silence sur ses crimes. C’est peu supportable. Ce qui devait arriver est arrivé : la réaction à cette incitation déplacée est exploitée par tous ceux qui voudraient interdire de voir dans la colonisation française autre chose qu’un crime inique et général contre l’humanité », a estimé l’éditorialiste Jean Daniel du Nouvel observateur, dans l’édition de jeudi dernier. « Le colonialisme est un crime. On doit le dire et ne pas l’oublier », a-t-il ajouté. La réaction des autorités françaises aux déclarations du Président Bouteflika a suscité une certaine désillusion à Alger, où l’opinion avait en février dernier grandement apprécié les propos de l’ambassadeur de France, Hubert Colin de Verdière, qualifiant de « tragédie inexcusable » les massacres de Sétif. M. Colin de Verdière a été relayé par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui, en plus, s’est dit favorable à une demande de pardon de la France.
« Il est essentiel pour construire un avenir commun que nous arrivions à examiner ensemble le passé afin d’en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples. Cela suppose d’encourager la recherche des historiens, de part et d’autre, qui doivent travailler ensemble, sereinement, sur ce passé mutuel », a indiqué, dans un entretien paru le 8 mai 2005 dans El Watan, le chef de la diplomatie française, Michel Barnier.

Hamiche Amar

Source de cet article :
http://www.elwatan.com/2005-05-14/2005-05-14-19212


Après les déclarations de Bouteflika sur les massacres du 8 mai
Polémique entre Alger et Paris

Paris est irrité par les propos du Président Bouteflika sur les massacres du colonialisme français du 8 mai 1945. Hier, Jean-Baptiste Mattéi, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, sur un ton qui ressemble à celui du reproche, a évoqué « le respect mutuel » dans le travail de mémoire.

Il a été interrogé lors du point de presse électronique organisé par le Quai d’Orsay. La question se référait au message du chef de l’Etat publié la veille de la commémoration du soixantième anniversaire du 8 Mai 1945. « Les commandos de la mort exécutaient par centaines et milliers les citoyens sur les places publiques, stades et autres buissons (...) Qui ne se souvient des fours de la honte installés par l’occupant dans la région de Guelma au lieudit El Hadj M’barek, devenu lieu de pèlerinage où la mémoire conte les secrets de la victime. Ces fours étaient identiques aux fours crématoires des nazis », a rappelé M. Bouteflika. Ces déclarations ont été qualifiées de « violentes » par l’Agence France Presse (AFP, agence publique). Le message du président de la République a été repris par le quotidien Le Figaro (proche de la droite au pouvoir) avec un article sous le titre « Bouteflika compare la colonisation française au nazisme ». Ce journal, à l’opposé des quotidiens Libération et Le Monde, a ignoré l’anniversaire des tueries de Sétif, de Guelma et de Kherrata. « Abdelaziz Bouteflika n’a pas hésité à franchir la ligne jaune en comparant la colonisation française en Algérie à l’Allemagne hitlérienne », a écrit Le Figaro. Rappelant la Déclaration d’Alger, signée le 2 mars 2003 lors de la visite d’Etat du président Jacques Chirac, le porte-parole du Quai d’Orsay a estimé que la démarche des autorités françaises est d’aller de l’avant dans le rapprochement avec Alger. « Ce qui passe par un travail de mémoire commun, dans le respect mutuel, pour examiner et surmonter le passé, y compris dans les pages les plus douloureuses de la période de la colonisation et de la guerre d’Algérie », a-t-il déclaré.
Il a rappelé les déclarations de l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, faites le 27 février dernier à Sétif. Le diplomate avait parlé de « tragédie inexcusable » à propos des massacres perpétrés par l’armée coloniale qui ont fait 45 000 morts. Jean-Baptiste Mattéi a rappelé les déclarations de Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, faites à El Watan, le 8 mai. « Il est essentiel pour construire un avenir commun que nous arrivions à examiner ensemble le passé afin d’en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples. Cela suppose d’encourager la recherche des historiens, de part et d’autre, qui doivent travailler ensemble, sereinement, sur ce passé mutuel », a relevé Michel Barnier. Le travail de mémoire doit, selon le porte-parole du Quai d’Orsay, être fait « dans un esprit de respect mutuel et dans un souci de vérité ». Des sources diplomatiques à Alger nous ont assuré hier que Paris ne cherche pas la polémique. « On n’en veut pas », nous a-t-on dit. « Ce n’est pas une réaction négative. C’est une réponse mesurée », a-t-on encore précisé. Contactés, des responsables au Quai d’Orsay nous ont orienté vers le texte original et complet de la déclaration du porte-parole. L’AFP a, dans une longue dépêche hier, évoqué « appels pressants » en Algérie pour que « la France demande pardon aux Algériens ». « Le peuple algérien n’a pas cessé d’attendre de la France une reconnaissance de tous les actes commis durant la période de colonisation, y compris la Guerre de Libération, pour voir s’ouvrir de larges et nouvelles perspectives d’amitié et de coopération entre deux peuples », a estimé le Président Bouteflika dans son message du 8 mai.
Le chef de l’Etat a déclaré que l’Algérie attend un geste de la France. « Un geste qui libérerait la conscience française des cauchemars de la longue nuit coloniale », a-t-il relevé, soulignant que la France a mis des décennies pour reconnaître la guerre d’Algérie. Fait curieux : hier une association de défense des anciens combattants français d’Afrique du Nord a justifié le génocide du 8 mai 1945, affirmant qu’il s’agissait... « d’un rétablissement de l’ordre nécessaire ». Cela va-t-il choquer les consciences qui semblent remuées par le parallèle fait par le président algérien entre les fours crématoires des nazis et les fours à chaux français ? Ou assistons-nous à un révisionnisme historique renversé ? Paris, qui n’a pas encore enterré son passé vichiste, donne l’impression de vouloir tourner la page du passé colonial en Algérie sans creuser davantage sa mémoire. Sans oser. Même si les intentions, exprimées officiellement, ici et là, vont dans un autre sens. C’est que les deux pays préparent « activement » la signature d’un Traité d’amitié. Le 10 mai, le porte-parole du Quai d’Orsay a évoqué cette question en ces termes : « Ce traité fait suite à la démarche qui avait été engagée avec la Déclaration d’Alger (...) notre objectif est de conclure ce traité avant la fin de l’année. »

Faycal Metaoui

Source de cet article :
http://www.elwatan.com/2005-05-12/2005-05-12-19137

Les massacres du 8 mai 1945, une date douloureuse pour les Algériens.
Four à chaux, four crématoire

Lorsqu’à propos du four à chaux d’Héliopolis transformé en four crématoire, nous leur disons qu’il y en a qui en doutent, certains témoins rescapés des massacres du 8 mai 1945, qui d’ailleurs en ont réchappé in extremis, esquissent d’abord une sorte de sourire énigmatique, comme s’ils n’ont pas compris la question.

Puis, la souffrance ravinant leur visage, ils commencent à parler, irrités qu’ils sont par le fait que 60 ans après cet innommable génocide, on leur sort une grande trouvaille ! Pour eux, il y avait eu tellement de morts que depuis on répète automatiquement cette phrase : « Celui qui n’est pas mort le 8 mai 1945, ne mourra jamais ! » Salah Oubad se souvient d’avoir à lui seul « enterré 450 cadavres tout autour de la ville, dans sept lieux : la carrière d’El Hadj M’barek, Kef El Boumba, les deux côtés du petit pont de Millésimo (Belkheir), sur la route de Gounod (Aïn Larbi), sur la route de Sedrata, le long des rails où l’on enterrait, après les avoir exécutés, les voyageurs des trains arrivant de Tunis ou d’Alger ». On les jetait dans des fosses communes, puis on les saupoudrait de chaux, et enfin on damait le sol. Terrible ! Hamed Tadjine, 96 ans, indépendantiste de la première heure, avait participé à la manifestation du 8 mai 1945.
Honnête, il dit dans son témoignage qu’il n’a dû son salut que grâce à la clémence d’un policier juif, oui, juif ! On ne peut être aussi probe ni aussi correct. Voilà ce qu’il dit à propos du four à chaux : « Mon gendre, qui travaillait dans les Ponts et Chaussées, me transmettra le fait que dans les camions, qui servaient au transport des gens qu’on arrêtait, il y avait des traces de sang. Cela s’explique par le fait qu’après qu’on avait abattu les gens, on les transportait de nouveau pour les emmener au four à chaux de Lavie, d’autant plus qu’on avait entendu parler de la venue d’une commission d’enquête. Pas de traces des massacres ! » Un autre témoin nous dira : « Si on n’a pas utilisé le four à chaux de Marcel Lavie comme four crématoire, on n’a qu’à nous rendre nos morts pour qu’on les réinhume selon nos croyances et nos traditions, où qu’on nous oriente sur le lieu exact où ils sont enterrés. »
D’autres témoins diront que « la commission d’enquête du général Tubert n’a vu que du feu, n’ayant, semble-t-il, même pas parlé de ces massacres d’Algériens ». Evoquant cette commission, l’un d’eux a préféré nous citer un adage populaire : « Qui est ton témoin, chat ? Ma queue, répond-il. » Pour un autre, « on ne veut pas croire les témoins ? La chose est très simple, il suffit d’analyser les cendres qui restent toujours au four. On doit croire quand même à la science. » Selon Saci Benhamla, président de l’Association du 8 mai 45 de la wilaya de Guelma, à sa connaissance, de ces milliers de morts, un seul a été inhumé dignement dans un cimetière, celui d’El Hadj M’barek, grâce à la diligence des frères du défunt ; il s’agit de Mohamed Regui, propriétaire (marié à une Européenne), abattu en pleine place publique. Sur l’épitaphe, il écrit : « Mohamed Regui, décédé le 8 mai 45. » Par ailleurs, dans le n° 12 du 9 juin 1945 de Les Echos de Guelma, un entrefilet fait ressortir qu’ « une délégation de la population de Guelma ayant à sa tête M. Maubert, maire de la ville, s’est rendue le 29 mai à la sous-préfecture pour remettre à M. le sous-préfet Achiary une adresse de sympathie signée par 850 chefs de famille de Guelma et de sa région, (...) lui exprimant la reconnaissance inaltérable de ses administrés pour sa magnifique attitude pendant les journées d’émeutes ainsi que leur attachement à sa personne ». Suit le contenu d’un « télégramme portant mention de cette adresse de sympathie (qui) a été d’autre part adressé au général de Gaulle ». L’on se demande pourquoi André Achiary avait besoin de ce soutien, s’il n’avait pas quelque chose à se reprocher, si on ne le lui reprochait pas ?

A. Boumaza

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http://www.elwatan.com/2005-05-12/2005-05-12-19138

SACI BENHAMLA. Président de l’Association du 8 mai 45 de (...)
« Le four crématoire dans notre mémoire et dans nos archives »

Saci Benhamla, président de l’Association du 8 Mai 45 de la wilaya de Guelma, est un militant acharné de la cause des martyrs de cette triste et douloureuse date pour les Algériens.
Nous l’avons sollicité de nous parler du four à chaux d’Héliopolis, village situé à trois kilomètres de la ville de Guelma, sur la route de Annaba. En ce temps-là, tous savaient, et les témoins rescapés de ces massacres savent que le four à chaux se trouvant sur les terres de Marcel Lavie, industriel, délégué financier, a été utilisé comme four crématoire. Il servait à Marcel Lavie pour la fabrication de la chaux. Il avait aussi une minoterie et une unité de fabrication de pâtes alimentaires. Ce four à chaux était géré par un Maltais. Au début des massacres de mai 1945, ce sont les militants nationalistes qui étaient abattus, puis les civils armés, constituant des groupes de quelques miliciens, tuaient qui ils voulaient, s’en donnaient à cœur joie. A été donné par André Achiary le feu vert pour les exécutions sommaires, les tueries collectives un peu partout à travers la région de Guelma. On ne s’embarrassait pas de jeter les cadavres dans des fosses communes. Les bien-pensants ou les commanditaires de ces massacres se sont rendu compte qu’ils allaient commettre une grave faute, comme si leur conscience, à supposer qu’ils en eussent une, les avait dérangés. Et cette conscience ou ce qui lui ressemble ou d’un autre genre ou celle de tueurs - qui sait ? - leur a sûrement dicté le fait de déterrer les cadavres des fosses communes et de les brûler pour ne pas laisser de traces de ces massacres. Serait-ce dû à la peur de la presse américaine surtout et un peu au travail de la commission d’enquête conduite par le général Tubert, laquelle d’ailleurs n’a en quelque sorte rien vu ni rien entendu. Elle a parlé de quelques émeutiers algériens qui ont tué des Européens. Elle a éludé les massacres de milliers d’Algériens innocents...
Donc, le four à chaux est dans la mémoire collective ?
Il est dans notre mémoire collective et dans nos archives. D’ailleurs il y a un autre fait non moins étrange : une mise en scène a été montée à Guelma, précisément au square Maréchal Pétain. Eh oui ! à Guelma, on était pétainiste. Donc au milieu de ce square, trois ou quatre jours après celui de l’Armistice, on a exposé 11 cercueils hermétiquement clos pendant plusieurs jours, faisant dire qu’il y avait dedans des cadavres de colons, ayant tristement fait les frais de sauvages Algériens, et faisant dire aussi qu’on ne pouvait pas les enterrer parce que le cimetière chrétien était encerclé par des émeutiers. Cela, bien entendu, pour inciter les civils non convaincus pour plus de vengeance et de représailles. Cela prêterait à rire si la chose n’imposait pas le recueillement. Car, comment quelques émeutiers, comme ils disaient, pourraient-ils encercler le cimetière, si toute la ville était assiégée par la milice, la police, la gendarmerie et l’armée, si le premier Arabe qui montrait le nez dehors était abattu comme un canard ?

A. Boumaza

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http://www.elwatan.com/2005-05-12/2005-05-12-19139


Gesticulation

Un nouveau courant de pensée se fait jour en ce qui concerne l’approche historique du fait colonial. Il ne s’agit plus d’une tentative révisionniste marginale, mais d’un effort conjugué pour réhabiliter l’occupation coloniale comme une œuvre civilisatrice.
La loi française du 23 février 2005 par certains côtés pernicieux légalise cette nouvelle grille de lecture du processus colonial français en Algérie notamment. Certains historiens français font tomber le masque de l’inhibition pour proposer un nouvel enseignement de l’histoire travesti selon le point de vue des nouveaux idéologues des systèmes coloniaux. Aujourd’hui, les brèches sont suffisantes pour permettre à certaines associations de considérer le massacre de 45 000 Algériens le 8 mai 1945 comme une « simple opération de maintien de l’ordre contre des menées antifrançaises ». Ce mouvement qui agite des milieux politiques et universitaires n’est pas isolé. On a vu récemment les réactions légitimes des Chinois face à l’apologie des crimes subis durant la Seconde Guerre mondiale du fait colonial japonais. Ainsi, il est fait de l’enseignement de l’histoire un espace de lutte idéologique et de polémique d’une dangerosité exceptionnelle. Cette tendance qui ne semble pas trouver un contre-courant offensif parmi l’intelligentsia occidentale contribue davantage aux malentendus en réactivant des réflexes de méfiance. L’histoire étant une discipline scientifique, elle ne doit pas être sous contrôle des politiciens idéologues d’un passé qu’on pense révolu.
R.N.

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http://www.elwatan.com/2005-05-12/2005-05-12-19141


8 mai 1945 : Le vent de polémique qui enfle à Paris est malsain,
relève la Radio Chaîne III dans un commentaire

“Le vent de polémique qui enfle à Paris à la suite des dernières déclarations du Président Abdelaziz Bouteflika est malsain et totalement contre-productif", commente la Radio Chaîne III dans son journal de 19 heures. Revenant sur les réactions suscitées par les déclarations du Président Bouteflika relatives aux massacres du 08 Mai 1945, la Radio souligne, dans son commentaire que "l’histoire des Algériens appartient aux Algériens. Que le premier d’entre eux, le Président de la République en l’occurrence, la revisite et l’exprime avec les mots qu’il veut entre dans ses droits les plus élémentaires mais aussi les plus inaliénables. Personne, et surtout pas l’ancien bourreau n’a à lui contester ses droits". "Aussi, ajoute le commentateur de la Radio, lorsqu’on souhaite, comme il a été décidé au plus haut niveau, de part et d’autre, faire appel au grand souffle de l’histoire pour faire tourner la page de l’infamie, et le mot et volontairement faible, il convient d’avoir les nerfs solides, exactement comme un chirurgien devant un corps aux plaies ouvertes".
"Car, pour la victime, les plaies sont encore ouvertes et ce n’est pas le temps qui cicatrice ici mais la combinaison de l’espoir et de la volonté de se retrouver dans un temps autre, une autre étape pour bâtir l’œuvre que la géo-politique commande", conclut le commentateur .
Par : EL MOUDJAHID Le : mercredi 11 mai 2005

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http://www.elmoudjahid.com/stories.php?story=05/05/11/1539253


LA FRANCE FRILEUSE A FAIRE ACTE DE REPENTANCE
Ambiance de frictions au point entre Paris et Alger

Paris appelle Alger au «respect mutuel» après la réaction suscitée en France par les déclarations du président de la République à l’occasion du 60ème anniversaire des massacres du 8 mai 1945.

Les crispations et les grincements de dents dus au retour du passé ne sont pas exclusifs de la France et l’Algérie.

La campagne anti-japonaise en Chine et le boycott par les républiques baltes des festivités à Moscou du soixantième anniversaire de la victoire contre le fascisme et le nazisme ont réveillé de vieilles blessures et donné un sang neuf à des querelles dont l’importance et la profondeur sont autrement plus déterminantes pour les équilibres d’influence et de géostratégie qui sont en train de façonner le monde quinze ans après la chute du mur de Berlin. La différence avec ces pays est qu’ils ne parlent pas, comme Alger et Paris, de réconciliation et de refondation depuis 1999. Ils ne s’apprêtent pas, non plus, à signer un traité d’amitié pour sceller leurs retrouvailles et réguler durablement leur relation ancienne et troublée. D’où la surprise et l’inquiétude que le porte-parole du Quai d’Orsay, Jean-Baptiste Mattei, a provoquées hier en déclarant que le gouvernement français appelle au «respect mutuel» entre les deux pays.

Sortie de son contexte, l’expression ne veut, bien sûr, rien dire. Elle n’a pas de conséquences importantes en tout cas sur les relations politiques et diplomatiques entre l’Algérie et la France. Néanmoins, elle dégage une mauvaise ambiance de mises au point et produit une sémantique au travers de laquelle il est très difficile de ne pas percevoir des signes de malaise. Il est très possible que les raisons de cet embarras ne soient pas uniquement imputables à une affaire de mémoire ou à une lecture forcément divergente de l’histoire de la colonisation - ce n’est d’ailleurs presque jamais le cas dans ce type de frictions - mais à des différends de nature politique. Cependant, il est difficile de spéculer dessus, surtout quand le porte-parole du Quai d’Orsay dit que les Français sont «convaincus de la nécessité d’avancer sur le chemin du travail de mémoire». L’objet de la discorde, donc, reste pour l’instant l’Histoire ou, plus précisément, la «frilosité française» à faire acte de repentance des crimes qui ont été commis durant la période coloniale. Là deux visions s’opposent !
La France qui croit que l’examen de son histoire en Algérie doit se faire prudemment et graduellement en tenant compte des subjectivités, des passions et des résistances caractéristiques des générations qui ont vécu une partie de cette histoire - les rapatriés et les harkis notamment -, a bien illustré sa démarche par les déclarations récentes de son ambassadeur à Alger et de son ministre des Affaires étrangères, qui ont tous deux qualifié d’inexcusables les atrocités du 8 mai 1945 en Algérie. Cette attitude correspond à une tradition ou à une gestion, appelons-la comme on veut, qui consiste à n’aborder ou à n’affronter le passé qu’a posteriori et qu’après le passage des générations qui leur sont contemporaines et l’épuisement de leurs passions, de leurs propres représentations et de leurs mythes fondateurs. L’exemple que nous connaissions le mieux avant que les langues ne commencent à se délier sur le passé colonial français concerne à ce propos la représentation collective française de Vichy. Il a fallu les écrits d’un Michel Foucault sur la mythologie gaulliste de la résistance à l’occupant allemand à la fin des années soixante et surtout d’un John Paxton, traduit en 1973 en français, sur le pétainisme pour qu’on comprenne que la collaboration en France n’a pas été uniquement ce phénomène marginal que la mémoire officielle française a décrit pendant près de trente ans. C’est-à-dire la même période ou presque au bout de laquelle Paris et les officiels français ont commencé à «relire» - et avec des nuances impensables dans les années soixante-dix ou quatre-vingt - ce qui s’est passé en Algérie entre 1830 et 1962.
Mais il n’y a pas que l’histoire ! Le soixantième anniversaire des massacres du 8 mai 1945 en Algérie est aujourd’hui un lieu de mémoire où s’affrontent des associations, des lobbies et des groupes politiques dont les intérêts politiques et économiques sont contradictoires ou divergents. L’Histoire leur sert d’argument pour exprimer et défendre des revendications tout à fait actuelles. «Les indigènes de la République», un mouvement issu de l’immigration luttant «contre le racisme et la discrimination», appelle aujourd’hui la France à «assumer» son héritage et à se libérer des «séquelles du colonialisme». «Devoirs de mémoires», qui représente un collectif plus large, célèbre, pour sa part, les «mémoires oubliées des circuits de l’histoire institutionnelle» en citant les massacres de Sétif et Guelma. En face, des forces qui n’ont pas d’identification spéciale mais qui agissent puissamment dans les partis et les courants politiques de droite surtout mais de gauche aussi, n’admettent pas qu’on réduise l’aventure coloniale française aux tueries et aux expéditions sanglantes.

Elles parlent de «rôle positif» de la colonisation et ont obtenu que cela soit écrit dans l’article 4 de la loi sur les rapatriés, récemment votée par l’Assemblée nationale française.
L’Algérie, elle, poursuit légitimement une démarche similaire mais tournée vers des centres d’intérêts et des enjeux politiques algéro-algériens que Paris a semblé d’ailleurs avoir compris et pour laquelle elle a paru totalement souscrire en reconnaissant timidement le caractère inexcusable de la tragédie de 1945. Ses précautions ne l’on pourtant pas empêché d’ouvrir la boîte de Pandore. Il en est sorti un Bouteflika bien imprévisible et égal à lui-même, qui n’a pas cru nécessaire d’assister à Sétif au soixantième anniversaire de la tragédie du 8 mai 1945, mais qui s’est fendu d’une lettre réquisitoriale où il a fait le parallèle entre les crimes coloniaux français et les crimes nazis.
Il en a découlé, du côté algérien, un désir sans doute assimilable à celui qu’ont les Chinois et les Baltes - des pays qui sont comme l’Algérie en quête d’affirmation sur le plan régional et international -, de voir par exemple le Japon et la Russie reconnaître les atrocités et les torts qu’ils ont commis à un moment de l’histoire du XXème siècle. Il en a résulté, du côté français, une profonde irritation et une gêne d’autant plus certaine que le débat sur le passé fait ressortir d’autres enjeux autrement plus délicats telles l’immigration et l’intégration.

Entre les deux, c’est la caricature grosse et frappante d’un rapprochement manquant encore de consistance qui surgit.

Noureddine Azzouz

Source de cet article :
http://www.quotidien-oran.com/


SAIDA/COMMEMORATION DE LA BATAILLE DU 18 MAI 1945 L’étincelle de la décolonisation

La doyenne des Eaux a célébré hier le 60e anniversaire d’une de ses glorieuses batailles contre le colonialisme français. En effet, le soulèvement populaire des citoyens de la ville de Saïda, il y a 60 ans n’a été que le prélude à une révolution sociale qui sera menée par des êtres humains considérés comme des esclaves par des soi-disant civilisés maîtres qui, eux-mêmes de l’autre côté du Rhin étaient également considérés comme une race inférieure.
Ainsi, ces événements que connaîtra la ville de Saïda du 2 au 18 mai 1945 prendront un caractère beaucoup plus discipliné et organisé pour aboutir en fin de compte au déclenchement de la guerre de Libération. Non seulement, nationale mais régionale. Les événements du 2 au 18 mai 1945 sont, à tout point de vue et loin de tout chauvinisme, l’étincelle qui embrasera non seulement Saïda, mais toute l’Algérie. A cet effet, nous nous sommes rapprochés du révolutionnaire qui a été en quelque sorte le détonateur de ce mouvement de contestation. Il s’appelle Otmani Hamadouche. Il est né le 16 janvier 1925 à Saïda. Le 2 mai 1945, Si Hamadouche, alors âgé de 20 ans ; sera le premier parmi les 200 jeunes Algériens à refuser d’aller à la douche avant de voir le médecin de la garnison de la légion étrangère, sise au quartier La Redoute, afin de passer la visite médicale du service militaire français. “Je leur ai dit alors : nous sommes plus propres que n’importe qui, car nous sommes musulmans et procédons aux ablutions cinq fois par jour”, nous confia Si Hamadouche qui, avec ses 80 ans, a tout bonnement et sans faille de rééditer l’histoire. Conséquence du refus courageux de la douche de la honte: un capitaine gifle Si Hamadouche. Les 199 autres proscrits algériens refusent à leur tour de se doucher. De retour de la caserne, l’hymne Min Djibalina sera chanté audacieusement par ces indigènes à la place Emir-Abdelkader, Si Hamadouche nous dira : “Nous avions alors hissé le drapeau algérien pour réhabiliter l’Algérie dans ses droits spoliés par une France impériale qui avait manifestement subi ses engagements vis-à-vis du peuple algérien”. Alors le centre-ville de Saïda est immédiatement encerclé par les soldats français qui recevront du renfort de Mascara. S’ensuivront alors des arrestations manu militari. Poursuivis pour “incitation de la population à la rébellion”, la France impérialiste à travers une parodie de justice inculpera Otmani Hamadouche, Meshoub Mahieddine, Kiou Habib, Medeghri Mohamed, Mimouni Lahcène qui les incarcéra dans la prison d’Oran où devant le tribunal militaire, ces révolutionnaires seront un certain 6 novembre 1945 condamnés à des peines lourdes. Justement, l’un des condamnés à mort, le chahid Mimouni Lahcène lèguera à la postérité cette phrase : “Pourquoi devrions-nous nous en faire ? C’est la France qui nous condamne et non Dieu.” Classés dans la rubrique des faits divers par une presse écrite gagnée aux intérêts bestiaux de la France coloniale, l’incendie de l’Hôtel de ville de Saïda le 18 mai 1945 n’a pas suffi aux précurseurs du tortionnaire Salan de tirer les conclusions d’une histoire révolutionnaire dont l’esprit ne faisait que commencer à marcher dans un temps dynamique. A cet effet, le défunt ami Hadj Bouzig M’barek, né le 02.03.1923 au quartier Dalia, soudeur de son état et fondateur du “groupe El Hillal” des Scouts musulmans algériens mettra le feu dans cette institution communale dont le slogan est : Liberté-Fraternité-Egalité et procédera en compagnie d’autres révolutionnaires comme Hadj Brahim Ahmed -Belkesir Abdelkader à d’autres actes héroïques comme l’incendie de la station d’essence standard-oil, le dépôt de bois, la voie ferrée, la coupure des lignes téléphoniques et autres ouvrages d’art en cette journée du 18 mai 1945, qui, indiscutablement n’avaient rien de faits divers mais bel et bien d’une insurrection des indigènes contre la France occupante qui dans ses prisons infernales, Si Hamadouche se souvient parfaitement que l’administration pénitentiaire le nourrissait des gravillons dans de l’eau bouillie quand elle ne mettait pas ces milliers d’Algériens dans des fours à chaux. “K. Adenauer avait demandé pardon au général de Gaule. Pourquoi l’héritier de ce dernier, J. Chirac, en l’occurrence ne le ferait-il pas vis-à-vis du peuple algérien qu’il a d’ailleurs combattu dans la wilaya III et à titre d’appel de surcroît, si réellement il veut pacifier l’Histoire et signer un traité d’amitié avec l’Algérie”, nous fait remarquer justement un des rares rescapés de cet holocauste qui rappelons-le avait duré 132 ans.
Abdelkader Ouedjedi

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2005/05/18/article.php?sid=23254&cid=22