Plus de précisions.
La commémoration des événements du 8 mai 1945 à Sétif.
la Ligue des Droits de l'Homme se prépare à commémorer la répression du 8 mai 1945, lors d'un colloque organisé le 7 mai à l'EHESS, avec, le concours d'historiens communistes, trotskistes et anticolonialistes et de M. Aït Ahmed. Le PC s'associe à cette commémoration lors d'une soirée le 2 mai place du colonel Fabien. De son côté, l'association Pour la mémoire présente un film le 6 mai au Forum des images, suivi d'un débat avec les mêmes historiens ; d'autres projections sont planifiées en mai dans plusieurs villes de France. Enfin, le Cercle culturel algérien évoquera les mêmes thèmes le 7 mai .

La presse algérienne se félicite de ces commémorations, et la Ligne des Droits de l'Homme a publié un long communiqué en faveur du travail en commun des historiens des deux pays ; elle fait appel aux enfants de harkis pour qu'ils comprennent ce qui est arrivé à leurs parents (sans doute la trahison); elle se félicite de la prise de position de l'ambassadeur et souhaite qu'il aille plus loin, sans doute jusqu'à la repentance unilatérale de la France. La campagne est bien orchestrée !

Les noms des historiens retenus ne plaident pas pour une relation objective des événements de Sétif, Kherrata et Guelma, qui ont fait. l'objet, de nombreux travaux parmi lesquels il faut citer ceux de CR Ageron, Mahfoud Kaddache, JC Jauffret, Ainad Tabet et Boucif Mekhaled. Ces historiens se réfèrent aux archives militaires (en particulier les CR des généraux Martin et Duval, du colonel Bourdila commandant la subdivision de Sétif et du commandant de la Subdivision de Bône), ainsi qu'aux archives du PPA et au rapport des enquêteurs : le général de gendarmerie Tubert et le Commissaire principal Bergé.
Pour Sétif, Kaddache explique que le PPA avait prévu une manifestation pacifique, alors que les chefs locaux se préparaient à une action armée et que les masses rurales s'étaient armées de gourdins et de boussaadis en vue du Djihad. Il lui parait difficile de savoir qui a tiré le premier. Le calme fut rétabli à 11 heures du matin.

Ces études ne retiennent pas l'accusation de génocide de 45.000 nationalistes, lancée par le PPA et devenue une vérité officielle de l'Algérie. On admet le chiffre de 102 Européens dont 14 militaires tués par les émeutiers, et d'une quinzaine de viols, mais les évaluations divergent sur les victimes de la répression.
Le nombre des manifestants est évalué à plus de 50.000 par Ageron et Marc Ferro (Livre noir,p.507).
L'étude des archives militaires, qui évaluent de façon précise le nombre de mechtas détruites et le résultat des bombardements, conduit Jauffret à retenir le chiffre de 2.628 tués, alors qu'Ageron cite l'estimation de 5 à 6.000, faite par de hauts fonctionnaires d'Alger, sans preuves à l'appui. Pour Sétif, le général Tubert indique 20 à 40 morts, ce qui est loin du massacre décrit par Kateb Yacine, Les archives du PPA inventoriées par Kaddache et Mekhaled indiquent 447 fusillés à Guelma, chiffre réduit par Bergé à 3 ou 400. Rappelé par le gouvernement, Tubert n'a pas dépassé Sétif. Pour Chevreul, Kaddache indique 127 tués, et pour Kherrata, Mekhaled rapporte des témoignages de 10 à 45 fusillés. l'addition de ces chiffres partiels reste très en deçà de l'évaluation du PCA (15 à 20.000), des trotskistes (33.000), de la Fondation de Bachir Boumaza (45.000) et des oulémas (80.000, plus que le nombre des manifestants).

Le film de Lalaoui, réalisé sous le conseil "scientifique" de Benjamin Stora, a été critiqué par Jauffret comme une désinformation de la thèse de Mekhaled.
Le parti communiste semble oublier qu'en 1945 il avait condamnné le soulèvement nationaliste, qu'il attribuait à des provocateurs hitlériens liés à des gros colons fascistes. Jusqu'alors il soutenait les intérêts coloniaux de la France et la politique réformiste du Comité français de Libération nationale. Ce n'est qu'en juillet 1946 qu'il effectuera un virage en prenant parti pour une Nation algérienne en formation.

L'historienne Rey-Goldzeiger qui le 8 mai a vu les bombardiers survoler Alger et bombarder Sétif (à 220 Km), alors qu'ils décollaient de Ain Arnat et de Tunis, sera présente au colloque du 7 mai. On évoquera peut-être le Jean Bart qui de la côte de Bougie bombardait Kherrata, par dessus le Takoucht (1.896 m).

On peut penser que l'approbation de la répression par le général de Gaulle sera passée sous silence et que le testament politique de Ferhat Abbas ne sera pas cité.
Publié en 1994, ce dernier fustigeait "les organisateurs d'émeutes qui avaient poussé â la violence des paysans désarmés". Il n'hésitait même pas à injurier ceux qui "tels des chiens sauvages se sont jetés sur le secrétaire de la section communiste auquel un salaud sectionnera les mains à coup de hache ".

Maurice Faivre, historien, le 29 avril 2005