Les victimes
Les attentats à la bombe ne sont pas destinés principalement à tuer, mais à semer la terreur et l'épouvante. Ils visent à installer une psychose qui va toucher non seulement qui étaient sur les lieux , mais également ceux qui n'y étaient pas. C'est une mise sous pression du commun des mortels, qui reconnu coupable à priori, l'installe dans une insécurité ininterrompue et une crainte quotidienne. Dès lors, il n'y a plus d'innocents. Civils, hommes, femmes et enfants, tous seront visés. Tous seront des victimes potentielles
Lorsque le bilan d'une action terroriste est réalisé, il est de coutume de bien accentuer le nombre de morts, en le relativisant comme pour minimiser inconsciemment, par le nombre de blessés toujours bien plus important. Il est exceptionnel que l'on montre l'état dans lequel ces actions " héroïques " laissent les malheureux concernés. Les engins explosifs utilisés dans le terrorisme urbain, sont surtout de fabrication artisanale et au gré du concepteur, bourré de débris métalliques divers destinés lors de l'explosion à être disséminés pour faucher le plus grand nombre. Il en résulte, coupures diverses, brûlures, contusions, affections auditives et surtout pour ceux qui se trouvaient au voisinage de l'explosion, de préjudices irréversibles créant un handicap permanent.
La perte de membres arrachés lors de la déflagration ou résultant d'une amputation réparatrice est un des buts de l'action terroriste. Les victimes sont alors des témoins qui propageront l'effroi visuel malgré eux. A tout ceci s'ajoute l'impact psychologique qui touchera même celui qui est sain et sauf.
Quand on parle de tortures, on oublie systématiquement celles ci. Le calvaire est ici permanent, les tourments incessants. La victime gardera ses blessures et son malaise jusqu'à son dernier souffle.


On aimerait que les humanistes s'en souviennent aussi.
Nicole Guiraud fut une des victimes rescapées de cette journée sanglante. Gravement atteinte dans sa chair lors de l'attentat du "Milk Bar", elle poursuit avec un courage remarquable son travail de mémoire.
Elle est à l'origine d'un film de 13 minutes, produit en Allemagne en 1991, et qui reçut de nombreuses récompenses internationales. Curieusement, il n'eut pas le même retentissement en France et ne bénéficia pas de la publicité faite aux productions qui exaltaient le FLN et les deserteurs. Ce qui montre, une fois de plus, que la france est bien sélective avec ses coups de coeurs.

Nous produisons avec son autorisation, une lettre qui permet d'entrevoir une parcelle de son énergie et de sa combativité.

Nicole Guiraud

Née en 1946 à Alger
1962 Exode d'Algérie en France 1968 Etudes aux Beaux-Arts de Montpellier
Vit et travaille comme artiste-libre à Francfort (RFA) et à Montpellier (depuis 1972).

"DER KOFFER. LA VALISE Â LA MER"

Film en 35 mm de Dieter Reifarth et Bert Schmidt
Portrait de l'artiste française Nicole Guiraud qui, au moyen d'objets et d'environnements, tente une reconstitution plastique de ses souvenirs, un "journal de bord" en trois dimensions:l'enfance, la mer, Alger, la guerre d'Algérie, l'attentat, l'exode, l'exil,...le retour

Avis de la Commission d'estimation de Wiesbaden :

D'un côté, le film suit la création d'une oeuvre d'art à partir d'une histoire personnelle, d'un autre côté il la lie a une leçon d'histoire. Le film montre cla1rement la dlff1culte d'un travail de la mémoire, et en même temps il suggère que le passé peut être surmonté à l'aide d'une activité artistique.
Il réussit â faire naître une oeuvre d'art conceptuel sous les yeux du spectateur.
Rien n'est exprimé avec des mots seulement.
Mention: Excellent


- Prix du film allemand 1991( Pellicule d'argent) - Prix du film de la Hesse 1991
- Grand Prix du Festival International d'Oberhausen 1992 (courts métrages)
- 2ème Prix du Festival International du Jeune Cinéma de Turin 1992
- 2ème Prix du Festival International de San Francisco 1993
38eme FESTIVAL INTERNATIONAL DU COURT-METRAGE D'OBERHAUSEN

Grand-Prix du Jury International pour 1992

Le prix du Jury International 1992 a été' décerné a un film d'une extraordinaire sensibilité: "Der Koffer. La valise â la mer", des cinéastes indépendants de Francfort Bert Schmidt et Dieter Reifarth, retrace le portrait de l'artiste franco-algérienne Nicole Guiraud.
"C'était la valise ou le cercueil" dit la femme à la voix triste, qui laisse traîner les mots sous le poids des souvenirs. Cette valise, qui l'accompagnait depuis l'Algérie jusqu'à l'exil en France puis en Allemagne, est toujours là. Elle forme aujourd'hui le coeur d'une Installation en trois dimensions, qui permet d'avoir un aperçu de cette histoire douloureuse d'une manière imparfaite, approximative et pleine de lacunes comme l'est forcément toute approche d'une douleur étrangère.
La narratrice indique elle-même le rythme que suit la caméra pour faire le tour de cet arrangement d'un monde perdu qui, entre sable et terre, d'une paire de lunettes de soleil â une boule de verre,s'étend symboliquement aux quatre points cardinaux. La "caméra ne montre que ce qu'il lui est possible de montrer. Lors d'un attentat au début de la guerre d'Algérie, Nicole Guiraud a perdu un bras.
Le déracinement et l'exil ont marqué sa vie : Une perte visible et sensible,qui s'exprime a travers les oeuvres expérimentales de cette artiste originale. La plasticité de son "journal intime" emplissant tout l'espace permet à la caméra une véritable plongée dans les souvenirs.
Au cours d'une séquence de montage qui commence avec des cartes postales,recouvertes progressivement par des photos montrant les victimes de la guerre, la caméra est littéralement baissée au ras des images. Nicole Guiraud a échappé à la complaisance.
Sa voix exprime aussi bien le désespoir que la révolte et, dans les deux cas, le courage de se confronter.
Dans toute sa mélancolie, le film est aussi une preuve de tendre respect. Un hommage a une femme qui n'a pas noyé poliment sa douleur sous les paroles.
La fin du film reste ouverte, au Sud de ce microcosme poétique qui représente la patrie d'élection de l'artiste. A partir du moment ou elle a pu regarder en arrière, le retour a commencé. "Le voyage, le bateau.., la mer.."

Heike Kühn

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