N° 183
Mai

http://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mai 2018
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
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Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
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EDITO
   Mois de mai… Joli, joli, joli.    

        Chers Compatriotes, Amis et Amies de la Seybouse

        Ce mois qui débute devrait être le plus beau qui soit. D'ailleurs, est-ce un hasard si l'on y fête autant de choses ? Le printemps, la nature, le travail, les enfants, les victoires, les révolutions, l'Europe, les communions, les mariages, les souvenirs…
        Ce mois charnière, entre le début du printemps et le début de l'été, est celui de toutes les attentes, de toutes les promesses et de tous les espoirs avec la floraison du muguet et cueillette des cerises. Dans les champs, il va décider des semis de plants, et des rendements des cultures. Dans les classes, la réussite ou l'échec aux examens. Souvent, dans les urnes, dans la rue, il va exprimer les craintes et la déception des hommes malmenés par des crises qui n'en sont pas vraiment les leurs.

        La fête du 1er mai aurait une double origine
        " Dans la mythologie grecque, la déesse Maïa incarnant le printemps est la fille de Faunus, le dieu de la fécondité des troupeaux et des champs, et l'épouse de Vulcain, le dieu du feu. Le nom signifie littéralement, en grec, " petite mère ", un terme affectueux donné à la grand-mère, la nourrice ou la sage-femme. Les Romains fêtaient la déesse le cinquième mois du calendrier grégorien et auraient adopté son nom pour le désigner, à moins qu'ils aient consacré ce mois aux anciens, le mot dérivant alors de " maiores " (hommes âgés, sénateurs).
        L'origine du mot mai n'est donc pas très nettement établie, les deux interprétations paraissent toutefois plausibles, dans un cas (honneur au printemps) comme dans l'autre (honneur aux élus). En tout état de cause, il s'agit toujours de renouvellement ! "


        En mai 2017, les Français ont une nouvelle fois souhaité et cru au renouvellement et ils ont eu le renouvellement dans " le même sac de billes " qui marche pendant que les Français ont été roulés dans la farine.
        Certes le temps n'est pas aux réjouissances mais plutôt à l'inquiétude, à l'interrogation avec le suspens des prochaines décisions jupitériennes et financière à venir. Et bien entendu, ce 1er mai, " des mécontents " se sont fait entendre par de la casse ou plutôt poussés par " les marcheurs " puisque ceux-ci savaient ce qui allaient se passer.
        C'est un éternel recommencement avec les pouvoirs en place, car tout est organisé par eux et pour eux : mai 1958, mai 1968, mai 2018 entre autres.

        En attendant, je vous souhaite un joli moi de mai, plein de bonheur.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,
        A tchao.


PREMIER MAI
Par Jocelyne MAS


               Aux calendes de mai, la fête de Beltaine annonçait pour certains le début de l'été ;
               Les Celtes d'autrefois allumaient des bûchers, c'était le feu de Bel, tradition fort lointaine.

Respirez le subtil parfum que dispense le muguet,
Et plantez par amour l'arbre du premier mai !
Arbre respire pour nous, verdure retrouvée,
Tes fleurs pourront s'épanouir et embaumer !
La fleur représente la pureté.
De sa naissance à l'oubli.
Le parfum de la fleur attise le plaisir.
La douceur de ses corolles enchante.

Un bouquet de muguet, à ses pieds, c'est un brin de bonheur,
Rendez grâces au ciel pour sa divine fleur :
Admirons de ses blanches clochettes la pudeur !



Jocelyne MAS              
Poète Écrivain Conférencière              
http://www.jocelynemas.com              




MAI, DE LA JOIE AUX LARMES !
Envoyé par Hugues.

          Joli, doux mois de mai, un bouquet de muguet
          Offert, source de joie, symbole du bonheur,
          Est source de sourires, de visages qui s'égaient
          Délaissant quelque temps les soucis, les humeurs !

          Une journée chômée, c'est la Fête du Travail.
          Jour de joie, sans nuage, pour actifs à plein temps,
          Mais pour les sans-emploi, tardent les retrouvailles
          D'un patron, de collègues, d'un job palpitant !

        C'est pourquoi, chaque année, défilent les syndicats,
          Respectant le rituel des us et des coutumes,
          Gardant le maigre espoir de quelques résultats
          Et avantages sociaux, en foulant le bitume !

          Une semaine plus tard, les Français commémorent
          La victoire des Alliés sur l'Allemagne Nazie.
          Ils rendent un hommage au courage, à la mort
          Des sauveteurs de la France, valeur qu'ils ont choisie !

          Les dimanches de Mai, à Nice, sont jours de fête,
          La Fête du Printemps, coutume ancestrale,
          Où les familles entières, dans leurs tenues parfaites,
          Dansent et chantent leur joie. L'ambiance est théâtrale !

          Et, en milieu de mois, le Festival de Cannes
          Devient centre du monde. Il fait son cinéma
          Aux marches du Palais où les stars se pavanent
          Sur un fond de Croisette. Quel beau panorama !

          A quelques lieues, à l'Est, Grand Prix de Monaco,
          Tourniquet infernal, au cœur de la cité,
          Qui, du pied du Rocher jusqu'à Monte Carlo,
          Captive, malgré le bruit, les fans surexcités !

          Spectacles parallèles qui sacrent, au Printemps,
          Les virtuoses du volant, les acteurs de plateaux.
          Larmes de joie des vainqueurs et les pleurs des perdants,
          Tels une symphonie, résonnent en vibrato !

          Dernier dimanche du mois, la Fête des mamans
          Regroupe la famille autour d'une grande table.
          Les expressions d'amour sont perles et diamants,
          Pour le cœur d'une mère, elles sont inestimables !

          Joli, doux mois de Mai, tu es mois de Marie,
          La mère de l'enfant que l'on fête à Noël
          Elle est mère des hommes, victimes de barbarie,
          Pauvres et dépossédés, ils se tournent vers elle !
Hugues JOLIVET         
11 mai 2016         

LE MUTILE N° 50 de 1918 (Gallica)

LE CARNET DE PÉCULE
L'art de reprendre ce que l'on a donné
        
        Sous ce titre, notre excellent confrère Mortimer-Mégret explique finement dans l'Œuvre comment l'Etat en paraissant beaucoup avoir fait pour le combattant pour qui, il a créé l'indemnité de combat et la haute paye de guerre, leur relire d'une main, ce qu'il a donné de l'autre et voici comment :
        Ces allocations ne sont remises qu'à moitié aux intéressés, l'autre moitié devant être économisée par les propres, soins de l'Etat sous forme d'un pécule qui ne sera payé au soldat que lors de sa libération.

        Ce serait très bien si les choses devaient se passer ainsi, mais il y a un à côté qui enlève à celte louable intention toute sa beauté.
        Le litre de pécule est constitué par un carnet sur lequel les sommes dues par l'Etat sont indiquées au moyen de timbres mobiles qu'on appose à chaque prêt. Comme l'homme est obligé de présenter son carnet tous les dix jours, il le conserve sur lui, car c'est un titre dont tous les droits disparaissent s'il est perdu. Il n'en est jamais délivré de duplicata, toutefois il peut être remplacé en eus de perle, mais les timbres qui étaient apposés sur le carnet perdu ne sont jamais remplacés.
        Vous avez bien lu, En cas de perte l'Etat ne doit rien de ce qu'il avait accordé. On conçoit aisément quels risques coure le carnet de pécule que le poilu ne cache pas dans un coffre-fort, mais dans une simple poche qui en voit de dures aux tranchées, au cantonnement ou au combat.

        Si l'on admet que tous les six mois les poches du poilu se sont vidées par des disparitions successives, de ce qu'elles contenaient, on admettra que l'Etat rentrera en possession de ce qu'il aura donné ou pour mieux dire qu'il reprendra d'une main ce qu'il aura donné de l'autre.
        Et tout cela pourquoi ? Parce qu'il n'existe pas au corps un grand livre où la créance de chaque soldat devrait être inscrite.
        On l'admet bien pour un banquier qui eu plus du carnet de banque, remis à titre de simple renseignement au titulaire du compte courant, porte sur ses livres le détail et les chiffres exacts du crédit de chacun de ses clients et nous ne voyons pas trop pourquoi l'Etal qui est en somme un banquier en l'occurrence ne s'imposerait pas les mêmes règles.
        " Si un banquier, écrit Mortimer-Mégret, refuse de rembourser un client qui aura perdu son carnet de compte, on l'appellera fripon. De quel nom devra-t-on qualifier l'Etat qui agit exactement de même ? "
        Nous ne qualifierons pas l'Etat parce que nous estimons qu'il n'y a pas friponnerie de sa part, mais nous ajouterons qu'il y a imprévoyance de sa part et qu'il convient d'admettre d'urgence la création du grand livre au corps ou seront inscrite les créances de nos poilus dont les intérêts ne sauraient être lésés.
Capitaine DESAIX.                 


 Bulletin - Oeuvre de saint Augustin et de sainte Monique, patronne des mères chrétiennes  
N° 3 - Avril 1878 - Brochure trouvée à la BNF

LA KABYLIE

MISSION DES ATTAFS
Mariages arabes-chrétiens. Le village de Sainte-Monique.

                               Dans notre dernier bulletin, nous avons annoncé à nos lecteurs que, dans la première quinzaine de mai, deux nouveaux ménages allaient s'établir au village arabe-chrétien de Saint-Cyprien; celui de Sainte-Monique devait en recevoir trois à la même époque. Une circonstance douloureuse et imprévue est venue ajourner la célébration de ces mariages.

               Peu de temps avant le jour fixé pour la cérémonie, une fluxion de poitrine emportait dans, la tombe l'une des fiancées. Dieu, la trouvant mûre pour le ciel, voulut, l'enlever aux joies de la terre pour lui faire goûter celles de l'éternité. Pauvre enfant ! Au moment où tout semblait lui sourire sur la terre, elle fit joyeusement à Dieu le sacrifice de sa vie.

               La bénédiction nuptiale fut donc fixée au juillet. Les fiancées appartenant toutes à l'orphelinat de Saint-Charles arrivèrent la veille, conduites par une religieuse de la mission; le train précédent nous amenait de Maison-Carrée les jeunes gens. Le R. P. Bridoux, secrétaire-général de l'Oeuvre les accompagnait.

               Le lendemain à peine le soleil dorait-il de ses premiers rayons les hauteurs des Braz, montagne au pied de laquelle est assis le village de Saint-Cyprien que tous les habitants furent bientôt en fête. Les soins maternels ne purent retenir à la maison les mères elles-mêmes elle prirent dans les bras leurs petits nouveau-nés et se dirigèrent vers l'église. Ce fut un spectacle charmant, une fête de famille à laquelle tous les membres voulaient prendre part. La joie brillait sur tous les fronts.

               La petite cloche du village se fait entendre, c'est l'heure fixée pour la cérémonie. La messe commence.

               A un signal donné les futurs s'avancent au pied de l'autel, les jeunes gens portent le costume français. Les jeunes filles portent l'habit simple et propre de l'orphelinat, rien de recherché, c'est le costume qui convient à l'orpheline, un ruban bleu auquel est suspendu une médaille de la Sainte-Vierge distingue les enfants de Marie.

               Mais le moment solennel est arrivé. Avant de prononcer sur leur tête la formule sacramentelle, le R. P. Bridoux, délégué par le T.-R. P. Supérieur général pour faire la cérémonie, voulut leur adresser quelques paroles empreintes de la plus paternelle charité, il leur mit sous les yeux les grands devoirs imposés par leur nouvelle vie.

               Pauvres orphelines! Combien ne devez-vous pas remercier le bon Dieu de la grâce qu'il vous a accordée en vous engageant dans les liens d'un mariage chrétien ? Quel sort différent les attendait sous le toit paternel ? Vendues dans la fleur de leur jeunesse, quand l'âge les eût flétries on les eût chassées de ce foyer où s'étaient dépensés leur vie, leur cœur, leur âme.

               Au sortir de l'église, des salves de coups de fusil accueillirent les nouveaux mariés. Le bruit de la poudre, tel est le langage de l'Arabe, même converti, pour manifester sa joie.. Il fallut pourtant quitter les armes. Un modeste repas réunissait dans une salle commune tous les invités. Une place était vide, celle de celui qui pouvait revendiquer le titre de père de ces enfants, Monseigneur était à Jérusalem et en Egypte pour les affaires de notre mission.

               Mais l'heure de la séparation est sonnée. Le missionnaire directeur du village conduit les jeunes ménages à la maison que le sort a désignée à chacun. La fête est terminée, tout rentre dans le silence et le lendemain le colon arabe-chrétien vaque à ses occupations ordinaires.

               Au nombre de ces nouveaux mariés se trouvait l'enfant d'adoption d'une noble famille de France. Il portait le nom de Just que lui avait légué le fils aîné de son père adoptif tombé martyr en Corée au début de sa carrière apostolique. Quand l'athlète du Christ tomba dans l'arène, son père adopta cet enfant pour tenir la place de celui que le ciel lui ravissait.

               Just de B. a été l'un des derniers martyrs de la Corée. Jeune, riche, beau, le noble enfant s'était voué aux missions parce que le monde ne lui promettait qu'une vie douce et brillante. Etant tout petit enfant, il collait son oreille sur la terre, et il disait à son frère, enfant comme lui " Ecoute les voix qui m'appellent. Les Chinois me crient : Just ! Just ! Sauve-nous! Glorieux martyr, veille sur celui qui porte ton nom.

               Depuis quelque temps le bulletin de l'œuvre a gardé le silence sur la marche de nos villages arabes-chrétiens. Une occasion favorable se présente aujourd'hui pour le rompre. Nous allons entretenir nos lecteurs de celui de Sainte-Monique.

               Souvent les personnes qui s'intéressent à cette grande œuvre ont demandé dans leurs correspondances si nos jeunes ménages avaient complètement embrassé les usages français. La réponse est affirmative, cependant ils ont gardé quelque chose de leur terroir arabe. Ils n'ont jamais songé évidemment à séparer leur femme du reste des humains et à la séquestrer dans une étroite masure où ne pénètrent pas les rayons du soleil. -N on, la femme devenue chrétienne a sa place dans toutes les fêtes, dans toutes les réunions, bien souvent elle a la parole et je suis témoin qu'elle use largement de ce privilège.

               Je ne retracerai pas ici la journée de mes paroissiens, notre vénérable Archevêque l'a fait dans une éloquente lettre adressée à M. le Président de l'Œuvre des Écoles d'Orient. Je ne puis néanmoins passer sous silence un petit détail sur la journée du dimanche. C'est le jour consacré à Dieu, c'est aussi le jour du repos. Nos jeunes colons ont un souverain mépris pour toutes les prescriptions du Coran, la sobriété arabe seule les a trouvés fidèles. Les désapprouver serait une faute. On ne connaît pas ici le chemin de ces bouges où la haine de Dieu prend naissance dans le cœur de l'homme pour le disposer à mourir ensuite le blasphème à la bouche. On ne boit point à cette coupe amère qui enivre le corps et tue l'âme.

               Notre village n'est point cependant étranger au " progrès. " Il possède son cercle et le missionnaire distribue lui-même gratis à chacun sa quote-part de café le dimanche après vêpres.

               La distribution terminée. Le Père prend place sur une natte, les jambes croisées en forme d'X, à la manière des Orientaux, tous se rangent en cercle autour du kaoua (café) et la conversation s'engage. On s'entretient des travaux de la semaine, de ce qui est fait, de ce qui reste à faire, le missionnaire donne des conseils, des encouragements, réforme les abus et prend un peu de café pour reprendre haleine. La politique est inconnue; cette maladie si commune de nos jours n'a pas encore atteint nos chers enfants.

               Dès que les ombres de la nuit commencent à descendre sur la terre, le gérant du cercle donne le signal du départ. Il n'est que sept heures, mais, si nous n'avons rien à craindre des gendarmes, nous devons éviter de nous mettre en contravention avec le bon Dieu. C'est l'heure de la prière du soir, tous mes clients s'y rendent.

               Plusieurs âmes charitables, après avoir fait de grands sacrifices pour aider à la fondation du village de Sainte-Monique, nous ont communiqué leurs craintes au sujet des habitants. " Le sang arabe, ont-ils écrit, coule encore dans ces veines; abandonnés à eux-mêmes, ces enfants se laisseront aller à des habitudes de paresse. Cette apathie, si naturelle aux habitants des pays chauds, est surtout à redouter, elle deviendrait un obstacle insurmontable pour la réussite de ces villages. " Je vois tous les jours ces enfants à l'œuvre et je suis heureux de dire à leurs bienfaiteurs pour calmer leurs inquiétudes que je ne partage pas leurs craintes.

               Les premières familles sont installées à Sainte-Monique depuis trois ans à peine, elles sont arrivées les mains vides. Déjà plusieurs, grâce à un travail opiniâtre, sont dans une honnête aisance malgré les charges qui sont venues s'imposer; plus d'une famille compte deux ou trois enfants, si ces chers petits nécessitent des dépenses qui diminuent les épargnes, ils sont aussi une preuve irréfutable des bénédictions de Dieu sur ces familles.

               Au moment où j'écris ces lignes, depuis quatre heures du matin jusqu'aux dernières lueurs du jour, je vois ces nouveaux chrétiens moissonnant depuis plus d'une semaine sous une chaleur de 40° centigrades à l'ombre. Après avoir supporté le poids du jour et de la chaleur, ils sont fidèles au rendez-vous du soir au pied de l'autel du Sacré-Cœur.

               Dieu éprouve parfois l'orphelin, il ne l'abandonne jamais, l'année dernière la pluie ayant fait défaut, les récoltes furent complètement nulles.

               Cette année, un plein succès est venu couronner leurs efforts, la récolte est abondante, mais nos laboureurs n'ont pas compté seulement sur la force de leurs bras, ils ont eu recours à la prière, leur attente n'a pas été vaine.

               Au mois de mars, les semailles se trouvant menacées par une longue sécheresse, hommes et femmes vinrent me demander de commencer une neuvaine à saint Joseph. Je la commencerai ce soir, leur dis-je. Pour intéresser saint Joseph à notre cause, on décida que sa statue serait placée dans notre église s'il exauçait nos prières. Le piédestal resterait vide s'il demeurait sourd à notre voix. C'était prendre le saint par l'amour-propre. La menace porta ses fruits, le soir même du premier jour de la neuvaine une pluie bienfaisante vint encourager les efforts de nos orphelins et leur rendre l'espérance.
               Fidèles à notre promesse, nous avons placé une magnifique statue polychrome du bon procureur dans une des chapelles latérales de notre église.

L. DIORÉ,                
Missionnaire d'Afrique.               

A SUIVRE


ANNALES ALGERIENNES
Tome 1
LIVRE VIII
Relations avec les Arabes. - Assassinat du Caïd de Krachna. - Excursion dans la plaine. - Reconnaissance de Coléah. - Travaux topographiques. - Expédition de Béni-Salah. - Expédition de Médéah. - Désordres de la retraite. - Combats auprès de la Ferme-Modèle. - El Hadj-Mahhidin el Sger ben Sidi-Ally ben Moubarek est nommé Agha des Arabes. - Expédition malheureuse de Bône. - Mort du commandant Honder. - Le général Boyer à Oran. - Organisation des services publics à Oran. - Description de la province. - Rappel du général Berthezène.
               La politique du général Berthezène envers les Arabes ne présente pas une marche plus assurée et plus suivie que son administration civile. Ni lui, ni aucun de ses alentours ne s'en occupaient avec la suite et l'attention convenables. Il semblait que les Arabes n'étaient qu'une matière inerte, un embarras physique, que des moyens physiques devaient seuls écarter. Aussi ne prenait-on aucun souci de ce qui se passait chez eux, tant qu'on ne les croyait pas disposés à nous attaquer, et abandonnait-on bénévolement le soin de les gouverner. Seulement, lorsque quelques-uns d'entre eux, las de l'anarchie qui les dévorait, ou poussés par un esprit d'intrigue, venaient demander un chef, on leur jetait un brevet de Cheikh ou de Kaïd, sans trop savoir à quelle adresse il parviendrait. Les détails des affaires étaient abandonnés aux interprètes, classe d'hommes dont on ne peut se passer dans ce pays-ci, mais dont on ne doit se servir qu'avec une extrême circonspection ; car il s'en trouvait dans le nombre qui étaient trop disposés à faire argent de tout. Lorsqu'on ordonnait à ceux-ci de se mettre sur la trace des petits méfaits qui se commettent chez les Arabes, ils arrêtaient tous ceux sur qui ils pouvaient mettre la main, et après les avoir rançonnés à leur profit, ils les relâchaient en disant qu'ils n'avaient rien pu découvrir. Ces abus éloignaient les Arabes d'Alger. Souvent nos marchés étaient dégarnis ; et les antipathies de race, loin de s'affaiblir, prenaient chaque jour de nouvelles forces.

              Le Kaïd que nous avions nommé à Krachna, Mohammed-Ben-El-Amry, s'étant avisé un jour de venir visiter notre prétendu Agha Mendiri, et de lui faire quelques légers présents, fut assassiné à son retour, comme traître à son pays. On ne s'en inquiéta que fort peu.
              Peu de jours après son arrivée, c'est-à-dire dans le commencement de mars, le général Berthezène fit une excursion de quelques jours dans la Métidja, avec 4 bataillons et 150 chevaux. Il ne rencontra d'ennemis nulle part ; seulement un soldat fut assassiné, en arrière de la colonne, dans les environs de Blida. Sur la demande des habitants de cette ville, ce général s'abstint d'y pénétrer.
              Il en fut de même de celle de Coléah, devant laquelle il se présenta également. C'était une chose bien triste et bien inexplicable, que de voir le gouverneur d'une province conquise se laisser ainsi repousser de deux villes qu'il avait l'intention de visiter en partant, et où il était de son devoir d'établir son autorité. Il est difficile de dire, après cela, ce que le général Berthezène était allé faire dans la plaine.

              Les officiers du bureau topographique profitèrent cependant de cette occasion pour reconnaître le cours de la Chiffa et le Mazafran. Ils pénétrèrent même à Coléah sous la protection des Marabouts de la famille Moubarek, et en levèrent le plan.
              Le bureau topographique fit dans le courant de 1831 des travaux assez importants. On lui doit la carte des environs d'Alger, qui est très exacte et d'une exécution soignée ; le plan d'Alger, plusieurs autres itinéraires. Il était alors composé de plusieurs officiers habiles et zélés; mais ayant été réduit à un seul capitaine, il a cessé d'avoir la même activité.
              Dans le courant d'avril quelques assassinats, ou tentatives d'assassinats, eurent lieu dans l'intérieur de nos lignes. Des cavaliers que l'Agha envoyait à Beni-Mouça, je ne sais pour quelle affaire, furent attaqués par les gens de Beni-Misara et de Beni-Salah (Tribus Kbaïles de l'Outhan de Béni-Khalie sur le versant septentrional de l'Atlas.) qui en tuèrent un.

              Enfin, c'est à cette époque que fut assassiné le Kaïd de Krachna, Ben-el-Amery. Le général résolut donc d'aller châtier les tribus coupables : il partit d'Alger le 7 mai avec 4,000 hommes et quelques pièces d'artillerie, et se dirigea sur l'Outhan de Krachna. Il y fit arrêter quelques individus qu'on crut être les auteurs du meurtre de Ben-el-Amery ; mais leur culpabilité n'ayant pu être prouvée, ils furent bientôt relâchés, et il ne fut plus question de cette affaire. De Krachna, le général se dirigea sur Beni-Misera, petite tribu Kbaïle de l'Outhan de Beni-Khalil, qu'il frappa d'une contribution de 6 bœufs, dont 3 seulement furent livrés. De là, il alla à Beni-Salah en passant entre la montagne et Blida, qu'il laissa à sa droite. Il somma les gens de Beni-Salah de livrer les hommes qui avaient tué le cavalier de l'Agha, et qu'on disait appartenir à cette tribu. Ceux-ci demandèrent du temps pour les trouver, et ils profitèrent du répit qu'on leur accorda pour se retirer de l'autre côté de la montagne, avec tout ce qu'ils purent emporter. Après une nuit d'attente, le général, voyant qu'on se jouait de lui, fit tout saccager dans la tribu. Il pénétra jusqu'à Thiza, qui est un des sommets de l'Atlas, sans rencontrer de résistance; seulement, parvenu sur ce point, il reçut quelques coups de fusil, d'un gros de Kbaïles qui fuyait, et eut un homme tué. Il redescendit ensuite la montagne, sans être poursuivi, et vint camper autour de Blida Les habitants de cette ville, où nous n'entrâmes pas, envoyèrent des vivres à l'armée. Les troupes rentrèrent à Alger le 13 mai.

              Cette courte expédition, qui fut absolument sans résultat, puisqu'on ne put saisir les auteurs des divers crimes qu'on voulait punir, rendit cependant le général Berthezène très satisfait de lui-même. Il fit un ordre du jour pompeux, quoiqu'il eût dit étant à Thiza : " Nous voilà arrivés sur l'Atlas par un chemin bien plus difficile que celui de Thénia, et cependant nous ne ferons point de bulletins comme le général Clauzel. "
              Dans toute cette course, le général en chef ne songea nullement à établir dans les tribus des autorités qui dépendissent de lui, et avec qui il pût s'entendre. Il ne remplaça pas même le malheureux Ben-el-Amery, dont la mort ne fut pas vengée; du reste, il montra de l'humanité, et ce ne fut que malgré lui, et pour prévenir le reproche de faiblesse, qu'il se mit à faire la guerre aux Arabes et aux cabanes de Beni-Salah, ne pouvant trouver d'autres ennemis.

              Cependant la position de Ben-Omar, notre Bey de Titery, qui était resté à Médéah après que les troupes françaises eurent évacué cette ville, devenait chaque jour plus critique. Ce Maure n'était pas à la hauteur des fonctions qu'il était appelé à exercer, dans des circonstances qui demandaient de l'adresse et du savoir-faire, mais qui cependant lui offraient des chances nombreuses de succès. Le général Danlion, en quittant Médéah, lui avait laissé un bon approvisionnement en munitions de guerre, et le général Clauzel, quelque temps après, lui envoya 2 pièces de canon disposées sur affûts de campagne, et qui pouvaient lui être d'un grand secours. Ces pièces furent conduites à Médéah par les Arabes du parti de Ben-Omar, et personne ne chercha à les enlever sur la route. La place était en outre en bon état, et armée de pièces de position. Mais on commit la faute de laisser le Bey presque sans argent. Or, il est évident qu'il lui fallait une avance pour s'établir dans le pays, et pouvoir par la suite s'y créer des ressources. Pour s'en procurer, il employa des moyens qui le firent accuser de concussion, et il s'appropria des grains et autres denrées qui avaient été réunis par les soins et pour les besoins de l'administration française. Une enquête fut faite à ce sujet, mais la déclaration du sous-intendant militaire, qui avait eu la police administrative de la garnison de Médéah, ayant été favorable au Bey, cette affaire n'eut pas de suite.

              Si Ben-Omar eût employé à se consolider à Titery les quelques milliers de francs qu'il parvint à faire rentrer dans son coffre, malgré l'irrégularité des moyens, il n'y aurait eu que peu de choses à lui dire; car enfin il ne pouvait rester sans argent ; mais il parait que, désespérant de s'établir solidement dans la province, il ne songea qu'à augmenter sa fortune particulière, ou plutôt qu'à couvrir ses dépenses personnelles ; car on ne s'est pas aperçu que depuis sa courte administration, sa fortune se soit accrue. Un homme plus jeune et plus habile que Ben-Omar, aurait employé l'argent obtenu, n'importe par quelle voie, à solder un petit corps de cavalerie avec lequel il aurait soumis d'abord les tribus les plus voisines de Médéah, ce qui aurait augmenté ses ressources financières ; ses ressources ainsi accrues, il aurait augmenté ses troupes et obtenu d'autres soumissions qui à leur tour l'auraient conduit à d'autres, et ainsi de suite, en augmentant toujours ses forces par ses ressources financières, et ses ressources par ses forces ; mais il fallait pour cela une autre tête que la sienne.

              Ce malheureux Bey, peu de temps après le départ des Français, fut réduit à ne plus pouvoir sortir de Médéah. Bientôt il commença à avoir des craintes pour sa sûreté dans la ville même. La majorité des habitants, qui est véritablement très estimable, car elle unit la bravoure à l'amour de l'ordre, s'était bien ralliée à lui ; mais la famille de l'ancien Bey comptait encore dans Médéah de nombreux, partisans, sous les coups desquels le nouveau pouvait tomber d'un moment à l'autre. Le général Clauzel, par une générosité mal entendue, n'avait pas déporté Oulid-Bou-Mezrag, fils du Bey Mustapha. Ce jeune homme, qui est brave et résolu, s'était d'abord établi à Blida, où il chercha à détourner l'attention, en affectant des habitudes paisibles et casanières. Il y réussit si bien qu'on finit par le regarder comme un personnage sans importance et nullement dangereux, et qu'il fut autorisé à retourner à Médéah. Il profita de cette condescendance pour travailler les esprits, et lors que le Bey s'aperçut de ses menées, il était déjà assez fort pour braver son autorité. Il sortit de la ville sans que Ben-Omar pût ou osât l'arrêter, alla se mettre à la tête des tribus mécontentes, et vint bientôt s'établir avec quelques troupes à la maison de campagne du Bey, d'où il bloquait Médéah ; ses partisans s'agitèrent à l'intérieur, et le Bey n'osa plus sortir de sa maison où la crainte le retenait ; il écrivit au général Berthezène au mois de juin 1831, que sa position n'était plus tenable, et que s'il ne recevait de prompts secours, il était un homme perdu.

               Le général Berthezène, décidé à ne pas l'abandonner, partit d'Alger le 25 juin avec deux brigades commandées par les généraux Buchet et Feuchères ; le corps d'armée coucha, ce jour là, en avant d'Oued-el-Kerma, le 26, en avant de Boufarik, et le 27, à la ferme de Mouzaïa, où on laissa un bataillon du 30e de ligne. Le 28, on franchit le col de Téniah, où l'on établit un bataillon du 20e, et l'on vint coucher à Zéboudj-Azarha, bois d'oliviers dont nous avons déjà parlé, situé à la descente du versant méridional de l'Atlas. Jusque-là on n'avait point rencontré d'ennemis, mais en cet endroit, quelques coups de fusil furent tirés sur nos troupes.

              Le 29, le général Berthezène arriva à Médéah. Quelques Arabes, qui faisaient mine de vouloir attaquer nos colonnes au moment où elles se présentaient devant cette ville, furent chargés par les escadrons du 12e de chasseurs. Ces escadrons éloignèrent l'ennemi, mais dans le mouvement qu'ils firent pour rejoindre l'armée, ils furent attaqués à leur tour, et éprouvèrent quelques pertes.
              A l'approche des troupes françaises, Oulid-Bou-Mezrag avait abandonné la maison de campagne du Bey, qui fut occupée par un bataillon du 30e de ligne et par notre cavalerie ; le reste du corps d'armée s'établit au nord de la ville, où un seul bataillon pénétra.

              Aucun mouvement n'eut lieu dans la journée du 30 juin, il paraît que le général ne savait pas exactement ce qu'il voulait faire ; le but de son voyage avait été de secourir le Bey de Titery ; mais quoique sa présence eût éloigné un instant le danger, il était évident que son retour devait le ramener plus imminent et plus terrible.
              Dans cette conjoncture, le général en chef n'avait que trois partis à prendre; ou laisser une garnison française à Médéah pour soutenir Ben-Omar ; ou rester lui-même dans la province pendant quinze jours ou trois semaines, soumettre durant ce temps les Outhans qui touchent à Médéah, et créer des troupes indigènes à Ben-Omar ; ou enfin, tâcher d'être assez heureux pour atteindre Oulid-Bou-Mezrag, et lui faire éprouver assez de pertes pour lui ôter la possibilité de reprendre les armes.

              Le premier parti était contraire aux instructions du général Berthezène, qui avait plutôt mission de se resserrer que de s'étendre dans ce pays. Le second, qui était le plus sage, offrait de grandes difficultés à un homme qui ne savait en surmonter aucune. Le troisième présentait peu de chances de réussite, mais il n'exigeait pas de grandes combinaisons, et c'est celui auquel s'arrêta le général Berthezène. En conséquence, il partit de Médéah le 1er juillet au point du jour, et se dirigea sur la montagne d'Aouarah dans l'Outhan de ce nom. Comme on aurait dû le prévoir, les partis ennemis ne nous attendirent pas et s'éloignèrent à notre approche. On se mit alors à brûler les blés et à couper les arbres. Ces dévastations ne pouvaient qu'irriter de plus en plus les populations qui en souffraient. Elles étaient dirigées par l'agha Mendiri, qui les trouvait tout à fait convenables et appropriées à la circonstance.
              Cependant, les tribus qui fuyaient devant nous avaient bien évidemment le dessein de prendre leur revanche, lorsque après avoir marché assez longtemps, nous serions obligés de revenir sur nos pas. Elles restaient unies, et aussitôt que nos colonnes s'arrêtaient, et les commençaient la fusillade avec l'avant-garde. Nous allâmes ainsi jusqu'au plateau d'Aouarah, d'où le général Berthezène ordonna la retraite sur Médéah ; l'ennemi reprit alors ses avantages et poursuivit nos colonnes jusqu'à Médéah, où elles arrivèrent dans la soirée.

              Cette journée, dans laquelle la colère impuissante du général en chef avait été réduite à s'exercer sur des arbres et des champs de blé, fut toute à l'avantage des Arabes, qui eurent la satisfaction de voir les Français battre en retraite devant eux. Ils vinrent se poster auprès de Médéah et attendirent ce qu'allait faire le général Berthezène. Celui-ci était très embarrassé de sa position.
              La consternation régnait dans la ville parmi les partisans de Ben-Omar, et tout annonçait à l'extérieur une insurrection générale. La ville était mal approvisionnée en vivres, et ceux que l'armée avait apportés avec elle allaient bientôt être épuisés. Cette circonstance persuada au général français qu'il lui était impossible de rester plus longtemps dans le pays ; il paraît qu'il n'entra pas dans son esprit que, puisqu'il avait trouvé des blés à brûler, il aurait pu en trouver aussi à moissonner ; qu'il y avait quelques moulins à Médéah pour les convertir en farines ; et qu'à la rigueur, on peut vivre avec de la bouillie de gruau, en attendant qu'on se soit procuré d'autres ressources ; il n'était qu'à quelques lieues de Blida, qui lui aurait envoyé de la viande, s'il n'avait pu en trouver assez dans le pays, car on obtient tout ce que l'on veut d'un peuple conquis, tant qu'on prend l'offensive, tandis qu'au moindre mouvement rétrograde, on a toutes les populations sur les bras.

              Si M. Berthezène eût fait toutes ces réflexions, il n'aurait pas été réduit à abandonner la province de Titery, sans avoir rien exécuté de ce qu'il paraissait avoir voulu y faire ; car je ne pense pas qu'il n'eût d'autre dessein, en partant d'Alger, que de tirer Ben-Omar de Médéah. Quoi qu'il en soit, il annonça, le 2 juillet, aux braves habitants de cette ville, que les Français étaient dans la dure nécessité de les abandonner une seconde fois à eux-mêmes ; il les engagea à se défendre comme ils le pourraient, et leur dit, qu'à cet effet, il leur laissait les canons et les munitions qu'ils avaient reçus du général Clauzel. A ce discours, le Bey de Titery et quelques personnes qui lui étaient plus particulièrement attachées, déclarèrent qu'ils ne pouvaient rester à Médéah dans les circonstances présentes, et le général en chef se décida à les emmener à Alger.

              Le même jour, à quatre heures du soir, l'armée commença son mouvement de retraite sur Alger ; et tout aussitôt l'ennemi, qui était toujours en position en vue de Médéah, s'ébranla pour la suivre en tiraillant, suivant son habitude. On arriva ainsi jusqu'à Zeboudj-Azarah, où l'on s'établit comme pour passer la nuit ; mais, peu d'heures après, le général Berthezène, désirant profiter de l'obscurité pour gagner le Col, ? t remettre la colonne en marche ; elle arriva à Thénia à la pointe du jour, accompagnée de l'ennemi, qui, s'étant aperçu de son départ, s'était mis à sa poursuite. Après une halte de quelques instants, l'armée commença à descendre le versant septentrional de l'Atlas. Le bataillon du 20e, qui était resté au Col, s'ébranla le dernier et forma l'arrière garde.

              Le nombre des ennemis avait un peu augmenté, cependant il ne s'élevait pas à plus de douze à quinze cents hommes au moment où les Français quittèrent le Col. Quelque faible qu'il fût, comme on était obligé de se retirer par un chemin difficile, on aurait dû, pour prévenir le désordre, ne négliger aucune de ces vulgaires précautions que l'étude seule des règlements militaires suffit pour enseigner, même à ceux qui n'ont pu y joindre encore les leçons de l'expérience ; c'est cependant à quoi on ne songea pas ; aucune troupe ne fut envoyée sur les crêtes des hauteurs qui dominent la route, de sorte que l'ennemi s'en empara, et se mit à longer dans cette direction le flanc droit de la colonne, en l'incommodant par un feu vertical et meurtrier.
              Bientôt le bataillon du 20e de ligne, qui était à l'arrière-garde, assailli par les Kbaïles, commença à mollir. Dans ce moment, un malheureux hasard voulut que son chef fut blessé. Cet officier se retira du champ de bataille, sans avoir remis le commandement à celui qui devait le prendre après lui. Comme la plus grande partie de cette troupe était dispersée en tirailleurs, personne ne s'aperçut à temps de l'absence du commandant, qui par conséquent ne fut pas remplacé ; il en résulta que toute direction manquant à ce bataillon, le désordre se mit dans ses rangs, et qu'il se replia avec précipitation sur le gros de la colonne déjà ébranlée par l'attaque de flanc des Kbaïles.

              Alors; une terreur panique s'empara de toute l'armée ; les rangs se rompirent ; les régiments, les bataillons, les compagnies se confondirent, et chacun, ne songeant qu'à son propre salut, se mit à fuir vers la ferme de Mouzaïa. Des blessés furent abandonnés à la fureur des ennemis. Des Kbaïles attaquèrent nos soldats corps à corps, et en précipitèrent plusieurs dans les ravins qui bordaient la route.
              Dans ce moment critique, où quatre mille Français allaient peut-être être anéantis par une poignée d'Africains, le chef de bataillon Duvivier, commandant le 2e bataillon de Zouaves et quelques Parisiens, se jeta en dehors du flanc droit de la colonne, et faisant face à l'ennemi, il s'établit perpendiculairement à la route, sa gauche appuyée à la crête des hauteurs, et sa droite à la route même. Ce mouvement habile et hardi, qui réparait en partie la faute commise dès le principe, sauva l'armée.

              Les Parisiens et les Zouaves, combattant à l'envi les uns des autres, arrêtèrent l'ennemi, pendant que le reste de nos troupes continuaient à fuir. Mais lorsqu'ils durent songer à leur propre retraite, la colonne était déjà loin, et ils ne trouvèrent personne pour les soutenir. Le commandant Duvivier, pensant que nos généraux savaient ce que c'est qu'une retraite en échelons, était persuadé qu'on aurait disposé un bataillon de manière à ce que le sien pût venir se rallier derrière ; mais il n'en fut pas ainsi. Ce brave commandant fut en quelque sorte abandonné. Son bataillon ayant été dispersé sur un grand espace très accidenté, il ne put reformer les compagnies, mais il se retira par groupes, toujours combattant, toujours faisant face à l'ennemi lorsqu'il était poussé de trop près. Il trouva sur le chemin une pièce de montagne renversée, et auprès le commandant d'artillerie Camin, qui n'avait pas voulu l'abandonner ; il la releva, continua sa retraite, et parvint à la ferme de Mouzaïa où l'armée se ralliait.

              Les Kbaïles et les Arabes s'arrêtèrent au pied de la montagne, en face des troupes françaises, qui se reformaient silencieusement, honteuses du moment de faiblesse qu'elles avaient eu. Le général Berthezène paraissait indécis sur le parti qu'il devait prendre. Après quelques heures de repos et d'hésitation de part et d'autres, l'ennemi, auquel étaient venu se joindre les Hadjoutes et les cavaliers de Merdjia, s'ébranla par sa droite pour aller s'emparer du gué de la Chiffa, par lequel l'armée avait passé en venant. Le général français ayant deviné son intention, lui laissa le temps d'effectuer son mouvement, et se mit en marche vers le soir pour aller passer la rivière à deux lieues au-dessous dans la direction de Haouch-Hadj. L'ennemi ne s'aperçut que fort tard de cette contre-marche ; il revint néanmoins sur ses pas, et ses cavaliers les mieux montés purent tirailler avec notre arrière-garde. Ce ne fut qu'à dix heures du soir que les Français arrivèrent à la Chiffa ; comme depuis le matin ils souffraient de la soif, ils se précipitèrent pêle-mêle dans l'eau, et il y eut une confusion telle, que si les Arabes avaient vigoureusement attaqué dans le moment, les événements de la matinée auraient pu se renouveler.
              Enfin l'ordre se rétablit, et le 4 juillet, à quatre heures du matin, le corps d'armée atteignit Boufarik. La route de cet endroit est bordée à droite et à gauche par des taillis épais, et franchit plusieurs ruisseaux sur dix ponts étroits situés à peu de distance les uns des autres. Les Arabes de Beni-Khalil et de Beni-Mouça s'étaient emparés de ce passage qu'ils cherchèrent à défendre ; mais ils en furent facilement débusqués. L'armée, après avoir traversé le défilé, prit quelques instants de repos, et se dirigea ensuite sur Oued-el-Kerma, où elle bivouaqua. Le lendemain 5 juillet, anniversaire de la prise d'Alger, les troupes rentrèrent dans leurs cantonnements.

              Telle fut cette malheureuse expédition de Médéah, plus funeste par l'effet moral qu'elle produisit sur l'esprit des Indigènes, que par les pertes réelles que nous y éprouvâmes ; car nous n'eûmes que 254 hommes mis hors de combat, savoir : 62 morts et 192 blessés. L'armée et son général eurent réciproquement de graves reproches à se faire ; mais ce fut principalement sur ce dernier que porta le blâme public. On accusait ouvertement son incapacité et son incurie, et même on exagérait le mal pour donner libre carrière à la médisance. Les militaires français sont en général trop disposés à accabler un chef malheureux ; et cependant ce n'est pas par des récriminations passionnées que l'on doit espérer réparer un échec. Les fautes d'un général sont du domaine de l'histoire, mais, dans son armée même, les hommes qui sont en état de le juger, devraient plutôt les dissimuler, et les taire qu'affaiblir la confiance des troupes en les publiant. Pour nous, placé loin des événements, nous avons pu sans inconvénient user des droits de la critique, et laisser voir le général Berthezène tel que nous le représentent ses actes.

              Les propos désobligeants qui couraient sur le général en chef parvinrent jusqu'à ses oreilles. Il eut la malheureuse idée de menacer par un ordre du jour d'en renvoyer les auteurs en France, et même de les faire traduire devant un conseil de guerre. Cet éclat maladroit redoubla l'activité de la malveillance, et lui donna les honorables apparences de la franchise persécutée. Un simple sous-lieutenant, mandé chez le général Berthezène pour des propos de cette nature, soutint ce qu'il avait avancé, et mit le général au défi de le traduire devant un conseil de guerre.
              Cependant les Arabes, fiers des avantages incontestables qu'un malheureux concours de circonstances leur avait fait obtenir sur nous, se berçaient de la flatteuse espérance de nous chasser d'Alger. Oulid-Bou-Mezrag d'un côté, Ben-Zamoun de l'autre, excitaient les Indigènes à prendre les armes. Sidi-Saadi, d'une famille de Marabouts d'Alger, qu'un voyage récent à la Mecque recommandait à l'estime de ses coreligionnaires, et qui ne visait à rien moins qu'à succéder à Hussein-Pacha, contribuait puissamment par ses prédications à ameuter les tribus de l'est, chez lesquelles il s'était retiré. Bientôt deux camps d'insurgés se formèrent, l'un à Boufarik, sous les ordres d'Oulid-Bou-Mezrag, et l'autre sur la rive droite de l'Aratch auprès du Marabout de Sidi-Arzine, sous ceux de Ben-Zamoun et de Sidi-Saadi. Ce dernier n'était qu'à peu de distance de la Ferme-Modèle.
              Des partis nombreux se répandirent dans le Fhos, attaquèrent les cultivateurs européens, en tuèrent quelques-uns, et forcèrent les autres à se réfugier dans la ville. La consternation fut alors générale dans la population civile européenne. La terreur, grossissant le nombre des ennemis, peignait tout sous les plus noires couleurs. Les colons abandonnèrent les campagnes qu'ils commençaient à cultiver. Dans la ville, plusieurs négociants fermaient leurs établissements et songeaient déjà à se rembarquer avec leurs marchandises les plus précieuses, tant il leur paraissait difficile de résister à une insurrection générale, avec une armée découragée et malade, et avec un chef déconsidéré ; enfin la colonie naissante semblait être arrivée à son dernier jour. Mais que peuvent dans une guerre défensive, les efforts désordonnés de la barbarie contre la vigoureuse organisation militaire des nations civilisées ?

              Le 17 juillet les gens de Ben-Zamoun passèrent l'Aratch, vinrent attaquer la Ferme-Modèle, et mirent le feu à la première récolte que des mains européennes eussent fait croître sur le sol Algérien. Tous les postes extérieurs furent obligés de se replier sur la Ferme, excepté celui d'un blockhaus que les Kbaïles ne purent forcer.
              L'ennemi s'étant emparé des hauteurs qui dominent cet édifice du côté du nord, plongeait dans son intérieur et commençait à mettre la garnison dans une position assez critique, lorsque des secours arrivèrent, ce qui l'obligea de repasser la rivière et de se retirer dans son camp.

              Le lendemain l'attaque recommença, mais au premier coup de canon le général Berthezène partit d'Alger avec 6 bataillons, toute la cavalerie et 2 pièces de campagne, et se dirigea par Kouba et la route de Constantine entre la maison Carrée et la Ferme. Arrivé sur la crête des hauteurs en face de Sidi-Arzine, il dirigea le feu de son artillerie sur le camp des Kbaïles. En même temps, le colonel d'Arlanges, du 30e de ligne, qui commandait le poste de la Ferme, fit une sortie contre ceux qu'il avait en face, les rejeta de l'autre côté de la rivière, passa l'Aratch après eux et se dirigea sur le camp. Le général Berthezène s'y porta aussi avec toutes ses troupes ; mais l'ennemi n'attendit pas un choc aussi formidable. Il leva le camp avec précipitation, prit en toute hâte le chemin des montagnes. La cavalerie se mit à sa poursuite; mais elle ne put l'atteindre. Elle mit alors le feu à un Houch de Beni-Mouça, dont les habitants avaient pris les armes contre nous. Le général en chef rentra le même jour à Alger, croyant en avoir ? ni avec l'insurrection.
              Malgré le succès de cette journée et la dispersion des troupes de Ben-Zamoun, les voitures de l'artillerie, qui rentraient le soir à Alger, sous l'escorte de 2 compagnies, furent attaquées près de Birkdem, par un parti arabe qui s'était mis en embuscade sur la route. Il y eut un moment de désordre dans l'escorte, mais l'ennemi finit par être repoussé.

              Le 19, la ferme fut de nouveau attaquée ; cette fois, ce fut par les Arabes, du rassemblement de Boufarik L'ennemi arriva par le pont d'Oued-El-Kerma, bloqua le blockhaus qui était sur la hauteur en face, et vint investir la ferme qu'il ne put forcer. Le combat se prolongea jusque dans la nuit.

              Le 20, le blockhaus d'Oued-El-Kerma, toujours entouré d'ennemis, continua à se défendre avec acharnement, quoique privé de toute communication avec la ferme. L'officier qui le commandait, et dont le nom mérite d'être connu, s'appelait Rouillard, il était lieutenant au 30e de ligne. Il ménagea ses cartouches en ne faisant tirer qu'à coups sûrs, et parvint ainsi à se maintenir dans ce poste dangereux. Les Arabes essayèrent de démolir le blockhaus en arrachant les planches ou en les coupant à coup de yatagan, mais ils n'eurent pas, fort heureusement, l'idée d'y mettre le feu. Le même jour un convoi fut attaqué près de Birkadem ; un demi-bataillon du 67e de ligne, qui l'escortait, fut mis en complète déroute, et ne dut son salut qu'à un bataillon du 30e qui vint à son secours; la ferme fut aussi attaquée, mais faiblement.

              Le 21, les tirailleurs ennemis s'avancèrent jusqu'à Birkadem, et l'on combattit jusque dans la nuit aux environs de la ferme et d'Oued-El-Kerma, sans succès bien prononcé de part ni d'autre. Le général Feuchère s'était porté sur ce point vers le soir avec quelques bataillons.

              Enfin, le 22, le général en chef marcha à l'ennemi au point du jour avec des forces imposantes. Le combat se décida alors complètement en notre faveur. Les Arabes furent rejetés sur la route de Blida, et on les poursuivit jusqu'à Bir-Touta (le Puits des Mûriers), à cinq quarts de lieue au-delà du pont d'Oued-El-Kerma. La cavalerie s'avança jusqu'en vue de Boufarik, où se trouvaient encore quelques masses ennemies ; ne se sentant pas assez forte pour les attaquer, elle se replia sur le corps d'armée en incendiant et saccageant quelques habitations arabes. Le général Berthezène rentra le même jour à Alger, comme il l'avait fait le 18, mais cette fois avec plus de raison, car le succès de cette journée avait été décisif.
              Les bandes qui composaient le rassemblement de Boufarik, se dispersèrent comme celles de Ben-Zamoun, et de Sidi-Saadi et il ne resta plus d'ennemis à combattre.

              Les Arabes ne mirent ni ordre ni ensemble dans leurs attaques ; ils avaient hâte d'en finir, parce qu'ils sentaient bien qu'ils ne pouvaient rester réunis bien longtemps. S'ils avaient pu prolonger leurs efforts, ils nous auraient mis dans une position critique. Les maladies régnaient dans nos troupes depuis plus d'un mois, et prenaient chaque jour plus d'intensité. Les hôpitaux étaient encombrés, et les cadres de plusieurs régiments presque vides ; de sorte qu'un mois ou trois semaines de fatigue et de combats, même heureux, auraient réduit l'armée presque à rien ; au reste, cette insurrection, quoiqu'elle n'eût pas atteint le but que s'en proposaient les auteurs, ? beaucoup de mal à la colonie. Elle arrêta le travail et la marche des capitaux d'Alger, découragea les hommes timides qui sont toujours en grand nombre, fournit des arguments aux ennemis de la colonisation, et contribua puissamment à donner à ce qu'il resta d'activité coloniale, la fausse et funeste direction que nous avons signalée dans le livre précédent.

              Quoique les Arabes eussent été repoussés à l'attaque de nos lignes, cet échec ne détruisit pas la bonne opinion qu'ils avaient conçue d'eux-mêmes depuis la retraite de Médéah. Ils n'y virent qu'un avertissement de se borner à se considérer comme nos égaux en force et en puissance, tandis que pendant quelques jours ils s'étaient regardés comme nos supérieurs. Dès ce moment, ils commencèrent à faire une distinction entre la banlieue d'Alger, sur laquelle ils voulurent bien consentir à reconnaître nos droits, et le reste de la province, qui, d'après eux, devait être soustraite à notre autorité. Restez chez vous, et nous resterons chez nous, tel fut le langage de leur politique.

              La conduite du général Berthezène, pendant les quatre ou cinq mois qu'il resta encore en Afrique, prouva qu'il avait accepté cet ultimatum. Cependant ce général, tout en consentant à traiter de puissance à puissance avec les Arabes de la province d'Alger, désirait qu'ils eussent un chef unique qui pût lui répondre non de leur soumission, il n'en était plus question, mais de leur tranquillité. L'Agha Mendiri n'avait jamais été qu'une fiction, qui dans le moment n'était plus même admissible; sur la recommandation des Maures d'Alger, on le remplaça par El-Hadj-Mahiddin-el-Sger-ben-Sidi-Aly-ben-Moubarek, chef de l'antique et illustre famille des Marabouts de Coléah. Celui-ci s'engagea, moyennant un traitement de 70,000 fr. par an, à obliger les Arabes d'observer les conditions du traité tacite. J'ai su, depuis la composition de ce livre, que cet engagement a été écrit, et qu'il se trouve entre les mains de El-Hadj-Mahiddin, qui nous enfermait dans le cercle de Popilius. C'était là un système complet de stagnation, mais enfin c'était un système. Nous renoncions à agir sur les Arabes, et nous nous bornions avec 14 à 15 mille hommes à occuper quelques lieues carrées, qui paraissaient devoir suffire aux besoins de notre colonie naissante. Les forces dont nous pouvions disposer nous auraient permis de faire mieux, mais nous sommes habitués depuis longtemps en France à n'obtenir que de faibles résultats avec de grands moyens.

              Le nouvel Agha, jusqu'au départ du général Berthezène, qui eut lieu dans le mois de janvier 1832, remplit ses engagements en homme consciencieux. Les Arabes ne se permirent aucun acte d'hostilité sur nos terres, mais il était imprudent à un Français de pénétrer sur les leurs.
              Les Indigènes auraient regardé le droit de le massacrer comme une des conditions du traité. L'Agha recommandait bien dans toutes ses lettres de ne laisser pénétrer personne chez les Arabes., et de n'avoir de communications avec eux que par son intermédiaire. En effet, toutes les relations avec les Arabes se réduisaient à la correspondance de l'Agha, qui ne vint que très rarement à Alger dans le cours de son administration.

              El-Hadj-Mahiddin exerçait une grande influence sur les indigènes, et par la sainteté de son origine, et par ses qualités personnelles, qui étaient très remarquables.

              Homme d'ordre et d'autorité, il arrêta un moment l'anarchie parmi les Arabes. Il nomma pour Kaïd à Krochna, en remplacement de Ben-el-Amry, dont nous avons raconté la fin tragique, El-Hadj-Mohammed-el-Mokhfy ; Ahmed-ben-Ourchefoun fut laissé à Beni-Mouça, et Meçaoud-Ben-Abdeloued au Sebt, malgré la part qu'ils avaient prise l'un et l'autre à l'insurrection. A Beni-Khalil-Mohammed-Ben-Cherguy avait abandonné ses fonctions à la destitution de l'Agha Hamdan. L'Agha Mendiri, qui ne savait pas trop ce que c'était qu'un Kaïd, ne songea pas à le remplacer, mais l'Outhan, las de cette anarchie, mit à sa tête El-Hadj-Boualouan. M. Mendiri, s'apercevant qu'il aurait dû se mêler de cette affaire, refusa de reconnaître Boualouan, et fit nommer à sa place El-Arbi-Ben-Arahim-Cheik de Beni-Salah. L'Agha Mahiddin, n'ayant pas confiance en cet homme, le destitua, et El-Arbi-Ben-Mouça fut reconnu Kaïd de Beni-Khalil ; à Médéah, Oulid-Bou-Mezrag s'était emparé du pouvoir sans titre déterminé, après le départ de Ben-Omar ; mais ce jeune homme, s'étant ensuite abandonné à la débauche et à l'ivrognerie avec un scandale qui indigna toute la population, tomba dans le plus grand discrédit, et ne vit d'autre ressource que de se jeter dans le parti du Bey de Constantine, ainsi que nous le verrons dans le second volume. Comme nous touchons à l'époque où ce dernier commença à être en contact plus immédiat avec nous, il convient de faire connaître au lecteur dans quelle position il se trouvait alors.

              Ahmed, Bey de Constantine, après la prise d'Alger, se retira dans sa province avec le peu de troupes qu'il avait conduites au secours d'Hussein Pacha. En approchant de sa capitale, il apprit que les Turcs qu'il y avait laissés, s'étaient révoltés contre son autorité, et avaient élu pour Bey, son lieutenant Hamoud-ben-Chakar ; ne se trouvant pas assez fort pour les soumettre, ils les fit prier de permettre à sa famille de venir le rejoindre, promettant de renoncer à tous ses droits et de se retirer dans la Saharah, pays de sa femme. Mais pendant cette petite négociation, une prompte révolution s'opéra en sa faveur. Les habitants de Constantine, craignant les excès auxquels les révoltés pourraient se livrer, s'ils étaient complètement vainqueurs, envoyèrent un Marabout à Ahmed Bey pour l'inviter à entrer en ville avec le peu de forces dont il pouvait disposer, s'engageant à le soutenir contre les Turcs. Ahmed, qui ne renonçait que malgré lui à la puissance, mit à profit ces bonnes dispositions, et pénétra dans Constantine. Les Turcs, voyant qu'ils avaient toute la population contre eux, sortirent de la ville, et allèrent camper à une certaine distance avec le Bey qu'ils avaient élu. Le lendemain, Ahmed marcha contre eux avec des forces supérieures prises dans le sein de la population. Les révoltés, n'espérant pas pouvoir lui résister, massacrèrent Hamoud-ben-Chakar, et firent leur soumission. Le Bey feignit de les recevoir en grâce, mais plus tard il les fit presque tous égorger en détail, sous différents prétextes.
              Mustapha-Boumz-Rey, Bey de Titery, s'étant mis en état de guerre contre la France, et ayant pris le titre de Pacha, envoya, dans l'été de 1830, une députation à Ahmed pour le sommer de le reconnaître comme successeur d'Hussein. Cette ambassade n'arriva pas jusqu'à lui ; car à peine eut-il vent de la démarche de Mustapha, qu'il jura qu'il ne reconnaîtrait jamais son collègue pour son souverain, et prit pour lui-même le titre de Pacha.

              La chute de Mustapha ne rapprocha pas Ahmed des Français. Le général Clauzel, ayant pris alors, comme nous l'avons dit, la résolution de le remplacer par un prince de la famille de Tunis, il ne songea plus qu'à se mettre en état de défense. Se méfiant de Fachat-Ben-Saïd, qui remplissait alors les fonctions de Cheik des Arabes de Saharah , il le destitua, et nomma à cet emploi son oncle maternel Bouzeis-Ben-Gana. (le Cheik des Arabes de Saharah est l'Agah des tribus de cette contrée, qui chacune ont leurs Cheiks particuliers.)
              Cette mesure intempestive a été pour lui une source intarissable d'embarras de toute espèce, car Fachat n'était pas homme à céder facilement sa place ; il avait pour lui l'affection de plusieurs tribus puissantes, et par leur moyen il repoussa Ben-Gana, qui s'était présenté avec des forces insuffisantes. Vaincu peu de temps après par Ahmed-Bey, qui marcha contre lui en personne, il ne perdit pas courage pour cela, et la plupart des tribus continuèrent à le reconnaître pour chef. Sans cesse occupé à susciter des ennemis au Bey de Constantine, il étendait ses menées sur tous les points où il pouvait trouver le moindre germe de mécontentement à exploiter.

              Cet état de choses menaçant pour Ahmed-Bey, l'empêcha de s'occuper de Bône, après que le général Damrémont l'eut évacuée en 1830. Cette ville, soustraite de fait à son autorité, et abandonnée par la France, se gouverna elle-même. Les tribus voisines, qui en voulaient beaucoup aux habitants pour avoir reçu les Français dans leurs murs, l'attaquèrent plusieurs fois, mais elles en furent toujours repoussées. Une centaine de Turcs qui s'y trouvaient s'établirent dans la Casbah sous le commandement d'un Kourougli influent, nommé Ahmed, et contribuèrent puissamment à sa défense. Cependant comme les attaques se renouvelaient sans cesse, les Bônois s'adressèrent au général Berthezène dans l'été de 1831, et lui demandèrent des secours en hommes et en munitions. D'après les insinuations de Sidi-Ahmed, qui nécessairement jouissait d'un grand crédit chez eux, à cause des services que sa petite troupe leur rendait depuis un an, ils insistèrent beaucoup pour qu'on ne leur envoyât que des troupes indigènes. Cet arrangement convenait à Sidi-Ahmed, qui avait, dit-on, conçu des projets de se créer une position indépendante, et au général Berthezène, qui n'aurait pas cru peut-être pouvoir prendre sur lui d'envoyer des troupes françaises à Bône sans l'autorisation du gouvernement français ; en conséquence on forma un petit détachement de 125 Zouaves, tous musulmans, à l'exception de quelques officiers et sous-officiers, dont on donna le commandement au capitaine Bigot. Le commandant Houder, officier d'ordonnance du général Guilleminot, alors ambassadeur à Constantinople, fut chargé de la direction supérieure de l'expédition, mais par une assez bizarre combinaison d'idées, il reçut le titre de consul de France à Bône. M. Houder était venu en Afrique sous le général Clauzel, pensant que les connaissances qu'il croyait avoir des Maures de l'Orient pourraient y être utilisées. C'était un homme très actif et très zélé, mais d'un jugement peu sûr.

              MM. Houder, Bigot et leurs 125 Zouaves arrivèrent à Bône sur la corvette la Créole , le 14 septembre. Ils furent fort bien reçus par les habitants, mais Sidi-Ahmed, à la vue des officiers français, laissa percer son mécontentement. Ce n'était pas ce qu'il avait demandé. Il aurait voulu des soldats musulmans et rien de plus. Le commandant Houder, qui s'aperçut de ses dispositions, vit bien qu'il allait avoir un ennemi dans cet homme, et se mit tout aussitôt à travailler à l'éloigner des affaires. Sons prétexte de vouloir soulager les Turcs, il plaça quelques Zouaves à la Casbah, et en augmenta progressivement le nombre, de manière à pouvoir y envoyer un officier, ce qui ôta par le fait le commandement de cette citadelle à Sidi-Ahmed. Mais celui-ci resta cependant assez puissant pour faire beaucoup de mal s'il le voulait, et il le voulut d'autant plus que M. Houder rompait évidemment avec lui. Il est des circonstances difficiles où il faut dissimuler avec un ennemi, lorsqu'on ne se sent pas la force de l'écraser entièrement.
              Il y avait alors à Bône un ancien Bey de Constantine, nommé Ibrahim, qu'une suite d'événements avaient conduit dans cette ville. Ce personnage, qui cachait sous une bonhomie apparente un grand fond de perfidie, parvint à capter la confiance de M. Houder. Il épiait toutes les démarches de Sidi-Ahmed, et en rendait compte au commandant français. Son dessein était de les perdre l'un par l'autre, et de s'emparer ensuite du pouvoir.

              M. Houder, qui n'avait pas les habitudes très militaires, s'était fort mal installé à Bône. Sa petite troupe se gardait mal. Les portes de la Casbah étaient toujours ouvertes, et l'officier qui y commandait venait tous les jours, prendre ses repas en ville. Ibrahim, qui observait tout, résolut de profiter de cette négligence pour brusquer le dénouement qu'il préparait. Il avait obtenu du trop confiant Houder quelque argent pour prix des services qu'il était censé lui rendre. Il en employa une partie à soudoyer quelques hommes avec lesquels il se présenta à la Casbah au moment où l'officier en était absent. La garnison étonnée hésita un instant, mais bientôt, séduite par quelques largesses, elle se déclara pour lui, les Turcs d'abord et plusieurs Zouaves ensuite. Ceux qui auraient désiré rester fidèles, se voyant ainsi abandonnés, furent contraints de poser les armes.
              Ibrahim maître de la citadelle en fit fermer les portes et annonça son triomphe par une salve d'artillerie.
              A ce bruit, le commandant Houder et le capitaine Bigot réunirent à la hâte quelques soldats, et marchèrent sur la Casbah, d'où ils furent repoussés par une vive fusillade. Ils rentrèrent alors dans la ville, dont les partisans de Sidi-Ahmed, cherchaient déjà à fermer les portes.
              Il y avait alors en rade de Bône 2 bâtiments de l'état, la Créole et l'Adonis. M. Houder résolut de leur demander des hommes de débarquement, et d'attaquer la Casbah avec eux et ses Zouaves. Mais les habitants de la ville lui ayant promis de ramener les Turcs à leur devoir et de lui livrer Ibrahim, il renonça à son projet.

              Deux jours se passèrent ainsi à attendre l'effet de ces promesses qui ne devaient pas se réaliser. Les habitants de la campagne étaient aux portes de la ville; Ibrahim en avait reçu un grand nombre dans la citadelle ; et tout annonçait une attaque prochaine. Le 29, quelques Bônois, disant agir au nom de leurs compatriotes, vinrent déclarer au commandant Houder qu'il ne pouvait plus rester à Bône. Forcé de céder à la nécessité, ce malheureux officier leur annonça qu'il allait partir, et fit aussitôt demander des embarcations aux deux navires. Dès que cette nouvelle se fut répandue en ville et au-dehors, les campagnards se précipitèrent sur les portes, forcèrent les gardes de se replier, et inondèrent toutes les rues. Beaucoup de Zouaves furent pris ou se réunirent aux insurgés ; le capitaine Bigot fut égorgé après s'être vaillamment défendu. Quarante ou cinquante personnes, Français ou Zouaves, repoussées vers la porte de la Marine, se précipitèrent vers les embarcations que les deux navires leur envoyaient. Plusieurs périrent dans cette catastrophe, et de ce nombre fut l'infortuné Houder, qui, déjà blessé de deux coups de feu, reçut une balle dans la tête en arrivant dans un canot.

              Cette scène sanglante était à peine terminée que les habitants de cette ville envoyèrent des parlementaires à bord de la Créole, pour protester qu'ils n'étaient pour rien dans tout ce qui venait de se passer. Peu d'instants après, on vit arriver d'Alger 2 bricks portant 250 hommes du 2e bataillon de Zouaves, commandés par le commandant Duvivier, que le général Berthezène envoyait au secours de la faible garnison de Bône. Les gens de la ville rendirent alors les prisonniers, parmi lesquels se trouvait un officier.
              M. Duvivier désirait tenter un coup de main sur la Casbah avec ses hommes et une partie des équipages des navires ; mais les commandants de bâtiments ne crurent pas devoir accéder à ce projet. Il fallut donc retourner à Alger, où les débris de l'expédition rentrèrent le 11 octobre.
              Cette malheureuse affaire acheva de perdre le général Berthezène, à qui on en reprocha l'issue avec d'autant plus d'amertume, que la pitié commandait le silence sur celui qui aurait pu en partager le blâme avec lui.

              Dans la province d'Oran, notre position fut longtemps indécise sous l'administration du général Berthezène. Le gouvernement resta plusieurs mois sans se prononcer sur l'adoption ou le rejet des arrangements pris par le général Clauzel au sujet de ce Beylik, et pendant tout ce temps les choses restèrent dans le même état où nous les avons laissées au 5e livre de cet ouvrage. Le Khalifa du prince Ahmed était toujours censé gouverner le pays sous la protection du colonel Lefol et de son régiment; mais son autorité ne s'étendait guère au-delà de la ville, réduite à une très faible population. Il avait pris à son service les Turcs qui étaient à celui de l'ancien Bey, ce qui éleva à 4 à 500 hommes le nombre des soldats immédiatement placés sous ses ordres, y compris ceux qu'il avait amenés de Tunis. Dans le mois de juin, il alla attaquer avec ce petit corps, une tribu qui l'avait bravé, lui tua beaucoup de monde, et lui enleva un assez riche butin ; il avait besoin de cette ressource, car il était presque sans argent et ses troupes étaient dans le plus affreux dénuement. Le 21e de ligne n'était pas dans une position plus brillante. Comme il était désigné depuis longtemps pour rentrer en France, il ne recevait plus rien de son dépôt, de sorte que les soldats étaient presque nus ; les officiers eux-mêmes n'avaient que des habits en lambeaux.

              Le découragement s'était emparé de cette troupe, fatiguée de son isolement, et qui restait souvent un mois sans nouvelles d'Alger ni de France. Le colonel Lefol, qui la commandait, mourut d'une nostalgie, dans le courant du mois d'août.

              Enfin, le gouvernement, s'étant déterminé à refuser sa ratification aux arrangements du général Clauzel, se décida à occuper Oran pour son propre compte. Le général Fodoas avait d'abord été désigné pour aller commander sur ce point, mais une nouvelle décision confia ce poste au général Boyer, qui avait commandé une division de l'armée d'Afrique sous le général Clauzel. Il arriva à Oran dans le milieu de septembre ; le 21e de ligne rentra en France, et le 20e le remplaça. Mais l'envoi d'un lieutenant-général à Oran prouvait que l'intention du gouvernement était d'augmenter les forces dans cette partie de la Régence, ce qui eut en effet lieu un peu plus tard.
              Le Khalifa et ses Tunisiens furent reconduits dans leur pays à leur grande satisfaction, car ils étaient las depuis longtemps de leur position équivoque.

              Peu de jours après l'arrivée du général Boyer, Muley-Aly, parent de l'empereur de Maroc et commandant des troupes que ce prince avait envoyées dans la province d'Oran, vint avec quelques centaines de cavaliers tournoyer autour de la place ; après deux ou trois jours de vaines et puériles démonstrations il disparut ; mais les environs de la ville restèrent peu sûrs. Les Arabes venaient en enfants perdus tirer de loin sur les sentinelles, comme pour protester contre notre présence à Oran par ces actes d'hostilités sans résultats ; cela n'empêchait pas d'autres Arabes de fréquenter notre marché ; et, il est même arrivé plus d'une fois que des indigènes, après avoir vendu leurs denrées à Oran, s'amusaient, en s'en retournant, à décharger leurs fusils contre les remparts.
              Cet état équivoque, qui n'était ni la paix ni la guerre, dura, avec quelques légères variations, pendant toute l'année 1831.

              Le général Boyer était arrivé dans son commandement précédé d'une grande réputation de sévérité, qui lui avait acquis en Espagne le surnom de Cruel, dont il était le seul à s'honorer. C'était, du reste, un homme d'esprit et de capacité, instruit et ami des arts, doux et affable dans son intérieur, et pourvu enfin d'une foule de qualités estimables, qui contrastaient singulièrement avec sa terrible réputation justifiée par ses actes. Il se montra à, Oran impitoyable envers des Maures soupçonnés d'entretenir des intelligences avec l'empereur de Maroc.
              Plusieurs furent exécutés sans jugement, et quelques-uns uns clandestinement. Un marchand marocain, nommé Balenciano, fut un jour enlevé de chez lui par ses ordres, et cessa bientôt d'exister, toutes ses richesses furent confisquées ; il revint au trésor une somme de 20,000 fr., qui n'a été restituée aux héritiers qu'en 1834. Rien ne justifiait des mesures aussi acerbes. La population d'Oran n'était pas assez considérable, ni assez hostile pour qu'il fût nécessaire de la maintenir par de semblables moyens.
              S'il existait des coupables, c'était à la justice à les trouver et à les punir. Il faut que les circonstances soient bien graves pour qu'un seul homme s'arroge le droit de vie et de mort ; malheureusement la cruauté, comme moyen politique, était systématique chez le général Boyer, c'était une affaire de conviction et de raisonnement, plus encore qu'une émanation de caractère.

              Lorsqu'il fut bien décidé qu'Oran ferait définitivement partie de l'occupation, on s'occupa d'y organiser les services administratifs. Comme toujours la fiscalité fut mise en première ligne ; un arrêté du 7 septembre rendit applicables au port et à la ville d'Oran, le tarif et le mode de perception des droits de douane et d'octroi en usage à Alger. Le même jour on fixa la composition du personnel du bureau des douanes à Oran. M. Baraclein fut nommé sous-intendant civil, et M. Pujal commissaire près de la municipalité qu'on se proposait de créer à l'instar de celle d'Alger. Nous allons maintenant donner une courte description de la province d'Oran, et faire connaître les tribus qui l'habitent.

              La province d'Oran a une partie de son territoire sur la rive droite du Chélif. Cette partie est très montagneuse, et principalement habitée par des tribus Kbaïles à l'époque où Shaus fit son intéressant et scientifique voyage ; elle s'étendait à l'est jusqu'au Masaphran, mais depuis lors elle a dû céder à la province d'Alger tout le terrain compris entre cette rivière et la Teffert, qui se jette dans la mer entre Cherchel et Ténez. Les principales tribus Kbaïles de cette contrée sont les Beni-Medoun, les Beni-Zeroual, les Beni-Méhenna, les Achacha, les Beni-Rachid, les Oulad-Sidi-el-Hadj-Henni, les Beni-Aïcha, les Beni-Zoug-Zoug. La plus puissante tribu arabe de ce pays est celle de Djendel ; les villes sont Ténez, Miliana et Mazouna.

              Ténez est une petite et sale ville, qui, avant Barberousse, a cependant été la capitale d'un petit royaume indépendant. Il existe une épigramme arabe, qui dit qu'elle est bâtie sur du fumier, et qu'on n'y trouve pas même de l'eau potable. Cette ville, située au bord de la mer, a un petit port où se faisait jadis un commerce de blé assez considérable. Elle est couverte à l'est par le cap du même nom, qui est très élevé et très avancé dans la mer. Les Beni-Medoun habitent le littoral à l'ouest de Ténez. On trouve entre Ténez et le cap Ivi, deux autres petits ports de peu d'importance, Cachema et Oued-el-Ksal, et la petite rivière de Hamise, à l'embouchure de laquelle est un marché où les Européens, étaient autorisés des Turcs de Shau à faire le commerce des grains, ainsi que dans ceux de Rummel-el-Bia, et de Magrova, situés sur la même côte.

              Miliana est située dans l'intérieur des terres, à 24 lieues et au sud-est de Ténez, dans une position très élevée, où l'hiver se fait sentir avec assez de rigueur. Elle est bâtie au pied du mont Zacar, un des pies les plus considérables de cette contrée; elle est entourée d'un mauvais mur d'enceinte, et a trois portes défendues par trois petits châteaux armés de quelques canons. La population de cette ville est de trois à quatre mille âmes.
              A quelques lieues au nord-est de Miliana, sont les Thermales de Méridja (aquœ calidœ, colonie des Romains) ; elles ont beaucoup de réputation dans le pays, et sont très fréquentées. On voit à Métidja quelques ruines romaines. On en trouve aussi, mais peu, à Miliana.
              Mazouna est plutôt un village qu'une ville, elle est bâtie à peu de distance des bords du Chélif, et à deux lieues de l'embouchure de cette rivière, sur le territoire de la tribu des Beni-Abas. Sa population est de 1,200 à 1,500 habitants, dont le plus grand nombre est Kouzougris.

              Le Chélif est la rivière la plus considérable de la régence d'Alger. Shaler la croyait navigable jusqu'à une distance assez grande de son embouchure, mais il était dans l'erreur à cet égard. Je me suis convaincu qu'à la hauteur de Mazouna, elle a déjà trop peu d'eau pour porter des barques : dans la saison des pluies, elle présente pendant quelques semaines un volume d'eau assez considérable, mais elle n'est alors qu'un torrent, qui ne saurait être d'aucune utilité à la navigation. En 1832, une embarcation du brick français, la Surprise, montée par M. Tatareau, capitaine d'état-major, et par quelques officiers de marine, franchit la barre du Chélif, sur laquelle elle ne trouva que 5 pieds d'eau, la sonde en donna 9 à une encablure au-dessus. L'embarcation ne put pousser sa reconnaissance que jusqu'à un millier de mètres de l'embouchure, les hostilités des Ben-Aïcha qui habitent ces rives, l'ayant forcée à rétrograder. Si elle avait pu poursuivre sa route, il est à présumer qu'elle n'aurait trouvé assez de fond que jusqu'au confluent de la Mina, c'est-à-dire, dans une longueur de 7 à 8 lieues au plus.
              On voit donc qu'il ne faut pas compter sur le Chélif comme moyen de navigation intérieure. Cette rivière prend sa source au pied et au Sud du mont Onennaseris, dans un lieu appelé Seboun-Aioun (le Rosourus) ; elle coule vers l'Est dans une longueur de 10 lieues environ, reçoit par sa droite la rivière de Midroë, traverse ensuite, à ce que l'on croit, l'hypothétique lac de Titery, court vers le Nord, jusqu'à peu de distance de Médéah, puis fait un brusque changement de direction vers l'Ouest, coule vers la mer par la ligne directe et s'y jette à l'ouest du cap Ivi.

              La partie de la province d'Oran située à la gauche du Chélif est cinq ou six fois plus étendue que celle que nous venons de décrire; elle est bornée au sud par le Sahara, à l'ouest par l'empire de Maroc et au nord par la mer ; la configuration en est assez uniforme, ce sont des chaînes de montagnes courant de l'est à l'ouest, et séparées par des vallées ou plutôt par des plaines d'une belle étendue, à peu près sous les méridiens d'Oran et de Mascara ; les chaînes sont réunies par des montagnes intermédiaires qui se terminent au cap Ferrat entre Oran et Arzew : ainsi les vallées dont nous venons de parler débouchent, celles qui sont à l'ouest sur la Tafna, et celles de l'est sur le Chélif. Les vallées de l'est sont arrosées par les affluents de gauche du Chélif, dont les principaux sont la Mina, l'Arion et la Feddah.
              La Mina prend sa source près de Frendah, à une journée de marche au sud de Mascara. La partie inférieure de son bassin forme la plaine de Matral, habitée par les Oulad-Hamed, les Oulad-Sidi et les Aribi, les Souides, les Hakerma et les Meukalia. La partie supérieure est principalement habitée par les Flita, qui forment une tribu très puissante.
              L'Arion, qui se perd dans le Chélif au-dessus de la Mina, coule parallèlement à cette dernière rivière. Son bassin est habité en grande partie par la Sbiah, tribu remuante et très adonnée au brigandage.

              La Feddah ou rivière d'argent, est ainsi nommée parce qu'elle charrie des parcelles métalliques qui paraissent être de l'argent ; elle prend sa source au nord du mont Onennasiris et à peu de chose près sous le même méridien que le Chélif. La principale tribu qui habite le bassin de la Feddah, est celle de Lataf, séparée par le Chélif de celle de Djendel, dont nous avons parlé plus haut. Il existe en cet endroit un fort beau pont en pierres, sur le Chélif, bâti en 1816 sous l'administration d'Omar-Pacha. Ce pont est à 40 lieues environ de l'embouchure de la rivière, et à 7 de Miliana. Le terrain compris dans le grand coude que forme le Chélif, au-dessus du pont, est habité par plusieurs tribus arabes, dont les principales sont : Malmata, Beni-Samoun, Laite et Oulad-Halif. Le point le plus élevé de la contrée que nous venons de décrire, est le mont Onennasiris. En général les chaînes s'abaissent sensiblement en se rapprochant du Chélif.

              Celle qui se trouve sur la rive gauche de Mina se rattache, à l'est, au massif montueux sur lequel Mostaganem et Missigran sont bâtis, et à l'ouest, aux montagnes qui séparent les vallées de l'est de celles de l'ouest, sous les méridiens d'Oran et de Mascara, comme nous l'avons dit plus haut. C'est sur cette chaîne que se trouve la ville de Calah, à moitié chemin de Mascara au Chélif. Au nord de cette même chaîne, s'étend la superbe plaine de Ceirat, séparée de la mer par des collines d'une épaisseur variable; elle est habitée par les Borgias, à l'est, et par les Garrabas, à l'ouest, tribus puissantes et belliqueuses. Elle est arrosée par l'Habra, et par le Sig, qui se jette dans l'Habra, par la gauche, un peu au-dessus de son embouchure (L'Habra reçoit dans la montagne l'Oued-El-Hamman.) . L'Habra se jette dans le golfe d'Arzew, près d'un petit port appelé le port aux Poules, où l'on voit quelques ruines d'anciens édifices. La ville d'Arzew s'élève sur une colline à trois lieues à l'ouest de l'embouchure de l'Habra (L'embouchure de l'Habra est connue dans le pays sous le nom de Macta.), et l'on trouve à une lieue et demie plus loin le port d'Arzew, ou la Macta. Ce pays est habité par la tribu d'Hamian; les collines situées à l'est de l'Habra sont occupées par les Habides Cheraga ; enfin le massif des collines de Mostaganem et de Missigran est habité par les Medjars, tribu puissante et nombreuse (Cette tribu est divisée en plusieurs cantons, tels que les Madders, les Boukamel, les Oulad-Sidi-Abdallah, les Boukeirat, etc.)

              Au sud de la partie occidentale de la plaine de Ceirat, les montagnes sont assez élevées et assez épaisses ; elles sont habitées par les Béni-Chougran, qui s'étendent jusqu'auprès de Mascara. Au sud de Mascara habitent les Hachem. (On trouve encore des Hachem sur d'autres points de la province d'Oran, entre autres au sud de Mostaganem, sur le territoire de Medjars.)

              On trouve dans les environs d'Oran, capitale de la province, les tribus des Douers et des Zéméla, et un peu plus au sud les Béni-Amer. A l'ouest d'Oran, sur le terrain compris entre le cap Falcon et le cap Figalo, sont le Ghamaras. A l'ouest de ceux-ci s'étend la belle plaine de Zeïdoure; elle est arrosée par l'Oued-El-Melah et la Tafna, qui se jettent dans le golfe d'Harsch-Goone ; il existe à l'embouchure de la Tafna un assez bon mouillage, couvert par la petite île d'Harsch-Goone, qui a donné son nom au golfe compris entre le cap Falcon et le cap Hone ; cette contrée est habitée par les Oulad-Hassas et les Béni-Hallel.
              Nous n'avons nommé jusqu'ici que les principales tribus de la province d'Oran; il en existe plusieurs autres : j'ai même sous les yeux une liste écrite en arabe, sous la dictée du dernier Bey d'Oran, qui en présente plus de 130 ; mais elles seraient sans intérêt pour le lecteur, et je m'abstiens de la reproduire ici. Elle est en outre très incorrectement écrite, et les meilleurs interprètes ont eu de la peine à la déchiffrer. Elle est de plus entrecoupée d'observations qu'on ne sait à qui reporter, de sorte qu'on ne peut la considérer comme un fort bon document. Cependant elle m'a donné la preuve que les Turcs étaient loin de connaître parfaitement le Sahara, car on y lit, entête des noms de quelques tribus qui habitent cette contrée au sud de la province d'Oran : Noms des tribus du sud connus des habitants d'Oran.

              54 tribus de la province d'Oran, sont portées sur cette liste comme exemptes de toute contribution, et soumises seulement au service militaire. Ce sont principalement des Douers et des Habides, comme dans celles de Titery ( Dans un pays où rien ne s'imprime, il est fort difficile d'avoir des documents géographiques et statistiques très positifs ; ceux que l'on obtient de vive voix sont souvent fautifs et contradictoires.) Je n'ai pu avoir la division par Outhans ; plusieurs de ces Outhans avaient des Kaïds arabes ; les Kaïds turcs résidaient principalement dans les villes ; du reste les rouages du gouvernement étaient les mêmes que dans les autres provinces. Les villes de la partie de la province d'Oran, situées à l'ouest du Chélif, sont : Oran, Trémecen, Mascara, Nedrouma, Gozouna, Callah, Mostaganem, Missigran et Arzew.

              Oran est bâti au bord de la mer, dans une position très pittoresque. Cette ville s'élève sur deux collines séparées par un ravin assez profond, dans lequel coule un ruisseau qui arrose de beaux jardins et fait tourner quelques moulins. Les deux principaux quartiers de la ville sont situés à droite et à gauche de ce ravin, qui débouche sur la plage, où se trouve un autre quartier, appelé la Marine, moins considérable que les deux premiers. L'enceinte de la ville a été fortifiée par les Espagnols, avec beaucoup d'art et de soin ; mais elle est actuellement en assez mauvais état. Une montagne assez élevée domine Oran à l'Ouest, le sommet en est défendu par le fort Santa-Cruz ; à mi-côte se trouve le fort Saint-Grégoire, et dans le bas, auprès de la mer, le fort de la Mouna. Vers la partie sud du quartier qui est à droite du ravin, s'élancent les forts Saint-André et Saint-Philippe, qui éclairent ce même ravin, défendu en outre par quelques tours en pierre; la partie nord de ce quartier est défendue par la Nouvelle-Casbah, ou Château-Neuf, et par la pointe fortifiée de Sainte-Thérèse, qui commande la mer. Le quartier à gauche du ravin est dominé par la Vieille-Casbah, qui a été presque entièrement détruite par le tremblement de terre de 1790.

              Oran présente un aspect plus européen qu'oriental ; les rues en sont larges, mais irrégulières : la principale est plantée d'arbres. Oran avait jadis deux faubourgs considérables, Raslaïne et Kergentah, mais ils ont été sacrifiés aux besoins de sa défense. Quoique cette ville offre un développement très étendu, elle n'a guère que 7 à 8,000 âmes de population. On trouve à quelques lieues au sud d'Oran un lac salé, d'une étendue assez considérable. A une lieue à l'ouest de cette ville sont le port et le fort de Mers-El-Kébir c'est là que viennent mouiller tous les navires destinés pour Oran; car le petit port d'Oran ne peut recevoir que des barques.
              Trémecen ou Tlmessen est situé dans l'intérieur des terres à douze ou quinze lieues du golfe d'Harich-Goom ; c'était autrefois la capitale d'un assez puissant royaume, mais dans ce moment elle ne compte que trois à quatre mille âmes de population. On voit à peu de distance de Trémecen les ruines de l'ancienne ville de Manzoura.

              Mascara qui était la capitale du Beylik, pendant qu'Oran était au pouvoir des Espagnols, est une ville parfaitement située et entourée de superbes jardins : elle a cinq faubourgs, tous considérables. Les fortifications en sont presque nulles, et elles pourraient facilement être enlevées par un coup de main. La population de Mascara est de 8 à 10 mille âmes dans ce moment.
              Nédrouma est une très petite ville, bâtie sur le penchant d'une montagne à quatre lieues au sud du cap Hone.
              Gazonna, autre petite ville, est située au bord de la mer à l'ouest du cap Hone; elle a un petit port : ce serait un bon point de débarquement pour une expédition sur Trémecen.
              Callah, dont nous avons déjà indiqué la position, est une ville plus considérable que les deux précédentes, on y fabrique beaucoup de tapis.

              Mostaganem est situé à six lieues de la rive gauche du Chélif, et à un quart de lieue de la mer, sur une colline assez élevée; elle occupe la rive gauche d'un ravin semblable à celui d'Oran, qui la sépare d'un de ses quartiers, appelé Matmor, par lequel elle est dominée. Il y avait autrefois deux beaux faubourgs à Mostaganem, Tisdids et Diar-el-Djedid, mais ils ont péri comme ceux d'Oran. La ville de Mostaganem a une enceinte fortifiée, mais en mauvais état ; elle est de plus défendue par quelques forts extérieurs, dont le principal est celui dit fort des Turcs ou de l'Est, qui domine Matmor. On voit dans l'intérieur de la ville, un vieux château bâti par Yousouf-ben-Taschfin dans le XIle siècle de notre ère; nous lui avons donné le nom de fort des Cigognes. Il y avait autrefois à Mostaganem une population de 12,000 âmes, et une grande quantité d'ateliers .de broderies en or ; maintenant la population indigène ne dépasse pas 1,500 âmes.
              Missigran est située à une lieue seulement à l'ouest de Mostaganem. Cette ville a beaucoup souffert dans les dernières années, et elle est entièrement dépeuplée. La campagne entre Missigran et Mostaganem était couverte de maisons de campagnes, maintenant dévastées et désertes.

              Arzew, situé sur une colline à peu de distance de la mer, entre Oran et Mostaganem, est une ville complètement ruinée ; on y voit quelques restes de constructions romaines ; le port, qui est à une lieue et demie à l'ouest, passe pour un des meilleurs mouillages de la Régence. On trouve à peu de distance d'Arzew une immense saline où le sel est en efflorescence sur le sol ; en général, le sol de la province d'Oran est très imprégné de sel.

              Cette province était, à l'époque où le général Boyer fut appelé au commandement d'Oran, livrée à la plus horrible anarchie. Un vague désir d'indépendance nationale fermentait dans toutes les têtes ; mais il y avait encore absence d'unité dans la volonté et le commandement. La ville de Mascara s'était révoltée contre les Turcs, qui avaient cru pouvoir s'y maintenir après la chute du Dey, et, après les avoir chassés ou égorgés, s'était constituée de fait en république. Celle de Trémecen était partagée entre les indépendants, qui occupaient la ville, et les Turcs et les Kourouglis qui étaient maîtres de la citadelle.
              Mostaganem avait reconnu notre autorité, grâce à un officier, turc fort habile, le Kaïd Ibrahim, que nous avions pris à notre service, et que le colonel Lefol y avait envoyé à la tête de quelques centaines de soldats de sa nation. Arzew était également assez bien disposée pour nous, et le Cadi, qui s'y était emparé de toute l'autorité, était en bonnes relations avec Oran. Tout le reste de la province nous était plus ou moins hostile, mais manquait de centre d'action. Les chefs les plus influents étaient : Ali-El-Galati de Miliana, El-Bagdadi Kaïd de Lataf, Mustapha, et El-Mezary, chefs des Douers et des Zmelis, MouloudBen-Atrach et El-Kalifa de la tribu des Garrabas, et enfin, le Marabout Mahiddin et son jeune fils AbdelKader, appelé à jouer plus tard un si grand rôle.
              M. le général Berthezène ne s'occupa jamais que fort indirectement de la province d'Oran; Il voulut cependant y envoyer Mustapha-Ben-Omar, dont il ne savait que faire après l'avoir retiré de Médéah, mais le général Boyer refusa de l'employer. Peu de temps après, M. Berthezène fut remplacé par M. le duc de Rovigo, que le gouvernement crut pouvoir utiliser, malgré les préventions de tous genres qui s'élevaient contre lui.




ALGERIE
ECHO D'ORANIE - N°299
Aux liens qui nous unissent

        Là-bas de I'autre côté de la Méditerranée,
         J'ai laissé mes plus belles années.
         A la Tejera, mon enfance heureuse et insouciante,
         Aux Genêts, mon adolescence joyeuse et souriante
         A Bon Accueil, ma jeunesse avec douce souvenance
         Du joli coin de ma naissance
         A Saint-Eugène, boulevard kémia, Olympia,
         A Gambetta, tram, boulot, Lido,
         A Santa-Cruz, les Oranais gravissaient la Montagne en procession.
         Pour aller se recueillir le jour de l'Ascension.
         Nous, Pieds-Noirs attachés sentimentalement à cette terre,
         Etions convaincus qu'elle resterait toujours française.
         Pendant l'exode, angoisse et désespoir.
         Nos morts abandonnés là-bas me font penser à un second trépas.
         Notre destin a basculé depuis le jour où nous avons dû quitter
         Cette terre tant aimée.
         Ce beau pays où je suis née,
         J'y ai vécu trente années,
         Pour terminer à Vitrolles où je suis encore souvent triste et nostalgique
         En pensant à mon pays magnifique.
         Et je garde au fond du cœur des souvenirs
         Qui ne veulent pas mourir.
         Terre natale, il ne me reste au coeur
         Qu'une profonde peine, pleine de rancœur
         D'avoir été obligée de t'abandonner.
         Oran, je crois que je ne te reverrai plus jamais content,
         Car c'est là-bas que j'ai laissé mes meilleurs moments.
         J'ai compris qu'il me fallait être heureuse ici,
         Et avec un peu d'espoir un jour te revoir.
         Jamais je n'oublierai mon beau pays, là où je suis née,
         Là où j'ai laissé mes meilleurs années.
         Nous avons tout perdu, sauf... notre accent.
         Adieu mon sol natal,
         Adieu mon Algérie Chérie.

Dolorès RUIZ
de Bon Accueil        





HISTORIAMA   
Par Pierre Latkowski
JUIN 1940 au LYCEE SAINT-AUGUSTIN

La flamme patriotique qui nous animait dès notre plus jeune âge se manifesta bruyamment un certain jour de juin 1940.
Oh ! non, pas le 18 : nous n'avions pas attendu cette date-là pour exprimer nos sentiments envers notre pays. Mais plutôt la veille, journée non moins mémorable, car, du moins pour quelques-uns d'entre nous, c'était le début des épreuves écrites du baccalauréat au Lycée St Augustin à Bône.

Assis à nos pupitres, nous faisions des efforts plus ou moins heureux, devant nos copies, pour nous reporter quelques milliers d'années en arrière et traduire les pensées de je ne sais plus quel auteur de la Grèce antique, quand nous fûmes brutalement interrompus par l'entrée fracassante du proviseur. Il était très agité, le teint plus rouge qu'à l'ordinaire, et ébouriffé autant qu'il lui était encore possible de l'être. Par la porte entrebâillée, il cria:
"Vous avez pu entendre, à la TSF, que la France avait signé l'armistice avec les allemands ? c'est une fausse nouvelle, répandue par la 5ème colonne !".

Et il était reparti aussitôt, pour diffuser l'information vers d'autres candidats, dans d'autres salles.
Eh bien, croyez-moi, toute la classe s'était levée pour applaudir !

J'aimerais qu'on imagine tous ces garçons de 16-17 ans, venus là pour décrocher un diplôme si important pour leur avenir, et qui, dans un élan aussi spontané, manifestaient leur joie de savoir que les combats continuaient !
Ce n'était pas de l'inconscience. Armistice ou pas, nous pressentions bien ce qui nous attendait, dans un avenir si proche.
Et notre cher proviseur du moment savait bien, lui aussi, ce que guerre voulait dire, lui qui avait laissé son bras droit à celle de 14.

Allez expliquer çà, vous, aujourd'hui !

La nouvelle était fausse, et la "fausse" était vraie, mais notre enthousiasme, lui, était authentique.
Nous avons, les uns et les autres, traversé la tourmente avec des fortunes diverses, plus ou moins glorieuses ou dramatiques. Mais puisque j'ai eu la chance d'en sortir, permettez-moi de témoigner, plus de 60 ans après, du patriotisme que manifestèrent aussi spontanément ce 17 juin 1940 les candidats au bac du Lycée St Augustin, à Bône.
Et si nous avions su, à cette date, combien ce patriotisme serait mis à l'épreuve tout au long de notre vie, cela n'aurait rien changé.


LA VILLE DE BÔNE
ET LES TROIS GUERRES   
Par ACEP-Ensemble N° 307 de mars 2018
Envoyé Par Jean Louis Ventura
                  
                  Les Bônois ont vécu les horreurs et les tristesses de la sombre tragédie qui par trois fois, en moins de soixante-dix ans, a étreint et meurtri horriblement notre Patrie.
                Chaque fois ils ont souffert avec elle, chaque fois leur âme a vibré d'un patriotisme ardent, exalté et unanime.

                Cela commença au lendemain de Sedan.
                La capitulation de l'Empereur du 2 septembre 1870 n'avait été connue à Bône, et en Algérie, que deux jours après.
                Le Général Baron Durrieu, Gouverneur Général par intérim, l'avait portée à la connaissance des populations algériennes, dans les termes suivants : " Aux habitants de l'Algérie ". " Algériens,
                " Vous connaissez dans toute son étendue le malheur qui vient de frapper la France. Je vous recommande l'ordre et le calme. La France n'est pas à bout de ressources. Attendons ses volontés, et, unis dans une même pensée, tenons-nous prêts à les accomplir ".
Alger, le 4 septembre 1870,
                Le lendemain, le même Général, annonçait dans les mêmes conditions que la République avait été proclamée. La population de Bône avait jusque-là, toujours manifesté un profond et sincère attachement à l'Empire.
                En novembre 1852, lors du plébiscite, c'est à la presque unanimité de ses six cent soixante-trois votants qu'elle s'était prononcée en faveur du retour de l'Empire.

                En 1865, le 5 juin, elle avait acclamé avec un frénétique enthousiasme, à son passage à Bône, le couple impérial qui visitait la Province.

                En 1868, dans un élan spontané d'affection et de reconnaissance, elle avait donné le nom de l'Impératrice à la rue dont la démolition des remparts venait de permettre l'ouverture.
                Mais à l'annonce du désastre de Sedan, les sentiments du peuple de Bône s'étaient brusquement refroidis et la colère avait succédé " l'affection."
                C'est que pour ce Peuple, qui vivait loin de la Mère Patrie, l'Empereur venait de faire subir à celle-ci la plus cruelle atteinte qui se pouvait concevoir.

                L'Empereur se devait de penser ainsi que le dira trois ans phi tard, le Duc d'Aumale à Bazaine, à l'occasion du désastre de Metz, qu'il y avait la France dont il ne fallait sacrifier, ni l'honneur, ni la dignité ni la fierté.
                Les Bônois, le premier moment de stupeur passé, acclamèrent donc furieusement la République, et s'en furent en foule, rue de l'Impératrice, arracher les plaques qui portaient le nom de l'épouse du vaincu de la veille.
                Ils décidèrent, ensuite, que cette rue porterait désormais, comme nom, la seule indication de la date de la proclamation de la troisième République : 4 Septembre.
                Leur zèle patriotique s'accentua encore lorsqu'ils apprirent que le Général Faidherbe, qui commandait la Subdivision de Bône depuis trois ans, leur général, dont ils étaient si fiers, était appelé au Commandement de l'Armée du Nord et qu'il devait s'embarquer le 10 septembre pour rejoindre son poste. La guerre continuait donc malgré la capitulation de Sedan.
                Les hommes des milices, constituées dès le mois d'août pour maintenir l'ordre dans le pays, s'organisèrent alors en corps de Volontaires pour aller combattre en France.
                Ils élirent leur Capitaine et leur Lieutenant, Xavier Génova et Albert Fournier, et purent quitter Bône vers la fin du mois de novembre.
                Ayant rejoint le Corps d'Armée du Général Ménotti Garibaldi, auquel elle avait été affectée, la Compagnie des volontaires bônois combattit vaillamment pendant trois mois.

                Une rue de la Ville fut dédiée au souvenir de cette phalange des Volontaires qui s'était portée au secours de la Patrie.
                La Compagnie du Mokta--Effladid, dont M. Xavier Génova était devenu l'un des dirigeants à Bône a offert une plaque de bronze portant le nom des Volontaires.
                Elle a été apposée, au cours d'une cérémonie présidée par M. Lutaud, Gouverneur Général de l'Algérie, le 23 avril 1912, contre l'angle de l'immeuble qui porte le n°1 de la rue des Volontaires.
                Quarante-quatre ans plus tard, Bône avait l'honneur de recevoir les tout premiers obus allemands de la guerre 1914-1918.

                Le 3 août, alors que la guerre n'était pas encore déclarée, et que l'on espérait pouvoir l'éviter, du moins du côté français, deux croiseurs allemands, le " Goeben " (photo) et le " Breslau ", qui étaient en Méditerranée depuis 1912, étaient venus croiser pendant toute la journée et de façon bien ostensible, dans les parages de la côte Nord de la Tunisie et devant le golfe de Bône. Ils avaient été signalés à l'Amirauté d'Alger, à deux heures du matin par le Préfet Maritime de Bizerte, et à 14 heures par le sémaphore du Cap de Garde.

                Il paraissait évident que la présence de ces navires de guerre allemands dans cette partie de la Méditerranée qui s'étend entre Bône et Bizerte était en relation directe avec le déroulement des événements et que la surveillance qu'ils semblaient exercer pouvait devenir inquiétante.
                Notre plan de mobilisation avait tout d'abord prévu l'embarquement des troupes destinées à la Métropole, en cas de guerre, par le port de Bône.

                Les Allemands le savaient, sans doute, et, sans doute aussi, était-ce à cause de cela que les deux Croiseurs montaient une garde vigilante et menaçante entre Bizerte et le Cap de Fer ?
                Mais, au dernier moment ce plan avait été modifié et c'était par le seul port d'Alger que l'évacuation des troupes vers la Métropole devait être effectuée afin de mieux assurer la protection des convois. Cela l'Allemagne pouvait fort bien l'ignorer.
                En tout cas, ces deux navires de guerre allemands en surveillance aux abords de Bône et de Bizerte, démontraient que du côté allemand on savait parfaitement que la guerre était inévitable et que le déclenchement des hostilités n'allait pas tarder.
                La nouvelle de la déclaration de guerre, en effet, devait parvenir officiellement aux autorités militaires de Bône dans la nuit du 3 au 4 août à deux heures.
                Deux heures après, la ville était bombardée, et le port était noyé dans une épaisse fumée qui fut longue à se dissiper.
                Personne ne réalisait que c'était la guerre qui commençait.
                Il était quatre heures du matin, et la Ville venait de s'éveiller au bruit du canon.
                Un cargo, le " Saint Thomas ", et une barque de pêche avaient été coulés dans le port : sept hommes avaient été blessés.
                Un matelot qui allait éteindre le feu de la petite jetée avait été tué.
                Dans l'après-midi, vers seize heures, l'Amirauté d'Alger, elle-même, faisait connaître que les batteries de Mers el Kébir avaient coulé le " Goeben et que le Breslau avait été capturé."

                Mais, à 19 h. 30, la même Amirauté re-télégraphiait que sa première dépêche était erronée et l'annulait purement et simplement.
                Le croiseur Breslau bombardait à la même heure quelques navires qui se trouvaient dans le port de Bône : il s'éloigna après avoir tiré quelques coups de canons sur la ville et avoir détruit le fort et quelques maisons."
                A Messine, où les deux navires allemands se réfugièrent, un officier du Goeben fit une déclaration au correspondant local de " La Tribuna qui confirmait le message que voulaient faire passer les allemands".
                " Les navires de leur marine avaient détruit entièrement Philippeville et coulé les navires qui se trouvaient dans le port de Bône où ils avaient également fait de nombreux dégâts, personne n'avait riposté à leurs attaques. "


                La population de Bône reprit rapidement son calme et c'est avec patriotisme et fierté que ses enfants répondirent à l'appel de la Patrie en danger.
                Les plaques de marbre qui sont au bas du Monument aux morts attestent que près de quinze cents des leurs tombèrent au Champ d'honneur.

                La seconde guerre mondiale débuta à Bône, comme partout, en Algérie et en France, dans la stupéfaction d'abord, la tristesse et l'anéantissement moral ensuite.
                L'avance foudroyante des armées allemandes, l'abandon de Paris, les replis successifs du Gouvernement pour venir enfin s'installer à Bordeaux, des nouvelles chaque jour plus décevantes propagées par la Radio et la Presse avaient d'étranges et douloureuses répercussions dans le coeur de chacun.
                Et, lorsque, après des journées mornes et désespérantes, parvint, le 17 Juin 1940, la nouvelle de la demande d'armistice présentée par le Maréchal Pétain qui avait pris le pouvoir la veille, ce fut une consternation générale, un abandon total de tout espoir, comme une mort lente qui commençait.
                Pendant vingt-neuf mois ensuite, toute la vie des Français, à Bône, comme partout ailleurs sans doute, a tenu chaque soir uniquement dans cette émission de la B.B.C. de Londres : " Les Français parlent aux Français ".

                Puis, un soir de novembre, le 8, un dimanche, une rumeur étrange, incroyable presque, courut dans la Ville.
                Les Américains, disait-on, avaient débarqué le matin, à l'aube, à Alger.
                Le lendemain, les journaux étaient remplis de détails et d'espoir. Et les Bônois, dès lors, n'eurent plus que la crainte de voir les troupes de l'Axe qui accouraient en toute hâte vers le Sud tunisien, prendre à Tébessa la tangente pour venir occuper leur Ville avant l'arrivée des Américains.

                Enfin le mardi, 10 novembre, au point du jour, les Américains débarquèrent. Dans ce petit matin d'automne, à peine embrumé, au milieu d'un silence absolu qui sied aux grandes choses. Les soldats, que les navires venaient de déverser sur les quais, prenaient aussitôt, sans la moindre pause, la direction du lieu de leur cantonnement, les docks immenses de la Tabacoop, ll y en eut des milliers ainsi débarqués, sans aucune discontinuité, qui allaient vers Hippone en une file indienne, interminable et continue, rasant les murs de chaque côté de la rue Prosper Dubourg et de l'avenue de la Marne.
                Ces hommes armés avançaient, sans hâte et sans bruit, dans un calme impressionnant. On les voyait si peu contre le mur des maisons, qu'on eut dit que les rues étaient absolument, désertes. A partir de ce moment, le port fut le point de mire de l'aviation ennemie.
                Les bombardements commencèrent l'après-midi du 10 novembre, et se poursuivirent furieusement jusqu'à la fin du mois de janvier, pour se ralentir, sensiblement ensuite, jusqu'au 30 Juin 1943, dernier Jour de bombardement.
                Il y eut au cours de ces huit mois, trois cent neuf alertes, et mille huit cents bombes lancées sur le port et la Ville, faisant cent soixante-quatre morts, et deux cent deux blessés ; détruisant quatre-vingt-trois immeubles, et endommageant sérieusement quatre cent trente-six autres.

                Des familles entières périrent sous les décombres de leurs maisons. L'école de l'impasse Saint Augustin fut détruite le matin du vendredi 13 novembre à l'heure de la rentrée des classes.
                Sept petits écoliers périrent dans cette atroce catastrophe, et tout le quartier fut anéanti, faisant encore de nombreuses victimes. (D'après un texte de Louis ARNAUD)
                Le calme ne revint que lorsque les troupes alliées quittèrent la Tunisie pour entrer en Italie.
                La Ville de Bône a été citée à l'Ordre de l'Armée dans les termes suivants :
                " A partir du huit novembre 1942, date du débarquement des Armées alliées en Afrique du Nord, le port de Bône a joué un rôle particulièrement important dans les opérations de guerre qui ont conduit à la libération de la France et à la Victoire. La Ville a été éprouvée par les bombardements aériens, cent soixante-quatre morts, deux cent deux blessés, trois mille trente--cinq sinistrés ont été dénombrés. Les installations portuaires et cinq cent dix-neuf immeubles ont été détruits ou endommagés ".

                Cette citation comportait l'attribution de la. Croix de Guerre avec palme, qui figure " dans les Armoiries de la ville dessinées par mon-sieur Gonssolin artiste et architecte du théâtre de Bône. Sur un champ d'un Azur intense comme l'est le beau ciel d 'Afrique, au bord d'une mer agitée, le Rocher du Lion dore par les rayons du soleil levant, le soleil de la ville naissant à la vie, regarde placidement venir à lui une galère d 'or que sa Voile gonflée pousse vers la cité symbolisée pal un Rameau de jujubier au naturel, dardant ses aiguillons acérés pou; protéger ses fruits de Corail contre les entreprises ennemies. Ce rameau se détache sur un champ pourpre comme l'est le sang généreux que les Bônais de toutes époques ont su verser pour la défense de leur Liberté et de leur Indépendance. En haut de l'écu, la Gloire militaire, en bas la prédominance économique."
                Et, pour souligner davantage encore le sens de l'allégorie, un Officier du bureau Arabe, de sa plume érudite a tracé au-dessous de l'écu parlant les trois mots " FERIT ET ALIT " qui symbolise le Passé et l'Avenir de Bône.
                Par décision Ministérielle du 11 Novembre 1948, La Croix de Guerre 39/45 fut remise à la Ville de BÔNE en juin 1949 par : Le Président de la République Française Vincent AURIOL (1884-1966) "

                NDLR : En réalité, les deux navires après les bombardements de Philippeville et de Bône, avaient pu se rejoindre et en toute tranquillité, aller, ensemble, charbonner à Messine pour reprendre, ensuite, le chemin des Dardanelles.
                Voici le résumé d'un article paru dans le Tag, journal de Berlin : " Hier notre contre-amiral décida que les croiseurs Goeben et Breslau devraient détruire Philippeville et Bône. Les quatre aoûts, par un temps brumeux, nous découvrîmes les côtes d'Afrique. Aucun ennemi, Bizerte paraît dormir. Personne n'est à la recherche des croiseurs allemands, Ponctuellement à quatre heures les deux croiseurs envoient leurs saluts aux côtes africaines. A Philippeville comme à Bône sont amarrés à quai des vapeurs qui doivent transporter les troupes françaises vers la mère patrie. Le bombardement des deux ports commença en même temps. Philippeville fut entièrement détruite après un bombardement d'une heure. On ne répondit pas à notre feu. Nous nous éloignâmes pendant que la ville brûlait en plusieurs endroits. "

                Nous étions loin de la vérité, de la réalité. Aussi des mille neuf cent quinze quand les premiers prisonniers allemands débarquèrent à Philippeville pour être acheminés vers Sétif, ils furent surpris de constater que la ville n'avait que peu souffert du bombardement de leur flotte.
                Mais la propagande allemande ne voulait pas s'arrêter là. Nos ennemis firent graver des médailles, qui sur une face représentait la colonne de la victoire érigée à Berlin après la guerre de mille huit cent soixante-dix, avec l'inscription " Dieu protège nos années ". L'autre face évoquait les bombardements de Philippeville et de Bône. Ces pièces furent introduites en Algérie par des contrebandiers espagnols afin d'être distribuées aux musulmans, mais elles furent saisies à temps par les autorités du pays.

                Ces bombardements n'eurent pas les effets escomptés par les Allemands, nos troupes purent rejoindre la métropole sous la protection des marines anglaises et françaises qui contrôlaient la Méditerranée occidentale à cette époque, mais qui n'avaient néanmoins pas su prendre les précautions nécessaires pour éviter les deux bombardements du quatre août mille neuf cent quatorze. Par ailleurs les populations musulmanes, contrairement aux attentes des Allemands, restèrent entièrement solidaires de la France et contribuèrent avec nous à la victoire de la France.
                Pour l'anecdote, les deux bateaux en question, après leurs méfaits se rendirent d'abord à Messine, puis le plein de carburant effectué, ils rejoignirent la Turquie qui entra dans la guerre aux côtés de l'Allemagne. A l'armistice le Goeben fut remis à la France à titre de dommages de guerre, puis rendu à la Turquie.

    


Les Infirmières Catholiques de Rivet (Alger)
L'Effort Algérien N°259, du 20 janvier 1933 .
         
               Le Bulletin de l'Association de Foucauld " consacre une partie de son numéro de décembre à l'œuvre des infirmières catholiques de l'Afrique du Nord, dont le Secrétariat est à Rivet (Alger), et dont l'abbé Declercq est un des animateurs :

            Le premier poste a été ouvert à Rivet - à 30 kilomètres au sud d'Alger - en décembre 1928. Un Dispensaire, construit selon toutes les données d'une science rationnelle, fut inauguré le 15 juin 1929, sous les auspices de M. Pierre Bordes, Gouverneur Général de l'Algérie, et de S.G. Mgr Leynaud, archevêque d'Alger. A cette date, plus de 4.000 consultations avaient déjà été données.

            Un ouvroir annexé au poste groupait quelques fillettes.

            Depuis cette époque, l'action charitable et sociale s'est développée, et de plus, il s'est produit un événement d'une grande portée pour l'avenir.
            Quelques infirmières désiraient devenir religieuses, afin de se sanctifier davantage personnellement, d'être plus soutenues dans leur vie de dévouement et d'abnégation, et d'assurer la durée et le développement de ce qu'elles avaient commencé. M. l'abbé Declercq, curé de Rivet, qui avait été le promoteur de l'entreprise, demanda à Mgr Olichon, de lui faire connaître une Congrégation qui pût leur convenir et qui acceptât leur conception de l'apostolat.
            Mgr Olichon lui indiqua la Congrégation récente des Servantes de Jésus-Prêtre, à la fondation de laquelle il a pris une part importante, et dont le but est de se mettre à la disposition des Evêques et du Clergé pour tous les services de la vie paroissiale. Cette Congrégation, en plus des Religieuses proprement dites, groupe aussi un grand nombre d'Associées, vivant dans le monde, et pénétrées de son esprit d'humble dévouement envers la hiérarchie de l'Eglise.

            Le poste de Rivet a donc été proposé, à la Congrégation des Servantes de Jésus-Prêtre, adopté par elle, et ses Infirmières en l'ont maintenant partie, soit comme Religieuses proprement dites, soit comme Associées. Au point de vue civil, l'organisation de l'établissement n'a pas changé. Le nom de l'Association déclarée est resté la même. Elle peut toujours recevoir des membres dits " adhérents " : ce sont toutes les personnes qui s'intéressent à l'œuvre, en approuvent les statuts et sont agréées par le bureau.

            Le Dispensaire compte actuellement, par an, environ 6.000 consultations données par le médecin, et 30000 soins, pansements, etc. Plusieurs médecins lui assurent leur concours avec un dévouement infatigable. La lutte contre les maladies spécifiques et le paludisme a été. en particulier, organisée d'une façon scientifique, en collaboration étroite avec, le Gouvernement d'Algérie. Celui-ci veut bien contribuer dans une large mesure aux frais de l'Etablissement, par des dons en nature et une subvention annuelle.

            La commune et plusieurs particuliers de France notamment, contribuent aussi à couvrir les dépenses. Il en reste cependant une bonne part à la charge de I'œuvre.
            Les effets bienfaisants de ces traitements éclairés sont considérables : la mortalité chez les petits enfants, qui était effrayante dans la population arabe, a diminué pour la région, dans une grande proportion. La plupart des cas de cécité - causés ordinairement par l'ophtalmie purulente des nouveau-nés - sont enrayés. Un grand nombre d'adultes, hommes et femmes, viennent, et même de très loin au Dispensaire : et, ainsi, la santé générale sera bien meilleure dans l'avenir. On a ouvert une Maternité, et on désire beaucoup voir son fonctionnement s'élargir. Il y a tant de morts-nés et tant de maladies chez les femmes arabes, faute de sages-femmes et de bons soins !

            Les visites dans les gourbis, qui sont misérables, permettront d'améliorer peu à peu l'hygiène, et aussi de faire monter le niveau de la moralité. Ces populations arabes sont reconnaissantes de la bonté qu'on leur témoigne, et fusionnent davantage avec la population française. L'unité se fait par la charité. Ajoutons que le poste s'occupe aussi, bien entendu, de la population européenne.

            Nous adressons donc un appel aux jeunes filles qui voudraient être Religieuses ou Associées, et se consacrer à cette œuvre admirable du dévouement envers les Arabes, nos frères dans le Christ-Jésus, en même temps qu'aux divers autres besoins de la vie paroissiale. Plus elles seront nombreuses, plus on pourra créer de postes semblables : et l'on en demande déjà dans plusieurs localités importantes d'Algérie.

            Songeons que la population arabe se monte maintenant à cinq millions et demi d'habitants, et que la paroisse de Rivet est unes des rares de son genre, non pas à cause de sa population où les indigènes constituent la grande majorité, ce qui est le cas de presque toutes les paroisses de l'Afrique du Nord, mais parce que, grâce au Dispensaire, le Curé peut s'occuper maintenant des milliers d'indigènes, qui ne seront jamais confiés qu'à lui.

            Les autorités civiles seront heureuses de prêter leur concours à tous ces dévouements. Ainsi se réalisera de plus en plus la grande devise du père de Foucauld : Charité !            


Histoire de la trahison,             
             Histoire d'une trahison
Envoyé par Marius Piedineri
" La France a l'âme cornélienne. Elle vibre aux mots de loyauté et de courage, et depuis le cimier de Rodrigue jusqu'au cor d'Hernani, elle a acclamé les poètes qui se sont faits les apôtres de l'honneur. " Jules Claretie, 1906

            Nos ancêtres les Romains avaient divinisé la loyauté et la fidélité à la parole donnée. Ils en firent l'une de leurs vertus cardinales, à la base de l'ensemble de leurs relations sociales et même diplomatiques. Ils appelaient cela la " fides " (prononcer fidès), que l'on pourrait traduire en français par " fidélité ", " bonne foi ", mais aussi " confiance " et " protection "(1) . L'historien Pierre Boyancé, qui définit la fides comme le " fondement moral de l'ordre romain ", précise que " les Romains se sont considérés par excellence comme le peuple [...] qui savait la valeur du serment et qui le respectait " (2). Manquer à la fides, à la " bonne foi ", à Rome, revenait alors à " compromettre tout l'édifice " (3) social, ainsi que l'indique Pierre Grimal. Mais la fides avait aussi et surtout une forte valeur religieuse. Paul Veyne, autre historien de l'Antiquité écrit à propos du serment chez les Romains :

            " Le serment [...] oscille d'un automatisme magique au respect pour les dieux et à l'exigence, de la part de ces dieux, du respect de la parole donnée. Il a pour formule une malédiction conditionnelle contre soi-même : que Zeus ou Diespiter envoie le malheur sur moi si je suis infidèle à ma promesse ! [...]
            Les dieux retirent leur bienveillance au menteur, ce qui se traduira sûrement, un jour ou l'autre, par un malheur qui tombera sur lui. " (4)


            En résumé, manquer à l'honnêteté, pour un Romain de l'Antiquité, était censé lui porter... la " schkoumoune ".
            Aussi d'après Polybe, la parole d'un Romain, en toutes circonstances, sera sa loi, à tel point que cette parole, cette loyauté, se doit d'être respectée y compris en faveur des promesses faites aux peuples ennemis de Rome - ce qui ne sera évidemment pas toujours le cas dans les faits... Exemple en l'an 171 av. J.-C., où les Romains s'apprêtent en douce à déclencher une guerre contre le roi Persée de Macédoine, tout en cherchant à lui faire croire qu'ils vont négocier la paix. Ce qui provoque la colère de nombreux sénateurs, qui s'indignent de cette tromperie au nom des valeurs traditionnelles de Rome : " ce sont " les Anciens, ceux qui se souvenaient de l'antique tradition " - moris antiqui memores - qui défendent le recours à la politique traditionnelle fondée sur la loyauté " (5), nous dit l'historienne Claudia Moatti. Les Romains répugnent à la ruse, et la fides implique un devoir de solidarité, jusque dans les relations internationales :

            " Car les traités conclus avec les Alliés, et les obligations de la Fides faisaient que Rome s'était engagée à protéger les peuples qui s'étaient mis sous sa protection, explique Pierre Grimal. [...] Et ces guerres entreprises par point d'honneur, pour demeurer fidèle aux engagements moraux que l'on avait pris envers les Alliés, ont fait couler plus de sang romain que les guerres de conquête pure et simple, qui n'ont jamais été que fort exceptionnelles dans l'histoire de Rome. " (6)
            Ainsi, même la conquête de la Gaule par Jules César avait comme but avoué de soutenir un peuple gaulois allié des Romains, le peuple Eduen (installé dans l'actuelle Bourgogne du Sud), qui, menacé par les Germains fit appel à Rome pour venir le sauver : " La République avait lâché ses amis du parti éduen philoromain. César se posait, lui, en sauveur de l'esprit romain et restaurateur de son honneur " (7), relate l'historien Marcel Le Glay.

            L'importance accordée au respect des serments et à la parole donnée traversera toutes les époques, dont le Moyen-Âge, où les relations sociales reposent largement sur la fides, et la trahison apparaît comme un acte particulièrement grave. Il en est de même pour la civilisation judéo-chrétienne en règle générale : " Si le Décalogue prohibe le mensonge et le parjure, écrivait Raphaël Draï, ce n'est nullement par moralisme mais parce qu'il y va des fondements de l'être, à la fois individuel et vivant en société. " (8) Pour en revenir aux Romains, l'historien Michel De Jaeghere a également soutenu que c'est au moment précis où ces derniers, aux premiers siècles de notre ère, ont de moins en moins respecté les lois de la fides et autres vertus ancestrales, que l'Empire a sombré dans la décadence (09)- une décadence qui lui fut fatale. Car la fides, correspond aussi par certains côtés à notre notion moderne de solidarité nationale. Ainsi les citoyens romains de la fin de l'Empire, s'ils restaient prêts, à la rigueur, à se battre pour venir en aide à leur province et à leur espace proche, admettaient de moins en moins de partir faire la guerre aux confins de l'Empire, au secours de peuples et de territoires dont ils ignoraient tout et dont ils ne se sentaient aucunement solidaires, de la même manière que certains jeunes Français, à l'heure de la guerre d'Algérie rechignèrent à faire leur devoir au prétexte que l'Algérie n'était, selon eux, " pas leur pays " et ne les concernait pas. Cette comparaison entre Rome et la société française des années 1950 peut paraître saugrenue. Et pourtant elle fut faite en pleine guerre d'Algérie par Jacques Soustelle, intellectuel de renom qui en 1957 concluait son petit livre Le drame algérien et la décadence française par cette leçon : " Un homme qui fut un des plus grands penseurs et un des plus grands chefs d'Etat de notre monde méditerranéen, l'empereur Marc-Aurèle, convaincu par sa foi stoïcienne qu'au fond rien n'a d'importance de ce qui soulève les passions humaines, n'en alla pas moins combattre au bord du Danube et repousser les Barbares qui menaçaient la paisible Romanie. Nul ne peut se délier de ses devoirs. "
            Cet aspect de la guerre d'Algérie nous conduit maintenant à aborder le principal sujet de notre petite étude.

            Charles de Gaulle, personne ne peut le nier, restera comme celui qui a livré au bourreau un peuple et une terre qu'il s'était engagé solennellement à sauver. Pire encore, cet homme, et avec lui ses proches et son gouvernement, par leurs promesses et leurs trahisons successives, ont engagé la parole de la France tout entière. Et nous ne parlons même pas des fameuses promesses de juin 1958 (" Je vous ai compris ! ", " dix millions de Français ! ", " de Dunkerque à Tamanrasset ", etc.), mais simplement des suivantes : sur un partage territorial ou une Algérie fédérale en cas d'indépendance, sur " le drapeau FLN " qui " ne flottera jamais sur Alger ", sur l'engagement réitéré fait aux harkis de ne jamais les abandonner, d'organiser le vote d'autodétermination seulement après un arrêt des combats et une période d'apaisement, de ne pas discuter qu'avec le seul FLN et de n'exclure " aucune tendance " au moment des négociations, de ne pas installer le FLN comme " la représentation unique de l'Algérie tout entière ", de maintenir sur place l'armée pour protéger les populations, de faire respecter les " accords " d'Evian, etc.
            En somme, ce que les Romains, comme nous l'avons dit plus haut, se refusaient à faire y compris vis-à-vis de peuples ennemis de Rome, le chef de l'Etat français Charles de Gaulle s'est permis de le faire... à des citoyens français !

            A chacun ses mythes, pourrait-on dire. Les Romains, au temps de leur grandeur, vénéraient Marcus Regulus, ce courageux consul, exemple même de la droiture, ayant enduré les pires sévices et sacrifié sa vie alors même qu'il n'en était nullement obligé, dans le seul but de respecter la parole qu'il s'était engagé à tenir auprès des Carthaginois, alors en guerre acharnée contre Rome. Les Français, quant à eux préfèrent aujourd'hui aduler l'homme du " Je vous ai compris ! ", l'homme qui, dans le seul but d'assouvir de basses ambitions géopolitiques a livré à son bourreau le FLN le peuple Français d'Algérie qui l'avait appelé pour le sauver. Un peuple dont il s'est servi comme d'un marchepied pour accéder au pouvoir, et qu'il s'est décidé à éliminer quand le moment fut venu. L'" Algérien " Saint-Augustin, dans la Cité de Dieu écrivait au sujet de Rome et du sacrifice de Regulus : " Si, pour garder la foi du serment à de féroces ennemis, Marcus Regulus quitta Rome et revint les trouver [...] : quels tourments ne doit-on pas mépriser pour garder la foi en cette patrie heureuse à laquelle la foi elle-même nous achemine ? ". Or la " foi du serment " que Regulus n'a pas manqué de respecter envers les ennemis de sa patrie, Charles de Gaulle n'a pas jugé utile de le faire envers ses propres compatriotes... Si Saint-Augustin revenait, parlerait-il de la France comme d'une " patrie heureuse à laquelle la foi elle-même nous achemine " ? Il est possible d'en douter.

            Bien sûr tout homme politique a déjà menti, et comme le disent les gaullistes avec tout le cynisme qui les caractérise : " les promesses n'engagent que ceux qui les croient ". Or il ne s'agissait pas ici d'une petite promesse électorale de baisse d'impôt, mais du sort de populations entières menacées de l'exil ou de la mort. C'est ce qui fit dire au regretté Raphaël Draï, à propos de l'attitude du général de Gaulle vis-à-vis des Français d'Algérie de toutes origines : " Ce qui eut été concevable dans le cadre de la Byzance du Ve siècle ou de la Florence de Machiavel le devenait beaucoup moins dès lors qu'était en jeu le sort de toute une population dont la direction de son avenir lui était ainsi dérobée. "(10) Ce, à tel point qu'un homme tel que le futur prix Nobel d'économie Maurice Allais, qui était pourtant loin d'être un " ultra " de l'Algérie française, a pu écrire en 1962 : " Jamais, dans l'histoire, tant d'engagements successifs auront été pris, que " le grand vent de l'Histoire " aura aussi vite balayés ", le même homme ajoutant plus loin : " Si on a certes le droit de se tromper, on n'a pas celui de duper jusqu'au dernier moment tout un peuple " . (11)

            On peut donc se demander si les Français, en persistant à admirer un homme sans morale connu pour avoir bafoué au plus haut point les règles de la loyauté, de la solidarité nationale, et pour avoir traité des populations françaises comme l'on traite du bétail, ne se tirent pas une balle dans le pied, et si cette admiration sans bornes pour un parjure n'est pas le signe d'une décadence morale profonde de la Nation française. Et ceux qui, nombreux, osent ironiser sur la trahison et le sort tragique des Pieds-Noirs et Harkis en se rappelant, en ricanant, le " je vous ai compris ! " de leur idole, se réjouissent peut-être un peu vite, car, à défaut des Dieux de Rome, " il arrive, parfois, que l'Histoire se venge " (12) comme l'a si bien écrit Michel De Jaeghere au sujet du règlement catastrophique apporté à la guerre d'Algérie.

            " Ces idiots de Pieds-Noirs ", aurait lancé Pierre Messmer, ministre des Armées accompagnant le général de Gaulle en Algérie, en mars 1960 : " C'était la manière des grands gaullistes - et j'allais le découvrir dans des archives oubliées - de parler de ce million de Français d'Algérie, note Georges-Marc Benamou. Ce n'était pas la marque d'un quelconque fanatisme gaulliste, mais plutôt un mistigri qu'on se repassait en douce, comme on parle des cocus dans leur dos. Et les pieds-noirs furent si magnifiquement cocufiés par de Gaulle. "(13) Certes... Mais, avec le recul du temps, et au vu de la situation actuelle de la France, on serait tenté de dire : " ces idiots de gaullistes ". Car ces hommes avaient oublié une chose : on ne manigance pas en douce l'humiliation d'un peuple d'un million de compatriotes, fussent-ils de simples " Pieds-Noirs ", sans qu'il n'en résulte de graves conséquences pour l'avenir de la Nation.
            La petite guerre sournoise et sordide menée par les gaullistes contre les Français d'Algérie, ressemble donc beaucoup à l'histoire de l'arroseur arrosé.

            Ainsi le général de Gaulle, se félicitait d'avoir réussi à débarrasser définitivement la France de ce qu'il appelait le " fardeau ", le " boulet algérien ", mais, plus de cinquante ans après, on constate que l'Algérie et les pays de l'ancien Empire français qu'il s'est empressé de liquider n'ont jamais été autant un boulet pour la France. On pensait, en abandonnant les Français d'Algérie - et les Algériens en général - à leur propre sort dans le déshonneur et la précipitation, se débarrasser facilement d'un problème, j'ai bien peur qu'on n'en ait créé de nouveaux ! En effet il devient aujourd'hui évident que le " grand Charles " n'a en aucune façon réglé le problème algérien, mais qu'il l'a seulement déplacé, de l'Algérie... vers la France. Ajoutons que l'Histoire dira sans doute à quel point peu de pays au monde ne se sont faits autant rouler dans la farine que la France du général de Gaulle face au FLN, en signant les " accords " d'Evian, " accords " que l'homme politique socialiste Marcel-Edmond Naegelen a pu décrire comme " ce qui demeurera dans l'Histoire comme une des capitulations les plus néfastes et comme la plus injustifiable de toutes celles auxquelles ait consenti notre patrie " .(14)
            L'Histoire dira - et à vrai dire elle a déjà commencé à parler - dans quel camp se trouvaient les véritables idiots.

            Quant à ceux qui persistent à croire que le président de Gaulle n'a toujours agi, dans l'affaire algérienne, que pour préserver au mieux les intérêts de la France, cette citation suffira peut-être à instiller le doute dans leur esprit naïf : " Vous ne pouvez pas faire de plus grand cadeau aux gens du FLN que d'annoncer notre retrait ! C'est tout ce qu'ils souhaitent ", lui lance le jeune Alain Peyrefitte, qui plaide pour une partition de l'Algérie, à la fin de l'année 1961. Ce à quoi de Gaulle répond : " Grand bien leur fasse ! " (15). Ce Grand bien leur fasse ! lancé à la va-vite, l'Algérie comme la France continuent aujourd'hui encore à en payer le prix. Car on ne règle pas des problèmes humains de grande ampleur à la manière d'un charcutier, encore moins d'un Machiavel. C'est peut-être, avec le recul d'un demi-siècle, le principal bilan que l'on peut tirer de cette guerre d'Algérie.
            " Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ", a dit Winston Churchill au lendemain des " accords " de Munich. Même Churchill qui, en réponse à un homme n'hésitant pas à affirmer que " rien n'est pire que la guerre ", aurait déclaré : " Le déshonneur est pire que la guerre ; l'esclavage est pire que la guerre " (16). Ces deux maximes s'appliquent très bien à la fin de la guerre d'Algérie, aux " accords " dits " de paix " d'Evian et à leurs conséquences actuelles sur la société française.
            Un visionnaire nommé Soustelle, grand connaisseur de l'Algérie, n'avait pourtant pas manqué de prévenir ses compatriotes, dès l'année 1957 :

            " Qu'on ne s'y méprenne pas : ce qui se passe en Algérie nous engage tous et engage la France pour cent ans. Quelle illusion d'imaginer qu'il suffirait de renoncer, de commettre cette mauvaise action que serait le retrait de la France, pour nous débarrasser de l'Algérie ! On ne se débarrasse pas à la sauvette d'une province qui fut française avant Nice et la Savoie, et dont tant de fils sont tombés pour défendre la métropole ou même la libérer. " (17)

            Car de Gaulle, nous l'avons déjà dit, non seulement a trahi ses serments de juin 1958, mais également les suivants, et en particulier la solution de compromis, solution douloureuse certes, qu'aurait pu représenter une partition de l'Algérie sur un mode fédéral (c'est-à-dire accepter l'indépendance d'une majeure partie de l'Algérie tout en réservant un petit territoire côtier aux Pieds-Noirs et musulmans francophiles), déniant ainsi au peuple Pied-Noir ce droit élémentaire à tous les peuples qui est celui du droit de vivre, et de vivre libre, sous le prétexte absurde que les Arabes, arrivés seulement quelques siècles plus tôt que les Européens sur la terre algérienne avaient, je cite, " l'antériorité "(18) . " Le foyer national des Français d'Algérie, c'est la France "(19) , en avait conclu le tyran, sans penser une seule seconde à demander leur avis aux principaux intéressés. Jacques Soustelle qui rappelons-le avait une connaissance aigue de l'Algérie et de ses habitants (contrairement à de Gaulle), écrivait ainsi au sujet du partage : " A mon sens, elle ne pourrait être qu'une issue de désespoir, la seule qui resterait ouverte à la population européenne si la métropole l'abandonnait. Issue de désespoir, certes [...] ; issue fatale cependant si l'aveuglement de certains métropolitains [...] prétendait acculer les Européens à l'exil. Car c'est à cela précisément qu'ils ne consentiront jamais. (20)" Eh bien même cette issue de désespoir, le général de Gaulle aidé de mystérieux " barbouzes ", aura tout fait pour l'empêcher de voir le jour... Là encore pourtant, des engagements solennels, voire de véritables serments avaient été pris. C'est ainsi que le gouvernement français, par la voix de son Premier ministre Michel Debré promettait le 12 avril 1960 :

            " Il n'y a pas, il n'y aura pas d'abandon. […] On n'enlèvera pas aux Algériens qui veulent vivre librement en Français, qui veulent demeurer citoyens français, ni la possibilité de vivre Français, ni la qualité d'être citoyens français en Algérie. La sécession, en vérité, c'est le partage. Les principes les plus sacrés ne permettent pas qu'il en soit autrement. " (21)
            Voilà qui est on ne peut plus clair.
            Or, à l'heure où les deux tiers des hommes en armes de l'OAS menés par le jeune étudiant Pied-Noir Jean Sarradet (1937-1962), en janvier 1962, sont prêts à déposer les armes en échange de ce partage de l'Algérie(22) qu'ils cherchent à négocier, ce même gouvernement leur opposera une fin de non-recevoir, au prétexte qu'" on ne discute pas avec des factieux "(23) ! Un gouvernement, qui depuis plus d'un an discute pourtant avec les tueurs en série du FLN... " La France veut s'écarter de l'Algérie, nous acceptons cela, mais en contrepartie qu'elle ne nous écrase pas. Qu'elle ne prenne pas parti, dans ce conflit, pour l'un des adversaires qu'elle favorise en désarmant les mains de l'autre. Qu'elle les sépare plutôt, si elle veut s'éloigner avec dignité, en fixant à chacun sa part de terre " (24), avait pourtant plaidé Jean Sarradet. Il ne sera pas entendu, et le gouvernement du général de Gaulle, plutôt que d'aider Pieds-Noirs et musulmans francophiles à organiser ce petit territoire conformément à ses promesses, va, au contraire, faire naître une monstrueuse alliance entre les forces armées françaises et celles du FLN, pour mieux les éliminer. Voilà sans doute la première fois dans l'Histoire de l'Humanité qu'une nation s'allie avec l'ennemi pour écraser ses propres ressortissants.
            La morale universelle a toujours réprouvé Judas et préféré David à Goliath, nul doute qu'elle rendra un jour justice à Jean Sarradet contre Charles de Gaulle.

            Pour rester dans les références historiques, on savait que Rome a détruit Carthage, que les Rois catholiques ont expulsé les musulmans d'Espagne, que les Turcs musulmans ont chassé les chrétiens Grecs d'Asie Mineure, l'Histoire retiendra désormais que le groupe Français d'Algérie fut détruit... avec la complicité de la France ! En termes médicaux, on appelle cela se tirer une balle dans le pied. Car " s'il faut reconnaître, a écrit Jacques Soustelle, qu'il existait en Algérie une réalité, à savoir la rébellion fellagha, on ne peut nier qu'il en existait d'autres, notamment une forte population non-musulmane solidement enracinée et une proportion non négligeable de Musulmans engagés envers la France. La politique gaullienne a consisté à choisir entre ces réalités divergentes. On a choisi le Musulman rebelle contre le Musulman français, les égorgeurs contre les égorgés. On a même fait tirer sur les seconds pour les obliger à s'incliner devant les premiers. Pourquoi ? Le " sens de l'Histoire " a bon dos. [...] L'abandon de l'Algérie, la répression cruelle déchaînée contre ses défenseurs, frappent l'esprit comme des actes gratuits aussi monstrueux qu'inexplicables. " (25)

            " Ironie " - ou suite logique ? - de l'Histoire, de Gaulle et son gouvernement ont donc refusé, sous un tas de prétextes fallacieux, le plan de partage de l'Algérie, mais, aujourd'hui, c'est d'une possible partition du territoire français que l'on parle de plus en plus ouvertement ! " Je pense qu'il y a trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là. […] Comment peut-on éviter la partition ? Car c'est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. " (26) Ces propos, ont été tenus tout récemment par François Hollande, alors président de la République en fonction.
            D'abandons en capitulations, de compromis en compromis !...
            Et pourtant là encore, un visionnaire nommé Soustelle avait prédit :

            " Les abandons ont un effet cumulatif comme certains poisons. Au-delà d'une certaine dose, il y a danger de mort. " (27)
            Ecoutons-le encore, alertant les Français sur le risque à long terme d'une telle politique de démission et de lâcheté collective :

            " A partir du moment, écrivait-il en 1965, où l'on baptise " grandeur " la liquidation du patrimoine national, l'égoïsme féroce qui se dérobe à la solidarité élémentaire entre fils d'un même pays, la soumission aveugle aux caprices d'un Pouvoir qui ordonne le mardi le contraire de ce qu'il a ordonné le dimanche, on ne saurait s'étonner de l'abaissement de l'esprit public. [...]
            Ce que dit ou ce que fait l'Etat détermine beaucoup plus qu'on ne le croit ce que pense la nation. Par ses paroles ou par ses actes, le Pouvoir a donné une leçon à la nation : " Il n'y a pas d'honneur ni de devoir, même envers des compatriotes malheureux. Quand une terre française coûte cher, qu'on l'abandonne ! Quand des Français veulent rester Français, qu'on les mitraille ! Assez d'efforts : faisons cadeau à l'ennemi de tout ce qu'il exige, et même davantage. " Cette leçon a été écoutée. Le peuple français n'est pas pire que les autres et sans doute n'est-il pas meilleur : quel peuple résisterait à cet enseignement délétère, surtout quand on le revêt, alibi suprême, de l'éclat d'un nom qui fut grand quand il symbolisait le combat et le sacrifice ?
            Ce n'est pas seulement l'Algérie qu'on a tuée [...] : c'est une certaine idée de la France, celle-là même qui faisait battre nos cœurs il y a vingt-cinq ans. Qu'est-ce que le régime a trouvé à lui substituer ? Une sorte de morne " Enrichissez-vous " ou " Amusez-vous bien ". Français, nous dit-on, dormez tranquilles, mangez, buvez, partez en vacances : Papa s'occupe des affaires sérieuses. Tel est [...] le civisme que l'Etat nous enseigne. " (28)


            Le colonel Bastien-Thiry ne disait pas autre chose lors de son procès, le 2 février 1963, dans une Déclaration solennelle elle-même bourrée de références à l'Antiquité gréco-latine et aux préceptes chrétiens :
            " Il faut peser toutes les conséquences, sur la vie nationale, des conditions dans lesquelles fut réalisé cet abandon. Une opinion publique que le chef de l'Etat a à ce point dénationalisée, à laquelle il a peu à peu enlevé le sens de l'honneur et de la fierté nationale, le sens de la solidarité et de la conservation nationale, ne pourra plus, à propos de n'importe quel autre problème, à propos de n'importe quel autre péril extérieur ou intérieur, retrouver ce sens national qui n'est que la transposition, sur le plan personnel, de l'instinct de conservation. "

            Ecoutons maintenant le futur prix Nobel d'économie Maurice Allais (1911-2010), dans son réquisitoire - trop méconnu - contre les " accords " d'Evian. Maurice Allais qui, rappelons-le, s'est opposé dès le début de la guerre à l'idée d'Algérie française, mais qui plaidait pour ce que l'on pourrait appeler une " troisième voie ", soit une Algérie indépendante organisée sur un mode fédéral ou, à défaut, une partition du pays. Son témoignage, capital, justifie une longue citation :

            " Réalisons-nous donc bien ce que nous allons faire ?, alerte-t-il le 22 mai 1962, deux mois après la signature des " accords " d'Evian.
            Nous appartenons à une grande nation, qui se dit civilisée, que beaucoup encore dans le monde considèrent comme telle. N'apercevons-nous pas cependant que nous sommes en train de commettre quelque chose d'horrible, d'irréparable ? Continuerons-nous à fermer les yeux sur ce qui se passe ?
            Deux groupes sont face à face. [...]
            Eh bien ! quand deux hommes, pleins de fureur, se battent l'un contre l'autre, ou s'apprêtent à le faire, que font des hommes civilisés si ce n'est de les séparer ?
            Mais, nous Français, nous allons faire le contraire. Loin de séparer les adversaires en attendant qu'ils se calment, nous nous apprêtons à livrer à chaud l'un des groupes à l'autre, et nous apportons notre appui au groupe le plus fort contre le plus faible.
            Ce qui serait moralement inadmissible dans le cas d'un groupe étranger devient odieux et horrible lorsqu'il s'agit de compatriotes. [...]
            Que faut-il donc attendre pour que nous ouvrions les yeux ? Que le sang coule à flots dans les rues ? Que tout s'écroule sur des monceaux de cadavres ? [...]
            Il faut de toute nécessité reculer la date du scrutin d'autodétermination dont la seule signification, dans de telles conditions, serait de donner un " blanc-seing " implicite à d'horribles massacres !
            Il faut de toute nécessité regrouper la population française et musulmane pro-française pour assurer sa sécurité et choisir entre une coopération fondée sur une organisation fédérale dans le cadre d'une partition de fait, et un départ assuré dans des conditions conformes aux traditions de notre civilisation. [...]
            De là, je conclus qu'il est non seulement inhumain, mais insensé, pour le Pouvoir de livrer dans de telles conditions le groupe minoritaire désarmé à la merci du groupe majoritaire supérieurement armé.
            J'affirme que c'est là une décision barbare qui restera longtemps au cours des siècles qui vont suivre comme un opprobre ineffaçable pour notre pays. [...]
            J'estime enfin qu'au lieu de développer une campagne haineuse contre les Français d'Algérie, tous les moyens de la Nation devaient être mobilisés pour les accueillir parmi nous.
            La politique qui, implacablement, est mise en œuvre, constitue un crime contre l'humanité.
            Personnellement, et quels qu'en soient les risques, ma conscience me dicte de protester contre ce crime.

            Tout n'est qu'ignominie et déshonneur.
            L'Histoire jugera. "
(29)

            Oui ce témoignage est capital car non seulement il est le fait d'un homme qui ne fut jamais un partisan de l'Algérie française, mais, surtout, parce qu'il nous montre que tout le monde était prévenu dans les moindres détails de ce qui allait se passer dans la future " Algérie indépendante ".
            Rappelons une nouvelle fois que cette tragique histoire débuta par un retentissant " Je vous ai compris ! ", lancé sur le Forum d'Alger le 4 juin 1958... Espérons avec Maurice Allais, que " l'Histoire jugera ".

            Un autre " libéral ", Albert Camus, n'a non plus pas hésité à écrire que céder à toutes les revendications du FLN signifierait " pour la nation française le prélude d'une sorte de mort historique " (30)... C'est pourtant ce que fera le général de Gaulle.

Et plus de cinquante ans après, à l'heure des bilans, Gilles Buscia s'interroge :
            " La décadence, née du choix des Français de céder à la facilité que leur offrait la société de consommation [...] et du refus de l'effort qui leur fit approuver une politique d'abandon et de capitulation unique dans l'histoire de France, a peut-être aussi sa source dans l'absence de réaction du peuple à une trahison caractérisée.

            En 1870, à la fin du Second Empire, le maréchal Bazaine encerclé dans la ville de Metz, capitula devant les troupes prussiennes. [...] Bazaine fut condamné à mort avant de bénéficier d'une commutation de sa peine.

            En 1962, l'armée française étant victorieuse, De Gaulle capitula sans conditions devant le FLN, avec les conséquences désastreuses pour la France que nous avons largement décrites, et il devint le " plus illustre des Français ". O tempora ! O mores ! Autres temps ! Autres mœurs ! comme l'a écrit Cicéron.

            Mais ces temps nouveaux et ces mœurs nouvelles, ne pouvaient être sans conséquences.
            L'inversion des valeurs qui en est résultée, portait déjà en germes les prémices de nos renoncements, de notre décadence, de notre soumission... "(31)


            Ajoutons pour finir que la civilisation arabo-berbère et arabo-musulmane, si elle admet la ruse dans une certaine mesure, accorde néanmoins une grande place aux notions d'honneur et de fidélité : " La loyauté est sans limite quand la parole est donnée. Les deux guerres mondiales l'ont illustré "(32) , nous dit l'historien Pierre Vermeren au sujet des musulmans d'Algérie. C'est pourquoi il faudra peser les conséquences psychosociales à long terme de la trahison des Harkis - et des Algériens au sens large - par le gouvernement de Charles de Gaulle. " Qui donc a insufflé la haine du colonialisme [aux Musulmans nationalistes], si ce n'est nous, Français de France, qui, après les avoir écrasés militairement sur le terrain, nous retirons aujourd'hui en abandonnant comme otages sur place et sans défense un million des nôtres et un million de nos amis " (33), s'indignait ainsi Maurice Allais.

            Certains que l'on qualifie de " nostalgiques de l'Algérie française " regrettent la perte du pétrole saharien. Mais le pétrole n'est que peu de choses comparé à ce désastre psychologique que la France, hélas !, n'a semble-t-il pas fini de payer. En effet le député d'Alger Robert Abdesselam, lors d'une intervention à l'Assemblée nationale le 26 avril 1962, évoquait " l'honneur de la France " en des termes assez pessimistes :
            " Bien des Musulmans ne comprennent plus. Ils ne comprennent pas un pays qui fait le contraire de ce qu'il dit : un pays qui les a frénétiquement poussés à s'engager avec lui et qui les abandonne ; un pays qui leur a juré qu'il resterait et qui s'en va ; un pays qui néglige les élites qu'il a formées pour pactiser avec des analphabètes et des tueurs... Cette incompréhension se transforme déjà en mépris ; demain ce sera de la haine. [...] Cette haine ne serait pas grave, Monsieur le Premier Ministre, si elle n'était vouée qu'au régime, car il disparaîtra un jour comme ont disparu les précédents. Mais ce qui est dramatique, c'est que cette haine est vouée à notre pays, la France. " (34)

            Ecoutons maintenant le bachaga Boualem, s'adressant en 1960 aux " Français de la Métropole " :

            " L'Algérie algérienne, fille de la violence et du meurtre, sera une terre de désordre, de violence et de haine. Alors ce sera à vous, Français de la Métropole, de répondre de nos vies, de celles de nos familles et de celles de nos enfants. [...] Nous abandonnerez-vous aux mains de ceux qui, dans les djebels et dans les villes de métropole ont aussi assassiné vos propres enfants ? Si oui, c'est que le vent de l'Histoire existe vraiment et qu'il balaiera le nom même de la France ! " (35)
            Cette dernière phrase en forme d'avertissement fait frémir, surtout lorsqu'on la compare à ce que le même bachaga Boualem déclarera deux ans après, en mai 1962 :

            " On a livré mes gens au F.L.N. [...] Nous n'avons plus à notre époque ni patrie, ni morale, ni parole, rien ! En Algérie les gens n'ont plus confiance dans la France " . (36)
            " On ne peut même pas imaginer le mal que le régime aura eu le temps de faire [à la France] ", conclura à son tour Jacques Soustelle, avant de se faire prophétique :

            " Expression d'une société en déclin dont il reflète et précipite à la fois la décadence, il ne s'effacera pas, quelles que soient les circonstances, sans laisser des champs de ruines et un grand trouble, et sans nous placer tous devant de redoutables choix. "

            Nous y sommes...
            Etrange destin, à vrai dire, que cette Algérie française qui prit naissance dans le but avoué de venger l'honneur d'une Nation offensée par un simple coup d'éventail, et qui rendra son dernier souffle dans le déshonneur d'un parjure sans nom et d'une capitulation sans défaite.

            " Soldats, L'insulte faite au pavillon français vous appelle au-delà des mers ; c'est pour le venger [que] vous avez tous brûlé de courir aux armes [...]. La cause de la France est celle de l'humanité : montrez-vous dignes de cette noble mission ", indiquait l'ordre du jour du général en chef précédant la conquête française d'Alger en juillet 1830.
            " Halte au feu, mon lieutenant ! " entendra-t-on crier, le 26 mars 1962 rue d'Isly, quand des dizaines de civils Français d'Algérie de tous âges armés du seul drapeau bleu-blanc-rouge tombaient sous les balles de cette même armée française chargée de faire place nette en faveur du FLN, FLN bien déterminé à les jeter à la mer au plus vite avant que de s'occuper des Harkis.
            Autres temps ! Autres mœurs !

            Notons qu'au soir de ce massacre de la rue d'Isly le général de Gaulle, sans avoir un seul mot de compassion pour les victimes osait déclarer à la télévision : " Ce que la France et l'Algérie commencent à faire en commun est un exemple mondial ". Assurément. On ne peut nier que sur ce point, le président de la République était un visionnaire. De là à dire que la " coopération franco-algérienne " prévue par les " accords " d'Evian a débuté sur des bases saines, nous n'irons peut-être pas jusque-là.
            Ce massacre de la rue d'Isly a inspiré ces mots à André Rossfelder, dans Le onzième commandement :
            " On peut s'entre-tuer et rester pourtant solidaires, mais que reste-t-il d'une nation qui tire sur ses propres drapeaux et qui fait appel à l'ennemi d'hier pour tuer les siens ? Je l'ai su, mais je n'ai pas voulu d'abord y croire : la nation française est morte en Algérie au printemps 1962. " (38)

            Sans forcément adopter le point de vue pessimiste d'André Rossfelder, ce serait une profonde erreur de minimiser ces propos, ou, pire, de s'en moquer.

            De cette maladie mortelle touchant la nation française en son cœur, le docteur Jacques Soustelle a cependant jugé utile de proposer un remède :

            " Un peuple qui renie une partie de lui-même, qui s'humilie devant une faction de meurtriers et lui abandonne ses propres frères, voilà ce que nous sommes devenus. [...] Or, un crime a été commis, à la fois le plus vil et le plus bête de notre histoire. La France ne sera redevenue la France que lorsqu'elle saura en rougir. " (39)
            Certes, ce temps n'est pas encore venu, loin de là, mais ce n'est pas une raison pour désespérer !

            En effet, et quoi qu'on puisse penser de la conquête, de la colonisation ou de la guerre d'Algérie, comment interpréter cette inversion des valeurs sans utiliser le mot de décadence ? Et pas n'importe quelle décadence, mais bien la pire de toutes : la décadence morale. Car ces mots de Montesquieu dissertant il y aura bientôt trois cents ans sur la chute de Rome sont hélas ! toujours d'actualité :

            " Ce n'est pas ordinairement la perte réelle que l'on fait dans une bataille qui est funeste à un Etat, mais la perte imaginaire, le découragement qui le prive des forces que la fortune lui avait laissées. " (40)
Marius Piedineri            

01- Jean-Noël Robert, Rome, La gloire et la liberté, Aux sources de l'identité européenne, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 231.
02- Pierre Boyancé, " " Fides Romana " et la vie internationale ", in Etudes sur la religion romaine, École Française de Rome, 1972, p. 105-119. (Publications de l'École française de Rome, 11).
03- Pierre Grimal, La civilisation romaine, Flammarion, 1981 (1ère éd. 1960), p. 101.
04- Paul Veyne, L'Empire gréco-romain, Editions du Seuil, 2005, p. 534-536.
05- Claudia Moatti, La raison de Rome, naissance de l'esprit critique à la fin de la République, Editions du Seuil, 1997, p. 38.
06- Pierre Grimal, " Latins ou Romains ? ", in Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°3, octobre 1978, p. 242-257.
07- Marcel Le Glay, Rome, tome I. Grandeur et déclin de la République, Perrin, 2005 (1ère éd. 1990), p. 121.
08- Raphaël Draï, La fin de l'Algérie française et les juridictions d'exception, Etat, Justice et Morale dans les procès du putsch d'Alger et de l'OAS, Editions Manucius, Paris, 2015, p. 43.
09- Michel De Jaeghere, Les derniers jours, La fin de l'Empire romain d'Occident, Perrin, 2016 (1ère éd. 2014), p. 668-670.
10- Raphaël Draï, La fin de l'Algérie française et les juridictions d'exception, Etat, Justice et Morale dans les procès du putsch d'Alger et de l'OAS, Editions Manucius, Paris, 2015, p. 75.
11- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, Editions Jeune Pied-Noir, 1999 (1ère éd. chez L'Esprit Nouveau, 1962), p. 124 et p. 143.
12- Le Figaro Histoire, décembre 2014 (" La guerre d'Algérie est-elle terminée ? ", par Michel De Jaeghere).
13- Georges-Marc Benamou, Un mensonge français, Retours sur la guerre d'Algérie, Editions Robert Laffont, Paris, 2003, p. 238.
14- Marcel-Edmond Naegelen, Une route plus large que longue, Robert Laffont, 1964, p. 52.
15- Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Tome I, Fayard, 1994.
16- François Kersaudy, Le Monde selon Churchill, Sentences, confidences, prophéties, réparties, Tallandier, 2014.
17- Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron, Plon, 1957, p. 61.
18- Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Tome I, Fayard, 1994.
19- Ibid.
20- Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron, Plon, 1957, p. 41.
21- Le Monde diplomatique, mai 1960. Cette déclaration n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il faut aussi savoir que le même Michel Debré, lors d'un entretien avec le général de Gaulle le 9 janvier 1962, tout en constatant l'impossibilité de trouver un accord avec le FLN et se désolant d'entrer " dans une impasse ", déconseillera au président de mettre en œuvre le partage, au moment même où une fraction de l'OAS cherche pourtant à négocier cette solution (Michel Debré, Entretiens avec le général de Gaulle, 1961-1969, Albin Michel, 1993, p. 48-49).
22- Georges Fleury, Histoire de l'OAS, Grasset, 2002, " Septième partie - Le temps des barbouzes - 55 - Salan refuse la partition ".
23- Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l'OAS, Editions Complexe, 1995, p. 152.
24- Anne Loesch, La valise et le cercueil, Plon, 1963, p. 108.
25- Jacques Soustelle, La page n'est pas tournée, Editions de la Table Ronde, 1965, p. 166-167.
26- Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Un président ne devrait pas dire ça…, Les secrets d'un quinquennat, Stock, 2016.
27- Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron, Plon, 1957, p. 68.
28- Jacques Soustelle, La page n'est pas tournée, Editions de la Table Ronde, 1965, p. 168-171.
29- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, Editions Jeune Pied-Noir, 1999 (1ère éd. chez L'Esprit Nouveau, 1962), p. 244-250.
30- Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958, Actuelles III, Editions Gallimard, 1958, p. 205.
31- Gilles Buscia, Et De Gaulle créa "DE GAULLE", Atelier Fol'fer, 2017, p. 143-144.
32- Pierre Vermeren, La France en terre d'islam, Empire colonial et religions, XIXe-XXe siècles, Editions Belin, 2016.
33- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, op. cit., p. 242.
34- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, op. cit.
35- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, op. cit.
36- Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, op. cit.
37- Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle, Editions du fuseau, Paris, 1964, p. 20.
38- André Rossfelder, Le onzième commandement, Editions Gallimard, 2000, p. 571.
39- Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle, op. cit.
40- Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, 1734.


PHOTO de HERBILLON
Envoyée par M. Lassouad Imed

      Bonjour, amis lecteurs,
      Je cherche des informations sur ce bateau échoué durant la période de la 2ème guerre mondiale, sur la plage de la fontaine Romaine à Herbillon
      Me contacter par e mail SVP, imlasd@yahoo.fr
      Amicalement. Imed.
Photo M. Lassoued imed


Photo M. Lassoued imed


ALGER 1960 par Marie ELBE
Envoyé Par M. JL Ventura

http://lesamisdalgerianie.unblog.fr/

             Alger…Tu te souviens ?

             Dans le souvenir de ceux qui vécurent à Alger restent les images de deux villes, l'ancienne, intime, familière, et, soudain, la montée des nombreux immeubles modernes…. " Je ne me lasserai jamais de la beauté de cette ville ", disaient souvent les Pieds-Noirs. Dès avril, les rues devenaient des plates-bandes et l'air avait des senteurs de giroflées.

             Que je me souvienne. Ce paradis-là était bleu et blanc. Dressé dans la lumière. Encore fallait-il distinguer les bleus. Le bleu du ciel, répandu comme une grâce, toujours un peu plus pâle que le bleu de la mer où erraient des voiles, au bout de chaque rue. C'est bien ça ! La mer nous attendait au tournant, splendide et familière. D'ailleurs, une habitude tout à fait algéroise nous sortait du lit, pour nous jeter au balcon dès le réveil, une tasse de café à la main. Comme si, pieds nus dans le soleil, nous voulions nous assurer que le paysage n'avait pas disparu pendant la nuit.

             Nous commencions ainsi nos journées. Dans la joie qui vient des belles certitudes. Tout était en place. Le soleil dans le ciel, les bateaux sur la mer, les marchands de fleurs aux carrefours, et les rumeurs de toutes les rues, avec des cris, tout proches, qu'on devinait plus qu'on n'entendait. Le cri strident du " marchand d'habi-i-its ! " , l'autre, galopant du " vitrier-vitrier-vitrier, vitrier… " , le roulement des camions qui livraient du coca-cola, et les beuglements des sirènes du port.

Alger 1960

             Parfois - allez savoir pourquoi, comment, d'où ils rappliquaient -, trois nègres à un carrefour, vêtus de peaux de bête, agitaient des castagnettes en fer, tournoyaient sur eux-mêmes comme des toupies ronflantes, et rigolaient : " Monsieur Joseph, donne-moi cent sous ! " Depuis des lustres, la somme n'avait pas varié. Un de mes aïeuls, débarquant à Alger aux temps héroïques, et qui s'appelait Joseph, entendit le même " Monsieur Joseph, donne-moi cent sous ! " Se tournant vers sa femme, il dit : " C'est drôle, ils me connaissent déjà ! "

             Que je me souvienne. Les rues s'éveillaient tôt. On les tirait du sommeil à grande eau, et dans ce ruissellement passaient les premières silhouettes. Ombres bleues des dockers qui descendaient au port, ombres blanches des Mauresques qui se glissaient hors de la Casbah, pour rejoindre le cœur de la ville. Elles allaient sans bruit, comme dans un étrange ballet de fantômes. Parfois, la patronne se penchait au balcon. Alors dans la paix de la rue, on pouvait entendre :
             Fatma, tu es bien gentille, monte-moi du sucre, j'ai oublié !
             Ay, ay, ay ! Tu en as pas de cervelle, toi, hein ?
             Attends, je te jette l'argent !

             C'était quelque chose, la rue Michelet à 9 heures du matin. L'amitié s'attardait à toutes les terrasses de bistrots. Le soleil et l'ombre des arbres jouaient sur les trottoirs, par flaques, et, traversant ces flaques dans une odeur de bière, de café et de pain frais, on descencendait à son journal, à son bureau, à son trolley, ces monstres algérois. Déjà, sous les parasols, de joyeux " disoccupadi-par-plaisir " , vous appelaient
             Tu as le temps, viens boire quelque chose…
             Tu es fou, je vais arriver en retard…
             Et alors ? Tu mourras pas pour ça !

             Rue Michelet, la fête commençait en avril. Par un bref printemps. Par la marée des marchands de fleurs. L'odeur des giroflées et du lilas se mêlait à celle de la mer qui bougeait là-bas, au-dessus des palmiers de la rue Monge. Toutes ses dentelles rangées jusqu'à la ligne d'horizon. Nous apprenions qu'en France il avait neigé. Qu'à Marseille les bateaux semblaient rentrer de terre Adélie. Que le Rhône charriait des glaces. Rue Michelet, c'était le temps béni des départs pour les plages. La sarabande des vespas, les cris des filles qu'on chahute, qu'on feint de laisser sur le trottoir, en démarrant pour La Madrague, ou le R.U.A., ou la Pointe-Pescade.
             Si tu m'emmènes pas, je te tue !
             Va chez ta mère !
             Ma mère, laisse-la tranquille. Elle est au marché.

             Les marchés d'Alger, c'est vrai, portaient tous le nom d'un général de la Conquête. Le marché Meissonnier, le marché Clauzel, le marché Randon. Le marché Nelson (prononcer Nelson comme Gaston). Tout bonnement parce qu'ils se tenaient dans les rues Clauzel, Meissonnier ou Randon. Là, l'épopée était d'un autre ordre. La lutte à l'étalage. Et quels étalages… La beauté des femmes, des fruits, des fleurs et l'insolence des marchands
             Elles sont pas très belles tes tomates.
             Mes tomates, elles sont plus belles que ta figure…
             Dis, tu veux une gifle ?
             Et le marchand de légumes, Belkacem ou Ali… tendait la joue
             Fais-moi une caresse, et je te donne un bouquet de menthe en plus…
             Celui-là, quel culot, ma pauvre ! Rien qu'y profite !

             On allait au marché Randon une fois par semaine. C'était le plus riche, le plus lointain. Le plus oriental. Il s'étalait au pied de la Casbah. On y arrivait par un petit escalier tordu, qui débouchait, d'emblée, sur des pyramides de pastèques, de cerises, de citrons, d'oranges, de raisins kabyles aux grains roux et oblongs, à la peau dure. Sur le marché Randon flottaient toutes les odeurs de la ville arabe. La cannelle et l'encens, le benjoin et le " fessour " brûlés dans de petits braseros, -le cumin, le poivre rouge et les grains d'anis qui parfument le pain. Randon, c'était une balade. Au long cours. De là, on poussait une pointe dans les boutiques des Mozabites qui se tenaient raides, à leurs comptoirs, dans un déferlement de foulards et dans l'odeur fade de la cotonnade. Derrière les petites vitrines, l'eau de Cologne " Pompia " , dont raffolaient les Mauresques. Sur l'étiquette, une dame romaine, au profil de médaille, dorée sur fond rouge. Si vous vous attardiez à palper les tissus, à lever le nez sur les rayons, le Mozabite sortait de son mutisme : " Tu peux tout acheter, c'est la mode de Paris… "

             A deux pas du marché Randon, la place du Gouvernement. Immense, dominée par la fringante statue équestre du duc d'Orléans. On y respirait l'air du large et les remugles de la pêcherie. On y rencontrait parfois, traînant ses espadrilles, Sauveur Galliero, beau comme un Greco, débraillé comme un gitan. Le jour, il se gavait de lumière. La nuit, il peignait. Camus s'inspira de Galliero pour le personnage de l'Etranger.
             Un pied plus un pied, tu crois que ça fait deux pieds ?
             Toi, tu penses quoi ?
             Moi, je pense que ça fait un pas en avant, disait Sauveur.


Alger casbah 1960 port

             Que de pas il a fait, Galliero ! Vous prenant le bras et marchant avec vous des heures, parlant lentement de choses belles. Tournant autour de cette statue du duc d'Orléans, où venaient se serrer des dormeurs arabes, de plus en plus proches du piédestal, pour maintenir leur tête à l'ombre, au fur et à mesure que le soleil s'élevait. C'était un genre de prince dans la ville. Un prince en short délavé, qu'on retrouvait partout, rue Michelet, sous un parasol au R.U.A., cette piscine au bord de la mer, dans les petits sentiers bordés d'oliviers des hauteurs de la ville, dans la cour de Radio-Algérie, rue Hoche, dans une gargote de la Casbah, ou à la " Galerie du Nombre d'or " boulevard Victor-Hugo, le rendez-vous des peintres d'Alger. Galliero errait à sa guise. Il peignait des somptuosités. En 1962, l'année du grand retour, on le ramena sur une civière. Autant que je me souvienne, il mourut quelques mois après. Comme cette ville que nous avions perdue.
             De la place du Gouvernement, on remontait vers le square Bresson, par une rue toute en arcades que certains, qu'aucune comparaison n'effraie, appelaient " notre rue de Rivoli " . En fait, cette rue Bab-Azoun alignait dans l'ombre ses boutiques aux enseignes qui se voulaient absolument de France : " le Bambin parisien " , " les Deux Magots " , ou " le Chapon fin " …

             Puis c'était le square Bresson. Et là, arrêt. Pause. Alger des premiers jours de la société algéroise. La brasserie Tantonville, banquettes en moleskine, plantes vertes, globes de la Belle Epoque. Guéridons à trois pieds, et fauteuils en rotin. A côté, l'Opéra. En face, le square, avec un kiosque où se donnaient des concerts en plein air, à grands coups de cymbales, à petits coups de triangle, à solide renfort de grosse caisse. De quoi rompre le cœur des oiseaux qui nichaient par milliers dans les arbres du square. Ivres de lumière et de chaleur, certains soirs d'été, les oiseaux prenaient le relais. Un fantastique charivari. Sur les bancs du square Bresson, des Arabes méditatifs regardaient la mer… Pendant des heures. Et, pendant des heures, tournaient de petits ânes, porteurs d'enfants assis sur des selles de peluche rouge.

             Le square dominait le port. Et toutes les odeurs du port, goudron, futailles, bois, épices et marée, tournaient avec le vent quand le vent soufflait du large et s'engouffrait dans le square. Pas loin, c'était l'Amirauté. Un vieux fort où logeait l'amiral, gardé, sous les voûtes à l'ombre violette, par des marins bleus, avec des guêtres blanches et ce pompon rouge que les filles tapotaient au passage, quand elles allaient se baigner au bout de la jetée. Devant l'Amirauté, un plan d'eau où remuaient légèrement de minces voiliers, coque contre coque. Au mois d'août, sur les quais, le goudron fondait sous les talons des femmes. Prises au piège, elles s'affolaient, battant l'air et riant fort…

             Du square Bresson à l'hôtel Aletti on pouvait suivre le boulevard Front-de-Mer jusqu'à un monument à la mémoire des marins, et là, bifurquer à droite et monter vers la rue de Tanger. Importante, à cause de Bitouche. Ce n'était ni un restaurant ni un bar. Plutôt, surtout, le " sésame " des amateurs de brochettes et de kémias qu'on appelle ailleurs amuse-gueule ou tapas… Les parfums de chez Bitouche vous accueillaient à la frontière de la rue de Tanger. Et vous accompagnaient jusqu'à la rue d'Isly. Bitouche, qui n'était pas en peine de gadgets, exaspérait ses braises avec un séchoir électrique…

             Bien sûr, Bab-el-Oued… Nous n'y vivions pas tous. Ceux qui n'y vivaient pas y allaient pour le plaisir, surtout les soirs d'été. Bab-el-Oued, c'était la joie, le folklore hilarant, les ramblas, la main sur le cœur, et le cœur sur la main. On y marchait plus vite que nulle part ailleurs, on y parlait plus haut, on y chantait plus juste, on y riait plus vrai, on y prodiguait le bras d'honneur avec une grandeur romaine, on s'y chamaillait à tue-tête. Bref, il n'y avait qu'à s'asseoir et à regarder. De préférence, pour dîner, à la terrasse d'Alexandre. La carte ? Un poème !
             Deux potages symphoniques, et deux ! (pour dire deux soupes aux haricots, ou " loubia " .)
             Trois cervelles basses, et trois ! (Comprenez des rognons…)
             A Bab-el-Oued, on prenait l'amour au tragique, et le malheur à la rigolade.

Alger port 1960
             Un jour, il y eut Jacques Chevallier… Alger changea de visage. Ou plutôt, Alger changea de profil. Il y eut Alger d'avant… et, brusquement, sur les collines qui couronnent la ville, des armadas éclatantes, dressées contre le ciel. On y plantait des palmiers à leur maximum de croissance, on y traçait des routes, dessinait des jardins, creusait des vasques et des fontaines, bref, une furia de construire, vite et bien. Un peu comme si nous n'avions plus désormais tellement de temps…
Marie ELBE            

             Vendredi 20 avril 2018, par lesamisdegg, et leur aimable autorisation.


LA FEMME EST UN ÊTRE CRUEL
Envoyé Par Eliane

          Le 14 février, 2 amies vont au restaurant.

          En arrivant, elles voient le restaurant compltement plein.
          La majorité des tables taient occupées par des couples.

          Une des 2 femmes, prend son téléphone portable et fait un appel à voix haute au milieu du restaurant en regardant les couples assis.
          " Bonjour ma chérie. Je suis arrivée au restau, et ton mari est ici, avec une autre femma, viens tout de suite."
          5 hommes sortirent en courant, 2 s'évanouissent,

          MORALE: 5 Tables libérées.



Le premier gouvernement de Clauzel 
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les hésitations de l'opinion publique et du gouvernement lui-même se traduisirent, jusqu'à l'arrivée de Bugeaud, par l'instabilité des chefs de la colonie.
                Jusqu'en 1840, en dix ans, l'Algérie changea neuf fois de chef ; elle vit passer successivement Clauzel (12 août 1830), Berthezène (31 janvier 1831), Rovigo (6 décembre 1831), Voirol (29 avril 1833), Drouet d'Erlon (27 juillet 1834), de nouveau Clauzel (8 juillet 1835), Damrémont (12 février 1837), enfin Bugeaud (29 décembre 1840) sans compter les intérimaires comme Avizard, Rapatel, Négrier, Schramm.
                Chacun de ces hommes avait ses idées, dont la principale était en général de prendre le contre-pied de ce qu'avait fait son prédécesseur. Il y avait parmi eux des incapables, des médiocres, des hommes manifestement au-dessous de leur tâche ; il y eut aussi des hommes de grande valeur, mais auxquels le temps manqua pour faire œuvre utile.
                Parmi ces derniers Clauzel est incontestablement au premier rang.
                Volontaire de 1791, général de brigade en 1798, à vingt-sept ans ; il avait fait toutes les campagnes de l'Empire.
                En 1802, il avait accompagné le général Leclerc à Saint Domingue et épousé une créole. En 1815, excepté de l'amnistie il avait passé en Amérique et fait de l'agriculture à la Nouvelle-Orléans, étudiant avec grand soins les questions coloniales et les problèmes que posent l'administration des pays neufs ; il était rentré en France en 1820.
                Lorsqu'il fut nommé général en chef de l'armée d'Afrique, il avait soixante ans, mais il était encore très vigoureux au physique et au moral. " Il personnifiait à nos yeux l'épopée impérial, dit un officier, sa casquette à double visière, sa redingote à la propriétaire, sur laquelle il portait des boutons en or et des épaulettes de la forme dite autrefois " crapaud " et noircies par le temps, sa toute petite épée nous rappelaient des temps héroïques et commandaient le respect le plus profond. "

                Clauzel était un homme loyal et franc qui osait dire la vérité à Napoléon lui-même. Esprit large et ouvert, c'était l'un des militaires les plus instruits de son époque. Il fit partager son zèle et son ardeur à ceux qui l'entouraient ; il déploya en matière de colonisation et d'administration une activité remarquable et indiqua plusieurs des solutions que devaient appliquer plus tard Bugeaud.
                Le gouvernement ne lui avait donné aucune instruction. Il devait tout d'abord :
                - se renseigner sur l'état d'esprit de l'armée d'occupation,
                - sur sa situation matérielle et morale,
                - étudier les sentiments de la population indigène à notre égard et les ressources du pays,
                - enfin suggérer et provoquer toutes les mesures utiles soit, pour conserver et coloniser Alger, soit pour l'évacuer.

                Il mena rapidement son enquête et se forma une opinion qu'il fit connaitre aussitôt à Paris. Il voulait fonder en Algérie une importante colonie qui nous indemniserait amplement de la perte de Saint-Domingue et peut-être aussi des frais immenses que nous coûtait l'onéreuse possession de nos autres colonies.
                Le maréchal Gérard lui répondit le 30 octobre par une longue lettre dans laquelle il lui traçait la politique à suivre ; dès les premiers mots le ministre annonçait la résolution du gouvernement de ne pas abandonner notre conquête.
                Clauzel devait se proposer un triple but : Garder Alger, donner au pays une administration, favoriser la colonisation. Ce sont ces instructions qu'invoquait plus tard Clauzel quand on lui reprochait d'avoir outre passé ses pouvoirs :
                " Je ne pouvais prévoir, disait-il, que quelques mois après on essayerait de prétendre que j'avais eu tort de préjuger la question de l'occupation définitive. "

                C'était Gérard qui s'était engagé à soutenir les projets de Clauzel et lui avait écrit pour le féliciter de ses projets de colonisation ; mais, dès le mois de novembre 1830, il était remplacé au ministère de la guerre par le maréchal Soult.
                Aussitôt l'attitude du gouvernement changea, les tergiversations et les tâtonnements recommencent. Dès le mois de janvier 1831, Clauzel est offert en holocauste à l'entente cordiale et son second gouvernement, en 1836, coïncidera précisément avec le moment où cette entente se desserrera.

L'expédition de Médéa

                Clauzel, à son arrivée, trouva l'armée en fort mauvais état.
                Les soldats bivouaquaient pour la plupart en rase campagne, sans aucun objet de literie. Quelques-uns étaient logés dans les villas mauresques abandonnées par leurs propriétaires et réquisitionnées par l'intendance ; ils y commettaient des actes de vandalisme, brûlant les bois sculptés, coupant les arbres, dévastant les jardins. L'alimentation était insuffisante ; les farines qui venaient de France arrivaient en partie avariées.
                L'état sanitaire était fort mauvais, le nombre des malades très élevé, la dysenterie et la fièvre paludéenne sévissaient. Au point de vue moral, l'armée, inactive, sans distractions d'aucune sorte, était gagnée par la nostalgie. Elle était bloquée dans ses cantonnements par les indigènes qui faisaient une guerre sourde d'attentats individuels ; tous ceux qui s'aventuraient au-delà des avant-postes étaient massacrés.

                Clauzel n'était pas homme à se faire enfermé dans Alger. Il occupa d'abord les débouchés des routes qui, d'Alger conduisent à la plaine de la Mitidja, plaçant un poste à Maison-Carrée (Bordj-el-Harrach) et un autre à la Ferme Modèle (Houach-Hassan-Pacha).
                Le Bey du Titteri, qui s'était révolté avant même le départ de Bourmont, prétendait qu'il allait venir avec 200.000 hommes nous jeter à la mer. Clauzel le destitua, le remplaça par un Maure d'Alger, Mustapha-ben-El-Hadj-Omar et forma une colonne forte de 7.000 hommes pour aller installer le nouveau Bey à Médéa. Après avoir laissé quelques troupes à Blida, on franchit l'Atlas au col de Mouzaïa, malgré la résistance de l'ennemi :
                " Soldats ! s'écriait Clauzel, dans sa proclamation, les feux de vos bivouacs, qui, des cimes de l'Atlas, semblent dans ce moment se confondre avec la lumière des étoiles, annoncent à l'Afrique la victoire que vous achevez de remporter sur ses fanatiques et barbares défenseurs et le sort qui les attend. Vous avez combattu comme des géants et la victoire vous est restée. Vous êtes, soldats, de la race des braves et les véritables émules de la Révolution et de l'Empire".

                Proclamation un peu emphatique dans laquelle il s'efforçait évidemment d'imiter le style du grand Empereur, mais qui empruntait néanmoins aux circonstances une véritable grandeur.
                Le 22 novembre l'armée entra dans Médéa. On y laissa les zouaves et deux bataillons de ligne qui furent bientôt attaqués par les indigènes avec véritable furie. Ben-Omar ne sût rien organiser et le général Danlion placé auprès de lui n'était pas capable de le guider. La réduction des effectifs de l'armée d'Afrique força bientôt Clauzel à abandonner Médéa qui fut évacué le 4 janvier 1831.

La question des effectifs

                Les menaces de guerre qui pesaient à ce moment sur l'Europe eurent pour résultat de faire rappeler en France la plus grande partie du corps d'occupation.
                On pensa qu'il n'était pas nécessaire de garder à Alger l'armée de 30.000 hommes dont on avait eu besoin pour s'emparer de la ville et Clauzel reçut mission de renvoyer tous les bataillons qui ne seraient pas absolument indispensables.
                Restait à fixer le chiffre du contingent à laisser en Afrique.
                Clauzel a varié sur ce point ; au début il pensait qu'il suffirait de 10.000 hommes auxquels seraient adjointes quelques troupes indigènes ; plus tard, lorsqu'il connut mieux les dispositions des populations musulmanes, il demanda 15.000 hommes.

                Or, à mesure qu'il demandait davantage, le ministre accordait moins. Soult parlait de ne plus laisser que 8.000 hommes :
                " Pressez, écrivait-il, le départ de toutes les troupes qui ne sont pas rigoureusement indispensables. La situation s'aggrave en Europe. Ce n'est pas que la guerre soit imminente, mais toutes les puissances font des armements en donnant comme raison les affaires de Belgique et le Roi est obligé de prendre des mesures en conséquence. "

                Clauzel insistait en sens inverse :
                " Dans l'intérêt de la France, répondait-il, je dois vous dire que vous laissez trop peu de troupes à Alger ; elles seront insultées impunément et déconsidérées aux yeux des habitants et à leurs propres yeux, comme lorsque j'ai pris le commandement de l'armée et je m'abstiendrai d'en évoquer les conséquences. "

                Les deux tiers de l'armée d'Afrique furent néanmoins rapatriés. Clauzel comptait remplacer une partie des effectifs français par des troupes indigènes. Bourmont y avait songé.
                Dès le 12 août 1830, le lieutenant-général de police d'Aubignosc lui avait adressé une " note pour servir de base à un traité avec la nation zouave ", c'est-à-dire avec la tribu des Zouaoua Kabyle de Djurdjura parmi lesquels les Turcs recrutaient leurs auxiliaires.
                Ainsi apparait pour la première fois un nom qui devait devenir illustre, celui du Corps que Saint-Arnaud appelait " les premiers soldats du monde. " Clauzel ne pouvait manquer d'apercevoir les avantages des forces militaires indigènes :
                "Je ne rappellerai point tous les avantages qu'autrefois les Romains et aujourd'hui les Anglais ont retirés d'un système pareil. En effet je suis autorisé à le penser, que je puisse former quelques bataillons d'Arabes et diverses tribus et surtout de celle des zouaves, ces troupes, bien payées et entretenues sur un pied qui les rend plus de moitié moins chères que les nôtres, pourront, avec une division de 10.000 hommes, occuper le pays de manière à le garantir de toute attaque et leur exemple sera suivi par d'autres tribus.
                Le but de toute conquête est toujours la possession et celui de la possession la jouissance d'un avantage réel. Cet avantage ne peut s'obtenir que par l'adjonction à nos troupes de corps africain. "

                Le Roi et les ministres donnèrent leur adhésion à ce plan.
                Clauzel voulait que ces troupes indigènes fussent encadrées par des officiers et des sous-officiers d'élite ; pour les attirer, il proposa de conférer à tous ceux qui entreraient dans les cadres des nouveaux bataillons un grade supérieur à celui qu'ils avaient au moment de leur nomination. Bien que Soult fût hostile à cette combinaison, Clauzel maintint sa manière de voir et le ministre dut baisser pavillon. Le 1er octobre 1830, un arrêté du général en chef créa deux bataillons de zouaves. Les officiers avaient une tenue brillante : le turban tricolore avec une aigrette, la veste bleue à la turque, une culotte courte et bouffante à la mamelouck, une ceinture garnie de pistolets, un sabre courbé.

                Les premiers officiers furent les commandants Maumet et Duvivier, mais le véritable créateur de ce corps d'élite fut le capitaine La Moricière :
                " Les zouaves dit le général Azan, prirent dès l'origine l'habitude d'une discipline consentie, faite d'estime et d'affection pour leurs chefs et de camaraderie respectueuse à leur égard ; ils s'affranchirent d'eux-mêmes de certains usages consacrés par la routine, simplifièrent le maniement d'armes et usèrent de quelques libertés dans leur habillement. "
                Cependant le recrutement fut médiocre au début et les désertions nombreuses ; au lieu de s'adresser aux Kabyles, on ramassa les indigènes un peu au hasard sur le pavé d'Alger. En janvier 1831, le premier bataillon avait un effectif de 520 hommes et le second de 85, officiers non compris. L'idée dont Clauzel n'eut pas le temps de poursuivre mais l'application devait, on le sait, fructifier plus tard.

Un essai de protectorat

                Le territoire de l'ancienne Régence était très étendu ; il paraissait immense à des hommes déshabitués des grandes entreprises coloniales. Si audacieux que fut Clauzel, il sentait bien qu'il ne pourrait, avec les faibles troupes dont il disposait, imposer partout l'autorité de la France. Cependant il y avait urgence à ne pas laisser prescrire ou contester nos droits ; d'où un essai de protectorat, de " pénétration pacifique ", c'est le terme même dont se sert Clauzel dans une lettre pour qualifier sa tentative d'utilisation des princes tunisiens.

                Afin de soulager le gouvernement d'une partie du fardeau de l'occupation tout en établissant la domination française sur toute l'étendue de la Régence, Clauzel proposait que la France se réservât seulement l'administration directe de la province d'Alger ; les provinces de Constantine et d'Oran seraient deux États protégés, où la France placerait par délégation deux princes musulmans appartenant à la famille beylicale de Tunis :
                " Les Tunisiens, disait Clauzel, sont les plus civilisés des barbaresques, les princes de la maison régnante surtout. "

                A Tunis régnait le Bey Hossein (1824-1835) grand ami de la France et des Français. En 1827 lorsqu'il avait appris la rupture entre le gouvernement de la Restauration et la Régence d'Alger, il s'était déclaré enchanté des désagréments qui arrivaient à ses voisins avec lesquels la Tunisie avait toujours eu de mauvais rapports. L'occasion pour Clauzel de mettre ses projets à exécution se présenta lorsque ce dernier lui envoya une mission composée d'importants personnages chargée de le féliciter de sa prise de commandement. La mission fut reçue à Alger en grande pompe. On ne négligea rien pour distraire les Tunisiens mais on n'oublia pas les affaires sérieuses.

                Un projet de convention fut envoyé à Tunis, approuvé par le Bey et signé à Alger le 18 décembre 1830 ; par cette convention Sidi-Mustapha, frère du Bey était nommé Bey de Constantine ; il devait recevoir tous les revenus de la province et payer à la France un tribut d'un million.
                Pour compléter son œuvre Clauzel signa, le 6 février 1831 un arrangement du même genre relatif à la province d'Oran Ahmed, appartenant également à la famille régnante de Tunis, neveu du Bey Hussein, était nommé Bey d'Oran.

                Les stipulations de la convention étaient à peu près les mêmes que celles qui concernaient la province de Constantine ; cependant le gouvernement tunisien d'Oran était placé plus étroitement sous la tutelle de la France. Clauzel avait averti le ministre de la guerre du projet d'accord concernant Constantine mais le ministre des affaires étrangères, le général Sébastiani, fut très froissé de n'avoir pas été consulté. Il saisit le conseil des ministres de cette espèce de traité d'où résulterait la reconnaissance de certains droits sur le Beylik de Constantine en faveur du Bey de Tunis. Le 30 janvier, une décision royale annula le traité.

                L'intervention marocaine dans la province d'Oran

                Clauzel avait d'autres sujets de mécontentement. Dès le début les affaires du Maroc ont été constamment mêlées aux affaires de l'Algérie.
                Après la chute de la Régence, les habitants de Tlemcen firent appel au Sultan du Maroc, Moulay-Abd-et-Rahman, et lui envoyèrent une députation, offrant de se ranger sous sa domination et de lui prêter serment de fidélité. Malgré l'avis contraire des oulémas de Fez, le Sultan se décida à accepter cet hommage et envoya à Tlemcen son cousin Moulay-Ali avec une petite garnison. Moulay-Ali fut bien accueilli par les Hamyan mais les Koulouglis et aussi les Douairs et les Smélas lui refusèrent obéissance.
                Clauzel se résolut à agir avec la vigueur qui lui était ordinaire sans en référer au gouvernement français. Il envoya au Maroc le colonel Auvray avec un ultimatum enjoignant au Sultan de retirer ses troupes, de remettre leur chef entre les mains du Bey d'Oran et de rembourser les dégâts commis par ses sujets sous peine de représailles et même de blocus de Tanger et de Tétouan si satisfaction n'était pas donnée dans les vingt-quatre heures.
                A la fin de janvier, Clauzel avait songé à entreprendre une expédition sur Tlemcen pour refouler jusque sur leur territoire les troupes marocaines, mais les effectifs dont il disposait étaient trop manifestement insuffisants et il ne put exécuter son projet que six ans plus tard sous son second commandement. Il dut se contenter de faire réoccuper Mers-el-Kébir et Oran par le général Damrémont en vue de préparer l'installation d'un prince tunisien dans la province de l'Ouest.

L'administration de Clauzel

                Comme administrateur, Clauzel avait fait ses preuves dans les provinces illyriennes (région des Balkans) sous Napoléon. Il avait sur le régime qui convenait à l'Algérie les idées les plus judicieuses :
                " Alger, disait-il, doit avoir une administration qui lui soit particulière et des lois faites pour le pays. Je ne suis d'avis ni de lui donner toutes les lois françaises, ni de les lui refuser toutes. "
                Il demandait surtout que le chef de la colonisation fut stable :
                " Si comme de coutume les commandements s'y succèdent avec rapidité, c'en est fait de la colonie. Chaque gouverneur arrivant muni de pleins pouvoirs et avec des idées nouvelles ne manquera pas de porter la réforme dans tout ce que son prédécesseur aura fait et alors il n'y aura plus de stabilité possible. C'est l'histoire de tous nos établissements lointains. "

                Clauzel compléta l'ébauche d'organisation tentée par Bourmont. Auprès du général en chef, pour l'aider de ses conseils et à la tête de l'administration pour la diriger, fut institué un comité de gouvernement, calqué en partie sur ce qui se pratiquait sous l'Empire dans les pays conquis. La présidence de ce conseil fut dévolue à l'intendant général le baron Volland qui avait succédé à Deniée ; sous ses ordres était placé les directeurs de l'Intérieur, de la Justice et des Finances.
                Le directeur de l'intérieur avait de nombreuses attributions sur le papier tout au moins car l'occupation se bornant à Alger et sa banlieue immédiate, il était surtout maire d'Alger ; il avait le titre de commissaire du Roi près le conseil municipal composé de sept Maures et de deux Juifs et qui, purement consultatif ne joua en fait aucun rôle.

                La direction de la police fut confiée à M. Rolland de Bussy qui remplaça dans ces fonctions M. d'Aubignosc.
                Le directeur de la justice, M. Alexandre Duval connaissait l'organisation et les mœurs des musulmans. L'idée maîtresse de l'organisation judiciaire fut de envoyer chaque justiciable devant un ou plusieurs juges de sa nationalité :
                - les musulmans devant les Cadis et les Muftis,
                - les Israélites devant les Rabbins,
                - les Français devant les juges Français,
                - les étrangers devant leur Consul.

                Ce régime était à peu près celui que l'édit de 1778 avait donné aux Échelles du Levant (ports et villes de l'empire ottoman).
                - Les Français non militaires accusés de crimes devaient être jugés en France,
                - Les délits et les crimes contre les Français relevaient des conseils de guerre ,
                - les sentences des cadis et des Rabbins, lorsqu'elles entrainaient la peine capitale, n'étaient exécutoires qu'après approbation du général en chef.

                Le même esprit à la fois réformateur et prudent présida à l'organisation financière. Le service des douanes fut rapidement mis sur pied ; les droits étaient faibles, avec un régime de faveur pour les produits français et une exonération complète pour les marchandises destinées à l'armée.
                On laissa subsister les anciens impôts indigènes et on y ajouta un droit de patente pour les Européens. Des règles furent posées pour l'établissement du budget de l'Algérie et un arrêté établit une démarcation rigoureuse entre les dépenses militaires et les dépenses civiles, ces dernières, dans la pensée de Clauzel, devant être équilibrées par les recettes : c'était déjà un budget spécial que l'Algérie devait attendre plus de soixante-dix ans.

Le départ de Clauzel

                Survivant de l'épopée impériale Clauzel avait évidemment des habitudes d'un autre âge qui devait effarer les ministres du gouvernement de juillet.
                Qu'il s'agisse des princes tunisiens, du Maroc, de l'administration ou de la colonisation, il voulait des réalisations immédiates sans attendre de demander ou de recevoir des instructions.
                Il ne craignait pas les responsabilités et n'attendait pas d'être couvert par son ministre ; il allait toujours de l'avant. Bien décidé à ne pas abandonner le pays, énergique, entreprenant, s'embarrassant fort peu des formes administratives, il ne voyait que le but à atteindre ; rester à Alger et obliger ses camarades du ministère, Sébastiani entre autres, à le suivre bon gré, mal gré. Il fut désavoué dans l'affaire tunisienne, désavoué plus brutalement encore dans l'affaire marocaine et c'est ce qui amena sa démission.

                Le 21 février 1831, il quitta Alger où il était arrivé le 2 septembre 1830 ; il était donc resté moins de six mois. Il avait fait beaucoup en si peu de temps. Il s'était montré bon général, administrateur avisé, colonisateur ardent :
                " Il poursuivait d'une volonté énergique, dit Reynal, la colonisation de la Régence. Il semblait avoir consacré à ce but sa vieille gloire militaire, la puissance de son esprit et le reste de sa vie. Les hommes qui s'identifient à ce point avec l'œuvre qu'ils ont accepté ne sont pas tellement communs qu'il faille, quand on les rencontre, dédaigner leur dévouement. Il avait fait faire un pas énorme à notre domination en établissant dans le pays l'opinion que nous étions fermement résolus à coloniser l'Afrique."

                Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                Alfred Martineau professeur au Collège de France
                Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                Tomme II : L'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930


Les successeurs de Clauzel. Berthezène
Envoyé par M. Christian Graille

                 Clauzel avait déplu parce que trop actif et entreprenant ; le ministre chercha pour le remplacer un homme médiocre et choisit Berthezène qui fut plus docile.
                 Celui-ci n'avait joué sous l'Empire qu'un rôle assez effacé. Tiré de la disponibilité en 1830 pour recevoir le commandement d'une division de l'armée d'Afrique, il avait eu une conduite assez brillante dans l'expédition d'Alger ; comme il passait pour libéral, la presse d'opposition avait fait ressortir ses mérites.
                 Lui-même avait un grand fond de vanité ; convaincu que son prédécesseur n'avait été qu'un brouillon, il était persuadé qu'il ferait beaucoup mieux que lui ; esprit peu ouvert et peu cultivé, il n'avait aucune vue personnelle, croyait tour à tour le dernier qui lui parlait, gardant cependant rancune à ceux qui lui faisaient sentir son infériorité.
                 Son principal soin fut de faire des économies sur ses appointements.
                 Petites expéditions inopportunes et mal conduites, demi-mesures, imprudence, fautes graves, Berthezène pendant les quelques mois où il fut général en chef, a tout cumulé. Les Kabyles de l'Atlas de Blida encerclaient la Mitidja et y multipliaient les attentats.

                 Peu de jours après son arrivée, il entreprit une tournée dans la plaine, emmenant 3.000 hommes. L'idée était bonne mais l'exécution mauvaise. L'armée fit toutes sortes de marches et de contremarches, campant aux portes de Blida et de Koléa sans oser entrer dans ces villes et revint à Alger très fatiguée.
                 Aussitôt les coupeurs de routes recommencèrent leurs exploits et assassinèrent sur le territoire d'El-Ouffia, entre Maison-Carrée et le Fondouk, un caïd qui passait pour nous être dévoué. Une colonne de 4.000 organisée pour châtier les coupables ne donna aucun résultat.
                 De Médéa arrivaient de mauvaises nouvelles ; notre Bey du Titteri, Ben-Omar, appelait au secours. Berthezène entreprit une colonne et parvint sans encombre à Médéa. Mais, arrivé là il ne sut que faire ni quel parti prendre et repartit en emmenant Ben-Omar. La retraite fut désastreuse ; on perdit du monde dans la traversée de l'Atlas et une véritable panique gagna l'armée ; elle ne fut sauvé que par le commandant Duvivier et ses zouaves qui couvrirent la retraite et montrèrent un courage extraordinaire.
                 Les attaques continuèrent dans la plaine et le retour à Alger fut presque une déroute. Kabyles et Arabes nous tinrent assiégés dans Alger où nous étions confinés comme aux premiers jours de la conquête.
                 Berthezène renonça dès lors aux expéditions, qui, disait-il, "inquiètent les tribus et fatiguent les troupes. " Il conclut un arrangement avec le marabout de Koléa, Sidi-Embarek, qui, nommé Agha des Arabes, reçut un traitement de 700.000 francs et s'engagea à assurer la sécurité dans la plaine à condition que nous ne sortions pas de la banlieue d'Alger.

                 A Oran, la garnison envoyée par Clauzel était complètement oubliée. Le général Boyer, vieil Egyptien, qui avait été pendant plusieurs années au service de Méhemet-Ali, réussissait à imposer son autorité dans la ville par des procédés assez rudes qui l'avaient fait surnommer Pierre-le- Cruel. Mais le reste de la province nous échappait complètement et était en pleine anarchie. Dans la province de Constantine, Bône occupée pendant quelques jours en 1830, puis abandonnée, était au pouvoir d'un Kougougli nommé Ahmed qui nous était favorable ; Berthezène y envoya quelques zouaves avec deux officiers français mais un ancien Bey, Ibrahim, s'empara de la Casbah et massacra les deux officiers.
                 L'issue malheureuse de cette affaire réveilla le souvenir de la désastreuse expédition de Médéa et l'opinion publique réclama impérieusement le rappel de Berthezène dont les expéditions avaient si complètement échoué.
                 Il est juste de reconnaître que Berthezène n'avait à sa disposition que 9.000 de troupes, le chiffre le plus faible que nous ayons eu en Afrique. On s'efforça par divers moyens de suppléer à l'insuffisance des effectifs.

                 La loi du 9 mars 1831 et l'ordonnance royale du 10 créèrent la Légion étrangère dont les organisateurs furent le colonel Bernelle et le lieutenant-colonel Conrad.
                 Dans la discussion à la Chambre, Montalembert déclara y voir la certitude que nos établissements de la côte d'Afrique ne seraient point abandonnés :
                 " Je regarde, dit-il, l'occupation d'Alger comme tellement importante aux intérêts de la France, que le ministre qui signerait l'ordre de son évacuation mériterait à mes yeux d'être traduit à cette barre comme coupable de haute trahison envers l'État. "

                 En février 1831 on vit arriver à Alger plusieurs convois de ce qu'on appelait les " Parisiens ". C'étaient d'anciens combattants de juillet auxquels les journées révolutionnaires avaient valu des grades et donné le goût aux armes ; Ayant appris la création d'un corps de volontaires appelés zouaves où les Français étaient admis à côté des indigènes, ils demandèrent d'être transportés en Afrique pour s'y enrôler.
                 Le gouvernement était enchanté de s'en débarrasser.
                 Un certain nombre de ces volontaires parisiens furent dirigés sur Toulon et de là expédiés en Afrique ; Ils formèrent d'abord des compagnies provisoires administrées par les 1er et 2e bataillons de zouaves. Puis Berthezène en forma deux bataillons appelés 1er et 2e bataillons auxiliaires d'Afrique.

                 En juillet 1831, les bataillons de volontaires parisiens servirent à créer le 67e de ligne. Peu après furent crées les bataillons d'infanterie légère d'Afrique, les " zéphyrs " comme on les appela, comprenant les militaires condamnés à des peines non infamantes.
                 On essaya aussi d'utiliser les indigènes comme l'avait déjà tenté Clauzel. Une ordonnance royale du 30 mars 1831 régularisera l'organisation provisoire donnée aux zouaves par Clauzel et une autre ordonnance du 17 novembre 1831 créa, sous le nom de chasseurs d'Afrique, des régiments de cavalerie légère où, comme aux zouaves, on admettait à la fois des Européens et des indigènes.
                 Cette organisation ne donna pas complète satisfaction ; on reconnut par la suite que le mélange des Français et des indigènes dans les mêmes régiments présentait des inconvénients et quelques années après on fut amené à séparer les corps français et les corps indigènes.
                 Cependant les négociations avec le Bey de Tunis pour placer des princes de la famille beylicale à la tête des provinces de Constantine et d'Oran avaient été complètement interrompues par le départ de Clauzel.
                 Dans les instructions données à Berthezène les négociations avec Tunis et le Maroc étaient blâmées et Clauzel censuré pour avoir outrepassé ses pouvoirs entreprenant sans autorisation suffisante des négociations diplomatiques qui dépendaient exclusivement du ministère des Affaires étrangères.

                 Mais bientôt les idées de Sébastiani se modifièrent ; il reconnut que les traités de Clauzel, déclarés inacceptables dans la forme, présentaient de réels avantages et annonça que le Roi ordonnait la reprise des négociations.
                 Le commandant Huder, qui avait été attaché à l'ambassade du général Guilleminot à Constantinople, fut chargé de les renouer ; il partit pour Tunis en passant par Alger, muni d'instructions détaillées du ministre des Affaires étrangères.
                 Il devait éviter la forme d'un traité qui transformerait un gouverneur en vassal ; les Beys seraient nommés par simple arrêté du général en chef pour trois ou cinq ans, le chiffre du tribut ne serait pas fixé, l'article qui nous refusait le droit de tenir garnison dans les provinces serait supprimé Huder devait s'efforcer de persuader le Bey que Hossein que ces modifications qui faisaient des Beys de simples fonctionnaires étaient de " pure forme ".
                 Sur ces entrefaites, l'avènement du ministère Casimir Périer (13 mars 1831) modifia une fois encore les dispositions du gouvernement.

                 Une dépêche de Soult à Berthezène avisa ce dernier que l'occupation définitive de la Régence était décidée et que les traités avec le Bey de Tunis devaient être considérés comme non avenus. Si la France ne voulait plus de traités, les Tunisiens n'en voulaient pas davantage.
                 La publicité donnée aux conventions avait rendu difficile la situation du Bey. Huder qui n'avait pas été atteint par la dépêche de Soult fut très mal accueilli à Tunis. Le Bey déclara impossible d'adhérer aux conditions nouvelles qu'on prétendait lui imposer ; il pouvait accepter pour les princes de sa famille la situation des Beys indépendants et tributaires, non celle de simples oukils (défenseurs nommés pour exercer auprès des juridictions françaises) français. Hossein finit par dire qu'il ne voulait plus d'aucun arrangement relatifs aux deux beylicats, quel que fussent les avantages qu'on pût lui offrir.
                 La question de savoir si Clauzel avait ou non outrepassé ses pouvoirs nous laisse aujourd'hui assez indifférents. Il est plus intéressant de se demander si les Tunisiens auraient réussi à prendre possession de leurs gouvernements ; Il est bien vrai, comme le disait Clauzel, que les Tunisiens étaient les plus civilisés des barbaresques, mais il était vrai aussi, comme le remarquait Berthezène, qu'ils étaient les plus mauvais soldats de Maghreb.
                 L'affaire avait d'ailleurs été conduite avec trop d'inexpérience pour que ce système de domination indirecte, de protectorat, de pénétration pacifique put aboutir. D'autres tentatives du même genre furent faites sous des formes diverses, comme on le verra. Toutes échouèrent et finalement il ne resta plus qu'à conquérir nous-même le pays.
                 Berthezène n'était pas en état de donner à l'administration civile une impulsion quelque peu vigoureuse. Facilement réduit au silence par ceux que leurs positions avaient familiarisés avec la phraséologie administrative, il prit l'habitude de céder sans discussion mais non sans rancune. Il avait d'ailleurs de fâcheuses préventions contre la plupart de fonctionnaires qu'avait employés son prédécesseur ; il les chargea pour la plupart.
                 Le comité de gouvernement prit l'appellation plus modeste de Commission administrative et chaque chef de service se mit à faire de l'administration pour son compte, sans direction d'ensemble ni but commun. L'application du séquestre en particulier se poursuivit dans des conditions déplorables. Elle aurait dû avoir pour effet de protéger les biens des absents ou des bannis et de servir la politique française en plaçant dans la main de l'État des richesses immobilières auxquelles il pouvait légitimement prétendre. Mais la mainmise aussi bien que les restitutions furent opérées sans précautions, sans contrôle, de la manière la plus irrégulière et la plus désordonnée.

Le duc de Rovigo (décembre 1831-mars 1833)

                 Le 23 décembre 1831, Berthezène officiellement avisé qu'il allait être remplacé par le duc de Rovigo. Le 26, il remettait le commandement entre les mains de son successeur. L'Algérie, qui depuis un an avait eu trois chefs, Bourmont, Clauzel et Berthezène, allait en avoir un quatrième.
                 En outre le ministère Casimir Périer, qui avait remplacé le ministère Laffitte donna à l'Algérie une organisation nouvelle. Le gouvernement estima que, s'il avait été nécessaire, dans les premiers temps qui avaient suivi l'occupation, de laisser réuni dans une seule main les pouvoirs civils et militaires, il importait désormais au bien-être de l'établissement que ces pouvoirs fussent séparés, afin que la justice et l'administration civiles pussent prendre une marche régulière.
                 En conséquence, la direction et la surveillance de tous les services civils à Alger, celle de tous les services financiers, tant en deniers qu'en matière, et celle de l'administration de la justice étaient confiées par ordonnance royale du 1er décembre 1831 à un intendant civil, placé sous les ordres immédiats du Président du Conseil.
                 C'était une sorte de gouverneur civil ou de préfet, analogues aux intendants coloniaux de l'ancien régime et comme eux indépendant du gouverneur militaire. Casimir Périer ne pouvant faire d'un administrateur civil le chef du gouvernement à Alger et ne voulant pas le subordonner au commandement militaire, il en fit un fonctionnaire indépendant, relevant directement de lui.
                 Il entendit diriger personnellement toutes les affaires de l'Algérie. Le général en chef conservait seulement, ses attributions militaires, la direction générale de la politique et de la haute police. Un conseil d'administration était institué composé du commandant en chef, de l'intendant civil, du commandant de la station navale, de l'intendant militaire, de l'inspecteur général des finances et du directeur des domaines.
                 Une juridiction criminelle complète fut organisée pour juger les crimes commis par des Français ou des étrangers ; la juridiction des conseils de guerre fut étendue, modifications assez peu heureuses au système établi par Clauzel et qui sentaient l'improvisation.
                 En donnant une sorte d'organisation officielle à la conquête, qui n'avait jusque-là, été régie que par des mesures provisoires, l'ordonnance du 1er décembre 1831 constituait le premier acte public, le premier engagement officiel au sujet de la conservation d'Alger. Mais l'organisation nouvelle, qui détruisait l'unité d'action si nécessaire, présentait de graves défauts. Les attributions de l'intendant civil étaient mal définies ; rien ne réglait ses rapports avec le chef militaire dépositaire de l'autorité politique ; on eut, non pas deux collaborateurs, mais deux rivaux et deux adversaires.

                 En décembre 1831, Casimir Périer annonçait à Rovigo l'envoi d'une instruction destinée à régler la question, mais cette instruction ne fut jamais rédigée.
                 Les difficultés furent d'ailleurs accrues par le caractère des deux hommes que l'on choisit pour appliquer le système, Rovigo et Pichon.
                 Rovigo a été en général sévèrement jugé par les historiens de l'Algérie.
                 L'ancien ministre de la police impériale incarnait le despotisme napoléonien dans ses procédés les plus discutables. Peu soucieux des formes légales, médiocrement scrupuleux dans le choix des moyens, il gouverna l'Algérie comme un Pacha turc. Cependant en matière de colonisation notamment, il se montra clairvoyant.
                 Si l'homme est antipathique, le chef n'est pas sans mérite.

                 Quant au baron Pichon, Conseiller d'État, nommé intendant militaire en même temps que Rovigo était nommé commandant en chef, il n'accepta ces fonctions, dit-il lui-même, " qu'avec répugnance ". Il était anticolonial et n'avait aucune confiance dans l'avenir de l'Algérie. Il avait une grande puissance de travail, une grande franchise mais aucune souplesse ; il était vaniteux, dédaigneux, difficile à vivre, avec un souci excessif de la régularité et de la forme.
                 Dès le début il y eut conflit entre les deux pouvoirs rivaux qu'on avait créés en Algérie. Le commandant en chef et l'intendant se mirent à légiférer chacun de leur côté ; ce fut une pluie de réglementations qui ne firent qu'aggraver le chaos administratif. Les vues de Rovigo et de Pichon s'affirmèrent radicalement opposées sur nombre de points et aucun n'étant tenu d'obéir à l'autre, chacun persévéra dans ses idées saisissant son ministre particulier pour se plaindre de son collaborateur.
                 Le conflit fut particulièrement aigu à propos d'une affaire dite des laines, qui surgit à l'occasion de contributions en nature levées par Rovigo. A Paris même Casimir Périer et Soult ne s'entendaient guère mieux ; ce dernier, hautain, épineux, cassant, voulait faire passer par ses bureaux toutes les affaires d'Afrique.
                 Après la mort de Casimir Périer, le système fut abandonné, l'ordonnance du 1er décembre 1831 rapportée et remplacée par celle du 12 mai 1832 ; le ministre de la guerre reprit la direction exclusive d'Alger, l'intendant civil fut placé sous les ordres du général en chef et Genty de Bussy succéda à Pichon dans ses fonctions.
                 Le système de gouvernement du duc de Rovigo consistait à occuper fortement les ports de la Régence et à dominer le reste du pays par l'intermédiaire des grands chefs feudataires (vassaux, propriétaires d'un fief) indigènes :
                 " Sans la soumission de ces hommes puissants, disait-il, il est impossible de rien obtenir des contrées qui ne sont même qu'à quelques lieues d'Alger. Ils percevraient les impôts et nous en donneraient une partie. Tel est le but qu'il faut atteindre ; on ne le dépassera que lorsque la France, y trouvant un avantage, pourra imposer de nouvelles conditions à la faveur de ses établissements coloniaux. Pendant la paix que les feudataires maintiendraient, la colonisation se développerait très rapidement. Cette combinaison a un autre avantage : c'est de séparer et de mettre en rivalité deux influences remarquables, l'une temporelle, exercée par les grands Cheikhs, l'autre spirituelle, le pouvoir des marabouts. "

                 Cette politique indigène était raisonnable mais Rovigo dans l'application fut violent, brutal, parfois même cruel et perfide. Des indigènes auxquels un sauf-conduit en bonne forme avait été délivré furent traduits en conseil de guerre et exécutés.
                 S'il fallait donner le sentiment de notre force, il convenait plus encore de donner celui de notre loyauté.
                  " Le caractère distinctif du commandement et de l'administration du duc de Rovigo, écrivait le général Brossard, est une impétuosité brusque, violente irréfléchie dans les paroles et incohérente dans son action, autant pour objet de faire prévaloir ses capricieuses volontés, indépendamment de la nature des choses et souvent en dépit de la raison, sans considération du juste et de l'injuste. "
                 Après la capitulation d'Alger le Dey Hussein avait été conduit à Naples. Il n'avait pas perdu tout espoir de reconquérir son trône et noua en ce sens diverses intrigues. Il quitta bientôt Naples pour Livourne où il retrouvait des Juifs algériens et tunisiens. Il essaya de fréter des navires, d'acheter des armes et des munitions et forma des projets de débarquement sur les côtes algériennes qui échouèrent.
                 Aux tentatives plus ou moins vagues de restauration turque et aux intrigues du Dey Hussein semblent se relier les agitations des Maures d'Alger. C'était une erreur absolue de s'appuyer sur cette catégorie d'indigènes qui n'avaient eux-mêmes aucune influence pour asseoir notre domination.
                 " Un indigène, remarque Pellissier de Reynaud (officier et diplomate) se soumettra à un Français parce qu'il reconnaîtra au moins en lui le droit du plus fort, mais vouloir qu'il obéisse à un citadin, à un marchand, c'est lui imposer une humiliation qu'il repoussera de toute la force de son âme. "
                 Rovigo parait l'avoir compris. Et comme les Maures s'agitaient, il en expulsa deux, Bou-Derba et Hamdan, l'ancien Agha nommé par Bourmont et destitué par Clauzel. Ils allèrent à Paris où ils furent accueillis et fêtés : ces pacifiques marchands de poivre furent traités comme les plus grands des fils d'Ismaël.
                 La région que nous occupions autour d'Alger était infime et ne s'étendait qu'à quelques kilomètres autour de la ville ; elle était limitée par une ligne de blockhaus partant de la Pointe Pescade en passant par la Bouzaréa, Dély-Ibrahim, le gué de Constantine, la Maison-Carrée et l'embouchure de l'Harrach. Au-delà régnait le marabout de Koléa, Sidi-Embarek, nommé Agha des Arabes par Berthezène.
                 Rovigo ne voulut pas se résigner au rôle passif dont s'était contenté son prédécesseur. Se méfiant d'Embarek, non sans raison peut-être, il voulut entrer en rapports directs avec les indigènes. L'Agha joua double jeu et poussa les indigènes à l'insurrection, tout en protestant qu'il avait eu la main forcée. Rovigo fit arrêter des marabouts de Koléa parents d'Embarek et imposa aux deux villes de Blida et de Koléa une contribution formidable.

                 Dans la province de Constantine, Bône, évacuée par Bourmont, évacuée par Berthezène, fut occupée pour la troisième fois par la hardiesse d'un jeune officier nommé Yusuf qui devait jouer par la suite un rôle important.
                 La vie de Yusuf, telle qu'il la racontait lui-même, était un vrai conte oriental, dont certains détails sont si étranges qu'ils sont à peine croyables.
                 Né à l'île d'Elbe en 1808, il avait été pris par les pirates en 1815 et emmené à Tunis ; élevé dans le harem du Bey, il avait plu à tout le monde par sa grâce, sa beauté, son esprit et sa bravoure. Une intrigue qu'il noua avec la fille du Bey ayant été surprise, il réussit, avec la complicité du Consul de France, Mathieu de Lesseps, à s'embarquer pour Alger où il arriva en juin 1830.
                 Bourmont l'attacha à son quartier général en qualité d'interprète, puis Clauzel le nomma capitaine dans le corps de cavalerie indigène qu'il venait de créer. Envoyé à Bône par Rovigo avec le capitaine d'artillerie d'Armandy, il se fit donner 25 marins par le commandant du navire qui l'avait amené, s'introduisit dans la Casbah en se hissant avec des cordes, arbora le drapeau français et se maintint dans la citadelle après avoir réprimé une tentative de révolte des soldats turcs qui l'occupaient au nom du Bey de Constantine et qui, après avoir voulu le massacrer, lui témoignèrent le plus absolu dévouement.
                 Quelques jours après des renforts arrivèrent d'Alger puis de Toulon, et le général Monck d'Uzer, nommé au commandement de la place s'entendit fort bien avec les indigènes des environs et trouva parmi eux d'utiles auxiliaires.

                 Dans le reste de la province Rovigo essaya de traiter avec le Bey Ahmed et de lui faire jouer le rôle de vassal que le maréchal Clauzel avait réservé aux princes tunisiens. Hussein avait dit au général de Bourmont : " Si Ahmed se soumet, il vous sera fidèle. " Mais il ne se soumit pas et nous opposa au contraire une très vive résistance.
                 Il fit peser sur la province un joug de fer, confisquant selon son bon plaisir les biens et les femmes de ses sujets. En 1830 il avait amené ses contingents à Alger ; après la capitulation il avait repris le chemin de sa capitale.
                 La politique de Rovigo consista à négocier tantôt avec Ahmed, tantôt avec ses adversaires. D'autre part, d'après certains de nos informateurs, le Bey n'aurait pas été éloigné de reconnaître la suzeraineté de la France et de lui payer un tribut. Cependant il refusa de traiter ; il voulait bien la paix mais non la soumission, car il était sujet de la Porte ; il refusait de payer tribut aux chrétiens et de leur laisser occuper Bône.
                 Ses cruautés augmentaient de jour en jour le nombre de ses adversaires. Toute une coalition comprenant les principaux chefs de la province de Constantine se formait et nous offrait son concours dans le cas où nous voudrions entreprendre une expédition contre Constantine. Il est difficile de savoir si ces offres étaient sincères et dans quelle mesure ces chefs auraient tenu leurs promesses. A ce moment d'ailleurs, Rovigo n'était plus là ; atteint d'un cancer à la gorge il était parti pour la France où il mourut en juillet 1833.
                 Les intérimaires qui le remplaçaient n'avaient pas qualité pour engager une négociation de ce genre.

Le général Voirol (avril 1833-septembre 1834)

                 L'intérim fut fait d'abord par Avizard puis par Voirol. Ce dernier resta dix-sept mois à Alger, plus longtemps qu'aucun des titulaires qui l'avaient précédé ; le gouvernement voulait évidemment réfléchir avant de donner aux possessions d'Afrique une organisation définitive et attendre les conclusions de la commission d'enquête qui avait été envoyée en Algérie.
                 Voirol était un homme sage et raisonnable qui laissa de bons souvenirs parmi les colons et les indigènes. Mais il était gêné par la crainte de faire plus que ne comportait sa situation provisoire. Il était d'ailleurs en conflit avec le général Desmichels qui commandait à Oran.
                 Voirol fut cependant le créateur du bureau arabe. En matière de politique indigène, nous avions agi jusque-là véritablement à tort et à travers, sans connaître ni nos amis, ni nos adversaires. L'Agha des Arabes que nous avions institué et qui avait été tantôt un Français, tantôt un indigène n'avait joué aucun rôle. Nous en étions toujours réduits pour nos relations avec les tribus aux interprètes maures ou juifs.

                 Le cabinet arabe qui se trouvait dans les bureaux du duc de Rovigo n'avait aucune notion de la langue du pays et ne pouvait rien contrôler.
                 Sur les conseils du général Trézel, chef d'état-major, on résolut de créer un bureau qui concentrerait toutes les affaires concernant les indigènes, réunirait les documents et mettrait chaque jour sous les yeux du général en chef la situation du pays et la traduction des lettres les plus importantes. Ce serait à la fois un organe de renseignements pour les opérations de guerre et d'administration pour toutes les affaires indigènes.
                 Dans ce domaine, tant vaut l'homme, tant vaut l'institution. Le premier chef de bureau arabe fut La Moricière, jeune officier du génie qui avait organisé les zouaves et appris l'arabe. Esprit ouvert et cœur généreux, il aimait les indigènes et savait s'en faire aimer.
                 Les actes du duc de Rovigo avaient jeté parmi eux une juste méfiance ; La Moricière les ramena par la franchise de ses manières. Il obtint de Voirol la liberté des marabouts de Koléa que Rovigo avait fait emprisonner et les reconduisit lui-même à leurs familles sans escorte française. Sans reculer devant le danger d'une trahison possible, il se rendit seul également au milieu des Hadjoutes et des Beni-Khelil et eut avec eux des entrevues.
                 Le premier il prouva qu'on pouvait traiter avec les indigènes autrement qu'avec la baïonnette au bout du fusil. Les résultats ne se firent pas attendre ; le commandant de Tinan, envoyé en mission en Algérie par le ministre, constatait que la tranquillité était complète jusqu'aux avant-postes et ajoutait que ce changement était dû à La Moricière. Mais celui-ci fut bientôt appelé à servir ailleurs.

                 Son successeur, M. Delaporte, ancien chancelier du consulat de France à Tanger était un très honnête homme et un orientaliste distingué mais il était âgé, ne montait plus à cheval, ne voyait plus directement les hommes et les choses.
                 Les bureaux arabes qui furent définitivement organisés par Bugeaud ont été un merveilleux instrument de conquête et de pacification ; ils ont fait redouter nos armes, aimer notre justice, notre désintéressement et notre loyauté. Seuls, ils nous ont permis d'établir notre domination dans l'Afrique du Nord.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : L'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté de lettre de Paris - Édition 1930


Les débuts d'Abd-el-Kader
Envoyé par M. Christian Graille

                 Tout l'intérêt de l'histoire de l'Algérie se concentre à cette époque sur la province d'Oran où apparaît celui qui sera notre grand adversaire Abd-el-Kader.
                 Le Maroc avait recommencé ses intrigues du côté de l'Algérie. Il avait même envoyé des représentants à Médéa et à Miliana.
                 Une intervention de notre ministre à Tanger, M. de Mornay obligea le Sultan à mettre une sourdine à ses tentatives qui se continuèrent néanmoins dans la province d'Oran d'une manière occulte et indirecte.
                 L'Algérie occidentale était d'ailleurs en proie à une anarchie complète. Seuls les Douairs et les Smélas, anciennes tribus makhzen des environs d'Oran, après quelques hésitations, se rallièrent franchement à la France. Les autres indigènes cherchèrent un chef et, puisque le Sultan du Maroc ne pouvait pas ou ne voulait pas l'être, ils le trouvèrent dans la personne du jeune Abd-el-Kader.
                 Ce n'était pas un homme d'épée, c'était un personnage religieux, un marabout. Il était le fils d'un vieux chérif des environs de Mascara, nommé Mahi-ed-Din qui passait pour un saint dans la tribu des Hachem ; Ses ancêtres originaires de Médine étaient venus s'établir jadis au Maroc, que son grand-père avait quitté pour le pays des Hachem. Il était en mauvais termes avec les Turcs et avait été emprisonné par eux à Oran ; il échappa à la mort grâce à l'intervention de la femme du Bey qui obtint sa grâce.

                 En 1827 Abd-el-Kader accompagna son père au pèlerinage de la Mecque ; il séjourna au Caire où il fut vivement frappé des réformes accomplies par Méhémet-Ali. Lorsque les Français prirent possession d'Oran, les indigènes demandèrent à Mahi-ed-Din de se mettre à leur tête pour aller combattre les infidèles ; ils assiégèrent Oran au printemps, partirent puis revinrent à l'automne. Ils déployèrent une extrême bravoure mais furent défaits à plusieurs reprises.
                 Le prestige de Mahi-ed-Din n'en fut pas affaibli.

                 Le 22 novembre 1832 une réunion des trois tribus des Hachem, des Beni-Amer et des Gharaba eut lieu en vue du choix d'un chef pour la guerre sainte. Mahi-ed-Din refusa en raison de son grand âge ; il appela son fils Abd-el-Kader et lui demanda comment il exercerait le pouvoir s'il en était investi : " Si j'étais Sultan, répondit le jeune homme, le gouvernerais les Arabes avec une main de fer et si la loi m'ordonnait de faire une saignée derrière le cou de mon propre frère, je l'exécuterais des deux mains. "
                 Mahi-ed-Din sortit de sa tente tenant son fils par la main et dit à la foule qui l'entourait : " Voici le Sultan qui vous est promis par les prophètes. " De bruyantes acclamations ratifièrent ce choix.
                 Abd-el-Kader avait vingt-quatre ans ; il ne possédait que 2 boudjous (3 frs 50) dans le pan de son burnous. Reconnu à Mascara il occupait l'ancienne maison des Beys. Proclamé par trois tribus seulement il lui fallait se faire accepter par les autres.
                 Son autorité et son prestige étaient donc bien faibles à l'origine. Il se rendit à la Mosquée de Mascara, prêcha la paix et la concorde entre les fidèles, promit de les diriger dans la voie de Dieu et de la guerre sainte.
                 Il écrivit à toutes les tribus pour leur apprendre son élévation au pouvoir et leur désigner les hommes qu'il avait choisi être ses khalifats, ses lieutenants. Il ne prit pas le titre de Sultan mais d'émir-el-moumenin, prince des croyants ou du khalifat du Sultan du Maroc. Il envoya des présents à Moulay-er-Rahman et fit faire la prière en son nom.

                 Abd-el-Kader est né des nécessités de la situation, de nos indécisions, de l'anarchie dans laquelle nous laissions les indigènes. Nous avions détruit les Turcs et nous n'avions rien su mettre à leur place. Il se trouva que l'homme était à la hauteur des circonstances. Il fut notre plus noble et notre plus illustre adversaire.
                 Le général Boyer à Oran restait tranquille spectateur des commencements des pouvoirs d'Abd-el-Kader. Il ne le croyait pas redoutable ; il pensait que les tribus ne pourraient jamais rester longtemps d'accord et il voyait déjà plusieurs grands personnages se prononcer contre le jeune chef. Il n'eut d'ailleurs pas longtemps à le combattre car il fut remplacé par le général Desmichels qui prit possession de son commandement le 23 avril 1833.

Le traité Desmichels

                 Ce dernier venait à Oran dans des circonstances particulières qui expliquent les évènements ultérieurs. Il correspondait directement avec le ministre de la guerre sans passer par l'intermédiaire d'Alger et du général en chef qui n'était d'ailleurs qu'un intérimaire, Voirol. Comme il était facile de le prévoir, il en résulta des froissements et des heurts.
                 Desmichels chercha d'abord à donner aux indigènes l'impression de notre force. Il razzia la tribu des Gharabas qui était venue camper dans la plaine du Tlélat à quelques lieues d'Oran. Il occupa Arzew et Mostaganem et livra à Abd-el-Kader un vif combat à Tamezouar. L'émir de son côté avait occupé la ville de Tlemcen. Il ne réussit pas cependant à s'emparer de la citadelle, le Méchouar, dont les Turcs et les Koulouglis lui refusèrent l'entrée ; il fit jeter par-dessus les murs avec des frondes les oreilles des têtes coupées, en attendant, dit-il, la chair de porc que les chrétiens devaient lui apporter.
                 Cependant Desmichels n'avait plus sa belle ardeur du début. Il voyait avec découragement que les opérations militaires demeuraient sans résultat ; la disette commençait à se faire sentir à Oran, Abd-el-Kader ayant défendu aux indigènes de fréquenter nos marchés. Le général songea à faire la paix avec lui et ce projet devint bientôt chez lui une idée fixe.

                 La négociation s'engagea par l'intermédiaire de deux Juifs, Busnach et Mardochée au sujet d'une remise de prisonniers français ; la réponse de l'émir fut assez insolente et il ne répondit même pas à une seconde lettre de Desmichels qui contenait, avec une nouvelle tentative en faveur des prisonniers, des propositions de paix.
                 Une troisième lettre renfermait des offres plus directes encore en vue de l'établissement des relations cordiales entre les Français et les Arabes.
                 Abd-el-Kader répondit qu'il acceptait l'ouverture de conférences ; Il refusa d'avoir lui-même une entrevue avec Desmichels mais envoya son lieutenant Miloud-Ben-Arach pour négocier hors d'Oran avec Mardochée et faire connaître ses propositions.
                 A la suite de cette conférence Miloud porta à Abd-el-Kader le texte de la convention puis revint à Oran et la signa au nom de son maître.

                 Des instructions du ministre de la guerre avaient précisé les clauses qui devaient figurer dans le traité. Abd-el-Kader pourrait être investi du titre et de l'autorité du Bey sur un certain nombre de tribus, à condition :
                 - de reconnaître la souveraineté de la France,
                 - de renoncer à toute liaison contraire à nos intérêts,
                 - de prêter hommage au Roi et de payer un tribut annuel,
                 - de n'acheter qu'en France des armes et des munitions,
                 - enfin d'envoyer à Oran des otages.

                 Mais lorsque la dépêche ministérielle arriva, le traité du26 février 1834 était déjà signé. De la reconnaissance de la souveraineté de la France il n'était pas question dans cet acte, pas plus que les limites dans lesquelles devait se renfermer Abd-el-Kader, ni otages, ni tribut.
                 La convention consacrait la puissance de l'émir qui traitait d'égal à égal avec le général Desmichels, c'est-à-dire avec le Roi puisque le traité devait être soumis à sa ratification. Rien ne manquait pour rehausser son autorité car les deux parties convenaient de s'envoyer réciproquement des consuls et de s'accorder l'extradition des malfaiteurs.
                 Le général Desmichels crut cependant qu'il avait remporté un succès diplomatique alors qu'il avait été joué par l'émir. A Paris, au ministère de la guerre, le traité, qui ne répondait pas aux instructions données, fut une surprise désagréable.
                 On se résigna cependant à l'accepter comme point de départ et il reçut l'approbation du Roi. Il était encore permis de croire que de l'arrangement conclus quels que fussent ses défauts sortirait une paix durable. Le commandant Abdallah d'Asbonne fut envoyé comme consul à Mascara Abd-el-Kader nomma des oukils (défenseurs nommés pour exercer auprès des juridictions françaises) pour le représenter à Oran et à Arzew.
                 Des Français ayant voulu faire le commerce des grains à Arzew, l'oukil de l'émir prétendit les en empêcher, déclarant que le monopole de ce commerce était réservé à son maître. Desmichels protesta qu'il y avait malentendu.

                 Le général s'était en effet laisser duper. Miloud-Ben-Arach avait obtenu qu'il mît son sceau, qui, aux yeux des indigènes, équivaut à la signature, au bas d'une note rédigée et arabe, qui était en contradiction avec le texte français et qui réservait à l'émir le commerce des grains.
                 Desmichels dont la bonne fois n'était pas douteuse, mais dont l'inexpérience et la légèreté furent grandes, a toujours nié l'existence d'un traité autre que celui qu'il avait communiqué au gouvernement. Il refusa de confesser son erreur et s'entêta de plus en plus à mettre en Abd-el-Kader une aveugle confiance.
                 L'émir était aux prises avec deux sortes d'adversaires : les anciennes tribus makhzen, les Djouad qui refusaient leur obéissance à cet homme de zaouïa et les fanatiques qui lui reprochaient de pactiser avec les infidèles.
                 Agha des Douairs au moment de l'arrivée des Français, Mustapha-Ben-Ismaïl, dur et rapace, mais extrêmement brave avait une rare intelligence des choses de la guerre. " Il fut, dit un historien musulman, le principal agent de la prise du Maghreb par les Français. "

                 De 1832 à 1843, il versa son sang à nos côtés sur tous les champs de bataille :
                 " J'ai aidé les Français de toutes mes forces, disait-il, parce que moi, soldat, je ne puis qu'obéir qu'à des soldats. "
                 L'inimitié profonde était profonde entre le jeune marabout et le vieux guerrier :
                 " Je n'ai que deux ennemis, disait plus tard Abd-el-Kader, Satan et Mustapha-Ben-Ismaïl. "
                 Par une singulière aberration, le général Desmichels encouragea Abd-el-Kader à lutter contre les tribus makhzen, lui fournit dans ce but des armes et des munitions. Au combat de Meharez près de Tlemcen (2 juillet 1834), l'émir remporta la victoire. Ce combat presque ignoré des historiens français, eut aux yeux des indigènes une importance beaucoup plus grande que le traité Desmichels.
                 Il marque pour eux la fin de la période de l'anarchie qui durait depuis la chute de la domination turque. L'artillerie d'Oran salua comme une victoire française le succès d'Abd-el-Kader et Desmichels lui fit parvenir ses félicitations. L'émir était maître désormais de tout le beylik de l'Ouest, sauf d'Oran, Mostaganem, Arzew et le méchouar de Tlemcen. Il voulait passer le Chélif et fit écrire à Voirol qu'il allait venir pacifier la province d'Alger ; Voirol lui répondit qu'il le croyait trop sage pour mettre en péril ses nouvelles relations avec la France en s'avançant au-delà du Chélif.

                 Desmichels de plus en plus aveuglé, ne parlait de rien moins que de rendre Abd-el-Kader maître de toute l'Afrique du Nord depuis le Maroc jusqu'à Tunis. L'émir se déclarait assuré de soumettre la province d'Alger, de renverser Ahmed à Constantine, de sorte, disait-il, qu'il ne serait plus question dans la Régence de la domination exécrée des Turcs.
                 " Abd-el-Kader, ajoutait Desmichels, devenu chef absolu des Arabes de la Régence, ne pourrait néanmoins devenir redoutable aux Français gardiens du littoral. "
                  " Notre heure est passée, écrivait un Koulougli, l'heure des marabouts et des bergers est arrivée. Du jour où l'alliance des Français a fait d'Abd-el-Kader un véritable Sultan notre perte a été certaine. "
                 Tout n'est pas à blâmer dans l'œuvre du Général Desmichels qui est un essai pour gouverner les musulmans par l'intermédiaire d'un musulman. Les Français avaient besoin de rencontrer devant eux un pouvoir constitué. Mais il fallait traiter avec les makhzen et les djaoud non avec un personnage religieux dont c'était le métier et la raison d'être de faire la guerre sainte, qui risquait de devenir un héros national.
                 Il fallait en outre obtenir la reconnaissance expresse de notre souveraineté et le paiement d'un tribut qui en eût été le signe.
                 Le diplomate en burnous se montra dans toute cette négociation beaucoup plus habile et plus avisé que le général français.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté de lettres de Paris. Édition 1930




La colonisation
Envoyé par M. Christian Graille

                 C'est peu à peu qu'est nait l'idée de fonder une colonie française sur la terre d'Afrique. Cette pensée est venue d'abord à quelques hommes avisés, puis s'est emparé de l'opinion et a fini par s'imposer au gouvernement.
                 Les partisans de la colonisation disaient qu'il y avait en Europe surpeuplement et surproduction industrielle ; ils escomptaient une émigration de travailleurs et d'artisans qui s'attacheraient au pays nouveau, le fertiliseraient et bientôt se suffiraient à eux-mêmes.
                 Les adversaires de la colonisation objectaient le manque de terres disponibles, l'insalubrité du climat, l'absence de travail rémunérateur pour les ouvriers, le fait que les habitants de l'Afrique ne consommaient rien, ne produisaient rien et que tout commerce avec l'intérieur du continent était rendu impossible par le Sahara.

                 Les Français de 1830 étaient singulièrement ignorants et inexpérimentés en matière coloniale. Nous avions jadis montré la route aux Anglais en Amérique et en Indes, mais ces vieux souvenirs étaient à peu près oubliés, la tradition était perdue.
                 On se représentait vaguement les colonies comme des terres à végétation luxuriante où des escouades de noirs travaillaient dans des plantations de canne à sucre ou de café, destinées à enrichir en quelques années leurs propriétaires.
                 Les colonies c'étaient les " îles ", Bourbon et les Antilles ; De ces pays étrangers sans doute les oncles d'Amérique et les Brésiliens d'opérette. On ne pensait pas qu'il y eût d'autres types de colonies et on avait oublié le mot de Lescarbot (avocat, poète) à propos du Canada :
                 " La plus belle mine que je sache, c'est du blé et du vin, avec la nourriture du bétail. Qui a ceci a de l'argent. "

                 Avant que le gouvernement se fût demandé s'il coloniserait l'Algérie, l'initiative privée avait déjà engagé la question. Les services de l'armée et l'attrait de la nouveauté avaient, dès 1830, entraîné quelques milliers d'Européens.
                 Aussitôt la nouvelle de la prise d'Alger connue, des civils s'embarquèrent pour l'Afrique soit sur les bâtiments de l'État, soit sur ceux du commerce.
                 Le général Clauzel réclamait des communications plus régulières, un départ pour Marseille tous les huit jours ; il demandait des bateaux à vapeur comme le Sphinx qui mettait cinquante-quatre heures seulement tandis que les voiliers mettaient dix, douze ou quinze jours ; mais le Préfet maritime de Toulon lui répondait que les bateaux à vapeur étaient délicats et dispendieux et qu'il fallait leur éviter les longs trajets. D'Espagne, d'Italie, de Malte venaient sur des balancelles nombre de pauvres gens qui mouraient de faim dans leur pays.
                 Quelques jours après la prise d'Alger, il y avait déjà dans la rue de Bab-el-Oued un restaurateur ; dans la rue de la Marine, un hôtel de Malte ; dans la rue des Consuls, un hôtel des Ambassadeurs. Sur des toiles flottantes s'étalaient des enseignes de débits de vin, de charcuterie, de conserves.

                 En janvier 1831 on trouvait à peu près tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie européenne ; la population civile s'élevait à 3.000 personnes des deux sexes et de toutes nationalités. Ce contingent fut bientôt renforcé par 4.500 ouvriers parisiens dont l'envoi en Algérie permit de fermer les chantiers de charité.
                 On a dit beaucoup de mal de ces premiers Européens, de ces " marchands de goutte " Mais, comme le remarque Pellissier de Reynaud (officier, diplomate, historien) ce ne sont pas d'ordinaire les gens aisés et ayant une situation acquise qui émigrent et fondent une colonie. Il y eut d'ailleurs parmi ces premiers émigrants quelques véritables commerçants, quelques capitalistes même, tel Lacroutz, venus comme représentant de la maison Seillière de Marseille qui devint rapidement un des commerçants les plus considérables d'Alger.

Clauzel et la colonisation

                 La colonisation fut sa constante préoccupation autant que le maintien de la domination française et plus que l'administration de notre nouvelle colonie.
                 Il l'adopta résolument, après une rapide enquête sur les ressources du pays, la défendit avec courage dans les conseils du gouvernement et s'appliqua à la réaliser par tous les moyens.
                 Il s'efforça de réfuter les objections qu'on élevait contre la colonisation de l'Algérie. L'hostilité des indigènes, entretenue d'ailleurs par nos fâcheuses indécisions, ne lui paraissait pas une raison suffisante pour renoncer à établir des Européens dans ce pays. Il préconisait à l'égard des musulmans une politique de justice et d'humanité, convaincu que nos adversaires deviendraient plus tard nos meilleurs auxiliaires. Il fallait :
                 - respecter leurs mœurs et leurs croyances,
                 - s'appliquer à les rapprocher de nous,
                 - rappeler à Alger ceux qui s'en étaient momentanément éloignés,
                 - leur ouvrir les rangs de notre armée.

                 Quant à la prétendue insalubrité de l'Algérie, Clauzel, qui avait vécu dans des contrées plus malsaines, estimait qu'elle irait en s'atténuant à mesure que le pays serait défriché et assaini et déclarait l'acclimatation des Européens parfaitement possible. L'absence de terres vacantes et en quantité illimitée comme en Amérique était évidemment un gros obstacle mais il ne paraissait pas insurmontable ; le Domaine avait des terres qu'il pouvait concéder gratuitement comme cela se faisait en Amérique et on pouvait en acheter aux indigènes qui les cédaient volontiers.
                 Sur un point Clauzel faisait fausse route : il croyait, comme la plupart de ses contemporains, l'Algérie à produire du sucre, du café, de l'indigo, en un mot des cultures tropicales, dont la notion, pour les hommes de ce temps, s'identifiait en quelque sorte avec celle de colonie. Il pensait sans cesse à Saint-Domingue et aux États-Unis du Sud.
                 Le botaniste Desfontaines qui avait parcouru l'Algérie avant la conquête fit quelques réserves ; sans nier la possibilité d'y cultiver le coton et l'indigo, il pensait à juste titre qu'on y ferait surtout du blé, de la vigne, des céréales.
                 " Il ne faut pas plus de dépenses, disait Clauzel pour coloniser en occupant que pour occuper sans coloniser. "

                 Quant aux éléments de peuplement, il était éclectique. Il donnait bien entendu la préférence à l'élément français. Il faisait une place à l'élément militaire et espérait qu'une fois libérés un certain nombre de soldats resteraient dans le pays et feraient venir leurs familles.
                 " Nos armées, disait-il, comptent beaucoup plus de prolétaires que de propriétaires et il est permis de croire que, sur 3.000 hommes qui reviennent d'Afrique chaque année, les soldats prolétaires préféreraient pour la plupart y rester avec la perspective d'y acquérir une petite propriété que de retourner en France pour n'y rien posséder. "
                 On leur donnerait six arpents de terre, des outils et des vivres pendant six mois. Clauzel n'excluait d'ailleurs pas les étrangers et voulait détourner vers l'Algérie une partie des 200.000 émigrants qui se dirigeaient chaque année vers l'Amérique ; comme c'étaient surtout des Allemands, Clauzel envoya quelques agents de recrutement dans la vallée du Rhin, à Trèves et à Mayence notamment.
                 A côté de la petite colonisation prolétarienne, Clauzel voulait faire une place aux grandes sociétés financières. En octobre 1830, il créa la Ferme-Modèle, organisée en société anonyme par actions de 500 francs.
                 On attribua à cette société la ferme dite Haouch-el-Dey comprenant 1.000 hectares à l'embouchure de l'Harrach. La location était consentie pour une période de 9,18 ou 27 ans, avec faculté de résiliation et moyennant le prix d'un franc par hectare ; la société pouvait devenir propriétaire à la condition de payer le prix de fermage. Elle était tenue en outre de céder la moitié de son domaine aux colons qui viendraient s'y installer. Cette ferme devait être pour la colonisation un encouragement et un exemple.

                 Après le départ de Clauzel, l'insalubrité, les attaques des indigènes et enfin la constatation que les terres concédées n'étaient pas domaniales amenèrent l'abandon de la Ferme-Modèle, qui, selon le mot d'un de ses adversaires, n'avait pas été le modèle des fermes.
                 Clauzel, voulant prêcher d'exemple, avait lui-même acheté plusieurs propriétés.
                 Il avait agi de même à Saint-Domingue pour encourager les habitants à reconstruire leurs maisons. Mais les temps étaient changés ; bien qu'il n'eût pas, semble-t-il abusé de ses fonctions pour acquérir à meilleur compte et que l'ensemble des immeubles ne valût pas plus de 40.000 francs, les accusations les plus violentes et les plus infamantes furent portées contre lui par son successeur.

La colonisation de 1831 à 1834

                 Les successeurs de Clauzel ne s'intéressèrent guère à la colonisation et parfois même lui furent nettement hostiles. Aussi le courant d'émigration amorcé s'arrêta sous Berthezène ; le gouvernement s'efforçait de décourager les émigrants ; la concurrence des Maltais, des Espagnols et des Italiens, les faibles salaires, le manque de travail, l'incertitude du lendemain firent le reste. A Alger les étrangers ne tardèrent pas à l'emporter.
                 - Les Maltais détenaient le commerce des légumes, l'épicerie, fournissaient le lait ;
                 - les Espagnols faisaient du jardinage ou se plaçaient comme domestiques ;
                 - les Italiens s'employaient aux travaux du bâtiment.
                 Néanmoins les premiers colons de la Mitidja furent tous des Français.

                 Quelques mesures furent prises pour approprier la ville d'Alger à sa destination nouvelle. On s'efforça de la nettoyer car elle était fort sale. On changea le nom des rues, substituant aux noms arabes des noms empruntés à l'antiquité comme Scipion, Micipsa, Jugurtha, Juba ou à la faune africaine comme le Chameau, la Girafe, la Licorne ; on numérota les maisons et on essaya de recenser les habitants.
                 Les ruelles d'Alger, étroites et en escaliers, se prêtaient mal aux besoins de la ville européenne ; on traça comme artères principales les rues Bab-el-Oued, Bab-Azzoun et de la Marine bordées de maisons à arcades et à leur intersection on créa une vaste place dite place du Gouvernement.
                 Ces travaux, commencés par Clauzel furent continués par Rovigo. La mosquée Ketchaoua fut consacrée au culte catholique. Deux belles propriétés des environs d'Alger, dites le jardin du Dey et Mustapha-Pacha devinrent la première un hôpital militaire, la seconde le palais d'été des chefs de la colonie, destination que l'une et l'autre ont conservée.
                 Le service des Ponts et Chaussées fut créé à la fin de 1831 ; quelques réparations sommaires furent faites au môle du port par M. Noël.

                 Le général Voirol fit travailler activement aux routes dont le plan avait été arrêté par Rovigo et en fit construire de nouvelles. Les deux principales furent les routes de Blida, l'une par Dély-Ibrahim et Douéra, l'autre par Mustapha et Birkadem ; les terrassements étaient faits par le génie, l'empierrement par les Ponts et Chaussées.
                 Une colonne élevée sur la route de Birkadem, au point culminant des collines qui dominent Alger, conserve le souvenir des services rendus par Voirol en matière de vicinalité. Ces routes facilitèrent l'accès de la Mitidja où des travaux de dessèchement furent entrepris autour de Maison-Carrée et de Boufarik.
                 La question du domaine fut une des plus difficiles à régler. La destruction des registres des biens domaniaux, l'usurpation de ces biens avaient produit un gâchis complet ; l'administration militaire s'était emparée de tous les immeubles à sa convenance sans se soucier de leur origine et refusait de les rendre.

                 Sous Clauzel, l'inspecteur des finances Fougeroux s'efforça de découvrir tous les biens de l'ancien Beylik et d'empêcher leur aliénation.
                 Un arrêté réunit au domaine non seulement les propriétés du Dey, des Bey et des Turcs sortis du territoire de la Régence mais aussi les biens habous ou bien des fondations pieuses, mesure qui fut très vivement critiquée.
                 Un arrêté de l'intendant Genty de Bussy, du 21 septembre 1832, prescrit à tous les propriétaires des environs de Kouba et de Dély-Ibrahim de présenter leurs titres à jour et heure fixe, faute de quoi il leur serait fait application de l'article 713 du Code civil qui dit que les biens sans maître appartiennent à l'État : mesure inapplicable et qui demeura inappliquée.
                 Un certain nombre de familles musulmanes avaient émigré dans les premiers mois qui suivirent la conquête, afin de ne pas vivre sous la domination des chrétiens.

                 Elles cherchèrent avant de partir à réaliser leur fortune. Comme les Européens n'avaient que de faibles capitaux et que tout le monde, vendeurs et acheteurs, envisageait la possibilité de l'évacuation, les aliénations d'immeubles furent faites moyennant le paiement d'une rente perpétuelle.
                 Ce mode de transaction, très conforme d'ailleurs au droit musulman, garantissait à l'acheteur qu'en cas d'évacuation il ne perdrait jamais que quelques annuités et laissait entrevoir au vendeur la possibilité de rentrer dans son bien.
                 Les rentes furent en général calculées à un taux très bas.

                 Quelques Européens employèrent des procédés tout à fait déloyaux et les indigènes ne furent pas en reste avec eux. Lorsque toutes les propriétés de la banlieue d'Alger eurent été vendues, on voulut acheter dans la Mitidja.
                 On acheta d'abord aux Maures, puis aux gens des tribus. On achetait sans voir l'immeuble, sur des titres faux ; les indigènes vendaient la même propriété à plusieurs personnes, trompaient sur la contenance, vendaient même des immeubles inexistants.
                 Cet accaparement de la propriété foncière par des spéculateurs créait une foule d'embarras à l'administration et faisait monter le prix des terres, au grand détriment de la colonisation et des véritables travailleurs.
                 Cependant quelques vrais colons s'étaient mis à l'œuvre dès le printemps 1831 ; parmi eux se trouvaient le docteur Chevrau, les frères Fougeroux, Vallier, Roches, père de l'écrivain qui fut secrétaire d'Abd-el-Kader, Colombon.
                 Ces premiers propriétaires se groupèrent en une association coloniale. Mais lorsque l'on vit que la pacification ne faisait aucun progrès, les exploitations languirent et on se livra au brocantage des terres en attendant des temps meilleurs.

Un essai de colonisation officielle

                 Dans le courant de 1831 étaient arrivés à Alger 500 émigrants allemands et suisses enrôlés pour l'Amérique et abandonnés par l'agent qui les avaient recrutés. Ils arrivèrent à Alger dans un état de complet dénuement ; on ne savait qu'en faire ; on les logea autour d'Alger sous des tentes et on leur distribua des vivres.
                 Rovigo voulut leur faire donner des terres et demanda à Pichon de caser 650 colons dont 447 allemands et suisses et environ 200 Français ; on aurait attribué deux arpents de terre à chaque colon.

                 Pichon répondit qu'il n'y avait point de terres disponibles. Finalement on fit choix des deux localités de Kouba et de Dély-Ibrahim. Le noyau des terres était à Kouba une ferme appartenant à une mosquée, à Dély-Ibrahim une autre ferme appartenant à la corporation des janissaires.
                 Les villages furent construits sur un crédit de 200.000 francs ouvert à l'intendant civil par le ministre de l'intérieur. Les colons furent divisés en trois classes : ceux qui avaient assez de ressources pour construire leur maison, à qui on donna dix hectares ; les anciens militaires qui reçurent six hectares et enfin les colons sans ressources à qui on attribua quatre hectares.
                 On allotit ainsi 93 hectares à Kouba et 227 à Dély-Ibrahim. Une faible partie seulement fut mise en culture et les villages vécurent surtout du commerce avec la troupe. A Kouba des colons libres s'établirent et prospérèrent. A Dély-Ibrahim la population profita du roulage qui nécessita la construction de la route d'Alger à Douéra. Lorsque Rovigo vit quelle peine il avait eu à caser 500 colons, ses idées se modifièrent et un avis informa le public que désormais nul ne serait reçu à Alger comme colon s'il n'avait des moyens d'existence pour un an.

La colonisation libre

                 Tel fut le premier essai de colonisation officielle.
                 Quant à la colonisation libre, elle se développait lentement sans doute, mais elle progressait néanmoins. Quand on réfléchit aux conditions dans lesquelles se trouvait alors l'Algérie, il n'y a pas lieu de s'étonner que le peuplement européen n'ait pas été plus rapide ; on a au contraire lieu d'être surpris qu'il se soit trouvé en France des gens riches assez audacieux pour venir aventurer en Afrique leur fortune et même leur vie.

                 Parmi les colons qui avaient mis des terres en culture dès le printemps 1832, il convient de citer :
                 - Ventre, agriculteur avisé, intelligent et actif, qui avait 200 hectares à Hussein Dey,
                 - Duchassaing, avocat au barreau de Paris qui était venu s'installer sur un domaine d'une centaine d'hectares à Kouba,
                 - Bonnevialle dans la même localité,
                 - Boutin, gérant de la Ferme Modèle appartenant à Clauzel et à ses associés,
                 - Martin, Mazères, Coupel du Lude, Fruitié, Villaret, Pélissier, Rosey et bon nombre d'autres actifs, entreprenants pourvus de capitaux.

                 En 1832 arrivèrent aussi en Algérie de Vialar, de Tonnac, de Franclieu, de Saint-Guilhem qui devaient être par la suite les pionniers de la colonisation.

L'Algérie en 1834

                 Malgré tous les résultats obtenus étaient médiocres. Nous n'avions ni programme colonial, ni politique indigène, ni système de colonisation. Les chefs locaux étaient éphémères et très souvent médiocres, le pouvoir centrai indécis et hésitant, le parlement encore plus timoré que le ministère.
                 Sauf autour d'Alger dans le Sahel et la Mitidja où s'amorçait un intéressant mouvement de colonisation libre, nous étions enfermés dans l'enceinte de quelques villes Oran, Bône, Bougie et Mostaganem.
                 Dans l'armée, qui s'élevant à 30.000 hommes, l'état sanitaire était mauvais, la mortalité considérable. La population civile s'élevait à 9.750 personnes dont 6.373 à Alger ; les Français comptaient pour la moitié. Le reste se partageait entre Oran (1.484 Européens) Bône (1.238), Bougie(602) Mostaganem (53).

                 Le commerce était languissant faute de sécurité locale et de certitude sur l'avenir de la colonie. Alger importait les objets nécessaires à la consommation de l'armée et exportait de faibles quantités de grains, d'huiles, de laines, de peaux et de cires.
                 Au total les importations atteignaient 8.500.000 francs, les exportations 2.300.000 francs. Ce commerce se faisait presque entièrement sous pavillon étranger ; sur 888 navires, 133 étaient français, non compris les bâtiments de l'État.
                 Tels furent les débuts humbles et lents de notre grand colonie.

Les ordonnances de 1834

                 L'ordonnance du 22 juillet 1834 est un des actes les plus importants de l'histoire de l'Algérie et un des textes fondamentaux de sa législation. Désormais l'ancienne Régence d'Alger, jusque-là simplement soumise à l'occupation de nos troupes, devint une possession française.
                 La même ordonnance mit à la tête de ce nouveau territoire un gouverneur qui prenait le titre de gouverneur général des possessions françaises dans le Nord de l'Afrique ; il était le délégué de l'autorité royale ; en lui se concentraient, sous les ordres et la direction du ministère de la guerre, tous les pouvoirs politiques, civils et militaires sur toute l'étendue du territoire que nous occupions.

                 Un arrêté du 1er septembre maintint auprès du gouverneur général un intendant civil ayant les attributions d'un préfet et chargé en outre de l'instruction publique, de la colonisation, des travaux publics, de l'administration provinciale et municipale ; deux sous-intendants étaient placés à Bône et à Oran, deux commissaires civils à Bougie et Mostaganem.
                 L'ordonnance du 22 juillet 1834 spécifiait expressément que les possessions nouvelles seraient régies par des ordonnances royales et non par des lois.
                 Le chef de l'État était pour l'Algérie législateur comme le Parlement l'était pour la Métropole ; les dispositions réglementaires destinées à assurer l'application et l'exécution des ordonnances étant l'œuvre du gouverneur.

                 Le régime des décrets, édicté en 1834, domine encore aujourd'hui toute la législation algérienne.

                 Une autre ordonnance du 19 août 1834, résultat des travaux de la Commission d'Afrique et en particulier du rapport de M. Laurence, pourvut à l'organisation de la justice.
                 Trois tribunaux de première instance furent crées à Alger, Bône et Oran et un tribunal supérieur à Alger, jouant le rôle de tribunal d'appel ; pour les tribunaux de première instance, l'ordonnance appliquait le principe du juge unique ; des assesseurs musulmans étaient attachés aux tribunaux français pour les assister dans les cas où des musulmans étaient en cause. Cette organisation subsista avec de légères modifications jusqu'en 1841.

                 La question de la conservation d'Alger était désormais réglée et l'occupation de l'ancienne Régence prenait un caractère de permanence qu'elle n'avait pas eu jusque-là.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté de lettres de Paris. Édition 1930



L'occupation restreinte (1834-1840)
Envoyé par M. Christian Graille

                 L'ordonnance de 1834, en instituant un gouvernement général des possessions françaises dans le Nord de l'Afrique, ouvrit théoriquement une ère nouvelle.
                 En fait et en pratique l'indécision continua en France et en Afrique. Pendant six ans encore les changements trop fréquents de gouverneurs et la politique des Chambres françaises soumirent l'Algérie à une série d'épreuves désastreuses.

Drouet d'Erlon

                 Sur le principe même du maintien de l'occupation, la majorité dans le Parlement était résignée plutôt que convaincue. Comme on n'avait le courage ni de répudier la conquête, ni de faire les sacrifices nécessaires pour en tirer parti, on s'efforça de restreindre autant que possible l'occupation et de réduire les effectifs ; ils avaient atteint 31.000 hommes en 1834 ; on parla, sans y parvenir d'ailleurs, de les ramener à 23.000 ou même à 21.000 en 1835. En fait, ils allèrent en augmentant, atteignant 42.000 en 1837, 48.000 en 1838.
                 Mais ces augmentations étaient toujours accordées trop tardivement, lorsque les échecs militaires les avaient rendues indispensables.
                 Les troupes étaient de qualité médiocre. L'Algérie avait perdu la Légion étrangère avec ses 6.000 hommes entraînés à la guerre d'Afrique, cédée à l'Espagne en 1835 par le duc de Broglie.

                 Le choléra de 1835 fit 2.300 victimes dans l'armée ; 4.500 autres étaient indisponibles ; d'autres maladies paludisme et dysenterie éprouvaient les troupes.
                 La proportion des différentes armes était réglée d'après les principes pour la guerre en Europe et ne convenait pas au pays. Point de batteries de campagne, trop peu de cavalerie, trop peu de génie et de train ; des voitures à quatre roues dans un pays sans route alors qu'il aurait fallu des mulets.
                 L'état moral était mauvais, il y eut des cas d'indiscipline, des mutineries même. Les discussions politiques étaient fréquentes entre officiers et se terminaient souvent par des duels. Enfin les méthodes de guerre n'étaient pas adaptées au pays.
                 La première question qui se posait en 1834 était celle du choix du gouverneur général. Parmi les noms cotés se trouvaient le maréchal Clauzel, le duc Decazes, le général Damrémont. Les préférences de Thiers étaient pour un gouverneur civil.

                 A la surprise générale le choix du Roi se porta sur Drouet d'Erlon, vieillard de soixante-dix ans, auquel on ne songeait pas plus pour Alger qu'il ne songeait lui-même à y être envoyé quinze jours avant sa nomination. Ce choix avait sans doute été proposé par le général Gérard qui avait remplacé Soult au ministère de la guerre et qui fit appel à un de ses vieux camarades.
                 Drouet d'Erlon était un homme excellent mais faible et qui n'avait plus assez de forces physiques et intellectuelles pour l'œuvre à entreprendre.
                 Sa droiture de jugement lui faisait discerner au conseil du gouvernement les meilleurs avis mais il hésitait à les mettre à exécution. On abusait au détriment de la chose publique de son manque de mémoire.
                 Il était bridé par le ministre de la guerre qui l'était lui-même par la Chambre. Il partageait par ailleurs l'opinion des partisans de l'occupation restreinte aux seules villes d'Alger, de Bône et d'Oran.
                 En matière de politique indigène, il se laissa, comme plusieurs de ses prédécesseurs, circonvenir par les Maures. Il supprima le bureau arabe et rétablit la charge d'Agha des Arabes, système qui donna d'assez mauvais résultats.
                 Nous étions partout sur la défensive. La division d'Oran était bloquée dans les places de la côte, celle d'Alger inquiétée par les Hadjoutes, Bougie assiégée par les Kabyles, la division de Bône observée par le Bey de Constantine.

Abd-el-Kader : la convention du Figuier et la défaite de la Macta

                 Maître de tout l'ancien beylik d'Oran il voulut profiter des ambiguïtés du traité Desmichels pour s'emparer également du Titteri où l'énergie de Voirol l'avait arrêté.
                 l écrivit aux tribus pour leur annoncer sa venue et fit demander à Drouet d'Erlon les coins de l'ancienne Régence afin de battre monnaie et par conséquent à faire acte de souverain indépendant.
                 Cette démarche indisposa fort le gouverneur qui lui répondit en lui interdisant le Titteri comme l'avait fait Voirol.

                 Mais l'Émir avait à Alger comme chargé d'affaires l'israélite Ben-Durand, homme fort habile, parlant très bien le français, qui parvint à prendre une certaine influence sur l'esprit du gouverneur et à modifier ses idées.
                 Une révolte des Derkaoua, confrérie religieuse très xénophobe, ennemie de tout pouvoir temporel, hostile à Abd-el-Kader autant qu'aux chrétiens eux-mêmes, fournit à l'émir le prétexte qu'il cherchait. Après avoir triomphé de ces fanatiques, il entra à Miliana et à Médéa. Drouet d'Erlon accepta le fait accompli.

                 A Oran le général Desmichels avait été remplacé par le général Trézel, chef d'état-major de l'armée d'Afrique, petit homme mince et grêle, d'une bravoure héroïque et ne craignant pas les responsabilités.
                 Il entra en pourparlers avec les Douairs et les Smélas, les meilleurs cavaliers du makhzen turc, qui occupaient la région comprise entre Oran, le Sig et Aïn-Temouchent et qui offraient à se mettre à notre service à condition que nous nous engagions à les protéger contre Abd-el-Kader. Habitués à collaborer avec les dominateurs du pays ils ne demandaient pas mieux que de jouer auprès de nous le même rôle qu'auprès de nos prédécesseurs.
                 L'Émir, informé de ces pourparlers, somma les Douairs de quitter les environs d'Oran pour venir s'établir dans l'intérieur de la province ; Il voulait ainsi nous isoler dans des places fortes et empêcher tout contact entre les musulmans et nous.
                 Les Douairs refusèrent d'obéir et Trézel prit la résolution de les protéger contre les conséquences de ce refus.

                 Le 16 Juin le général vint camper au lieu le Figuier (aujourd'hui Valmy), à 10 kilomètres d'Oran, et signa avec les tribus makhzen une convention qui les plaçait sous notre souveraineté. Comme on pouvait s'y attendre, Abd-el-Kader refusa d'accepter la convention du Figuier :
                 " Ma religion, dit-il, me défend de me prêter à ce qu'un musulman soit sous la puissance d'un chrétien. "
                 Les hostilités recommencèrent et le 28 juin, dans les marais de la Macta, Abd-el-Kader infligea à Trézel une grave défaite, où nos pertes se chiffraient à 300 tués, 200 blessés, sans compter des prisonniers et du matériel dont l'émir s'empara.
                 Il avait de son côté subit des pertes considérables, 2.000 de ses meilleurs soldats avaient péri.
                 A la suite de l'affaire de la Macta, le général Trézel fut remplacé par le général d'Arlanges et une ordonnance du 8 juillet 1835 donna le maréchal Clauzel comme successeur de Drouet d'Erlon.

Le second gouvernement de Clauzel

                 La défaite de la Macta fut plus qu'une victoire pour l'avenir de l'Afrique. Elle secoua l'apathie générale.
                 L'administration de Clauzel en 1830 avait laissé de bons souvenirs ; on le vit revenir avec enthousiasme ; sa nomination était une satisfaction donnée à l'opinion publique. Le duc d'Orléans l'accompagnait ; il avait eu la permission d'aller, sous les ordres du maréchal, gagner ses éperons sur la terre d'Afrique ; l'Algérie allait désormais trouver en lui un défenseur.
                 Les conditions dans lesquelles Clauzel retrouvait l'Algérie n'étaient plus du tout celles où il l'avait laissée en 1830. Le système de protectorat qu'il avait tenté de pratiquer était devenu, sinon impossible, du moins très difficile. Il fallait se décider à faire la conquête de l'Algérie.

                 Clauzel résolut d'entreprendre une série d'opérations offensives destinées à amener la soumission de l'Algérie en nous installant sur les points stratégiques du Tell intérieur, à Tlemcen, à Mascara, à Miliana, à Médéa, à Constantine.
                 Il voyait juste. Son tort fut de s'entêter dans l'exécution de ses desseins avec des moyens qui n'y pouvaient pas suffire parce que le gouvernement et les Chambres les lui refusaient.
                 Le tort des pouvoirs publics fut qu'avisés des projets du maréchal, ils ne surent ni s'y opposer, ni les approuver formellement. Ils laissèrent faire quitte à lui reprocher, en cas d'échec, d'avoir agi sans ordres : attitude peu digne et peu loyale dont Clauzel se plaignit avec juste raison.

                 Les instructions qu'il avait reçues ne correspondaient guère à ses propres idées. On lui prescrivait :
                 - de ne pas imposer à la France, pour la conservation et l'administration de ses possessions du Nord de l'Afrique, des sacrifices prématurés et hors de proportion avec les avantages qu'elle en retirait ou qu'elle peut raisonnablement en espérer,
                 - de s'abstenir contre les tribus de l'extérieur de toute expédition entreprise sans nécessité évidente,
                 - d'attendre que la sagesse et l'activité de son administration les amènent toutes à comprendre leur véritable intérêt et à se rapprocher de nous.
                 D'ailleurs, ajoutait-on, la diminution des effectifs des troupes d'occupation, devenue inévitable par suite de la réduction des fonds relatifs à leur entretien, nous fait une loi d'adopter cette marche prudente. Mais les bureaux de la guerre furent bientôt, comme lors du premier gouvernement de Clauzel, subjugués par une volonté plus forte que la leur.

Expédition de Mascara et de Tlemcen

                 Clauzel voulait tout d'abord détruire les moyens de gouvernement, de guerre et d'organisation créés par Abd-el-Kader, puis de lui opposer dans Tlemcen un centre de résistance autour duquel se rallieraient nos alliés. Enfin l'occupation de Rachgoun, à l'embouchure de la Tafna, empêcherait les armes et les munitions de lui parvenir de Tanger et de Gibraltar.
                 Dès le mois de novembre 1835 des troupes furent réunies à Oran ; avec les Douaires et les Smélas, elles formaient un corps de 11.000 hommes. Le maréchal, accompagné du duc d'Orléans, vint en prendre commandement ; on devait marcher sur Mascara, enlever à l'Émir sa capitale et y installer un Bey relevant de la France. Abd-el-Kader avait quitté la ville à notre approche emmenant la population musulmane et laissant seulement les Juifs au nombre de 7 à 800 ; Mascara avant cet exode avait été pillé et à moitié brûlée. Une pluie torrentielle avait transformé les rues en ruisseaux ; on n'avait pas de feu pour se sécher, les détachements s'égaraient dans les ténèbres, les aboiements furieux des chiens arabes se mêlaient aux imprécations des soldats.
                 Après quarante-huit heures d'occupation, les troupes évacuèrent Mascara où Abd-el-Kader se réinstalla quelques jours après. L'expédition avait été brillante mais sans profit : la chute de ce que nous appelions la capitale de l'Émir n'avait pas d'importance pour lui.

                 On entreprit ensuite d'aller à Tlemcen où les Français furent accueillis par les Koulouglis qui depuis cinq ans se défendaient dans le méchouar (vaste enceinte faisant partie du palais).
                 Mustapha-ben-Ismaïl vint à la rencontre de Clauzel. L'entrevue des deux vieux guerriers, l'un et l'autre aussi vigoureux de corps ou d'esprit, sous les beaux oliviers qui entourent Tlemcen, fut singulièrement émouvante :
                 " Il y a quelques jours, dit Mustapha, j'ai perdu soixante de mes plus braves enfants ; mais en te voyant, j'oublie mes malheurs passés ; je me remets à toi et avec moi les miens et tout ce que nous avons. Tu seras content de nous. "

                 Puis il prit la tête de la colonne et la guida vers la ville ; il remit à Clauzel cette place qu'il avait gardée pour nous, sans nous et malgré nous (janvier 1836).
                 On laissa à Tlemcen 500 hommes sous le commandement du capitaine Cavaignac ; une contribution de guerre, dont la perception donna lieu à des abus assez graves, fut imposée aux habitants ; elle était destinée à payer les frais de l'occupation et l'entretien, de la garnison.
                 Le maréchal Clauzel proclama après ces deux expéditions que la guerre était finie et Abd-el-Kader vaincu. Il exagérait ; la puissance de l'Émir n'était guère affaiblie, il nous le fit bien voir. Aidé des indigènes, des Traras et des Marocains, il vint bloquer notre camp de Rachgoun et nous infligea, près de là, à Sidi-Yacoub, un échec presque aussi grave que celui de la Mecta ; nous eûmes 40 morts et 300 blessés, dont le général d'Arlanges.

L'Algérie devant les Chambres

                 Thiers arrivé au pouvoir en février 1836, était personnellement favorable à une politique active en Algérie. Il dirigea les affaires d'Afrique avec ses qualités et ses défauts ordinaires. Redoutant l'ingérence éventuelle de la Turquie et du Maroc dans les questions algériennes, il fit signifier par le colonel de la Rue au Maroc un véritable ultimatum et l'amiral Hugon fut envoyé à Tunis avec une escadre ; des deux côtés nous eûmes satisfaction.
                 Mais la commission du budget était très mal disposée et proposait de réduire l'effectif des troupes d'Afrique à 19.000 hommes ; elle ne voulait ni colonisation ni expédition militaire.
                 La question d'Alger fut discutée devant les Chambres en juin 1836. Duvergier de Hauranne (député et journaliste) prononça une violente diatribe contre l'armée et ses chefs et contre l'Algérie elle-même " legs funeste de la Restauration. "

                 Le discours de Thiers fut très éloquent et très ferme :
                 " Je le déclare au nom du cabinet, l'opinion du gouvernement est formelle ; le gouvernement persiste à regarder l'occupation d'Alger comme une chose grande, comme une chose utile pour la France et à laquelle il serait non seulement malheureux mais déshonorant de renoncer. Il y a un instinct profond que je défie les ennemis les plus acharnés de l'occupation de venir braver à la tribune ; je les défie de venir dire : Abandonnons Alger. "
                 Enfin il combattit l'occupation restreinte qui était, disait-il, un non-sens. Guizot (homme politique, historien) appuya les demandes du gouvernement tout en faisant quelques réserves et les réductions de crédits proposées par la commission du budget furent repoussées.

Bugeaud dans la province d'Oran : la Sikkak et la Tafna

                 Des renforts furent envoyés dans la province d'Oran sous la conduite du général Bugeaud qui devait jouer plus tard un si grand rôle dans la guerre d'Afrique et la colonisation de l'Algérie.
                 Né à Limoges en 1784, Bugeaud était le quatorzième enfant du marquis Bugeaud de la Piconnerie ; son enfance avait été très dure ; son père vieux gentilhomme ruiné, avait relégué ses enfants dans une pauvre ferme du Périgord.
                 Son instruction et son éducation furent des plus négligées ; il vagabondait en sabots avec les petits paysans de son âge, se nourrissant de pommes de terre et de châtaignes.

                 En 1804 il s'engagea dans la garde impériale ; fait caporal à Austerlitz, il fit la guerre d'Espagne de 1808 à 1813 et avait atteint le grade de colonel en 1814. Il se retira dans ses propriétés en 1815 et y fit de l'agriculture,
                 - maniant lui-même la charrue et la faux,
                 - substituant l'assolement à la jachère,
                 - défrichant et colonisant,
                 - adressant aux paysans des allocutions en patois pleines de saveur.

                 Il avait repris du service après 1830, était devenu général et député en 1831.
                 Il jouissait de la confiance personnelle du Roi Louis-Philippe qui lui avait attribué les fonctions peu agréables de geôlier de la duchesse du Berry à Blaye.
                 Sa carrière africaine commença en 1836. Chargé de débloquer le camp de la Tafna et d'établir des communications entre ce camp et Tlemcen, il livra à Abd-el-Kader une bataille au confluent de l'Isser et de la Sikkak (6 juillet 1836).
                 L'infanterie de l'Émir fut anéantie. C'était le coup le plus sensible qui eût été porté à notre adversaire, la première victoire remportée par l'armée d'Afrique en rase campagne. Le lendemain les troupes entrèrent à Tlemcen. Bugeaud se borna à sa mission toute militaire qui consistait à ouvrir la route de Tlemcen et rentra en France.
                 Malgré nos succès de Mascara, de Tlemcen, de la Sikkak, la situation générale ne se trouvait pas sensiblement modifiée ; nous étions toujours bloqués dans les villes et Abd-el-Kader toujours maître du pays en dehors de la portée de nos canons. Bugeaud n'avait pas encore sur l'Algérie les opinions qu'il professa plus tard, lorsque, devenu gouverneur général, il préconisa la conquête totale du pays.

                 En 1836 et 1837, il était partisan déterminé de l'occupation restreinte.
                 En avril 1837 il revint en Afrique presque en même temps que Damrémont était nommé gouverneur général. Il était à peu près indépendant vis-à-vis du chef de la colonie comme Desmichels l'avait été vis-à-vis de Voirol.
                 Les inconvénients que cette situation avait présentés la première fois se renouvelèrent. Bugeaud noua, comme son prédécesseur des contacts avec Abd-el-Kader ; comme son prédécesseur aussi il outrepassa les instructions qu'il avait reçues et fit plus de concessions qu'il n'avait été autorisé à en accorder.

                 Aussitôt arrivé, il reçut la visite de Ben-Durand porteur d'une lettre de l'Émir qui paraissait manifester le désir de traiter. Il fit connaître au Juif ses conditions, à savoir la reconnaissance de la souveraineté de la France et la fixation de limites précises à la région dont Abd-el-Kader serait laissé maître.
                 Ces premières bases étaient conformes aux instructions que Bugeaud avait reçues du cabinet ; elles furent envoyées à Paris par le télégraphe et le général reçut l'autorisation de traiter à ces conditions, que le Roi se réservait de ratifier.
                 Mais lorsque cette dépêche parvint à Bugeaud, il avait déjà, perdu en grande partie l'espoir d'un arrangement, car, portées à la connaissance d'Abd-el-Kader, les bases indiquées avaient été aussitôt repoussées. Le général modifia ses premières propositions et accorda à l'Émir le Titteri, contrairement aux instructions du cabinet.
                 Celui-ci, de son côté, entra en négociations avec Damrémont, espérant en menant ainsi deux négociations parallèles, obtenir de l'un des généraux ce que l'autre lui refuserait. Cette ruse si familière aux indigènes, eut un plein succès. Bugeaud furieux échangea avec Damrémont des lettres très vives.

                 Ben-Durand se vantait de son côté de prendre l'argent d'Abd-el-Kader pour diviser et corrompre les khalifats français, l'argent des khalifats français pour corrompre les conseillers de l'Émir.
                 Les plaintes et les récriminations des deux généraux mettaient le ministère dans l'embarras ; il décida que la conduite des négociations serait laissée à Bugeaud, sauf approbation du gouverneur général.
                 De ces négociations résulta le traité de la Tafna (30 mai 1837) par lequel la France se réservait seulement Alger, Oran, Mostaganem, Mazagran et leurs banlieues ; autour d'Alger, le Sahel et la Mitidja, bornée à l'Est jusqu'à l'oued Keddara et au-delà. Tout le reste était abandonné à l'Émir, notamment Rachgoun et le camp de la Tafna, Tlemcen et le Méchouar ; son autorité était reconnue sur le Titteri.
                 Le plus grave c'est que l'on consacrait une fois de plus les prétentions de l'adversaire. La France pouvait entretenir auprès de lui ou dans les villes soumises à son administration des agents qui serviraient d'intermédiaires pour les contestations que nos ressortissants auraient avec les Arabes. La réciprocité était aussi appliquée. Les instructions du gouvernement prescrivaient d'exiger des otages et un tribut annuel : d'otages il n'en fut pas question ; un peu de blé et d'orge, quelques milliers de bœufs une fois donnée tinrent lieu de tribut.

                 Les erreurs et les obscurités du traité Desmichels se retrouvent dans le traité Bugeaud, tandis que le texte français portait que l'Émir reconnaissait la souveraineté de la France, le texte arabe disait seulement : " Le prince des fidèles sait que le Sultan est grand. "
                 Le traité de la Tafna eut un triste épilogue : l'affaire Brossard. Un général français fut accusé et convaincu d'avoir trempé dans les intrigues compliquées du juif Ben-Durand et d'avoir participé aux bénéfices réalisés par celui-ci. Bugeaud, lui-même, qui avait demandé 100.000 boudjous (180.000 francs) pour les chemins vicinaux de la Dordogne, en sortit quelque peu éclaboussé.
                 Le traité de la Tafna, réédition aggravée du traité de 1834 faisait d'Abd-el-Kader le souverain des deux tiers de l'Algérie. Il s'explique par les circonstances et surtout par les intentons du gouvernement, peut-être même au dire de La Moricière, par des instructions secrètes du Roi.

                 La France voulait avoir les mains libres pour réparer l'échec qu'elle venait de subir à Constantine et ne voulait pas entendre parler d'une conquête totale.
                 La responsabilité de la convention doit peser plus encore sur le gouvernement que sur le négociateur. Bugeaud reconnut plus tard sa faute et la répara par les services qui lui assureront à jamais la reconnaissance de la France africaine.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté de lettres de Paris. Édition 1930.




Les expéditions de Constantine
Envoyé par M. Christian Graille

La première expédition de Constantine

                 Si le gouvernement avait ratifié la convention de la Tafna, c'est qu'il avait besoin de la paix dans la province d'Oran, pour ne pas rester sous le coup de l'échec subit devant Constantine par le maréchal Clauzel.
                  En juillet 1836, Clauzel avait fait remettre à Thiers par son aide de camp, M. de Rancé, une note au sujet de ses plans d'occupation étendue et en particulier de l'expédition de Constantine qu'il se proposait d'entreprendre.
                  Thiers approuva les projets du gouverneur et une fois le but arrêté, se montra très large sur les moyens, promit des hommes et du matériel. Malheureusement le cabinet qu'il présidait donna sa démission et fut remplacé par le ministère Molé. Désormais les dispositions changèrent complètement ; plus d'hommes ni de canons.

                  A Paris, le commandant de Rancé soutenait énergiquement la cause de son chef ; il laissa même entendre que, si le gouvernement n'obtenait pas l'exécution des promesses qui lui avaient été faites, il quitterait sa place ; le ministère qui n'aurait pas osé rappeler le maréchal saisit la balle au bond et fit partir pour Alger le général Domrémont avec les pouvoirs nécessaires pour recevoir la démission du maréchal et le remplacer. Mais ce dernier l'éconduit en lui disant qu'il n'avait jamais eu la pensée de mettre le marché à la main au gouvernement et que, s'il regrettait de n'avoir pas tout ce qu'il désirait, il n'en essaierait pas moins de se tirer d'affaire.

                  De 1832 à 1836 Bône avait eu pour commandant le général Monck d'Uzer qui, à la fois ferme et conciliant avec les indigènes, avait obtenu des résultats remarquables. Grâce à son énergie et à sa sagesse, les Européens pouvaient circuler librement dans le pays à une assez grande distance de la place, dans un rayon de quinze lieues environ.
                  Clauzel voulut reprendre dans la province de Constantine, sous une autre forme, ses projets de protectorat de 1830 et songea à Yusuf, dont il s'exagérait l'influence, pour les réaliser.

                  Par arrêté du 25 janvier 1836 il le nomma Bey de Constantine.
                  Yusuf rêvait de devenir effectivement souverain sous notre hégémonie, d'abord à Constantine, puis, peut-être à Tunis. Il avait sa petite armée beylicale, dont l'infanterie était commandée par Allegro, Italien élevé comme lui à Tunis.
                  Il avait ses drapeaux, sa musique, ses bourreaux, tout ce qui, dans l'Afrique du Nord, est l'apanage des monarques. Ses instructions l'autorisaient à agir pour son propre compte toutefois qu'il le jugerait avantageux aux intérêts de la France.
                  Il s'efforça de se constituer un parti et lutta d'intrigues avec le Bey Ahmed. Il prescrivait aux chefs des tribus de venir lui rendre hommage et razziait ceux qui s'y refusaient. Ses procédés étaient ceux d'un pacha turc.

                  Un soir, faisant une partie d'échecs avec son secrétaire Khelil, ancien cadi de Bône, il lui montra une lettre qu'il avait saisie et d'où il ressortait clairement que Khellil le trahissait au profit d'Ahmed. Le secrétaire se leva sans mot dire, salua, sortit de la tente, s'agenouilla devant le chaouch qui, moins d'une minute après cette petite scène muette, lui faisait tomber la tête entre les genoux sur le sol, tout cela avec une tranquillité, une correction parfaites :
                  " On dit, écrivait Duvivier, que Yusuf fait le Bey aussi bien qu'Ahmed. Il porte comme lui un chapelet à la main, il a de plus beaux habits que lui, il lève des contributions comme lui, fait comme lui distribuer des coups de bâton et comme lui couper des têtes sans en demander la permission à personne. "
                  Cependant, dans l'ensemble, les sentiments des indigènes ne lui étaient pas très favorables :
                  " Turc pour Turc, disait l'un d'eux, mieux vaut Ahmed que Yusuf car le premier est gras, le second est maigre et il nous faudra l'engraisser. "

                  Les retards apportés à l'expédition de Constantine et les hésitations à l'entreprendre achevèrent de faire perdre à Yusuf son influence.
                  En août Ahmed sortit de Constantine et excita partout les tribus contre les Français ; son lieutenant Ben-Aïssa vint jusqu'aux environs de Bône et nos alliés nous abandonnèrent.
                  Cependant Yusuf resta jusqu'à la fin de sa vie convaincu que si l'armée s'était présentée devant Constantine en meilleur état, si elle n'avait pas été obligée de compter les heures et si elle avait pu attendre le résultat de ses manœuvres politiques, l'entreprise aurait réussi. Clauzel avait la même opinion.

                  En fait, la véritable cause de l'échec fut l'obstination de Clauzel à vouloir entreprendre l'expédition sans moyens suffisants et surtout dans une saison trop tardive. Il convînt, lui-même, qu'il aurait dû y renoncer. L'ardeur de son imagination, la force inflexible de sa volonté et le besoin qu'il avait du succès lui firent prendre ses illusions pour des réalités.

                  L'expédition de Constantine est assurément la page la plus tragique de la conquête de l'Algérie. On avait réuni péniblement 7.400 hommes et 1.300 chevaux ; on n'avait presque pas de mulets, peu d'artillerie et de munitions. Cette troupe fut engagée dans un pays inconnu, ayant contre elle la saison, la maladie, la distance, la famine, la politique et toutes les chances militaires.
                  Le mauvais temps, les fièvres éprouvèrent l'armée avant qu'elle se mit en route. 2.000 hommes entrèrent dans les hôpitaux.

                  Le 13 novembre 1836, le quartier général et le gros des troupes commencèrent leur mouvement ; on fit route par Guelma ; le 22 seulement n arriva devant Constantine.
                  Pendant ces huit jours il n'y eut pas un engagement sérieux mais des combats sanglants auraient fait moins de mal que n'en causèrent les intempéries.
                  La pluie avait défoncé le sol, gonflé les torrents, exténué les hommes et les animaux. Après de pénibles journées il avait fallu s'atteler aux voitures du convoi, marcher dans l'eau glacée des rivières ; le bois manquait pour allumer les feux du bivouac.

                  Dans la nuit du 20 au 21 la neige se mit à tomber ; des soldats moururent de froid ; beaucoup étaient malades et les plus valides ne valaient guère mieux ; sans avoir vu l'ennemi, l'armée était harassée. Lorsqu'elle se présenta devant Constantine elle fut reçue à coups de canon. Ahmed avait quitté la ville mais son lieutenant Ben-Aïssa y était resté ; tout était prêt pour la résistance.
                  La position de Constantine est formidable. La ville occupe la surface d'un rocher entouré sur trois faces par un ravin, véritable abîme de 30 à 60 mètres de profondeur dans lequel roule et gronde le Rummel ; on ne pouvait l'approcher que du côté de l'Ouest où une langue de terre, le Koudiat-Aty, rattache le rocher au reste du pays.

                  Avec les faibles moyens dont on disposait, des munitions et des vivres en quantité insuffisantes, il ne fallait pas songer à un siège en règle. Le mauvais état des routes ne permettant pas de conduire des canons jusqu'à Koudiat-Aty, on les installa sur le plateau de Mansoura et on ouvrit le feu contre la porte d'el-Kantara, à laquelle aboutissait un pont jeté sur le Rummel. L'attaque tentée de ce côté ayant échoué, le maréchal Clauzel ordonna la retraite.
                  A peine le mouvement s'était-il dessiné que les indigènes sortirent en foule de la ville ; d'autres accoururent de tous les points de l'horizon ; 6.000 d'entre eux se jetèrent sur l'arrière-garde, massacrant les malades et les blessés.
                  L'héroïsme de Changarnier, qui fit former le carré à ses 300 hommes du 2e léger et chargea l'ennemi à la baïonnette, ralentit la poursuite.
                  Clauzel montra une remarquable fermeté ; veillant à tout, se portant sur les points menacés, relevant les courages par sa tranquille vaillance.

                  Le 1er décembre, l'armée rentra à Bône ; elle avait perdu un millier d'hommes, le huitième de l'effectif engagé, moins par le feu de l'ennemi que par les maladies ; elle avait été vaincue par le froid, la faim et la fatigue.
                  Clauzel fut rappelé et Yusuf fut enveloppé dans sa disgrâce.
                  En janvier 1837 la question d'Afrique fut abordée à la Chambre des députés.
                  Pour Bugeaud, le système moyen qui consistait dans la clémence, dans les bons procédés, dans la justice ne pouvait être appliqué qu'en temps de paix. Il fallait que l'expédition de Constantine ne soit pas un fait isolé mais qu'elle se rattache à un plan général ; 45.000 hommes étaient nécessaires pour se montrer forts partout pour frapper le moral des Arabes.

La deuxième expédition de Constantine : Damrémont

                  Ces idées étaient en désaccord avec les résolutions prises par le ministère Molé ; le système de l'occupation restreinte et du progrès pacifique l'emportait une fois de plus. Les instructions données au général Damrémont appelé le 12 février 1837 à remplacer Clauzel précisaient que la France souhaitait la sécurité et l'extension de commerce, donc l'accroissement de son influence en Méditerranée.
                  La guerre était un obstacle à tous ces résultats. Alger, Oran, Bône et leurs environs devaient être occupés et le reste abandonné aux chefs indigènes. La pacification était désormais l'objectif principal à atteindre. Pour appliquer ce programme on essaya de traiter avec Abd-el-Kader dans l'Ouest et Ahmed à l'Est.
                  La première négociation, confiée à Bugeaud, aboutit au traité de la Tafna.

                  La seconde fut menée par Damrémont. La France se serait réservé la banlieue de Bône et de la Calle ; dans le reste de la province, elle aurait eu un droit de suzeraineté, affirmé par le paiement d'un tribut annuel, Ahmed ne s'expliqua pas pourquoi on lui faisait des conditions moins avantageuses que l'Émir.
                  Lorsque l'on s'aperçut que l'on ne parviendrait pas à traiter avec Ahmed, Damrémont lui adressa un ultimatum. Des troupes furent rassemblées et la marche sur Constantine commença.

                  Pas plus que l'année précédente, l'ennemi n'avait essayé de livrer bataille en rase campagne ; il avait, dans la ville, concentré tous ses moyens de défense.

                  Ben-Aïssa conduisait la résistance pendant qu'Ahmed couvrait le pays avec ses cavaliers.
                  Le général en chef envoya une sommation à Ben Aïssa qu'il méprisa.

                  Le 12 Damrémont fut tué d'un boulet en plein corps pendant qu'il examinait une brèche et causait avec le duc de Nemours. Valée prit le commandement et ordonna l'assaut pour le lendemain. Trois colonnes avaient été formées.
                  Le 13, La Moricière, suivi de ses zouaves, escalada la brèche et se précipita dans la ville ; des rues barricadées, des fenêtres étroites, des maisons crénelées s'échappait une fusillade terrible ; un mur s'écroula, écrasant dans sa chute le commandant Sérigny et tout un peloton du 2e léger. Cependant on continua d'avancer.

                  Tout à coup une violente explosion éclata, un magasin à poudre venait de sauter ;
                  La Moricière, brûlé à tel point qu'on le crut aveugle fut conduit à l'ambulance.

                  A l'intérieur le combat de rues se poursuivait avec acharnement ; enfin la caserne des janissaires, principal centre de résistance, fut emportée. Les notables ayant fait leur soumission, on fit cesser le feu et on prit possession de la Casbah.

                  Pendant l'assaut un bon nombre d'habitants, pour échapper aux Français, avaient attaché des cordes au-dessus de l'abîme où coule le Rummel et avaient cherché à s'enfuir par ce moyen ; quelques-uns y parvinrent, mais bientôt les cordes se rompant sous leurs poids, ces malheureux se tuèrent dans une horrible chute au fond du gouffre.
                  Ben-Aïssa avait pris la fuite ; Ahmed, qui suivait du haut d'une colline les diverses phases de la bataille, tourna bride et partit au galop dans la direction du Sud.

                  La prise de Constantine ajoutait une page glorieuse aux annales militaires de la France. Et puis les guerres de l'Empire, aucun évènement n'avait aussi profondément remué la fibre nationale.
                  Le ministère et le comte Molé n'osaient pas encore envisager la pensée d'occuper définitivement Constantine, situé si loin de la mer ; c'était en effet une grave entorse au système de l'occupation restreinte. Mais l'opinion publique n'aurait pas compris qu'on renonçât si vite à une conquête si chèrement achetée. On résolut donc de s'y maintenir au moins provisoirement et le général Valée y laissa une garnison de 2.900 hommes.

Le maréchal Valée gouverneur général (1837-1840)
L'organisation de la province de Constantine

                  En arrivant à Bône, Valée y trouva sa nomination de gouverneur général- intérimaire. On avait pensé à Bugeaud mais il était très impopulaire en raison de ses opinions réactionnaires et comme auteur du traité de la Tafna.
                  Pour décider Valée à accepter ce poste on lui envoya le bâton de maréchal et sa nomination à titre définitif.

                  Né en 1773 il appartenait à l'arme de l'artillerie ; il était très cultivé et doué d'une grande puissance de travail, sombre et taciturne, ne faisant part à personne de ses intentions et de ses projets ; il était âpre et rude mais le fond était plus bienveillant que la forme.

                  La famille royale lui témoignait une sympathie particulière à laquelle il répondait par un dévouement complet. Il était l'homme du Roi et du prince royal.

                  Il entendit exercer le pouvoir dans toute sa plénitude. Il rétablit la discipline dans l'armée et fit connaître qu'il n'y aurait pas en Algérie d'autre volonté que la sienne. Dans l'ensemble, l'administration du maréchal fut sage, quoique sans grand éclat.

                  Il avait divisé le territoire en trois zones :
                  - L'une gouvernée par les chefs indigènes sous l'autorité des commandants supérieurs des provinces,
                  - la seconde divisée en cercle commandés par des officiers français et occupés militairement par nos troupes,
                  - la troisième enfin soumise à l'action des pouvoirs civils.
                  Il préconisant les camps permanents plutôt que les colonnes mobiles, la guerre défensive plutôt qu'offensive.
                  Les zouaves devinrent des corps exclusivement français.

                  Il appliqua les méthodes d'administration indigène qui furent par la suite étendues à toute l'Algérie. Les arrêtés du 30 septembre et du 1er novembre 1838 qui ont laissé des traces durables dans l'histoire de l'Algérie et qui ont été le point de départ de nos relations avec les grandes familles indigènes posaient les principes de l'organisation de la province de Constantine.

                  La France se réservait l'administration directe des deux subdivisions de Constantine et de Bône. Le reste de la province était confié à de grands chefs indigènes placés sous l'autorité du commandant supérieur de ladite province. C'étaient plutôt des vassaux que des fonctionnaires car il fallait recourir à des procédés pratiques et peu dispendieux. On ne recherchait ni des administrateurs ni des fonctionnaires mais des alliés puissants et influents, des gens dont le nom, les antécédents, la situation familiale nous feraient accepter par les populations. Nous ne pouvions demander autre chose qu'un concours politique et militaire.

                  Gabriel Hanautaux de l'Académie française
                  Alfred Martineau professeur au Collège de France
                  Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde. Tome II
                  l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des Lettres de Paris. Édition 1930




Abd-el-Kader et son gouvernement : l'homme et l'œuvre
Envoyé par M. Christian Graille

                 Après le traité de la Tafna, il y eut, jusqu'à la proclamation de la guerre sainte par Abd-el-Kader, deux ans et demi de paix relative avec la France. (30 mai 1837- 20 novembre 1939).
                 C'est pendant cette période que notre adversaire montra véritablement du génie dans ses essais pour :
                 - créer un État,
                 - le pourvoir de ses organes,
                 - fonder une armée régulière,
                 - étendre son autorité,
                 - détruire ses ennemis,
                 - grouper autour de lui tous les indigènes.
                 Il était connu par de nombreux documents émanant d'Européens qui l'avaient approché à des titres divers, consul comme Daumas, Français à son service comme Roches, prisonnier comme le lieutenant de vaisseau Alby.
                 Lui-même a beaucoup écrit.

                 Il avait des qualités qui en imposent aux indigènes. Il était élégant et beau, orateur remarquable, très courageux, le plus vaillant, le plus habile des cavaliers de sa tribu. Il était cruel ou généreux suivant le besoin, bienveillant ou sévère par calcul.
                 En 1837 il a vingt-neuf ans.
                 Léon Roches, Alby, Berbrugger, de Lacroix, Scott nous ont tracé son portrait. Il était de petite taille, ses pieds et ses mains étaient d'une finesse et d'une blancheur extrêmes. Il avait le teint mat, le front large et élevé, le nez légèrement aquilin, les lèvres minces ; les yeux qu'ils tenaient généralement baissés étaient doux et très beaux ; une barbe noire encadrait son visage. Il affectait une extrême simplicité dans ses vêtements, jamais d'or, jamais de broderies sur ses burnous. Il avait les pieds nus dans les babouches. Il tenait dans sa main droite un petit chapelet qu'il égrenait sans cesse. Il avait un air de douceur mélancolique avec quelle chose d'ascétique : la physionomie d'un moine guerrier.

                 A Mascara il habita la maison du Bey mais ne s'y plaisait pas et préférait la tente.
                 Il se levait avec le jour, faisait la prière puis tenait conseil dans sa tente.
                 Comme il dormait fort peu la nuit, il faisait ordinairement la sieste puis expédiait ses ordres. Chaque jour il remplissait les fonctions d'imam, de directeur de la prière car le Prophète a dit que la prière en commun est la plus agréable à Dieu ; chaque jour il prononçait un sermon, soit dans sa tente, soit à la mosquée, si par hasard on se trouvait dans une ville. Il disait que l'homme qui ne prie pas, à quelque religion qu'il appartienne est pire qu'un porc.
                 Sa frugalité était extrême ; ses repas se composaient de rouïna, farine délayée dans un peu d'eau, de fruits secs, de couscous, d'un peu de viande bouillie ; comme boisson du lait aigre et de l'eau, rarement du café. Ses secrétaires et les personnages qui l'entouraient goûtaient peu cette frugalité et ne l'imitaient pas quand ils étaient hors de sa vue.
                 L'Émir avait une profonde vénération pour sa mère Lalla-Zohra ; il n'avait qu'une seule femme, sa cousine germaine Zeïneb. Comme fortune personnelle il ne possédait que l'espace de terre que peuvent labourer en une saison deux paires de bœufs et un troupeau de moutons dont la chair servait à offrir l'hospitalité à ses visiteurs, la laine à tisser ses vêtements et ceux de sa famille.
                 Il ne se reconnaissait pas le droit de toucher au trésor pour ses besoins personnels, excepté pour l'achat de chevaux et d'armes comme cela est prescrit par le Prophète. Il était le gardien le plus économe et le plus vigilant de la richesse publique ; il ne prélevait absolument rien sur les impôts que lui versaient les tribus. Son seul luxe était celui des chevaux qu'il aimait beaucoup, en particulier un grand cheval noir dont le Sultan du Maroc lui avait fait présent et qui dansait au son de la musique.
                 Lettré musulman, même au milieu des préoccupations de la guerre il trouvait le temps de se livrer à l'étude. Après la prise de Mascara il eut beaucoup de chagrin de voir sa bibliothèque tomber entre nos mains.

                 Plus tard dépouillé de tous ses titres, il en conserva un que la fortune ne pouvait lui ravir : celui d'hommes de lettres. En 1852, lorsqu'il vint à Paris avant de se rendre à Damas, il demanda à faire partie de la société asiatique. Il a laissé des poèmes et des ouvrages philosophiques. Ses vers sont assez difficilement traduisibles, comme ceux de toutes les poésies arabes dont le charme réside dans le rythme et dans les images. Le plus connu est celui intitulé rappel à l'intelligent, rappel à l'indifférent. L'Émir condamnait les athées, ceux qui disaient que le présent valait mieux que le futur, le certain que l'incertain.

                 Le camp d'Abd-el-Kader avait une forme circulaire ; les tentes de l'infanterie en formaient les limites ; celles de la cavalerie se trouvaient au milieu, les chevaux attachés au dehors et entravés par une corde ; chaque tente renfermait quinze ou vingt hommes.
                 Au centre du camp se trouvait la tente de l'Émir devant laquelle était ménagé un vaste espace libre ; vingt esclaves nègres la gardaient. Elle était très vaste (15 mètres sur 6) et garnie intérieurement de draps de diverses couleurs ; un rideau la séparait en deux parties : l'une réservée au sommeil de l'Émir, l'autre dans laquelle il donnait ses audiences.

                 La musique militaire composée de hautbois, de grosse caisses, de timbales jouait trois fois par jour devant sa tente : à midi, à quatre heures et à huit heures du soir. A côté de sa tente étaient celles de ses secrétaires et des hauts fonctionnaires, un peu en arrière celles qui renfermaient les munitions, les vivres, les cadeaux.
                 Les secrétaires et les grands personnages restaient debout devant l'Émir ; lorsqu'il avait un ordre à leur donner, il leur faisait signe, leur parlait à voix basse, puis ils se retiraient à reculons.
                 Lorsqu'on était en marche ou en campagne, les réguliers et le convoi étaient en avant, puis venaient les cavaliers auxiliaires irréguliers.
                 Autour de l'Émir se trouvait la musique, les porte-drapeaux, les nègres de son service personnel. Au bout de quelques kilomètres, malgré toutes les prescriptions, ce n'était plus qu'une cohue désorganisée. On marchait à petites journées et on ne faisait point de haltes.

                 Si l'on voulait combattre ou effectuer une razzia, on laissait le camp à la garde d'un nombre suffisant de réguliers et l'opération se faisait avec les troupes les plus légères et les mieux montées.
                 Lorsqu'on arrivait à l'étape, en un clin d'œil, les tentes étaient montées, le convoi déchargé, les chameaux baraqués, les mulets attachés, les sentinelles posées. L'émir entrait alors dans le camp en faisant caracoler son cheval.
                 Au moment où il mettait pied à terre devant sa tente, on tirait trois coups de canon.
                 Tout ce cérémonial est celui qui s'est conservé très exactement jusqu'à nos jours chez les Sultans du Maroc, auxquels il avait été visiblement emprunté par Abd-el-Kader. D'ailleurs il se faisait appeler le plus souvent Khalifa-Sultan-el-Gharb, le lieutenant du Sultan du Maroc.

                 Dans la première partie de sa carrière, des liens étroits l'unissaient à Moulay-Abd-er-Rahman qui lui envoyait des chevaux, des armes, de l'argent, des soldats ; plus tard le Sultan craignit que l'Émir, chérif comme lui-même, constituât par son prestige, un danger pour sa dynastie ; il le soutint plus mollement, puis l'abandonna.
                 Si Abd-el-Kader désirait le pouvoir, ce n'était pas comme le Bey de Constantine et comme tant d'autres chefs indigènes avant ou après lui, pour satisfaire ses appétits et ses vices ; il était sincèrement et profondément religieux.
                 D'autre part, seul parmi les musulmans de l'Afrique du Nord, il eut la conception d'un véritable État, avec des fonctionnaires au service du pays et non au sien propre, une caisse publique qui ne se confondait pas avec sa cassette particulière,, une armée régulière.
                 Nous ne lui laissâmes pas le temps de réaliser cette conception, à laquelle d'ailleurs les indigènes, qui ne la comprenaient pas, refusèrent en général de se rallier.
                 Deux moyens s'offraient à l'émir pour combattre les Français : s'appuyer sur le sentiment religieux et emprunter aux chrétiens leur organisation.
                 Il employa ces deux moyens simultanément, bien qu'ils fussent assez difficilement conciliables.

                 Son gouvernement était essentiellement théocratique. Il interdisait sévèrement le jeu, le tabac, la prostitution. Il exigeait la stricte observation des pratiques religieuses, s'efforçait de propager l'instruction, de faire régner la justice.
                 Mais il se heurta aux obstacles que rencontraient tous les gouvernements théocratiques. Les indigènes de l'Afrique du Nord, capables de fanatisme dans un moment de surexcitation, étaient au fond peu religieux.
                 Un jour, dans un combat contre les Français, un caïd, voyant un cavalier s'éloigner du champ de bataille lui cria : " As-tu peur de la mort ? Ne sais-tu pas que si tu meurs en combattant l'infidèle, quarante houris t'attendent au ciel ?
                 _ Fathma me suffit répondit l'autre sans se retourner.

L'organisation administrative

                 Abd-el-Kader divisa l'Algérie en un certain nombre de khalifaliks ou grands gouvernements. Chacun était partagé en aghaliks, chaque aghaliks en caïdas, chaque caïda en cheikhats.
                 Les khalifats ou gouverneurs de province réunissaient entre leurs mains tous les pouvoirs civils et militaires ; il en était d'ailleurs de même des fonctionnaires d'ordre inférieur qui leur étaient subordonnés ; point de séparation des pouvoirs, point de conflit d'autorité.
                 Les chefs, chacun dans leur sphère étaient responsables de maintien de l'ordre et de l'exécution des lois religieuses.

                 Les choix de l'Émir furent guidés par deux considérations : le dévouement à sa personne et l'influence traditionnelle sur les populations. Il écarta, autant que possible, la noblesse militaire, les djouads et les anciens représentants du gouvernement turc et donna la préférence à la noblesse religieuse et aux marabouts.
                 Il renonça à l'ancien système d'après lequel chaque nouveau promu payait en échange du burnous d'investiture une somme d'argent proportionnelle aux bénéfices de sa fonction. Il avait essayé de remédier à la vénalité des charges qui est la plus grande plaie des pays musulmans et s'efforçait de protéger les indigènes contre les exactions des chefs ; mais il ne se faisait pas d'illusion sur les résultats.
                 Les circonscriptions administratives étaient d'importance et d'étendues inégales ; les limites variaient selon qu'il voulait agrandir ou diminuer l'influence des titulaires du commandement et le nom même changeait suivant que telle ou telle tribu exerçait la prépondérance.

                 En 1839 au moment où la puissance de l'Émir était à son plus haut degré, on comptait 9 khalifaliks. Le centre de sa puissance était la province d'Oran ; à mesure que l'on s'en éloignait, son influence diminuait ; dans la province de Constantine, on l'ignorait ; les grandes tribus sahariennes échappaient à son emprise ; enfin les Kabyles lui refusaient leur concours.
                 Il ne réussit pas, avec les indigènes, à réaliser l'union. Leur anarchie, leur manque d'esprit politique ne lui permirent pas de constituer un gouvernement national. Le refus de concours des Kabyles en particulier contribua puissamment à sa défaite. Après la convention de la Tafna il gagna en puissance matérielle mais perdit en influence religieuse car il avait pactisé avec des infidèles.
                 Il s'efforça alors d'avoir une armée, des approvisionnements, de lever des impôts, mais les impôts font haïr celui qui les reçoit. Des chefs rivaux se dressèrent contre lui ou refusèrent de lui obéir. Enfin même chez les tribus qui lui étaient le plus dévouées, la lassitude vint vite et de plus en plus nombreux furent parmi les indigènes ceux qui aspiraient à la paix.

L'organisation financière

                 La perception de l'impôt a toujours donné lieu dans les pays musulmans à de sérieuses difficultés. L'impôt n'y est en principe qu'une aumône régularisée, une obligation de caractère religieux qui s'est transformée peu à peu en un obligation politique. Comme les gouvernements en général n'observent guère les règles imposées par le Prophète pour la répartition de l'impôt, les musulmans en prennent prétexte pour s'y soustraire.

                 Le trésor public était alimenté en premier lieu par l'achour, dîme des céréales, perçue en nature ; les grains étaient versés dans les silos de l'État ; ils servaient à l'approvisionnement des colonnes expéditionnaires et à l'ensemencement des terres de l'État ou des laboureurs pauvres. Pendant la paix une partie était vendue à Arzew, Ténès et Cherchell et utilisée en achats d'armes et de munitions.
                 - La Zekkat, impôt sur les troupeaux était perçue soit en nature, soit en argent ; les chevaux en étaient exemptés. A ces deux impôts se joignaient :
                 - la manouna, contribution extraordinaire en argent pour l'entretien de l'armée,
                 - les Kheltia, amendes collectives imposées aux tribus qui avaient commis quelque faute,
                 - le halk-el-burnous, droit d'investiture, les revenus domaniaux, les produits des razzias.

                 Le produit total et naturellement difficile à évaluer ; à certains moments il y eut peut-être deux millions et demi dans les caisses. La frappe de la monnaie étant un des attributs de la souveraineté, l'Émir fit venir d'Alger le Maure qui était chargé de ce service du temps des Turcs. Cette organisation financière, meilleure que celle des Ottomans était encore bien imparfaite ; la lutte continuait, en dépit des efforts de l'Émir, entre les exactions des collecteurs et les ruses des contribuables.

L'armée

                 Abd-el-Kader fit les plus grands efforts pour se constituer une armée régulière et une artillerie. Il disposait bien de tous les hommes valides des tribus qui devaient se rendre auprès de lui à la première réquisition, mais ils ne restaient que peu de temps. Dès qu'ils s'éloignaient de chez eux, ils étaient inquiets pour leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux ; après un échec ils disparaissaient. Les anciennes tribus makhzen s'étaient prononcées contre lui ; il lui fallait donc un noyau de soldats de métiers, de réguliers.
                 L'armée comprenait de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie ; elle se recrutait par engagements plus ou moins volontaires car en fait, chaque tribu était astreinte à fournir un contingent proportionnel à sa population ; elle envoyait ordinairement les pauvres, les orphelins, les mauvais sujets.

                 L'organisation s'inspirait de celle des Turcs.
                 Les secrétaires assuraient le service administratif ; ils étaient à la fois comptables, fourriers, aumôniers. Il y avait en outre un porte-drapeau, des tambours, un chaouch, à la fois messager, gendarme et bourreau, un cuisinier.
                 L'infanterie portait le saroual (pantalon d'Afrique du Nord à jambes bouffantes) le caban, la chéchia, un gilet, une chemise, des babouches.
                 L'avancement était laissé entièrement au choix du sultan. La ration consistait en semoule et en beurre fondu. Il y avait un service de santé, un code de justice militaire. Les instructeurs étaient des soldats de Tunis, de Tripoli, des déserteurs de l'armée française, des étrangers européens.

                 La grosse difficulté était de se procurer des armes, des munitions et surtout des canons. Les fantassins avaient des fusils français avec la baïonnette ; l'Émir était autorisé par le traité de la Tafna à s'en procurer en France ; d'autres furent pris à la Macta volés à des sentinelles, vendus par des soldats. Du Maroc et de Gibraltar vinrent beaucoup de mousquetons anglais. La contrebande se faisait aussi par Oran et Nédroma ; il y avait quelques petits ateliers de réparation.
                 En temps de paix, un bataillon de fantassins de 1.000 hommes avec 250 cavaliers, 30 artilleurs 2 ou 3 pièces de canon, était détaché auprès de chaque Khalifat ou gouverneurs de province, le noyau central restant auprès de l'Émir.

                 Les réguliers d'Abd-el-Kader, si médiocres qu'ils fussent, lui donnaient une évidente supériorité sur les chefs indigènes. Même en face des troupes françaises, ils montrèrent souvent beaucoup de résistance ; ils joignaient à leur bravoure une certaine discipline, pouvaient tenir en bataille rangée ou couvrir une retraite.
                 Lorsque nous eûmes atteint Mascara et Tlemcen, l'Émir vit le danger de placer ces approvisionnements dans des villes aussi rapprochées de la mer et porta sa véritable ligne de dépense à la lisière méridionale du Tell. Il s'efforça de créer là une série d'arsenaux et de places de défense qu'il espérait devoir être hors de notre atteinte.

Les Européens chez Abd-el-Kader

                 On peut ranger en trois catégorie les Européens qui ont été en rapports avec Abd-el-Kader ou ont séjourné auprès de lui : Les consuls, les aventuriers ou renégats, les prisonniers.
                 Après le traité Desmichels, les Français eurent comme consul à Mascara un syrien qui avait servi aux mamelouks de la garde impériale, Abdallah d'Asbonne. Le traité de la Tafna prévoyait également que la France entretiendrait des agents auprès de l'émir. Après deux intérimaires, on envoya le capitaine Daumas. Consul à Mascara du 13 novembre 1837 au 15 octobre 1839, il fut, avec Léon Roches l'Européen qui a le mieux connu et compris l'Émir.
                 Sa mission était pénible et même dangereuse, car, si les chefs étaient corrects, la populace manifestait sa haine et son mépris à l'envoyé des chrétiens.
                 Daumas rappelé à Oran quand la rupture devint imminente, avait parfaitement prévu que la paix ne pouvait être durable et indiqué combien les bases de son pouvoir étaient fragiles.

                 Les aventuriers et renégats ont toujours joué un certain rôle dans les pays musulmans et en particulier en Algérie. D'un côté, les musulmans étaient impuissants à s'organiser, ignoraient l'art de l'ingénieur, ne savaient pas tenir une comptabilité.
                 D'autre part, certains hommes, gênés par l'étroite discipline des sociétés modernes, attirés par l'islam, rêvaient de vivre les contes des mille et une nuits, d'avoir à profusion des chevaux et des femmes. La réalité était en général bien différente et leur valait beaucoup de désillusions.
                 Parmi ces hommes que séduisait une sorte de mariage romantique, le plus intéressant de ceux qui entrèrent au service d'Abd-el-Kader fut Léon Roches.
                 Appelé à Alger en 1832 par son père, qui avait été attaché à l'intendance lors de l'expédition d'Alger, il prit, après la paix de la Tafna, la résolution d'aller rejoindre Abd-el-Kader pour lequel il avait conçu une vive admiration et se fit passer pour musulman. Mal accueilli au début et considéré comme un espion, il devint bientôt son secrétaire et l'accompagna dans ses déplacements. Il finit par le quitter et Bugeaud en fit son collaborateur.

                 Les autres Européens n'avaient ni la notoriété ni le désintéressement de Léon Roches. On peut citer :
                 - Hassan-le-Hongrois, homme mystérieux ,cachant, selon Roches, quelque grande infortune,
                 - un jeune officier d'artillerie polonais,
                 - un Français, Guillemain venu avec le consentement du gouvernement pour diriger la fabrique d'armes et qui fut assassiné,
                 - enfin Cazes, ingénieur et minéralogiste, directeur de la fonderie de Miliana.

                 Les déserteurs, méprisés des musulmans menaient une existence misérable ; on leur prodiguait l'insulte et la menace. Parmi les plus notables :
                 - le chasseur d'Afrique Moussel qui prétendait avoir été poussé à la désertion par les brutalités d'un adjudant,
                 - Dumoulin, dit Abadallah, chasseur d'Afrique lui aussi, finit sa carrière au Maroc,
                 - Gestringer, dit Hamidou, de Munich, tout à fait islamisé, fut l'instructeur de l'infanterie,
                 - Hulsen, dit Mustapha,
                 - Javal, dit Abdallah,
                 d'autres encore pour la plupart déserteurs de la Légion ou du bataillon d'Afrique traînèrent une existence misérable.

                 L'habitude de faire des prisonniers était inconnue des indigènes avant Abd-el-Kader ; quiconque tombait aux mains de l'ennemi était décapité et mutilé. L'Émir entreprit de réagir et supprima, au grand mécontentement des indigènes, l'usage de payer les têtes.

Les progrès d'Abd-el-Kader de 1837 à 1839

                 De 1837 à1839, il fit de remarquables efforts pour organiser son administration et surtout son armée. S'il ne réussit pas à créer un royaume arabe, c'est que la période de paix fut trop courte et qu'il rencontra trop d'obstacles de tous genres chez les indigènes.
                 Les difficultés commencèrent dès le lendemain de la signature du traité de la Tafna en raison des erreurs et des obscurités de rédaction qui le rendaient inexécutable.

                 Le maréchal Valée, après la prise de Constantine avait demandé au ministère comment il fallait interpréter l'article 2 du traité d'après lequel la France se réservait la plaine de la Mitidja bornée à l'Est jusqu'à l'oued-Keddara ; on lui répondit que, par ces mots il fallait entendre tout ce qui dans la province d'Alger était au-delà de l'oued Keddara jusqu'à la province d Constantine.
                 Mais Abd-el-Kader n'admettait nullement cette interprétation et prétendait que le traité ne permettait pas de nous étendre à l'Est de la Mitidja. Il trancha la difficulté en intervenant dans le Titteri, puis il attaqua les Koulouglis soumis à l'autorité française, attaqua la confrérie religieuse des Tidjaniya près de Laghouat en les assiégeant. Après six mois il entra dans le ksar et en fit raser les murailles.

                 Le maréchal Valée comprit la nécessité de répondre par des actes aux empiétements de l'Émir sous peine de voir toute l'Algérie se ranger sous sa domination.
                 Il décida de se rendre de Constantine à Alger en passant par le territoire qu'Abd-el-Kader déclarait lui appartenir. Il franchit le défilé des Bibans ou Portes de Fer avant de faire sa jonction au Fondouk avec les troupes d'Alger.
                 On croyait avoir tranché toutes les difficultés et on espérait qu'Abd-el-Kader s'inclinerait devant le fait accompli : on ne devait pas tarder à être détrompé.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930




L'Algérie et l'opinion
Envoyé par M. Christian Graille

                  Plus de trois cents brochures furent écrites pour ou contre l'Algérie à cette époque. Elles témoignent surtout de la fécondité d'imagination de leurs auteurs. Il y eu de bizarres projets.
                 - L'un voulait organiser une compagnie chrétienne pour la colonisation et la civilisation de l'Afrique du Nord ;
                 - Un autre projet proposait de couvrir l'Algérie de châteaux forts et d'y faire revivre un système féodal ;
                 - Un troisième entendait appliquer en Algérie les théories fouriéristes (de Fourier pour qui les hommes devaient s'associer harmonieusement en groupement) ;
                 - d'autres prétendaient abriter la région colonisée derrière un fossé et des fortifications qui la garantiraient contre les incursions des tribus.

                 Parmi les anti-colonisateurs figurent Desjobert et Baude (députés).
                 Le premier pensait que la seule solution raisonnable serait l'abandon ; sachant qu'il ne l'obtiendrait pas, il proposa la reconnaissance de la nationalité arabe, la déclaration que la France n'établira pas de colons et se bornera à l'occupation des villes maritimes.
                 Le second, lui aussi, trouvait que le meilleur parti à prendre serait l'évacuation ; l'Algérie lui paraissait pour la France une cause d'affaiblissement au point de vue militaire et financier ; il fallait en faire un État vassal, avec un vice-roi français qui subviendra à toutes les dépenses. Blanqui (révolutionnaire socialiste) était moins absolu ; il estimait que le Sahel pouvait être colonisé par les Européens mais non la Mitidja ; il déconseilla non seulement les cultures tropicales comme le sucre et le café mais aussi la culture de la vigne. L'intendant Genty de Bussy était manifestement hostile à toute colonisation.

                 D'autres brochures sont enthousiastes. Jouffroy (député) proclamait que l'Afrique était la grande affaire de la France ; la question de la conservation de la conquête avait été tranchée définitivement par l'instinct national, malgré l'hésitation des chambres. Rosay, l'interprète le plus fidèle des plaintes et des vœux des colons à cette époque , vice-président de la chambre de commerce d'Alger et fondateur de la société coloniale, dans de nombreuses brochures adressées aux Chambres, au Conseil d'État, affirma sa foi dans le succès de la colonisation mais réclama un bon régime de propriété, des mesures d'assainissement , enfin et surtout la sécurité que l'on ne pouvait obtenir que par la destruction de la puissance d'Abd-el-Kader et la domination de tout le pays, moins difficile et plus profitable que l'occupation restreinte.

La colonisation de 1834 à 1840

                 L'œuvre accomplie en Algérie par les colons de la première heure, de la période héroïque, est un magnifique témoignage de l'énergie et de l'esprit d'entreprise de la génération de 1830. Autour des grandes exploitations se groupaient des ouvriers européens ; ils habitaient d'abord sous la tente, puis construisirent des maisons et achètent des terres. Des hameaux se formèrent et souvent les exploitations elles-mêmes devinrent des embryons de villages.
                 Une grande partie des centres aujourd'hui si florissants du Sahel et de la Mitidja n'ont pas d'autre origine que les grandes fermes acquises au début de la conquête ; leurs premiers habitants ont été les cultivateurs appelés à vivre sur ces grands domaines et les ouvriers venus se fixer à proximité des camps.
                 Parmi ces grands colons du début, le plus remarquable, le plus entreprenant, le plus généreux, le plus actif fut sans doute le baron de Vialar.

                 En 1832 il avait entrepris un grand voyage dans le Levant, emportant des lettres pour le pacha d'Egypte mais s'arrêta à Alger et s'y fixa. Il acheta un domaine à Tixeraïn, un autre à Kouba. Il fit venir du Languedoc des ouvriers pour l'aider à cultiver lui-même une partie de ses terres, traita pour les autres avec des fermiers ou métayers français, mahonnais, indigènes.
                 En 1834, il acheta des domaines dans la Mitidja, Baraki avec le docteur Baudens, Khadra avec De Tonnac. Ce dernier avait appris l'arabe, portait le burnous, vivait à l'indigène de couscous et de café.

                 Le prince de Mir, polonais réfugié en France en 1830 était un homme étrange. Quoiqu'il fût sans ressources, son titre, ses manières, ses promesses éblouirent tout le monde et Drouet d'Erlon, en 1835, lui concéda plus de 4.000 hectares de terres domaniales. Le prince voulait convertir les indigènes au christianisme ; une grande croix surmontait le bâtiment principal et une cloche appelait matin et soir à la prière : " Les arabes, disait Pellissier de Reynaud, respectaient ces signes d'une croyance qui n'était pas la leur ; ils vivaient en parfaite intelligence avec les Européens, les enfants des deux se visitaient, communautés jouaient ensemble, les femmes les hommes se liaient d'amitié. "
                 Le prince Mir était malheureusement un homme peu pratique ; il se trouva bientôt à la merci de ses créanciers et son domaine fit retour à l'Etat en 1839.

                 A la Réghaïa, une concession de plus de 3.000 hectares fut accordée à deux Français, Mercier et Saussine ; Mercier arriva d'Amérique en 1836 ; jeune, laborieux, initié au maniement d'entreprises de ce genre, il fit des travaux d'assainissement, cultiva avec succès les céréales, le tabac, le coton, créa une pépinière d'arbres à fruits. On pourrait citer encore Saint-Guilhem à l'Arba, de Montaigu aux Beni-Moussa, Lapeyrière à Boukandoura.
                 Sauf dans les environs immédiats d'Alger où s'élevaient des maisons de plaisance mauresques il n'existait aucune construction. Il fallait délimiter la propriété, construire un mur d'enceinte, édifier une maison de maître, des abris pour les ouvriers, des hangars, des écuries, capter des sources, drainer, assainir, défricher.

                 Il n'y avait pas de routes, pas de ponts, pas de moyens de communication d'aucune sorte ; aller à Alger vendre son blé était une véritable expédition ; il fallait 4 jours pour franchir la distance de 40 kilomètres qui sépare d'Alger à Blida.
                 Le maréchal Clauzel s'efforça d'encourager la colonisation. Il y avait à Boufarik un camp permanent comportant des baraquements pour 1.500 hommes et des écuries pour 600 chevaux. Des cantiniers et des petits marchands s'étaient groupés à proximité et une ambulance destinée au traitement des indigènes y avait été élevé par les soins du baron de Vialar. Sa sœur, fondatrice et supérieure des sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition vint soigner les malades accompagnée de trois religieuses.

                 Par un arrêté du 27 septembre 1836, Clauzel décida de distribuer à Boufarik des lots de 4 hectares moyennant une redevance annuelle de 2 francs par hectare.
                 Au printemps de 1837 il y avait déjà à Médina-Clauzel, comme on appelait le nouveau centre, 150 personnes et 500 en octobre.
                 Boufarik, aujourd'hui florissant et magnifique, devait passer par de cruelles épreuves. Pendant cinq ans il fallut chaque jour lutter avec les indigènes ; les vols, les incendies, les assassinats étaient continuels. Surtout dans cette localité entourée de marais et de fondrières, la fièvre et la dysenterie firent de terribles ravages.
                 Il mourait un cinquième et quelquefois un tiers des colons tous les ans. La population se renouvela entièrement trois fois en quelques années. L'histoire de Boufarik pendant dix ans est un véritable nécrologe.
                 Grands et petits colons ont prospéré dans des conditions absolument anormales et ont accompli une œuvre magnifique. Malgré les pillages, la maladie et les misères les colons avaient réussi à s'implanter solidement dans tous les territoires dont l'accès ne leur était pas formellement interdit.

                 Mais c'est surtout dans le Sahel et la Mitidja que l'œuvre fut réellement remarquable. De cette époque datent, dans le Sahel, Dely-Ibrahim, Birkadem, Hussein-Dey, Mahelma, Chéragas, El-Biar, Staouéli, Douéra.
                 Dans la Mitidja, Boufarik, Beni-Mered, l'Arba, l'Harrach 8000 hectares avaient été mis en culture, près de 7.000 dans la région d'Alger ; 64.000 oliviers avaient été greffés, 327.000 arbres plantés dont 87.000 mûriers. On faisait surtout des céréales et de l'élevage ; cependant on avait déjà planté un peu de vigne et fait quelques essais de coton.
                 De décembre 1835 à mars 1836 plus de 2.000 colons débarquèrent à Alger.

                 A la fin de 1839 la population européenne de l'Algérie s'élevait à 25.000 habitants dont 11.000 Français . Il y avait 14.000 Européens à Alger, 5.000 à Oran, 3.000 à Bône, le surplus se partageant entre Bougie, Mostaganem, Constantine et Philippeville.
                 Les Français dominaient à Alger (6.800), les Espagnols à Oran (2.300), les Maltais à Bône (1.300), marquant déjà une répartition géographique qui devait se poursuivre par la suite. La population rurale atteignait 2.600 individus.
                 Le problème de la colonisation algérienne paraissait résolu.

L'insurrection de 1839

                 De tous les efforts de cette vaillante génération il ne devait rester que peu de traces ; dans la Mitidja notamment leur œuvre allait être complètement détruite.
                 Le 3 novembre 1839 Abd-el-Kader écrivit au maréchal Valée qu'il considérait l'expédition des portes de fer comme une rupture.
                 Il y avait 25.000 hommes à Alger et aux environs ; on aurait pu défendre le territoire peu étendu occupé comme le demandaient les colons. Mais l'ordre fut donné d'évacuer les postes disséminés dans le Sahel et dans la Mitidja et de se replier sur Alger. C'était la ruine de tous les établissements européens, l'anéantissement de dix années d'efforts.

                 Le 20 novembre 1839, Kabyles, Hadjoutes et réguliers de l'Émir s'abattirent sur la plaine comme une trombe. Les maisons brûlèrent, les meules furent incendiées, toute la Mitidja en feu. La plupart des Européens résistèrent mais n'étant pas secourus se replièrent sur Alger. Les Kabyles s'avancèrent jusqu'au Jardin d'Essai, pillant, massacrant, enlevant les troupeaux.
                 L'épouvante succéda à la confiance ; ce fut une panique générale et Alger même se crut menacé. Le gouverneur demanda des renforts.
                 Il avait 40.000 hommes et en demandait 12.000 autres qui lui furent accordés ; au printemps de 1840 l'effectif des troupes était de 60.000 hommes.
                 Valée se décida à reprendre l'offensive ; il occupa Cherchell puis Médéa et Miliana mais les troupes laissées dans les villes se trouvèrent bloquées ; il fallait les secourir, les approvisionner, les renouveler. Chaque ravitaillement nécessitait une campagne ; à Miliana sur 1.100 hommes, 800 moururent de maladie. Les hostilités avaient repris dans les provinces d'Oran et de Constantine.
                 On n'était guère plus avancé en 1840 qu'en 1830.

Les discussions de 1840 au Parlement

                 En France Thiers avait succédé à Soult comme président du Conseil le 1er mars 1840. A ce moment se produisit la crise extérieure la plus grave qu'ait traversé la monarchie de juillet. Elle était causée par la question d'Orient.
                 L'Angleterre ne pouvait admettre de voir les conquérants de l'Algérie dominer en Egypte et en Syrie. Les adversaires de l'Algérie jugèrent que les complications européennes étaient de nature à faire triompher le thèse de l'occupation restreinte ou même de l'abandon. A la séance du 14 mai 1840, Bugeaud fit une importante déclaration :
                  " Voulez-vous rester en Afrique ? Eh bien il faut y rester pour faire quelque chose ; jusqu'à présent on n'y a rien fait, absolument rien. Voulez-vous recommencer ces dix ans de sacrifices infructueux ces expéditions qui n'aboutissent qu'à brûler des maisons et à envoyer bon nombre de soldats à l'hôpital ? Vous ne pouvez continuer quelque chose d'aussi absurde. Il y a un système qu'il faut abandonner ; c'est la multiplication des postes retranchés. Je n'en connais pas de plus déplorables ; Il nous a fait un mal affreux. C'est le système de la mobilité qui doit soumettre l'Afrique. Il faut être avare de retranchements et n'établir qu'un poste quand la nécessité en est dix fois démontrée. "

                 Thiers à son tour proclama la nécessité pour la France de se maintenir grandement en Afrique ; il rejeta comme un système absurde l'occupation restreinte.
                 Valée n'avait plus la confiance du gouvernement ; il n'avait pas su se faire aimer. Il n'avait pas suffisamment adapté les méthodes de guerre européennes aux conditions particulières du pays et aux adversaires.
                 Le 29 décembre 1840, Bugeaud était nommé gouverneur général.
                 Cette date marqua la fin d'une période ; l'occupation étendue, la conquête totale et intégrale allait se substituer au système de l'occupation restreinte.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoires des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris Édition 1930




Humour du cantal
Envoyé par M. Alain


         Un paysan du Puy de Dôme part acheter à un copain une vache de race SALERS.

         Celui-ci, habite dans l'Aveyron et lui vend la vache un peu chère.
         Enfin il la prend quand même...
         Dans le camion lors du retour le paysan dit à son fils :
         "Vu le prix qu'on l'a payée, dès qu'on arrive à La Bourboule, on la met à saillir directement."

         Ils présentent donc la vache au taureau et celle-ci se met à faire gauche droite, gauche droite, de l'arrière train, empêchant le taureau de faire son travail.
         Le voisin qui passe par là, observe le manège et dit au paysan :
         "Ta vache, tu ne l'aurais pas achetée dans l’Aveyron ?"

         Étonné le paysan lui dit :
         "Oui, comment l'as-tu deviné ?"

         Et le voisin lui répond :
         "Ma femme aussi est de là-bas !"



L’OAS pour les Nuls.
Publié le 11 avril 2018 - par Manuel Gomez
Envoyé par Mme Eliane Saurel.

               Il y a 57 ans, à Pâques 1961, naissait officiellement, à Madrid, l’OAS (Organisation Armée Secrète).

               Le 8 janvier 1961 la population de la France métropolitaine était convoqué devant les urnes pour voter un OUI au référendum qui proposait l’autodétermination pour le devenir de l’Algérie Française souhaité par de Gaulle.

               Par 75% des votants l’autodétermination, donc l’abandon de l’Algérie par la France, était voté.
               L’autodétermination était rejetée par 72% des votants, en Algérie, mais ce résultat n’était pas pris en compte.

               Interrogé en novembre 2009, lors d’un reportage du magazine « Historia », Alain Duhamel, chroniqueur à RTL et l’un de nos plus éminents journalistes politiques, répondait à la question posée : « Quel est, selon vous, l’acte de trahison le plus retentissant de la Ve république ?
               Sans aucune hésitation, celui du général de Gaulle vis-à-vis des Français d’Algérie. De Gaulle est l’Algérie, c’est vraiment une trahison de nature politique. Si j’ose dire, c’est une trahison d’Etat ».


               Un mois plus tard, à Alger, l’OAS (Organisation Armée Secrète) faisait son apparition.

               Il est certain que l’OAS n’aurait jamais vu le jour si De Gaulle avait respecté sa parole et n’avait pas trahi.

               En février 1961, les généraux Jouhaud, Gardy, les colonels Godart, Gardes, le docteur Jean-Claude Pérez et Jean-Jacques Susini, lançaient l’opération OAS et les premiers messages s’affichaient sur les murs d’Alger « OAS vaincra ».

               Début avril 1961, l’organisation se constituait officiellement à Madrid, sous le commandement du général Salan, de Pierre Lagaillarde, de Jean-Jacques Susini, du capitaine Ferrandi et de quelques autres patriotes qui refusaient l’abandon de l’Algérie française.
               L’OAS s’est organisée après l’échec du « putsch » des généraux.

               Les quatre plus prestigieux généraux de l’armée française avaient pris la décision de se révolter contre le chef de l’État français qui s’était parjuré et les avait trahis.

               Cette trahison mettait en danger la vie de leurs soldats, qui allaient tomber pour une politique d’abandon de l’Algérie, alors que la guerre était gagnée sur le terrain.

               Dès lors certains officiers et leurs régiments prenaient la décision de se dresser contre l’État français et sa politique incompréhensible et désastreuse.

               Le général Challe, chef d’état-major de toutes les armées, refusait de dresser une partie de l’armée contre l’autre et ne souhaitait pas que les Unités Territoriales (200.000 hommes, Français d’Algérie, mobilisés et armés), qui avaient été dissoutes un an plus tôt (suite à un complot organisé de main de maître par De Gaulle, lors des « barricades de janvier 1960», à Alger) soient réarmés. Il jetait donc l’éponge et se rendait aux autorités.

               De Gaulle purge aussitôt l’armée : 220 officiers sont relevés de leur commandement.114 traduits en justice. Trois régiments ayant pris part active au « putsch » sont dissous, (le 1er REP, les 14 et 18e RCP) ainsi que le groupement des commandos de l’air. Plus de 1000 officiers démissionnent par hostilité à la politique du chef de l’état.

               Les généraux Challe et Zeller sont condamnés à 15 ans de réclusion (Ils seront par la suite amnistiés et réintégrés).
               Les généraux Salan et Jouhaux disparaissent et entrent en clandestinité.
               Pendant ce temps-là, Georges Pompidou rencontre en Suisse, sur l’ordre du chef de l’état, des représentants du FLN afin d’entamer des négociations.

               Il ne reste plus qu’un seul recours, pour conserver l’Algérie à la France, contre la politique d’abandon mise en place par De Gaulle : l’OAS (Organisation Armée Secrète).

               Dès lors le destin de l’Algérie Française, notre destin, est entre nos mains.
               Le général Salan estime, en son âme et conscience, que les décisions du gouvernement français en ce qui concerne UNIQUEMENT l’indépendance de l’Algérie sont contraires à l’intérêt de la Nation. (Tout comme l’avait fait en 1940 le « général » De Gaulle après la décision de signer l’armistice par le gouvernement de Philippe Pétain).

               Il estime également que, contrairement au général De Gaulle, il y va de son honneur, et de l’honneur de tous les officiers qui l’ont rejoint, de respecter la parole donnée, par De Gaulle, de conserver l’Algérie à la France.

               De très nombreux résistants de la grande guerre et des compagnons de la Libération rejoignent l’OAS : Georges Bidault (Président du dernier Conseil National de la Résistance (CNR), après la disparition de Jean Moulin, et qui succèdera au général Salan, dès son arrestation, à la tête de l’OAS), Jacques Soustelle, homme de gauche et ex gouverneur général de l’Algérie, les colonels Château-Jobert, Savelli, Ceccaldi, et bien d’autres.

               Le docteur Jean-Claude Pérez se voyait confier l’O.R.O., branche dure, avec comme adjoint le Lieutenant Degueldre, ancien officier du 1er REP, responsable de la formation et de la direction opérationnelle des futurs commandos deltas.

               L’OAS, dit-on et lit-on dans les médias et la presse française de l’époque, et même de nos jours, a ensanglanté l’Algérie. Permettez-moi de vous rappeler que l’OAS n’a existé que seize mois, de fin février 1961 à début juillet 1962, et que ceux qui ont ensanglanté l’Algérie de 1954 jusqu’à fin 62 ce sont le FLN et l’ALN, pas l’OAS.

               L’OAS a exécuté des individus communistes et gauchistes qui étaient les complices justement de ceux qui ensanglantaient l’Algérie, les « porteurs de valises » métropolitains qui les finançaient, fournissaient armes, faux papiers, aide et assistance, explosifs, fabriquaient leurs bombes et organisaient des attentats aussi bien en Algérie qu’en métropole et, enfin, quelques rares personnalités, pourtant partisanes de l’Algérie Française, qui tentaient d’organiser avec l’ennemi une illusoire partition du territoire.

               L’OAS a éliminé la grande majorité des « Barbouzes » recrutés par le gouvernement pour la combattre. Les survivants furent rapatriés et poursuivirent leurs actions en métropole.

               L’OAS a plastiqué les entreprises et les commerces de ceux qui abandonnaient leur pays en guerre pour fuir en métropole et, dans les dernières semaines, a abattu parfois, après le 19 mars 1962, des innocents pour répondre aux enlèvements et aux assassinats dont été victimes en masse la population de l’Algérie par ses « nouveaux maîtres » et tenter de remplacer l’armée française qui restait « par ordre » l’arme au pied et se déshonorait, obéissant à un chef d’état et à un gouvernement d’abandon.
               Il est totalement faux d’adhérer aux informations véhiculées par le gouvernement de l’époque et une certaine presse au service exclusif des communistes et des gauchistes qui alarmaient les citoyens en proclamant que l’OAS était une organisation de fascistes d’extrême droite.

               Il suffit de rappeler que son chef, le général Salan, était plutôt étiqueté à gauche, au point même qu’un attentat avait été organisé, notamment par Michel Debré, et justement par la droite française, afin de l’éliminer physiquement car elle supposait qu’il avait été placé à ce poste de gouverneur militaire de l’Algérie dans l’objectif d’un rapprochement avec le FLN, et ce fut le commandant Rodier qui fut tué.
               Quant aux autres officiers ils n’avaient aucune autre idéologie que de servir la Patrie et défendre la présence française.

               L’OAS a été créée par les plus glorieux officiers de l’armée française, les plus décorés sur les champs de bataille, et dans ses rangs se battaient du plus petit ouvrier de Bab-el-oued et d’oranie jusqu’au général 5 étoiles et ils n’ont pas à rougir du sang qu’ils ont versé pour la France, leur patrie et son drapeau.

               L’OAS Algérie était confiée au général Paul Gardy et l’OAS Métropole au capitaine Pierre Sergent.
               L’action était confié aux commandos « Delta », sous les ordres de Jean-Claude Pérez et du lieutenant Degueldre. Or 80% des membres de ces commandos, et notamment le plus actif, celui de « Jésus de Bab-el-Oued » étaient des sympathisants de la gauche socialiste et communiste qui dominait ce quartier.

               Il n’y avait au sein de l’OAS aucune agressivité contre l’ensemble des musulmans.
               Les ennemis à exécuter étaient les terroristes du FLN et les traîtres français qui étaient leurs complices.

               90% de la population approuvait l’action de l’OAS, sans participer aux opérations armées ni aux exécutions nécessaires, mais, effectivement, trop peu nombreux furent ceux qui participèrent activement à la défense de leur pays.

               N’oubliez jamais qu’après le général Salan, l’officier le plus gradé et le plus décoré de l’armée française, c’est M. Georges Bidault qui l’a remplacé à la tête de l’OAS. Georges Bidault qui fut le dernier président du CNR (Conseil National de la Résistance), l’homme qui a remplacé Jean Moulin comme responsable de la résistance française face aux nazis.

               L’OAS est née après le « putsch » des généraux dans l’unique but de conserver l’Algérie à la France. Ces généraux, ces officiers, ces soldats, se révoltaient contre un chef d’état qui s’était parjuré et les avait trahis, et cette trahison mettait en danger la vie de leurs hommes. Elle a été responsable de dizaines de milliers de morts pour sa politique programmée d’abandon.
               90% de la population d’Algérie soutenait l’action de l’OAS sans y participer physiquement, y compris de très nombreux musulmans.

               Le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à l’OAS, lui a été justement rendu par son ennemi le plus acharné, le général De Gaulle.
               Dans son livre « C’était De Gaulle », Alain Peyrefitte, ministre, très proche du général, n’hésite pas à affirmer que l’OAS « c’est le sursaut d’un peuple qui ne veut pas mourir », et il fait part de cette confidence du « général » : « Les gens de l’OAS me haïssent parce qu’ils sont aveuglés par leur amour de la France. Mais si ceux qui soutiennent le FLN (les Français) me haïssent tout autant c’est parce qu’ils sont aveuglés par leur haine de la France ».
Manuel Gomez                  
11 avril 2018                  


Mai 1958 / Mai 2018
Par M. Robert Charles PUIG
63 / France… Rappel ! L'Algérie… et un des éléments contribuant à sa fin : les barbouzes du pouvoir gaulliste.


            Cela fera soixante ans qu'un événement majeur et malheureux s'est produit en Algérie, province française. Nous approchons de la commémoration d'une date d'un mois de mai où le soleil doré de l'Algérie devenait rouge du sang de sa population et où les hirondelles qui saluaient le printemps de cette terre d'Afrique se transformaient en un aigle maudit, semant le mal et la mort. Pour quelles raisons ? À cause de De Gaulle, de son envie d'un fauteuil à Paris et de sa volonté d'homme barbare, extrait de sa retraite, qui éliminera l'espoir et l'idéal d'une population croyant trouver enfin la paix, après quatre ans de guerre, d'attentats terroristes et de meurtres ignobles.
            1958 ! Pour la population d'Algérie européenne et musulmane, la prise du Gouvernement Général fut ce 13 mai, après les assassinats de trois militaires français prisonniers de l'ALN en territoire tunisien, René Decourtex, Robert Richomme et Jacques Feuillebois, comme le besoin de réagir, de répondre à cette forfaiture en lançant un appel ou plus, une exigence à cette France de l'autre côté de la Méditerranée, hésitante et indécise dans sa fonction d'État entre des clans politiques semant la zizanie au sein des gouvernements successifs toujours aussi impuissants à agir, prendre en main le problème de la province algérienne partie intégrante de la Nation et ramener la paix.
            Il y avait la guerre en Algérie depuis 1954. Le 1er novembre entre Biskra et Arris, la mort survint avec l'assassinat de deux hommes : un métropolitain, Guy Monnerot et le Caïd Hadj Sadok. Suivront après cette " Toussaint Rouge " des meurtres sauvages de civils dans l'intérieur du pays et les grandes villes par des terroristes fellaghas. Des assassinats aveugles. Des crimes contre l'humanité. Des européens et des musulmans. Des " algériens ", comme l'écrivait Jean Brune, dévoués, imprégnés de l'idée de conserver cette terre magrébine par son emplacement sur la côte nord de l'Afrique mais si européenne par sa construction depuis 1930, si moderne par ses infrastructures comme un modèle pour le monde, et toujours prête à servir et à mourir pour la France.

            Bien entendu, contre cette Algérie française, se dressait une opposition sournoise et traîtresse des partis de la gauche française socialiste et communiste se comportant à travers une propagande infâme et des sabotages, de la même façon que lors de la guerre d'Indochine, pour perdre ces départements d'AFN. Ils agissaient sciemment, soutenus par une presse gauchisante mais subventionnée, pour faire de cette province une terre sacrifiée et un drame voulu.
            Pourtant en mai 1958, au moment de cette révolution pacifique à Alger, était-il impensable de croire à une nouvelle image de ce territoire entre paix et justice lorsque sur la place du " G.G. ", un homme à bord d'un GMC, Jacky P..., eut le courage de forcer la grille de fer de ce bâtiment du pouvoir parisien ? À partir de ce moment, une population multiple, mélangée entre gens des villes et paysans du bled, entre algérois européens et musulmans de la Casbah se trouva réunie dans un même élan de concorde.
            Il y avait dans ce rassemblement un seul mot aux lèvres des manifestants : ESPOIR ! Celui d'une nouvelle ère de paix ; de l'ordre retrouvé ; d'un nouveau temps d'union où chacun par-dessus son identité, sa religion trouverait sa place. Le chant de la Marseillaise et celui des Africains résonnaient dans l'air chaud de ce printemps précoce. La foule vibrait d'une émotion palpable à force de croire que les attentats et le sang de victimes innocentes n'abreuvera plus ce sol aimé d'une Algérie française débarrassée de la barbarie. " Sans justice, écrivait saint Augustin, les royaumes sont-ils autre chose que des troupes de brigands ? "
            Je me souviens de ces milliers d'algérois, de leur joie, de ces larmes de bonheur qui brillaient dans leurs yeux... Les embrassades et les applaudissements jaillissaient de cette foule délivrée du doute de la défaite. L'Algérie allait-elle connaître autre chose que la guerre ? L'Algérie fraternelle n'était plus qu'un peuple solidaire sur ce Forum, en mai 1958.

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            Faut-il raconter comment cette attente et cette conviction sont devenues des larmes de sang et de désespoir quand est arrivé le 4 juin le général De Gaulle ? Dès son premier discours au balcon du " G.G. " je crois que dans la foule présente depuis tant et tant de jours sur le Forum, certains ont deviné ses faux propos. Ils ont compris d'une façon différente de ce que la plupart entendaient, et que rien de l'espoir souhaité ne serait réalisé. Sous la forme de paroles à double tranchant et à double sens, c'était comme notre fin annoncée ce " Je vous ai compris " ! Le général avait le sens de la manipulation des foules pour endormir le plus grand nombre et prendre le pouvoir à Paris grâce à nous, Pieds-noirs français d'Algérie et musulmans attachés aux trois couleurs du drapeau par le sang versé, sans que rien ne soit construit, réalisé dans le sens d'une paix réelle, efficace, puissante.
            Plus tard, nous avons tourné sa phrase d'une façon dérisoire, avec cet humour qui nous caractérise même dans les pires situations mais, " Il ne nous a jamais compris ! ". Il nous a eus de la pire des manières, en menteur ! Alors les années d'Algérie sont devenues celles du temps tragique !
            Malgré les barricades de janvier 1960, malgré le Putsch des généraux en 1961, rien ne fit dévier le général de sa ligne de conduite. Celle de brader l'Algérie ! Il y eu beaucoup plus de personnes kidnappées, plus d'assassinats et les morts du 26 mars 62 à Alger après la mascarade des accords " déviants " du 18 mars, non validés par tous les algériens du GPRA. Puis il y eu le début de l'Exode et les massacres du 5 juillet à Oran. Juste au lendemain de l'indépendance d'un territoire sauvage que des hommes venus d'Europe avaient transformé en un pays moderne à partir de 1930. Des assassinats et des disparitions entérinaient une décision d'abandon du gouvernement français, sans concession ni possibilité d'accord entre les Pieds-noirs et le pouvoir algérien FLN imposé par Paris.
            De ce fait, la fin de l'Algérie française fut à l'image d'un drame antique. Une terre colonisée par les grecs et les romains il y avait mille ans, mais que l'État français depuis De Gaulle se garde bien d'en évoquer l'histoire. Une suite de kidnappings, de tortures de militaires français du contingent, de viols et d'assassinats. Des meurtres d'enfants, de femmes et d'hommes, puis finalement l'abandon d'une partie de ce peuple d'Algérie, principalement les musulmans. Ils avaient pris les armes au nom de la France et respectaient l'honneur de la Nation. Ils furent abandonnés lâchement au couteau du pire ennemi de la France, celui que je nomme le F.L. " Haine ", parce que sa vengeance fut terrible, diabolique contre ceux que le gaullisme refusa de protéger dans le bled ou renvoya par bateaux sur les côtes algériennes, parfois encore françaises pour être assassinés.

            Les Harkis et les Supplétifs de l'armée française, ces combattants d'une plus grande France trouvèrent une mort affreuse que nos livres d'Histoire, dépouillés de vérité ne racontent pas.
            Il faut savoir et le crier, le proclamer ! Contre vents et marées, avec l'appui de quelques militaires qui avaient le sens de l'honneur et de la Patrie, des rares français musulmans purent atteindre la Métropole. Ils ne furent pas reçus les bras ouverts, mais parqués et souvent laissés sans assistance, sans cette envie de les aider que certaines associations mettent aujourd'hui, en 2018, à secourir des clandestins arrivés en France en dehors de nos lois, mais bénéficiant de toutes les protections dont ils ont besoin, sans avoir eu le bénéfice des financements que le gouvernement actuel de cette France de 2018 veut offrir à toutes les " victimes " de la guerre d'Algérie, même FLN !

            En vérité, les temps ont changé. Il semble bien que le pays depuis 2017 ne souhaite pas se souvenir qu'il fut une Nation à travers les Monuments aux Morts attestant que sa construction s'est faite avec des sacrifices pour que la France reste indépendante, libre, chrétienne et démocratique.
            Est-ce la raison qui fait que soixante ans après cette tragédie de l'Algérie de mai 1958, une partie du peuple français par le cœur, la naissance ou le sang versé lors des différents conflits mondiaux, ne trouve pas encore la main tendue qu'elle attend de la Métropole ? Est-ce trop demander à cette population du XXIème siècle ? Elle n'a qu'un souhait : rompre avec le passé, enterrer notre culture, les victoires du pays et sa place dans le monde, pour se fondre sans identité dans un univers nouveau. Déjà des individus veulent oublier que la France a eu une religion depuis Clovis et saint Louis ; déjà ils veulent occulter ce qui fait son identité pour un melting-pot sans souvenance, sans mémoire, sans racine.
            Trop vite et sans garde-fou, le monde change. Il évolue pour créer l'impossible : un univers informatisé sans rêve et sans l'arbre de ses origines. En effet, comme une partie de l'Occident nous voyons apparaître un monde différent qui pour sa survie égoïste ne conçoit le futur qu'à travers sa transformation en une " autre chose ", un cyborg, moitié humain pour sa forme physique, moitié ordinateur pour la puissance de ses neurones artificiels et ses microprocesseurs implantés. Avec des méthodes techniques de laboratoire et de procréations chimiquement industrielles comme la GPA et la PMA, nous approchons par des moyens innovants de l'effroyable cauchemar hitlérien de " l'arien ".
            L'homme supérieur mettra le reste de la planète à ses pieds, en esclave soumis. Nous glissons par le fait d'une minorité agissante vers un système mondial, universel, où un petit nombre d'élus, par la science, le savoir, l'intelligence, gouvernera un peuple d'esclave, de sous humains où l' " Histoire " et l'homme libre à la base de cette évolution moderne, n'existeront plus. Bien entendu c'est de la fiction... aujourd'hui, ou simplement de l'anticipation sur un futur qui s'accélère ?
            Nous sommes loin de ce scénario mais de l'Algérie, qui s'en souviendra ? Heureusement, des écrivains, des grands noms de la littérature et de l' " Histoire " tentent de défendre ce qu'un nombre de renégats cherchent à effacer, détruire, à enterrer dans l'oubli. Heureusement, il y a des associations, sans les moyens financiers de ceux qui veulent notre disparition qui œuvrent pour que notre passé pied-noir qui est celui de la Nation ne s'éteigne pas. C'est le combat du pâtre contre le soldat, de David contre Goliath, mais nos racines sont encore vivantes, notre foi en la vérité ancrée dans notre sang. Demain notre combat se poursuivra ! Mai 1958 survivra !

            Nous avons de nombreuses raisons de tenir haut le flambeau allumé de cette lutte, quand celui qui en mai 2017 a été élu " Président des français " a tenu des paroles honteuses, tristement inappropriées sur l'Algérie de nos ancêtres et de notre jeunesse. Souhaitait-il ignorer la véracité, l'authenticité des événements vécus par le peuple Pied-noir, les musulmans attachés à la France, l'armée désavouée par les partis de gauche, et tous ces jeunes militaires arrivés en Algérie pour combattre le crime et le terrorisme, dont beaucoup sont morts ou ont disparu sans qu'un effort soit fait par les divers gouvernements depuis Paris pour tenter de les retrouver ?

            Mai 1958 / Mai 2018 ! Soixante ans de combats pour la Vérité !
            Nous sommes toujours là, même si certains ont baissé les bras, ont rejoint l'adversaire communiste, socialiste ou cette droite qui " marche " sans âme et qui se plie aux exigences du barbare F.L. " Haine " !
            Personnellement, je veux croire à une autre écriture de l'" Histoire " de France. Je suis convaincu que des femmes et des hommes de bonne volonté continueront demain à défendre notre mémoire et cette vérité que l'on écartèle comme au temps de l'inquisition en désignant " coupables " ceux qui nous mentent depuis tant et tant d'années.
" Rien de grand dans le monde ne s'est accompli sans passion. "
(Hegel / La raison de l'histoire.)

Robert Charles PUIG / Avril 2018       
      


Lettre ouverte à monsieur Macron
Du Général de Corps d’Armée (2S) Michel Franceschi ancien Inspecteur des Troupes de Marine, héritières des Troupes Coloniales.

           Monsieur,

            J’ai l’impérieux devoir de ne pas le taire et de prendre es qualité la défense morale des troupes coloniales Françaises, en réaction à votre diabolisation de la colonisation en Algérie.
           Ma carrière d’officier colonial épanoui, à la charnière de la colonisation et de la décolonisation de l’Afrique, me confère le double caractère d’acteur de terrain et de témoin privilégié. Je me sens donc parfaitement qualifié pour vous administrer une salutaire leçon d’histoire que vous n’aurez pas volée. Les âneries et inepties imbéciles ça suffit !

            Le lieu était très mal choisi pour proférer de telles insultes et accusations contre la France !

            Tout d’abord, je dois vous rappeler que la conception de l’épopée coloniale de la France fut l’œuvre de grands Républicains appartenant au Panthéon de votre obédience politique : les socialistes ! N’est-ce pas Jules Ferry qui a voulu « porter la civilisation aux races inférieures » ? Albert Sarraut a défini notre « politique indigène comme étant la Déclaration des Droits de l’Homme interprétée par Saint Vincent de Paul » (sic). De son côté, votre icône socialiste Léon Blum a déclaré en 1925 à la tribune du Palais Bourbon « il est du devoir des races supérieures de venir en aide aux races inférieures » . Et honni soit qui mal pense de ce vocabulaire !!! Mais sans doute ces vérités vous gênent t'elles ...!? Ce racisme socialiste supérieur assumé vous préférez l'attribuer aux partis nationalistes d'aujourd'hui qui n'existaient pas à cette époque. Tellement pratique de s'accommoder avec l'histoire auprès de gens qui ne la connaissent pas et vous croient naïvement sur parole !

            Vous devriez relire l'histoire et en particulier les discours prononcés par vos pairs socialistes du Front Populaire entre 1840 et 1940 ; vous seriez édifié et cela vous éviterait de raconter trop d'inepties insultantes ... et vous inciterait à faire profil bas avec moins d'arrogance outrancière !

            Les prestigieux artisans de cette grande œuvre humaniste s’appelèrent Gallieni, Lyautey, Savorgnan de Brazza, Auguste Pavie, Charles de Foucauld et autre docteur Schweitzer, figures de proue d’une nombreuse cohorte de valeureux exécutants plus humbles. Résumons leur œuvre à l’essentiel. Ils ont d’abord libéré les populations autochtones du territoire Barbaresque du joug sanguinaire de ce que l’on a appelé les « rois nègres », à la source de l’immonde chaîne de l’esclavage qu’ils ont aboli. Ils ont mis un terme aux perpétuelles guerres tribales qui saignaient à blanc et décimaient le continent africain, apportant un siècle de « paix française ». A défaut d’une totale liberté qui n’était pas l’aspiration prioritaire, ils ont apporté l’Ordre et la Justice de nos admirables administrateurs coloniaux. Ils ont éradiqué les épidémies meurtrières qui anéantissaient des tribus entières. Ils ont fait disparaître les endémiques famines qui aggravaient la dépopulation de ces contrées livrées à elles même et à la désolation.
           Libre à vous, monsieur Macron, de penser que les conquêtes de la Liberté, de la Paix et de la Santé sont des crimes contre l’humanité perpétrées par la France, que vous avez le culot de vouloir représenter en crachant dessus ! Ce sont sur ces soldats que vous crachez !

            Il est de notre devoir de Français d’honorer la mémoire de tous ceux qui ont laissé leur vie dans cette grandiose aventure humaine dont nous devons être fiers par l'œuvre accompli !

            J’ai pu me recueillir sur bon nombre de leurs sépultures, qui jalonnent notre épopée coloniale sur ces terres. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour remédier à leur état lamentable de délabrement et d'abandon, jusqu’à m’attirer bien sûr les foudres d’une administration lointaine sourcilleuse de bien-pensants trop préoccupés par leur soumission à certains dirigeants indépendantistes qui n'ont pas fini leur guerre de libération dans leur têtes névrosées et qui ont saccagé leur pays "libéré". En ces lieux émouvants, cadres militaires et simples soldats côtoient leurs frères d’armes du service de santé, particulièrement éprouvés par leur place en première ligne des épidémies.
           Ces Français de condition modeste avaient votre âge, monsieur Macron, lorsqu'ils se sont engagés pour l'honneur de la France au moment où vous donnez des leçons de morale sans jamais avoir risqué votre vie pour notre drapeau. Mais il est vrai que vous préférez le mondialisme et le confort des grosses banques étrangères qui vous assurent un avenir plus certain ... Car enfin, votre bilan aux cotés de Monsieur Hollande et de son gouvernement devrait vous inciter à plus de modestie et d’humilité et moins de leçons péremptoires indignes !

            Ils avaient quitté courageusement le cocon métropolitain confortable et rassurant pour servir la France au loin sans esprit de lucre et au mépris des dangers encourus.

            Alors, de grâce, daignez leur accorder un minimum de respect ! Voilà, monsieur Macron, ce que j’ai eu à cœur de vous dire, car d'autres n'ont pas osé.

            Au Tribunal de l’Histoire devant lequel je vous ai fait comparaître, je laisse à votre conscience et au suffrage universel le soin de prononcer le verdict et de faire le tri sur ceux qui sont les plus aptes à nous représenter avec honneur et dignité à travers le monde.

Général de Corps d’Armée (2S) Michel Franceschi            
           



LES FRANÇAIS EN ALGERIE (1845)
Source Gallica : Louis Veuillot N°19

XXVII -
 MOSTAGANEM ET SON CURÉ.

          MOSTAGANEM, d'où l'armée devait partir pour aller à Tagdempt et à Mascara, couronne une falaise au bord de la mer. On ne pénètre dans la ville qu'après avoir péniblement gravi une montée sablonneuse dont le sol se meut et cède sous les pas. La nuit commençait lorsque nous débarquâmes, au moment même où la colonne du général de Lamoricière arrivait d'Oran. Quinze mille hommes deux milliers de chevaux soulevaient, en piétinant sur la plage, un nuage de poussière, au milieu duquel s'allumaient les feux du bivouac. Le canon saluait l'arrivée du gouverneur, les clairons sonnaient, on entendait mugir des bœufs, hennir des chevaux, chanter et jurer des voix humaines. Je m'abandonnai, selon l'usage, à mes deux guides, MM. Roche et Vergé, qui promettaient de trouver non un lit, non un logement, mais une place quelconque où nous pourrions passer la nuit. Il me sembla que c'était beaucoup s'engager, à moins que cette place ne fût dans l'une des rues de la ville ; encore n'eût-elle pas été sûre, tant était grand le nombre des soldats de toutes armes qui se remuaient partout, en tous sens. Cependant je gardai pour moi mes réflexions ; j'étais trop habitué à me trouver bien de l'assistance de ces excellents amis. Après quelques recherches, je les vis enfiler un étroit corridor, à l'entrée duquel se tenait un Maure, baragouinant, je ne sais quels mots de, je ne savais quelle langue, qui ne me paraissait pas être celle du Coran. "Entrez, mossiou, me dit-il; trouveras qué chose chicandard. " Il ajouta deux ou trois jurons; je vis qu'il était civilisé, et je reconnus le français de la conquête.

         Au même instant passa dans la rue un costume étrange, une soutane! L'homme qui la portait s'approcha de moi, et me demanda un renseignement sur le personnel de l'état-major. "Monsieur l'abbé, lui dis-je après l'avoir satisfait, je n'ai pas l'honneur d'être connu de vous ; mais permettez-moi de vous demander comment vous êtes ici, et ce que vous y êtes. - Hélas ! Monsieur, me répondit-il, je suis le pauvre curé de Mostaganem. - Que Dieu soit loué ! repris-je ; je pourrai donc entendre la messe demain ? " La physionomie du bon curé me laissa voir que je ne m'étais pas trompé, en supposant que ma demande lui ferait plaisir. "Oui, certes, vous pourrez entendre la messe ! - A quelle heure ? - A l'heure qui vous plaira... car, ajouta-t-il, comme s'il n'avait parlé que pour lui, je puis en changer l'heure sans déranger les fidèles. - Ainsi vous m'attendrez ? - Oui, Monsieur. - Priez pour moi." Il me serra la main, et me demanda si j'avais un logement. "Je coucherai dans cette maison, lui dis-je. - Mon presbytère est bien pauvre, reprit-il ; mais à la guerre comme à la guerre ! Nous trouverions encore une couverture, et vous pourriez dormir en paix."
         Je le remerciai, et il me quitta, tout heureux d'avoir rencontré un Français, sur quinze mille, qui se proposât d'assister à la messe le dimanche. Le moghrebin civilisé voulut me donner un nouvel échantillon de son savoir : il me montra le prêtre qui s'éloignait : "Calotin buono, " me dit-il.
         Je crois que s'il n'avait pas dit buono, j'aurais été tenté de lui apprendre militairement à rayer l'autre mot de son vocabulaire.

         J'entrai dans une salle mal éclairée, encore obscurcie par la fumée des pipes et des cigares, remplie de jeunes officiers, les uns à demi déshabillé, les autres presque entièrement nus, les autres enveloppés de linges blancs qui leur donnaient un air de fantômes. Mais jamais fantômes ne furent de meilleure humeur. C'étaient des exclamations, des rires, des embrassements qui se renouvelaient sans cesse. Séparés par les mouvements de la guerre, tous ces jeunes gens se réjouissaient de se retrouver là.

         Que de choses à se raconter ! Plusieurs ne s'étaient pas vus depuis leur sortie de l'école. On se parlait de la France et d'Alger, on se demandait des nouvelles des anciens camarades, et, tout en causant, chacun avisait à simplifier son costume. De temps en temps un grand gaillard cuivré, couvert pour tout vêtement d'une ceinture humide, apparaissait au fond de la salle, et deux ou trois de ces hommes déshabillés, abandonnant la conversation, le suivaient dans un couloir obscur. Où étions-nous ? Je le demandai; on profita de mon ignorance pour en rire.
         Enfin ce fut notre tour d'accompagner le Maure mystérieux. Après avoir traversé un corridor assez long, dans lequel régnait une vapeur humide et chaude, il ouvrit une porte étroite.

         Le plus étrange spectacle s'offrit à mes yeux : qu'on se figure une vaste rotonde, d'architecture mauresque, un pavé de dalles grises, une vapeur suffocante, semblable au plus épais brouillard ; et dans cette salle, au milieu de cette vapeur, étendus, immobiles et nus sur ces dalles grises, dix ou douze individus, autour de chacun desquels un ou deux hommes, couverts d'un léger caleçon, se livraient à la plus singulière occupation du monde, les frottant, les retournant sur le dos, sur le ventre ; leur étendant les bras, les refermant, leur faisant craquer les membres, les pétrissant enfin comme une pâte qu'on allonge, qu'on arrondit, qu'on élargit, qu'on replie sur elle-même, et qu'on étend de nouveau. Cette gymnastique effrayante était un bain. On me coucha sur la dalle comme les autres, et je fis ainsi, sans le vouloir, l'expérience du bain maure, dont je m'étais toujours peu soucié. En somme, l'opération, bien qu'elle s'accomplisse avec décence, n'a rien d'attrayant, et je ne m'explique pas l'estime qu'en font nos Français : cela sent son pays d'esclavage, où l'homme est attaché à l'homme non comme un serviteur, mais comme une chose. Un chrétien aura toujours de la répugnance à se faire ainsi frotter et nettoyer, n'étant pas malade, par un de ses semblables, que cette besogne semble rendre abject.

         Lorsqu'on nous eut suffisamment roulés, travaillés, frottés, je dirais presque étrillés en tous sens, en se hâtant un peu (ce dont je ne fus pas fâché), vu le nombre des pratiques, on nous inonda d'eau chaude, puis enfin on nous enveloppa de linges secs, et je me sentis moulu, mais aussi très-désireux de me reposer, et très-apte à bien goûter le plaisir du repos : c'est l'effet que l'on cherche. Il était près de minuit. On nous donna du café, une pipe, et l'on nous conduisit dans un galetas, où nous n'eûmes plus qu'à dormir. La chose eût été facile sans le grand nombre de puces qui avaient avant nous pris possession du réduit. Roche me conta à cette occasion que certains camps avaient été tellement infestés de cette vermine, que nos pauvres soldats, ne pouvant s'en défaire, en étaient morts. Je saluai l'aube avec une véritable joie. Le galetas donnait sur terrasse, d'où Mostaganem, la plaine et la mer s'offraient à mes yeux. Ce bel horizon me fit oublier la fatigue de l'insomnie. La mer, parfaitement unie, reflétait les premières clartés d'un beau jour; le silence le plus profond régnait de toutes parts, un vent léger m'apportait de la campagne une fraîche odeur d'absinthe et d'anis, tout était immobile.
         Quelques cigognes seulement, oiseaux utiles, mais mieux protégés par la superstition populaire que par leur utilité même, commençaient à voleter sur le front d'une vieille tour. Je comparai en moi-même cette ville pleine de soldats à un canon chargé à mitraille ; objet paisible, près duquel les oiseaux voltigent en chantant, et qui, tout à l'heure, va éclater comme le tonnerre et vomir le feu et la mort.

         Bientôt la diane sonna dans le camp, tout se secoua, tout se mit en mouvement. Je descendis et tâchai de découvrir le presbytère. Les rues étaient déjà pleines d'uniformes, les cabarets déjà ouverts. Sur soixante-quinze habitants européens que comptait il y a quelques mois Mostaganem, il y avait dix cabarets et trois cafetiers ; le nombre en est probablement plus grand aujourd'hui ; ces soixante-quinze habitants offraient un curieux exemple de la manière dont se forme en Algérie la population européenne : on y comptait des Français, des Italiens, des Espagnols, des Allemands, des Polonais, des Anglais, des Belges, enfin un Hongrois. Deux Français sont inscrits à la colonne des professions sous le titre de bacheliers ès-lettres.

         Une petite fille mahonnaise m'indiqua le presbytère. J'y trouvai M. l'abbé G'Stalter, qui a obtenu du gouverneur général la permission de suivre l'armée, et le bon curé, ce vieil ami de la veille, qui, tout d'abord, reconnaissant en moi un chrétien, m'avait offert son humble toit. Nous nous embrassâmes. Comment se nomme-t-il, je l'ignore. C'est le pauvre curé de Mostaganem, voilà son nom. Heureux l'homme qui prend le nom de l'œuvre sainte qu'il accomplit sur la terre ! Sa demeure est digne d'un apôtre : un maigre lit, quelques volumes sur une planche, toute sa garde-robe et tout son linge dans un panier, toute sa vaisselle sur une table boiteuse, où il reste assez de place pour écrire ; un crucifix de cuivre à la muraille. Il me conduisit à l'église pour y attendre qu'il se fût préparé, et sonna lui-même sa messe en agitant une cloche qui se rendait à Oran, et qu'il a arrêtée au passage, espérant qu'on ne la lui reprendrai pas.

         L'église de Mostaganem est une des chambres du presbytère, la plus belle il est vrai, mais telle pourtant qu'un étudiant aurait besoin de toute sa jeunesse et de quelque philosophie pour s'y trouver à l'aise. Deux chaises, les deux seules chaises qu'il y eût dans toute la maison, en formaient le mobilier. Hélas! souvent il y en a une de trop ! L'acanthe qui fleurit en mai, et qui donne une longue grappe de fleurs blanches entourées de vertes alvéoles, avait fourni des bouquets pour parer l'autel, fait d'une planche accrochée de chaque côté à la paroi de l'étroite cellule. Pas de tapis sous les pieds dû prêtre, pas de pupitre pour placer le missel ; deux restes de bougies dans des chandeliers de fer. O Dieu de la France, quelle pauvreté !

         Voilà le presbytère, voilà l'église, voilà l'autel, voilà le culte!
         Tandis que le bon curé allait et venait, disposant tout lui-même avec un visage paisible, je l'admirais, je le plaignais. Je me disais qu'il devait envier le sort des missionnaires, car les consolations que le missionnaire trouve parmi les sauvages ne se rencontrent point ici. La religion n'y est ni forte, ni persécutée ; elle est méprisée, elle est jugée inutile. Ses victoires sont d'obtenir, pour célébrer les saints mystères, une baraque où le prêtre reste seul ; d'amener un Européen à faire réhabiliter son mariage, dont il ne respectera pas mieux la dignité, ou à faire baptiser son enfant, qui n'apprendra pas mieux à prier.

         Quant à éclairer les infidèles, on le lui défend. Il y a peu d'injures directes à craindre, mais, ô mon Dieu! Quelles plus sanglantes injures pour vos prêtres que celles qui vous sont adressées sans cesse ! Quel supplice plus cruel que de voir des hommes bien élevés, instruits suivant le monde, braves, généreux souvent et doués d'une âme excellente, sacrifier tout pour le monde et ne vouloir jamais rien faire pour Dieu, ni pour leur éternité? Cette indigente chapelle, combien je l'aurais trouvée riche et opulente, si seulement les quinze personnes qu'elle aurait pu contenir s'y étaient entassées! Mais j'y restai seul à prier pour la France. La messe commença ; je l'écoutai en demandant à Dieu de toucher tant d'âmes égarées.
         Les paroles latines qui frappaient mon oreille me donnaient quelque espérance, quand je songeais à la longueur des siècles écoulés depuis le jour qu'elles ont cessé de retentir sur ces rivages, où la voix sacerdotale les murmures de nouveau ; Puis quelque roulement de tambour emportait cette espérance, en me rappelant vers quel but se tournent les cœurs ; Et je sortis percé comme d'un glaive de ces paroles du dernier évangile : " In propria venit, et sui eum non receperunt : Il est venu chez soi, et les siens ne l'ont pas reçu !"            
image-Veuillot


LES IMPÔTS !!!
Envoyé Par Monique

              J'ai déjà essayé de payer mes impôts avec le sourire mais ils préfèrent un chèque
              Jean Yanne

              S’il y avait un impôt sur la connerie, l’état s’autofinancerait.
              Jean Yanne

              L’idéal, ce serait de pouvoir déduire ses impôts de ses impôts
              Jean Yanne

              La déclaration d’impôts peut passer pour le contraire d’une déclaration d’amour : on en dit le moins possible
              Inconnu

              Chaque fois que mon percepteur revenait, je payais un impôt sur le revenu
              Raymond Devos

              C’est au moment de payer ses impôts qu’on s’aperçoit qu’on n’a pas les moyens de s’offrir l’argent que l’on gagne
              Frédéric Dard

              Pourquoi est-ce qu’en matière d’impôts une légère augmentation vous coûte 100 euros alors qu’une réduction substantielle vous en fait gagner 5 ?
              Frédéric Dard

              Les impôts ont été inventés pour que tout le monde n’ait pas envie de réussir
              Philippe Bouvard

              Le jour est proche où nous n’aurons plus que « l’impôt » sur les os
              Michel Audiard

              La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme
              Georges Pompidou

              Lorsque je donne quatre coups de pédale, il y en a trois pour le fisc
              Bernard Hinault

              Le fraudeur fiscal est un contribuable qui s’obstine à vouloir garder un peu d’argent pour son propre usage
              Philippe Bouvard

              Si l’état créait un impôt sur la beauté, je serais exonéré
              Sim

              Un millionnaire est un milliardaire qui vient de payer ses impôts
              Jean Rigaux

              C’était un Français qui payait tellement d’impôts… que le jour où il mourut… le gouvernement fit faillite
              Roger Pierre

              La chose la plus difficile à comprendre au monde c’est l’impôt sur le revenu !
              Albert Einstein



QUELQUES PAGES D'UN VIEUX CAHIER

Source Gallica

Souvenirs du Général Herbillon (1794 - 1866)
Publiés par son petit-fils

        CHAPITRE VI
        Guelma.- Rivalité dans la tribu des Hanenchas entre Resky et Asnaoui.- Une colonne du 26ème de ligne appuie les prétentions de Resky, mais échoue. - Levée des impôts.- Tentative de négociations avec Asnaoui. - Soumission de la tribu des N'Bails du Fedj-Falcoun.- Exécution capitale.


        Ma nomination au cercle de Guelma, qui était à former, ne me laissait pas sans inquiétude, car si je n'avais qu'effleuré les affaires arabes pendant mon séjour à M'Djez-Amar, j'avais déjà compris la grande difficulté d'administrer les indigènes, d'être à leur tête, non seulement comme chef, mais encore comme homme politique et comme juge. En 1838, en effet, rien n'était encore arrêté pour l'organisation des bureaux arabes. Par conséquent, le commandant supérieur d'un camp et surtout d'un Cercle était le distributeur de grâces, de peines et le chef souverain des tribus qui étaient renfermées dans l'étendue de son territoire.
         M. le général Désirier s'était déjà beaucoup occupé de l'organisation des Kabyles, leur avait nommé un caïd des Khalifats; il avait même établi des relations avec les tribus arabes des environs. Mais tout était ébauché et rien n'était bien solidement établi; les rouages ne fonctionnaient pas, aussi querelles continuelles entre Kabyles et Arabes, assassinats, vols incessants et vengeances de toute espèce.

        La formation des Cercles, dont le maréchal Valée est le créateur, ayant pour but de mettre entre les mains des officiers français le pouvoir, la direction et l'administration du pays, il fallait dès le début gagner la confiance des indigènes par une sévérité bien entendue, par la dignité du maintien et par un caractère froid et conciliant. On devait les frapper par le désintéressement, qui est rare chez eux et enfin par des relations de commerce et amicales, rapprocher de nous des tribus nombreuses qui ne nous connaissaient que comme ennemis de leur religion et comme envahisseurs de leur territoire.
         Bien pénétré de l'importance de mes nouvelles fonctions, j'arrivais à Guelma le 16 décembre 1838.

         Le camp était renfermé dans l'ancienne enceinte de la Calama du temps de Justinien. De longues baraques faites à la hâte servaient de logement aux officiers, sous-officiers et soldats. On avait réservé la meilleure pour l'hôpital. Des hangars mettaient tant bien que mal les chevaux à l'abri du mauvais temps.

        Le colonel Désirier avait tracé l'emplacement d'un village où quelques marchands hardis avaient fait construire quatre à cinq maisons qui furent abandonnées, n'étant point défendues contre les attaques des Arabes. Ces quelques marchands et des cantiniers s'étaient réfugiés dans l'intérieur du camp où on les avait autorisés à élever des gourbis. C'était un marché permanent où se débitait quantité de mauvais vin et force alcool, mais qui malgré ce grave inconvénient, était nécessaire par suite de l'éloignement de Bône dont la route n'était point sûre.

         Le 9 janvier 1839, je pris possession de la baraque du commandant supérieur. Elle était composée de deux pièces dont l'une servait de salle à manger, de salon pour recevoir les Arabes; la seconde de chambre à coucher. Couvertes en planches non jointives, ayant la terre pour plancher, il en résultait que par les grandes chaleurs on y étouffait et en cas de pluie, il n'y avait point d'autre moyen de se mettre à l'abri que de se couvrir de son manteau.

        A peine installé, tous les caïds, cheiks et grands des tribus kabyles et arabes vinrent me présenter leurs hommages et commencèrent par exposer nombre de griefs et de plaintes, des réclamations, des prétentions outrées. Je pris près d'eux tous les renseignements dont j'avais besoin et de ce jour je traitai moi-même toutes les affaires qu'ils me soumettaient et dont un assez grand nombre furent de la plus haute gravité.

         Le 10 janvier, le fils aîné de Resky, cheik des Hanenchas, arrive à Guelma. Il se dirigeait sur Constantine pour solliciter le départ d'une colonne dont le but était de faire reconnaître son père par toutes les tribus des Hanenchas.

        Le concurrent de Resky était Asnaoui, homme fin, rusé, astucieux, ennemi mortel de son adversaire. Il avait profité de la soumission de Resky pour se faire valoir auprès de Hanenchas qu'il avait entièrement gagnés à son parti. Il y avait eu du sang répandu entre les deux familles et la réconciliation devenant impossible, Resky avait compris que par son influence seule, il ne pouvait abattre son ennemi. Il eut recours aux Français non seulement pour le soutenir, mais encore pour l'installer solidement dans son caïdat. Tahar, son fils, obtint du général de Galbois qu'une colonne partirait de Guelma pour faciliter l'investiture de son père.
         Les préparatifs de départ, l'organisation de la colonne durèrent presque un mois.
         Cette première affaire, dont les suites furent si graves, me démontra combien il fallait de prudence, de tact, de discernement pour découvrir toute la fausseté du caractère arabe qui, pour arriver à ses fins, n'épargne ni souplesse, ni mensonges, ni prières.

         Le 8 février, la colonne partit de Guelma. Elle était peu forte et commandée par M. le chef de bataillon Janet, du 26ème de ligne. Elle alla camper près de la Seybouse, chez les Beni-Muzelines ; le lendemain, elle entra dans le pays des Hanenchas où, le 12, elle eut une affaire avec les indigènes qui la voyant peu nombreuse la harcelèrent. Le commandant, s'apercevant trop tard que le cheik Resky ne pouvait tenir les promesses qu'il avait faites de fournir bêtes de somme et cavaliers, crut prudent de rétrograder. Il rentra à Guelma le 17, après la perte de quelques hommes et plusieurs blessés. Cette expédition manquée donna de la force et de l'influence à Asnaoui. Quant à Resky, il vint camper à quatre lieues de Guelma, où sa famille et lui furent à la charge du Gouvernement français.

        Cette expédition fut faite avec la plus grande légèreté. Le général de Galbois, se fiant aux belles paroles de Tahar et de Resky, ne doutait nullement du succès et le commandant Janet se mit en route sans avoir pris aucun renseignement ni sur le pays qu'il avait à parcourir, ni sur les tribus qui devaient reconnaître le caïd. Cette malheureuse affaire retarda beaucoup la soumission du pays et nuisit considérablement aux relations que je commençais à entamer avec les tribus de la montagne.
         Ainsi, dès mon début dans les affaires arabes, j'eus de grandes difficultés à surmonter, car, comme le Gouvernement n'avait encore rien arrêté sur l'extension à donner à la conquête africaine, il fallait négocier entre les Arabes et éviter tout conflit.

        Le retour précipité de la colonne causa un peu d'émoi parmi les tribus soumises, mais ce ne fut qu'un moment. Les habitants du Guerfa trouvant en moi un homme intègre et juste m'apportèrent tous leurs litiges à juger, même les plus délicats et les plus secrets. Cette confiance qu'ils eurent en ma manière d'agir envers eux, ils me la conservèrent pendant tout le temps que je restai à Guelma.

         Le 28 février, Asnaoui qui jusqu'à ce moment n'avait eu aucune relation avec moi me fit faire des compliments. De cette époque, nous ne fûmes plus étrangers l'un à l'autre. Malheureusement, des tiers se mirent en opposition avec ses intentions de soumission et furent cause que cette partie de la province nous resta longtemps hostile.

        Le général Guingret (Il avait remplacé le colonel Roux dans le commandement de la subdivision de Bône) vint à Guelma le 9 avril. Pendant son séjour au camp, il témoigna sa satisfaction pour la manière dont les affaires arabes étaient traitées et l'extension que prenaient les relations avec les tribus. Il alla visiter la famille Resky, le caïd Elsir-Ben-Mourad et parcourut un peu le pays, mais sans beaucoup s'intéresser aux choses.

        Il était instruit, avait bien fait la guerre, était allé aux colonies, comprenait parfaitement toutes les questions arabes qui lui étaient soumises; mais viveur et joyeux compagnon, indifférent sur les solutions à donner, il n'en imposait nullement à ses subordonnés. Les Arabes n'avaient pour lui que le respect dû à un grand chef, sans la confiance et le prestige qui devaient être l'attribut de sa haute position.
         L'année précédente, un premier essai de prélèvement de l'impôt sur le territoire avoisinant les camps de Guelma et de M'Djez-Amar avait donné un bon résultat. Il s'agissait maintenant d'en étudier l'application non encore tentée chez les indigènes de la montagne.

        Le 23 juin 1839, je me mis en route pour commencer le prélèvement du hokor ( Une des quatre contributions arabes perçues en Algérie. N'est levée que dans le département de Constantine. Représente le loyer des terres sur lesquelles la tribu n'a qu'un droit de puissance (Voir Larousse)) chez les Achaïdes, tribu nombreuse qui habitait la partie est du Djebel Mahouna. Ma colonne était très faible et peu capable de s'opposer à un refus de paiement. Il fallait donc avant tout éviter un conflit et j'obtins par la conciliation la rentrée de l'impôt, tel qu'il avait été fixé par le Caïd et moi. Le 4 juillet, je rentrai à Guelma, après avoir accompli une mission qui me donna espoir pour l'avenir, en prouvant que l'on pouvait par la prudence arriver à obtenir des indigènes des impôts, chose que l'on croyait alors peu praticable. Depuis cette époque, le cercle de Guelma ne cessa de payer le hokor et l'achour (Dîme prélevée au profit de l'Etat sur les produits de la terre. Est payé en argent depuis 1858 (Voir Larousse), dans ce but et une entrevue devait avoir lieu sur le territoire de cette dernière tribu.).
         Les négociations avec Asnaoui avaient suivi leur cours. Le cheik des Hanenchas m'avait envoyé des émissaires pour me sonder sur les conditions de sa soumission future.

         Un de ses amis, le cheik des Ouled Kaibeb s'était entremis, j'avais prévenu M. le général de Galbois des démarches faites par Asnaoui, de son désir de se rapprocher des Français et de son intention de faire sa soumission, à condition que la famille Resky s'éloignerait. Le général avait acquiescé et m'avait envoyé le diplôme d'Asnaoui avec une lettre pour Resky par laquelle il l'engageait à se rendre à Constantine.

        Les choses en étaient arrivées à faire espérer que toute cette partie de la province allait être soumise sans brûler une amorce. Mais, soit mauvaise intention des Arabes qui étaient près du général Guingret, soit son désir de terminer lui-même cette affaire importante, il se rendit à Guelma le 2 août, pour se rendre au rendez-vous que je devais avoir avec Asnaoui. Celui-ci, soupçonneux de son naturel, ne vit dans le voyage du général que le projet de s'emparer de sa personne. Il ne vint pas au rendez-vous et se retira du côté de la frontière de Tunis. Cette affaire entamée et amenée jusqu'au résultat fut donc manquée par la faute du général Guingret.

        De ce moment, Asnaoui devint notre plus mortel ennemi.

         La situation sanitaire devenait peu rassurante. Pendant les mois de juillet et d'août, les malades augmentèrent d'une manière effrayante. Le 22 septembre, il y avait 310 hommes à l'hôpital, c'est-à-dire dans les baraques que l'on avait évacuées pour mettre les malades à l'abri. La garnison était de 600 hommes, il en résultait que plus de la moitié de l'effectif était hors de service.

        Le 12ème de ligne, colonel Roux, était rentré en France depuis le commencement de l'année 1839. Sur l'ordre du maréchal Valée, quoique comptant toujours à ce régiment, j'avais conservé mes fonctions de commandant du Cercle. Le ministre donna l'ordre de me faire réintégrer immédiatement mon poste à Avignon.
         En réponse à cette lettre impérative, le maréchal Valée rendit compte le 6 octobre 1839, qu'il ne pouvait se séparer de moi, car aucun officier ne pouvait remplir mes fonctions à la tête du cercle de Guelma.

        - " Il est d'une importance majeure, dit-il, que sous le rapport militaire comme sous le rapport administratif, cette partie du territoire (du côté de Tunis) soit entre les mains d'un homme militaire et administrateur. C'est le cas d'Herbillon que je ne peux en conséquence déplacer.
        Il serait donc à désirer que le ministre voulût bien placer cet officier supérieur dans une situation qui lui permît de continuer à résider en Afrique. " -


        Les raisons données par le maréchal Valée motivèrent une permutation en date du 15 novembre 1839 et je passai au 26ème de ligne en remplacement de M. Maigret. Cette nouvelle fut portée à ma connaissance par une lettre du général Guingret, en date du 18 décembre 1839, qui m'annonçait en même temps mon maintien au Cercle de Guelma.
         Pendant que cette question se débattait pour moi dans les hautes sphères du commandement, je ne restais pas inactif. Les alentours du camp étaient loin d'être sûrs; des troubles étaient fomentés de temps en temps par des agitateurs, des fanatiques. Il importait d'y mettre bon ordre et d'étouffer les tentatives de soulèvement. La rivalité de Resky et d'Asnaoui se réveillait, les N'Bails esquissaient un mouvement de révolte.

        Malgré la plus grande surveillance, des assassinats étaient souvent commis par des Arabes sur les militaires, voituriers isolés et même à la porte des camps. Ainsi, le 4 octobre, il me fut annoncé que des Arabes avaient assassiné un boulanger nommé Charles qui s'était établi dans une maison près de M'Djez-Amar et qu'un soldat avait été dangereusement blessé.

         Durant toute l'année 1839, l'inquiétude exista dans le Cercle de Guelma. Lebey Akmet allait de temps en temps exciter les Haractas contre nous. Les tribus voisines avaient des relations avec cet ancien chef, et nos caïds même lui envoyaient journellement des mulets chargés de provisions.

        C'est au mois de novembre que le vieux Resky, se croyant de nouveau assez fort pour attaquer Asnaoui son adversaire, rassembla les chefs des Hanenchas qui se rendirent près de lui. Resky et ses neveux entrèrent donc dans le pays. Ils se mirent à la poursuite d'El Asnaoui qui, les ayant attirés près de la Medjerda, reprit l'offensive. Les Grands qui étaient avec Resky l'abandonnèrent et le malheureux vieillard fut obligé de fuir jusqu'au pays des Klennas où il s'établit avec sa famille.

        Le 13 décembre, les N'Bails du Fedj-Falcoun ayant reçu à coups de fusil des spahis que j'avais envoyés chez eux pour porter un ordre, je sortis de Guelma à 10 heures du soir. Je marchai toute la nuit et le lendemain à la pointe du jour, deux douars furent enlevés. Je revins au camp avec 200 bœufs, 200 moutons, 20 chevaux. Le cheik Tahar-N'Bili vint quelques jours après demander l'aman. Depuis ce jour, cette tribu fut entièrement soumise.
         Cette répression énergique et rapide me valut une première citation à l'ordre du jour de la subdivision de Bône, en date du 19 décembre 1839.

        Ici se place un trait de mœurs à propos de l'exécution capitale qui eut lieu le 15 décembre 1839 sur la place du Marché de Guelma.

        Un nommé Said-Ben-Messaoud avait assassiné, dans sa tente, le Kabyle Ali-Ben-Messaoud. Le meurtrier ayant été arrêté, les cheiks kabyles demandèrent que sa tête tombât. Je les réunis en Medjelen ( Le Medjelen était l'assemblée des notables) et le coupable fut condamné à l'unanimité à mort. A la requête des cheiks, il fut livré à la famille du défunt. Ce fut le père du malheureux jeune homme assassiné qui voulut trancher la tête du meurtrier de son fils. Quoique âgé de soixante-dix ans, il exécuta la sentence et quand la tête fut séparée du corps, le vieillard trempa ses mains dans le sang du coupable et s'en frotta la figure. La rage de la vengeance était empreinte sur la figure de ce vieillard.

        Il n'y a pas encore deux ans qu'Herbillon est investi de ses fonctions spéciales de commandant de Cercle et déjà il a su prendre une telle autorité, donné la mesure de ses dispositions si spéciales pour l'administration des affaires indigènes qu'une lettre du général Guingret au maréchal Valée signale la nécessité de le nommer au plus tôt lieutenant-colonel pour services exceptionnels.

        ARMÉE D'AFRIQUE DIVISION
         DE CONSTANTINE
         Subdivision de BONE
Bône, le 3 novembre 1839.         

Monsieur le Maréchal,         

        Je me proposais d'avoir l'honneur de vous écrire en faveur de M. le commandant Herbillon, avant même de recevoir la lettre ci-jointe, que m'adresse cet officier supérieur. Je ne puis rien faire de mieux dans son intérêt que de vous la transmettre.
         M. le chef de bataillon Herbillon, à la fois comme militaire et comme chef politique du Cercle de Guelma est au-dessus des éloges qu'on pourrait en faire. Les résultats qu'il obtient prouvent plus pour lui que ne feraient ses paroles. Il est de ceux qu'il ne faut pas entraver. S'il y avait partout des officiers de sa trempe, les affaires d'Afrique marcheraient toutes seules, je crois donc utile dans l'intérêt de votre Gouvernement, de l'attacher au sol africain; la partie la plus intelligente et la plus précieuse de son mérite sera perdue ou annulée dans un régiment.

        Cependant, que ce chef de bataillon reste au 12ème ou passe dans un autre régiment de l'armée d'Afrique, jamais le colonel de son corps ne le proposerait pour l'avancement au choix, puisque cet homme de mérite spécial ne serait qu'une non-valeur pour le régiment où il compterait. D'un autre côté, la position militaire du commandant du Cercle de Guelma exigerait qu'il fût revêtu du grade de lieutenant-colonel, puisque la garnison de cette place est sous les ordres d'un chef de bataillon, qui peut se trouver plus ancien que M. Herbillon, ce qui susciterait des frottements nuisibles au service.

        D'après ces considérations d'intérêt de service et aussi pour que le commandant reçoive la juste récompense de ses services passés et un puissant encouragement pour ceux que lui seul est capable de rendre dans les fonctions que vous l'avez deviné capable de remplir, je vous demande instamment non seulement de le faire porter d'office sur le tableau d'avancement des officiers supérieurs de 1840, mais bien de le faire nommer dès à présent, pour services extraordinaires, à l'une des premières places vacantes qui auront lieu dans le grade de lieutenant-colonel.

        Permettez-moi de vous faire observer, Monsieur le Maréchal, que le commandant du cercle de La Calle et le commandant Janet du 26ème ont été nommés officiers de la Légion d'honneur, tandis que M. Herbillon, homme d'une tout autre taille, n'a point encore été récompensé. Il mérite le grade de lieutenant-colonel et ce grade est indispensable à sa position actuelle. Il faut d'ailleurs pousser cet officier supérieur pour qu'il arrive enfin en position de rendre en Afrique tous les services que l'on doit attendre de son caractère, de son instruction et de son genre de mérite.
Général GUINGRET.

         Cette question paraît avoir été l'occasion d'une correspondance suivie entre le maréchal Valée et le général Guingret, car en date du 13 janvier 1840, le général Guingret écrit à Herbillon la lettre suivante, provoquée apparemment par une missive reçue du maréchal peu de temps avant :
         Commandant,
         Le Maréchal répond à ma dernière lettre qu'il a appelé l'attention du ministre sur les services rendus par M. Herbillon dans les fonctions importantes qu'il occupe et qu'il espère lui voir en obtenir la récompense. Il me prie de le tranquilliser à cet égard, en lui donnant l'assurance qu'il fera tout ce qui dépendra de lui pour attirer sur cet officier supérieur la bienveillance du Gouvernement du Roi. Dormez donc en paix.
         Le Maréchal, comme vous le verrez par l'ordre du jour de l'armée, a remporté un avantage signalé sur les troupes de l'Émir. C'est une véritable victoire, répandez-en la nouvelle.
         Le Lieutenant-Général est ici depuis hier, il s'en retournera par Philippeville. Une batterie de montagne se trouve retenue à Nechmeya, le ruisseau d'Or n'étant pas guéable.
         Recevez, Commandant, l'assurance de ma considération très distinguée.
Général GUINGRET.

A SUIVRE


PHOTOS DIVERSES
Envoyées par M. Pierre Barisain et M. J.L. Ventura
Cette photo retrouvée de PNs (en majorité d'Oran sur la photo) Zouaves aux Dardanelles en 1915...
Selon, "le président Jupiter" Combien de ces "criminels contre l'humanité" de 20 ans sont revenus en 1918 ? N'oubliez jamais !
Photo de M. P. Barisain
QU'ONT-ILS FAIT DE MA RUE SADI CARNOT ?
Phote de M. J.L. Ventura


L'ère de la brebis qui parle en arabe !
Envoyée par Mme E. Saurel
La société algérienne se trouve, de plus en plus,
noyée dans le charlatanisme.

        Inondée par les fables et les illusions mensongères. Il paraît, de plus en plus, que cette société a les pieds enfoncés dans la boue d’un temps morose où la bêtise est généralisée ou presque. Depuis le mensonge divin du FIS (parti du Front islamique du salut) des années quatre-vingt-dix, depuis cette illusion politico-céleste caractérisée par l’écriture du nom d’Allah au laser, la société algérienne s’enracine dans le trouble et dans la stupidité. C'était dans un meeting djihadiste, où les militants du FIS fêtaient leur victoire politique controversée, et au-dessus des têtes de leur militants et militantes, et sous la voix de leur guide Abbassi Madani, ont projeté dans le ciel le nom d’Allah écrit au laser. Des dizaines des fous d’Allah, en voyant le nom d’Allah écrit dans le ciel sont tombés dans les pommes ! Pour leur guide, c’est le bon Dieu, Allah s’est manifesté pour les aider, pour les féliciter et pour les honorer ! “Allah s’est révélé aux fidèles du FIS !!” “Ils ont vu, de leurs propres yeux, le nom du bon Dieu inscrit dans le ciel. Le miracle !” Depuis ce jour-là, la société algérienne s'enterre, et de plus en plus, dans la boue de la fausse conscience politico-religieuse. Prise en otage par le charlatanisme religieux, politique, et médiatique. Notre société, de plus en plus, s’islamise, se vide de l’intelligence, de la raison. Et les intellectuels de la lumière désertent la scène. Et voici en 2014, cette société, qui glorieusement, avec fierté, a enfanté Djamila Bouhired, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Mouloud Mammeri, Mohamed Khadda, Tahar Benaïcha… se trouve entre les mains d’un certain charlatan nommé Bellahmer. Guérisseur de toutes les maladies organiques et psychologiques : de la stérilité jusqu’au cancer ! En génie religieux-médical, il mène une guerre magique pour libérer les citoyens, ses patients, de tous les Satans, les djinns et les mauvaises âmes. Les charlatans avancent et la raison recule. L’obscure s’établit et la lumière s’éclipse. Le fanatisme se généralise.
         En 2016 un autre charlatan appelé Dr Zaïbat, appuyé par les médias télévisuelles conservatrices et propagandistes, soutenu par le ministère de la Santé, annonce qu’il vient de découvrir avoir un remède magique pour les diabétiques. Un miraculeux médicament appelé RHB

         “Rahmat Rabi” (Clémence du Dieu). Ce charlatan scientifiste a trouvé en la société algérienne fanatisée un espace humain prêt à accepter ses mensonges.

         En 2018, au village de Djediouia, à une quarantaine de kilomètres de Relizane, le bouc d’un éleveur donne du lait béni ! Une fois l’information a été donnée par les médias fanatisés et islamisés, le village de Djidiouia s’est métamorphosé en lieu de pèlerinage médical ! Des quatre coins d’Algérie les hommes et les femmes se bousculent devant la demeure du propriétaire de ce magique bouc afin de s’offrir une dose du lait du béni bouc. Une fois de plus, et après l’urine du chameau qui guérit le cancer, voici le lait du bouc qui traite toutes les maladies chroniques ! Tout ce charlatanisme à caractère religieux ou scientifiste est appuyé et soutenu par les forces dormantes de l’intégrisme et de l’obscurantisme. Il est diffusé et pris en charge par des médias télévisuels conservateurs qui nuisent à la santé culturelle, spirituelle et intellectuelle de notre société. Dans un pays où la roqya remplace l’ordonnance médicale. Le charlatan avant le médecin. Dans une société où les gens ont tété un bouc, où les gens ont écouté la brebis de Biskra qui a parlé en arabe annonciatrice d’une catastrophe, en ce temps même les autres, les mécréants, les occidentaux ont réussi à cloner, dans leur laboratoire, la brebis Dally ! Dans une société pareille, la nôtre, qui sommeille dans le fanatisme, la démocratie ainsi que la citoyenneté sont menacées. Depuis le nom d’Allah au laser, passant par le nom du Prophète écrit sur la pastèque, et jusqu’au bouc au lait béni, la société algérienne dérive, s’égare loin de la modernité et de la conscience historique.



« LES SEIGNEURS DE LA GUERRE »
Par M.José CASTANO,
LA DISSOLUTION DU 1er REGIMENT ETRANGER DE PARACHUTISTES
« L’Honneur est-il dans l’obéissance absolue au pouvoir légal, ou dans le refus d’abandonner des populations qui allaient être massacrées à cause de nous ? J’ai choisi selon ma conscience. J’ai accepté de tout perdre, et j’ai tout perdu. (…) Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié » (Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc (1er REP) - « L’aventure et l’espérance »)

       … 22 Avril 1961

       Une agitation anormale prenait naissance. On signalait des mouvements imprévus des véhicules de groupes de transport. Il était une heure du matin et les légionnaires du 1er REP, commandés par le Commandant, Elie Denoix de Saint-Marc, fonçaient sur Alger.

       Pouvait-on vivre chargés de honte? La France s’enfonçait dans les égouts, la France n’existait plus. A son secours volaient les légionnaires, prêts à verser leur sang si la légion le leur demandait, marchant de leurs pas d’éternité vers la vie, vers la mort, fidèles à eux-mêmes, aux pierres tombales qui jonchaient leur route, fidèles à l’honneur.

       Au même moment, d’autres « Seigneurs de la guerre » investissaient les grandes villes d’Algérie : le 1er Régiment Etranger de Cavalerie du Colonel de la Chapelle, le 5ème Régiment Etranger d’Infanterie du Commandant Camelin, le 2ème Régiment Etranger de Parachutistes entraîné par ses capitaines et le Commandant Cabiro, dès lors que son chef, le Colonel Darmuzai s’était lâchement désisté, les 14ème et 18ème Régiments de Chasseurs Parachutistes des Colonels Lecomte et Masselot, le groupement des commandos de parachutistes du Commandant Robin, les commandos de l’air du Lieutenant-Colonel Emery… Les fleurons de la 10ème et de la 25ème Division de Parachutistes.

       Et puis d’autres unités se rallient au mouvement : le 27ème Dragons du Colonel Puga, le 7ème Régiment de Tirailleurs Algériens du Colonel Rafa, le 1er Régiment d’Infanterie de Marine du Commandant Lousteau, le 6ème RPIMA du Lieutenant-Colonel Balbin et le 8ème RPIMA du Colonel Lenoir, le 94ème RI du Colonel Parizot, le 1er RCP du Colonel Plassard, le 9ème RCP du Colonel Bréchignac… A noter aussi le ralliement immédiat des harkis du Commandant Guizien, basés à Edgar-Quinet, village situé au pied de l’Aurès. Au lendemain du cessez-le-feu, ils paieront très cher leur fidélité : Un millier de ces supplétifs, avec femmes et enfants, seront massacrés dans des conditions effroyables…

       Néanmoins quelque chose avait filtré du projet. Il n’est pas de secret que puissent garder tant d’hommes en marche vers leur mystérieux rendez-vous. De confuses alertes chuchotées de bouche à oreille avaient couru d’un bout à l’autre de l’Algérie, affolant par l’imminence d’un événement qu’ils pressentaient, de « courageux » officiers qui s’étaient ainsi rués dans l’une de ces échappatoires qui leur permettrait, plus tard, de pouvoir se disculper tant auprès des vaincus que des vainqueurs : Ils s’étaient fait mettre en permission pour éluder le choix et des quatre coins d’Algérie, des chefs étaient partis pour ne pas être présents quand se lèveraient les aurores difficiles… Pourtant, des années durant, sur les tombes des officiers tués au combat, ces mêmes chefs avaient limité leur oraison funèbre à un serment prêté sur les cercueils drapés de tricolore : « Nous n’abandonnerons jamais l’Algérie ! ». Qu’en était-il aujourd’hui ?

       Fallait-il dans ce cas employer la force? C’est dans de tels moments que bascule le destin des hommes… et c’est à ce moment-là que bascula celui de l’Algérie française…

       Parce que la fraction de l’armée qui s’était révoltée refusait de mener le même combat que celui du FLN, la bataille allait être perdue. Parce que les généraux (notamment le général Challe), avaient eu la naïveté de croire qu’une révolution se faisait sans effusion de sang et pouvait se gagner uniquement avec le cœur et de nobles sentiments, ils allaient entraîner avec eux dans leur perte les meilleurs soldats que la France ait jamais eus… et tout un peuple crédule et soumis.

       A l’évidence, ils négligèrent les recommandations d’un célèbre révolutionnaire : Fidel Castro, dont la doctrine était la suivante : « Pour faire une révolution, il vaut mieux un chef méchant que plusieurs chefs gentils ».

       25 Avril 1961

       Le général Challe prend la décision de mettre fin au soulèvement et de se livrer au bon vouloir de Paris. Ce faisant, il va consacrer la défaite des plus belles unités, livrer 20 ans de sacrifices et d’expérience. Ce qu’il remet à l’état gaulliste, c’est la force morale d’une armée qui retrouvait le goût de vaincre, c’est tout un capital jeune et révolutionnaire qu’elle avait amassé avec tant de souffrance pour la nation.

       … Et ce fut la fin… Les camions défilèrent un à un avec leur chargement de généraux, de colonels, de paras et de légionnaires. Les hommes chantaient une rengaine d’Edith Piaf : « Non, rien de rien… Non, je ne regrette rien »…

       Ainsi durant quatre jours et cinq nuits, des hommes valeureux avaient tenté de sauver l’Algérie. Son corps se vidait de son sang, tout sombrait. Leur dignité imposait de se conduire en Seigneurs, même s’ils étaient chargés de tout le désespoir du monde. Ne rien regretter ? Si ! D’avoir perdu. Et des camions qui roulaient maintenant dans la nuit profonde, toujours ce chant qui s’élevait encore plus vibrant :

       « Non, rien de rien
       Non, je ne regrette rien… »


       Je ne regrette rien ! Ce cri allait désormais devenir l’hymne de ceux qui avaient osé et qui avaient tout sacrifié… sauf leur honneur.

       C’étaient des hommes vaincus –provisoirement-, courageux et généreux qui connaissaient l’adversité. Les légionnaires se souvenaient pour la plupart de leurs combats pour la liberté en Pologne ou en Hongrie, pour d’autres, ceux des rizières du Tonkin, pour d’autres encore, de ceux de That-Khé, Dong-Khé, Cao-Bang, Diên Biên Phu qui furent les tombeaux d’unités prestigieuses telles que les 2ème et 3ème Régiments Etrangers et du 1er BEP -Bataillon Etranger de Parachutistes-, celui-là même dont les légionnaires du 1er REP étaient les fiers héritiers…

       Les appelés des 14ème, 18ème RCP et des commandos, trop jeunes pour avoir connu tant de gloire, demeuraient traumatisés par ces visions apocalyptiques qui les hantaient et qui représentaient ces visages lacérés où les yeux manquaient, ces nez et ces lèvres tranchés, ces gorges béantes, ces corps mutilés, ces alignements de femmes et d’enfants éventrés, la tête fracassée, le sexe tailladé. Mais tous à ce moment ignoraient le désespoir et savaient que demain la lumière brillerait à nouveau. C’étaient des révoltés à la conscience pure, des soldats fidèles, des Hommes… des vrais !

       Quel contraste étonnant cependant entre ces Seigneurs de la guerre que l’on montrait aujourd’hui du doigt sous le vocable fallacieux de « mercenaires » et de « factieux », ces soldats-loups à la démarche souple de félins accoutumés à la chasse et au guet, infatigables dans le chaos minéral de l’Aurès, soldats perdus dont l’uniforme collait comme une peau de bête, acceptant le défi de la guerre dans les défilés étroits comme des pièges, sur les pitons enneigés ou brûlés par le soleil, dans l’enfer du désert où le monde mort a chassé celui des vivants… et ces hommes flasques qui entonnaient de plus belle leurs incantations à la quille !…

       Au lendemain de la reddition des généraux, de Gaulle s’empressa d’épurer l’armée française. L’occasion était trop belle d’en finir avec les contestataires trop fidèles à leur idéal et à leur parole. C’est ainsi, qu’outre les centaines d’arrestations opérées dans les milieux militaires, policiers et civils, les régiments qui avaient constitué le « fer de lance » du putsch : 1er REP, 14ème et 18ème RCP, Groupement des commandos Parachutistes et Commandos de l’air, allaient être dissous. Le 2ème RPIMA quant à lui, allait être expulsé de ses cantonnements. Dissoutes également, la 10ème et la 25ème Division de Parachutistes. Ne pouvant éliminer toutes les unités compromises sous peine de réduire à néant la force opérationnelle, seul leur encadrement serait sanctionné…

       C’est ainsi qu’au cantonnement du 1er REP, l’ordre vint, sec et cruel. Le régiment était aux arrêts ! Tous les officiers de cette prestigieuse unité devaient sur le champ se constituer prisonniers. Beaucoup de légionnaires refusaient de s’incliner ; ils voulaient livrer un ultime baroud d’honneur. Leur « Camerone » à eux, ils le souhaitaient, ils le désiraient. Mais toute résistance devenait désormais inutile. Leur sacrifice aurait été vain, l’Etat était trop puissant, la France entière était contre eux, elle les avait reniés et l’Algérie était d’ores et déjà condamnée. Les blindés de la gendarmerie mobile cernaient le cantonnement, prêts à leur donner l’assaut. La flotte était là à quelques encablures, ses canons pointés vers eux. Allons ! Il faut céder. C’en est fini du 1er REP…

       La population européenne tout entière se dirigea vers le camp de Zéralda où les légionnaires étaient cantonnés. Elle voulait dire adieu à « son » régiment, le saluer une dernière fois, lui dire encore et toujours : Merci ! Merci à « leurs » légionnaires. Les commerçants baissaient leurs rideaux, les jeunes filles portaient des brassées de fleurs. A eux, les portes du camp s’ouvrirent. Les journalistes furent interdits. « Vous ne verrez pas pleurer les légionnaires ! » leur lança un officier. Même les cinéastes du service cinématographique des armées furent refoulés. Pas question de filmer la mort du REP!

       Le silence se fit. Une ultime et bouleversante cérémonie aux couleurs, réunit autour du grand mât blanc, la population et ces valeureux baroudeurs, jeunes d’Algérie et vétérans d’Indochine.

       Soudain, de la foule en larmes, surgit une petite fille. Tel un ange de blanc vêtu, elle s’avança vers les rangs des légionnaires, une feuille à la main. D’une voix douce et faible elle en fit la lecture. C’était l’ultime hommage du petit peuple de Zéralda à « ses » enfants en reconnaissance de leurs sacrifices, leur courage et leur fidélité. Puis elle éleva sa petite main jusqu’à sa bouche et dans un geste empreint d’une infinie tendresse, leur adressa un baiser. A ce moment, les applaudissements crépitèrent et une pluie de pétales de rose tournoya dans les airs.

       Gagnés par l’émotion et la rancœur, des légionnaires parachutistes, le visage tendu, les yeux rougis, sortirent des rangs, ôtèrent leurs décorations couvertes d’étoiles, de palmes et de gloire et les jetèrent devant eux. L’assistance regardait avec une sorte d’effroi ces médailles qui jonchaient le sol. Des femmes les ramassaient et en les embrassant, les rendaient aux paras : « Si, si, reprenez-les ! » Des officiers pleuraient.

       Puis ce fut l’embarquement dans les camions. Certains criaient : « De Gaulle au poteau ! », d’autres « Algérie française quand même ! ». Sur leurs joues, des larmes coulaient. D’autres s’efforçaient de sourire à la foule venue en masse pour les saluer et qui s’époumonait à hurler sur leur passage : « Vive la légion ! », tandis qu’à la vue des képis blancs, les gendarmes mobiles s’effaçaient.

       La colonne traversa la petite ville où les Européens qui n’avaient pu se rendre au camp couraient sur les trottoirs, leur lançant un ultime adieu. Des mains jetaient des fleurs sous les roues des camions.

       Un à un, les lourds véhicules passèrent au milieu des cris, des larmes, des baisers envoyés à la volée. Alors, de la colonne, couvrant le grondement des moteurs, 1200 légionnaires, partagés entre la colère et le chagrin, entonnèrent un refrain aux lentes cadences, pathétique, triste, entrecoupé de sanglots :

       « Non, rien de rien,
       Non, je ne regrette rien… »


       Le convoi du 1er REP roulait sur un tapis de roses, de lilas et de pensées. Voie triomphale et triste. Et sous les baisers, les acclamations, les larmes et les fleurs, il disparut dans un dernier nuage de poussière, convoi de mariniers halé par une complainte grave, emportant avec lui les plus folles espérances…

       Pauvre régiment ! Si glorieux ! Que triste est ton sort aujourd’hui ! Et dans son sillage se traînait déjà, lamentablement, le fantôme déguenillé de l’Algérie française…

       Et tandis que les légionnaires roulaient vers leur destin, d’autres hommes, d’autres « Seigneurs de la guerre », braves et courageux, parachutistes et commandos des unités putschistes dissoutes assistaient, la rage au cœur, à l’amené du drapeau, de ce même drapeau qu’ils avaient eux aussi défendu au prix du sang dans les rizières d’Indochine et sur les pentes des djebels. La 10ème et la 25ème Division de Parachutistes avaient fini d’exister !…

       … Puis le « cessez- le- feu » fut proclamé. L’ennemi d’hier devint l’interlocuteur privilégié de l’état français… et ce fut la fin.

       Une nouvelle fois le drapeau tricolore fut amené. Une nouvelle fois l’armée française plia bagages poursuivie par les regards de douleur et de mépris et les cris de tous ceux qu’elle abandonnait. Le génocide des harkis commençait…

       Dans le bled –comme en Indochine- les Musulmans qui avaient toujours été fidèles à la France s’accrochaient désespérément aux camions et, à bout de force, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Ce sont, là, des images que seuls ceux qui ont une conscience ne pourront de si tôt oublier…

       Et c’est de cette façon que mourut l’Algérie française… dans la honte, les larmes et le sang… Oui, c’était bien la fin!… la fin d’un monde… la fin d’une génération de soldats… la fin d’une épopée… la fin d’un mythe… la fin d’une race d’hommes… de vrais… celle des Seigneurs de la guerre !

       Et si ces hommes avaient choisi de se battre jusqu’au bout, s’ils avaient vomi le renoncement, c’était encore pour une certaine idée qu’ils se faisaient de la France, c’était pour l’Algérie française leur seul idéal, c’était pour le sacrifice de leurs camarades qu’ils ne voulaient pas vain, c’était pour ces milliers de musulmans qui avaient uni leur destin au leur, c’était pour ces « petits Français de là-bas » qui étaient les seuls à les comprendre et à les aimer et c’était aussi parce qu’ils avaient choisi de se fondre dans un grand corps aux réflexes collectifs, noués dans la somme des renoncements individuels et que par ce chemin, ils atteignaient à une hautaine dimension de la liberté.

       Mais le peuple d’Algérie, lui, n’exprimera jamais assez sa gratitude à ces « soldats perdus », à tous ceux qui, par sentiment profond, ont risqué leur vie, ont abandonné leurs uniformes, ont sacrifié leur carrière, ont été séparés de leurs familles –parfois durant de longues années- ont connu la prison, l’exil, le sarcasme de leurs vainqueurs et de ceux qui n’avaient pas osé, des lâches, des poltrons et des traîtres pour être restés fidèles à leurs serments et à leur idéal.

       Le temps passera, l’oubli viendra, les légendes fleuriront, mais jamais assez l’Histoire ne mesurera la grandeur de leur sacrifice.

José CASTANO
Courriel : joseph.castano0508@orange.fr
« J’ai choisi la discipline, mais choisissant la discipline, j’ai également choisi avec mes concitoyens et la nation française, la honte d’un abandon, et pour ceux qui, n’ayant pas supporté cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire dira peut-être que leur crime est moins grand que le nôtre » (Général De Pouilly)



Les grandes dames de Diên Biên Phu
Envoyé par M.José CASTANO,

Il y a celles dont on ne parlait jamais,
dont on parlera si peu, les petites p*** des BMC

(Bordel Militaire de Campagne)…

       La bataille de Diên Biên Phu, du 13 mars au 7 mai 1954, a fait, côté français, 16 000 morts, blessés et prisonniers, et marqué la fin de la guerre d’Indochine et le retrait de la puissance coloniale française.

       Dans la « cuvette », au côté des blessés et des agonisants, se trouvait Geneviève de Galard, infirmière-chef du camp retranché qui resta jusqu’au bout pour s’occuper des blessés et des agonisants, tandis que le colonel de Castries était retranché dans son QG souterrain et ne prit pas la peine de rendre visite aux blessés.

       Geneviève de Galard était-elle seule ? L’hommage rendu aux combattants depuis lors, a pudiquement passé sous silence celles qui l’aidèrent : les pensionnaires des BMC (bordels militaires de campagne) installés par une armée soucieuse du moral des troupes. Françaises, Maghrébines ou Annamites. Ces très grandes dames furent, aux dires des survivants, admirables de courage, bravant le feu et la mitraille pour venir au secours des soldats. Aucune n’a survécu. Prisonnières du Vietminh, les unes, d’origine vietnamienne, ont été exécutées. Les autres ont été victimes des mauvais traitements de leurs geôliers. Aujourd’hui encore, aux yeux de certains, elles ne sont pas présentables. La morale est sauve !

       Lors de la chute du camp retranché, la plupart ont été capturées. Les Algériennes ont été libérées, tout au moins celles qui ont survécu au siège puis à la longue marche et à la détention. Les Vietnamiennes ont disparu, toutes et pour toujours.

       Un journaliste, Alain Sanders (journal PRESENT), rencontrant des années plus tard le docteur Grauwin (médecin chef du camp), lui demande s'il a connu le sort des prostituées du BMC de la Légion, les Vietnamiennes donc, dont plus personne n'a plus entendu parler.

       - Docteur Grauwin : « Ces filles étaient des soldats. De vrais soldats Elles se sont conduites de façon remarquable. Tous mes blessés, tous mes amputés, mes opérés du ventre étaient à l'abri dans des trous souterrains. Et il fallait qu'ils pissent, qu'ils fassent leurs besoins, qu'ils fassent un peu de toilette. Ce sont ces femmes, ces prostituées transformées en « anges de la miséricorde » qui m'ont aidé à les aider, qui ont permit à nos blessés de supporter leurs misères. Elles les ont fait manger, boire, espérer contre toute espérance ».

       De la suite, de leur agonie, il n'y a plus de témoins directs, simplement le récit que Grauwin a recueilli plus tard, parce qu'un commissaire politique, dans un camp, a parlé de ces femmes à un prisonnier :

       - Pourquoi un commando de femmes contre nous ?
       - Il n'y avait pas de tel commando !
       - Si, elles nous ont tiré dessus !
       Ainsi donc, les filles des BMC, infirmières au plus fort de la tragédie, auraient- elles aussi pris les armes lorsqu'elles n'ont plus eu d'espérance à offrir !...

       Grauwin sait qu'elles ont été rossées, tabassées, affamées… Elles n'ont cessé de crier à leurs bourreaux qu'elles étaient françaises jusqu’à l’ instant où elles ont reçu, l'une après l'autre, une balle dans la nuque.

       Les femmes vietnamiennes présentes dans la vallée :

       Sur les centres de résistance « Béatrice » et « Gabrielle », avaient été installés des BMC3.
       - Celui de « Béatrice », tenu par un bataillon de la 13e DBLE (Demi Brigade de Légion Etrangère) était constitué d’une quinzaine de prostituées vietnamiennes.
       – Celui de « Gabrielle », tenu par un bataillon de tirailleurs algériens, par autant de jeunes femmes nord-africaines.

       Lorsque « Béatrice » a été attaquée, le chef de bataillon Pégot, qui commandait cette position, a aussitôt ordonné aux femmes de rejoindre le centre du camp, pour les soustraire aux combats. Lorsqu’elles parvinrent au réduit central, le colonel de Castries leur ordonna de prendre le prochain avion qui décollerait et de rentrer à Hanoï. Elles refusèrent toutes et réclamèrent de demeurer au service des soldats français, comme aides-soignantes, lavandières, cuisinières ou porteuses de colis.

       Elles restèrent donc et, jusqu’à la fin de la bataille, déployèrent des trésors de dévouement, auprès notamment des blessés. Vers la fin, elles se transformèrent en infirmières de fortune.

       Avec dévouement, elles ont tenu des mains d'agonisants, elles ont rafraichit des fronts d'hommes gémissants, elles ont lavé des blesses qui chiaient sur eux, elles ont recueilli des confidences de types qui appelaient leurs mères, elles ont changé des pansements puants.

       Les Asiatiques, et même les autres, auraient pu déserter et se « refaire une vie » en face en expliquant que ces fumiers de Français les avaient arnaquées.

       Quel soldat de DBP aurait tiré sur une nana courant les mains en l'air vers les lignes Viets ? Aucun !... Mais elles ne l'ont pas fait !

       A la chute du camp retranché, elles furent capturées par les soldats vietminh et envoyées en camp de détention où nul n’entendit plus jamais parler d’elles. Il en fut de même pour les prostituées nord-africaines.

(1) -
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Contrôleur général des armées Philippe de Maleissye
Courriel :




LES MALDISANTS SUR LE RACISME
DE NOTRE CIVILISATION

Envoyé par M. Hugues Jolivet

        Entre les Asiatiques et les Africains du Nord, c'est le jour et la nuit…

        Il serait temps qu'on cesse de nous bassiner avec le prétendu racisme des Français, il serait temps qu'on cesse de nous culpabiliser avec notre passé colonial et notre histoire de France, qui seraient soi-disant responsables de l'échec de l'intégration et des rancœurs accumulées chez les jeunes immigrés... Qu'on arrête aussi de nous bassiner avec les plaies de la guerre d'Algérie, que les Algériens refusent de refermer et utilisent continuellement depuis 55 ans pour s'exonérer du naufrage de leur indépendance.. Ce contentieux va-t-il durer davantage que la guerre de Cent Ans ?...

        Jamais un Allemand ne nous reprocherait les siècles de guerre avec l'Allemagne.
        Jamais un Vietnamien ne nous reprocherait la guerre d'Indochine. Pourtant, les Vietnamiens ont connu à la fois la colonisation et la guerre contre la puissance coloniale. Mais on n'a jamais entendu un Asiatique traiter un Français de sale blanc ou de face de craie. Allemands et Vietnamiens regardent le futur et ne pleurent pas sur leur passé en culpabilisant la France

        Si les Algériens ont dilapidé l'héritage colonial, qui faisait de l'Algérie le pays le plus moderne du continent africain avec l'Afrique du Sud, ce n'est certainement pas notre faute.
        C'est la faute des incapables du FLN, au pouvoir depuis 55 ans et totalement corrompus. La rente pétrolière et gazière a été largement détournée au détriment du peuple.
        Par haine de la France, ils ont fait le choix de se rapprocher de l'Union Soviétique au lendemain de l'indépendance. Un choix économique et politique démentiel qui a ruiné le pays en quelques années.

        En 132 ans de présence, la France a sorti l'Algérie du Moyen-Âge pour la transporter vers le monde moderne. C'est cela la vérité
        Alors que depuis les conquêtes arabes du 7ème siècle, suivies de la domination turque, les envahisseurs musulmans avaient fait du Maghreb un champ de ruines.
        Pourquoi Noirs et Arabes ne s'intègrent pas alors que le modèle d'assimilation républicain a fait merveille avec des générations d'Européens et plus récemment avec les Asiatiques ?
        Tout simplement parce qu'ils ne veulent pas s'intégrer et sont élevés dans la haine de la France pour beaucoup d'entre eux.
        Car l'effort de la République en faveur des immigrés est colossal. Jamais les immigrés n'ont bénéficié d'autant de moyens matériels, financiers et humains que depuis 30 ans.

        Mais quand on regarde les résultats, entre ceux qui font l'effort de s'intégrer et ceux qui haïssent la France, le constat est accablant !!!...
        A des années lumières du discours des associations pro-immigrées et des procureurs qui font chaque jour le procès de la France.

        Il est temps de regarder la réalité en face :
        Selon la seule étude disponible sur le sujet, publiée par l'Insee et l'Ined :
        27% des descendants de parents asiatiques occupent aujourd'hui un poste de cadre contre 14% en moyenne pour les Français, toutes origines confondues.
        9% pour les fils de Maghrébins.
        5% pour ceux d'Afrique subsaharienne.
        "48% des Français d'origine asiatique décrochent un diplôme du supérieur, contre 33% en moyenne en France. Enfin une autre statistique remarquable de l'étude: 27% des enfants d'immigrés chinois sont cadres, contre 14% en moyenne pour les Français"

        Cette réussite des Asiatiques en France est particulièrement frappante pour la deuxième génération des 50000 Indochinois arrivés dans les années 1950, au moment de l'indépendance, et des 250000 "boat people" vietnamiens qui ont fui leurs pays dans les années 1970"..
        Ces chiffres me rappellent l'arrivée d'un groupe de boat people vietnamiens fuyant le régime communiste en 1979. Débarquant à Roissy, leur responsable s'était exprimé avec émotion devant les caméras :
        "Jamais nous n'aurons de mots assez forts pour remercier la France de nous accueillir. Mais que les Français se rassurent, nous allons travailler dur et nous ne serons pas à leur charge très longtemps."

        6 mois plus tard, ces Asiatiques démunis de tout, parlaient français et leurs enfants caracolaient en tête des classements scolaires ! Comment ne pas être admiratif devant une telle volonté de réussir ? Quel exemple pour les jeunes !!!...

        Un discours magnifique de sincérité et de reconnaissance envers la France.
        Comme on aimerait entendre le même dans les banlieues et dans les paroles des rappeurs, qui ne savent que distiller la haine de la France qui les accueille !!
        C'est pour cela que le discours de victimisation qu'on entend à longueur de journée de la part des lobbies immigrationnistes n'est qu'un monumental mensonge.
        Les immigrés asiatiques ne nous ont jamais bassinés avec leur religion.

        On n'a jamais vu un bouddhiste partir à l'étranger combattre contre la France qui l'a accueilli à bras ouverts . On n'a jamais vu des bouddhistes bloquer les rues pour prier, au prétexte que les temples sont insuffisants. On n'a jamais vu les élèves asiatiques contester l'enseignement de l'école républicaine, au prétexte que cet enseignement déplaît à Bouddha. Au contraire c'étaient vite les premiers de la classe.

        On n'a jamais vu d'émeutes dans les quartiers asiatiques, de rodéos et de voitures brûlées par centaines au moindre incident.

        On n'a jamais vu des Asiatiques agresser des enseignants, des médecins des urgences ou des pompiers. On n'a jamais vu les Asiatiques tenter de brûler vifs des policiers dans leur voiture. Et il n'y a pas 5000 armes de guerre et de poing qui dorment dans les caves des quartiers asiatiques.

        Sans parler des violences quotidiennes, des viols en tournante, des menaces, des dégradations d'immeubles et des trafics en tout genre qui ont transformé nos banlieues en bande de Gaza. Pour en revenir au succès des Asiatiques, il ne tient pas du miracle mais de la mentalité de cette minorité. C'est la sagesse de Confucius qui encourage le travail et l'effort.

        Parmi les 10 raisons qui expliquent la réussite asiatique, j'en retiens 3 principales:
        http://www.marketing-chine.com/chine/les-10-raisons-du-succes-des-chinois-en-france
Le travail
L'hyper focalisation sur la réussite scolaire des enfants.
La volonté de réussir.

        Quant aux populations qui se plaignent sans arrêt du racisme à leur encontre, voici ce qu'en disait de Gaulle en 1966.

        "Si une communauté n'est pas acceptée, si elle se plaint de racisme, c'est qu'elle est porteuse de désordre. Quand elle ne fournit que du bien, tout le monde lui ouvre les bras. Il ne faut pas qu'elle vienne chez nous pour imposer ses mœurs".
        Tout est dit. Les immigrés sont responsables de leurs échecs.

        Quant à ceux qui les victimisent au nom du politiquement correct, ils ne font qu'accélérer la désintégration de la nation.
        Et au lieu de passer leurs journées à bêler au racisme, ils feraient mieux de prendre la communauté asiatique comme exemple !

        Quand nos élus auront le courage de reconnaître ces évidences, le pays aura avancé d'un grand pas.
        Mais en attendant, tout s'aggrave de jour en jour. Et les mensonges du politiquement correct ne nous protègeront pas du désastre annoncé.
Jacques Guillemain


        Enfin un texte qui rassure et qui exprime la justesse des faits.
        Il n'y a rien à espérer de ceux qui ne vivent qu'au crochet des Français !
        Hugues


ARNAUD BELTRAME
Envoyé Par M. Hugues Jolivet

            C'est un vendredi noir, mais un vendredi "saint" !
             Une offrande de soi, celle d'Arnaud BELTRAME,
             Qui, pour sauver des vies dont celle d'une femme,
             Se présente, non armé, devant un spadassin.

             Défendre son pays, ce devoir qu'il fait sien,
             Depuis qu'il a choisi la noblesse des Armes,
             Lui donne le courage de l'action, corps et âme,
             D'accomplir sa mission, d'affronter son destin.

             Chrétien, Officier au service de la Patrie,
             En veille d'ouverture de la Semaine Pascale,
             A l'exemple de Jésus, offre aux bonnes volontés,

             L'image du don de soi et de l'amour d'autrui,
             Le sacrifice ultime, cette "peine" capitale,
             Qui mène au Paradis pour l'avoir mérité !
Hugues JOLIVET             
25 mars 2018             



Algérie en 2019
Long mais clair !!

Par M. Robert Charles PUIG


            Un ancien ministre algérien prédit l'effondrement de l'Algérie en 2019 : de grands risques pour la France : Par Ziad Alami

             C'est une analyse importante de la situation algérienne que nous mettons ici en ligne. Nous y adjoindrons un commentaire limité au nécessaire. Cet article publié hier 23.05 sur le journal marocain en ligne Le360 se nourrit des analyses d'un ancien ministre algérien en charge du Trésor qui redoute le pire pour son pays sous deux ans. L'ensemble est donc vu du Maghreb, notamment du Maroc qui a toute raison de s'inquiéter d'un éventuel chaos chez son grand voisin. Mais une telle situation ferait courir aussi de grands risques à la France. La faute a rousseau les a signalés de longue date et à plusieurs reprises. Autour de 1956, le chef du gouvernent de l'époque, le socialiste Guy Mollet, affirmait que l'Algérie était indissolublement liée à la France. Cette dernière y était alors souveraine, ce qui n'est plus. La situation s'est inversée mais, en un sens qui nous est devenu défavorable. La France, volens nolens, reste liée à l'Algérie, non seulement par le voisinage méditerranéen, mais aussi par la présence sur son sol de millions de résidents d'origine algérienne. Et, parmi eux, un certain nombre constitutifs de lourdes menaces. Un chaos algérien signifierait une nouvelle vague migratoire massive, sans compter les risques de transposition du chaos algérien en territoire français. Pour la France l'enjeu est d'une importance majeure et ce serait à Emmanuel Macron, s'il en est capable, de faire face à la situation. LFAR

            Une nouvelle sinistre prédiction de l'effondrement du régime algérien à l'horizon 2019, établie cette fois par l'ancien ministre au Trésor, Ali Benouari. Il explique comment le président Bouteflika a réuni tous les ingrédients d'un chaos total en Algérie.

            " Attention à ce qui se passe en Algérie ! Ce grand pays, le plus grand d'Afrique et du monde arabe, est menacé d'effondrement, dans l'indifférence générale ". L'alerte n'émane pas cette fois d'une quelconque " partie ennemie ", elle n'est donc pas l'oeuvre d'un " complot extérieur ", comme le régime de Bouteflika a tendance à le claironner à chaque mise en garde internationale contre le scénario de chute de ce régime rentier, grabataire et en rupture de ban. Non, l'avertissement provient de l'intérieur de l'Algérie, précisément de l'ancien ministre algérien au Trésor, Ali Benouari. Dans une tribune libre publiée sur le site algérien CNP News (Clair, Net et Précis), il détaille les uns après les autres les syndromes d'une faillite inévitable. " Cela ne se voit pas encore, mais tel un meuble mité, il (le pays) est rongé de l'intérieur ", diagnostique-t-il, mettant le doigt à la plaie. L'Algérie est " mitée par une gestion désastreuse qui n'a jamais fait l'objet de la moindre autocritique, en cinq décennies de gestion populiste, nourries par la rente pétrolière ", assène-t-il.

            A défaut de travail d'auto remise en question, il va donc incomber à d'autres de le faire à la place du régime. Ali Benouari, ancien argentier sous le gouvernement Ahmed Ghozali (91-92), en fait partie. Dans sa tribune libre, il va droit au but et pointe l'index vers le régime et précisément " l'artisan en chef du Système politique algérien à l'Indépendance ", en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika, qui " a fini par l'incarner totalement à partir de 1991 ". " Son triomphe total aura été paradoxalement l'accélérateur de la débâcle d'un système qui a réussi à diviser les Algériens, détruit le rêve d'une union des peuples nord-africains et compromis la stabilité et l'avenir de la région ", pointe Ali Benouari. Elevant la servilité au rang de critère absolu pour accéder aux hautes fonctions, au détriment de la méritocratie," l'actuel pouvoir a poussé à l'exil des centaines de milliers de cadres et perdu une occasion unique de rattraper les retards accumulés dans tous les domaines ", relève M. Benouari, lui-même amené à chercher une autre nationalité, en l'occurrence la nationalité suisse, à défaut d'opportunités dans le cadre d'un régime incroyablement méprisant envers les compétences nationales algériennes. " Le refus obstiné (du régime) de voir l'Algérie telle qu'elle est, dans un monde qui a profondément évolué, l'a conduit à refuser d'introduire la moindre réforme à un système de gouvernance aussi inefficace que dangereux ", relève-t-il encore.

            Avant de larguer cette bombe à fragmentation : " Il est quasiment certain qu'en 2019, au terme de son quatrième mandat, le pays sera passé à côté de quelque chose de géant : une manne de près de 1000 milliards de dollars engrangés en 20 ans, fruits de ressources non renouvelables. Qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain " !
            Vous avez bien lu : une manne de 1000 milliards qui aurait suffi à financer les besoins en développement de tout le continent africain !

            Circulez, rentrez, il n'y rien à voir. Cette manne " céleste " aura plutôt servi à " créer les conditions d'un chaos indescriptible, au lieu de servir à remettre (rien que) le pays sur les rails grâce à des réformes hardies que personne n'aurait pu contester " !, indique l'ancien Trésorier de l'Algérie, la mort dans l'âme. Pire encore, " les énormes besoins sociaux, dopés par la rente pétrolière et une démographie galopante (un accroissement de plus de 20 millions d'habitants au cours de la période 1999-2019) ne pourront plus être couverts par suite de la dissipation de la rente pétrolière ", observe-t-il. Et d'enfoncer encore ce clou : " Le pays ne produit presque rien. Il survit grâce aux importations " ! Rien donc hors des hydrocarbures (98% des exportations), alors que le reste, soit les 2% restants, sont aussi un don de la Nature, en l'occurrence les minerais dont regorge l'Algérie !

            Ce qui risque de se passer à l'horizon de 2019

            L'ancien Trésorier de l'Algérie étaie ses prévisions par des arguments chiffrés. " Le déficit de la balance des paiements atteindra des sommets en 2019, de même que le chômage et l'inflation. Son ampleur exposera le pays à une crise de la dette analogue sinon plus grave que celle qui a résulté de la crise pétrolière de 1986-1987. Il tourne à 30 à 35 Milliards de dollars par an depuis trois ans ", chiffre-t-il. " Le déficit budgétaire dépasse déjà 15% du PIB et restera au moins aussi important qu'aujourd'hui. Il ne peut plus être couvert par les recettes fiscales accumulées au titre du Fonds de régulation de recettes, qui sont déjà épuisées ", prévient-il. Une prévision qui, qu'à Dieu ne plaise, entraînera des conséquences désastreuses. " Ce déficit empêchera, s'il n'était résorbé d'une manière ou d'une autre, de payer les fonctionnaires, d'assurer les services publics et maintenir les subventions aux catégories sociales les plus vulnérables ". "En 2019, ces déficits ramèneront les avoirs extérieurs du pays à zéro. Ce scénario n'a rien d'exagéré, le pays l'ayant déjà vécu ".

            Il en ressort qu'à l'issue du quatrième mandat du président Bouteflika, l'Etat algérien, ou ce qu'il en reste, n'aura même pas de quoi payer les salaires de ses fonctionnaires, à plus forte raison " acheter la paix sociale " via la subvention tout azimut des besoins de la majorité des citoyens habitués à la rente.

            Une éventualité qui risque de sonner le glas définitivement du régime algérien, qui ne doit sa " survie " qu'à l' " achat de cette paix sociale ". Le spectre du début des années 90 et donc de la guerre civile, avec son long cortège funèbre (250. 000 morts), risque ainsi de se reproduire. " A mon arrivée au gouvernement en 1992, les caisses étaient vides et la banque centrale ne pouvait plus dénouer les opérations de swaps sur or (c'est-à-dire racheter l'or vendu au comptant) effectuées l'année précédente. Il manquait, pour ce faire, 1,5 milliards de dollars. Autant dire que les réserves de change étaient négatives ! ", rappelle Ali Benouari. " Cette situation nous avait conduits à mobiliser tout l'appareil de l'Etat dans une gigantesque opération de mendicité internationale dont les seuls résultats étaient de nous maintenir dans le même état de précarité financière mais avec des abandons progressifs de souveraineté et un enlisement progressif du pays dans la guerre civile ".

            Voilà, le mot est lâché : la " guerre civile " risque de se reproduire au bout du quatrième mandat de Bouteflika. Autant que le spectre d'un " rééchelonnement en bonne et due forme qui fût décidé en 1994, permettant de reporter sur 15 ans les échéances de la dette qui absorbaient la quasi-totalité de nos recettes extérieures ". " Le risque est donc sérieux de se retrouver de nouveau dans la situation de ne pas pouvoir couvrir les besoins du pays en nourriture, biens d'équipements et matières premières pour maintenir l'économie en état de fonctionnement minimal ", prévient encore Ali Benouari. Une prévision confirmée par les rapports internationaux mais que le régime de Bouteflika, qui fait de la fuite en avant une " politique d'Etat " !, ne veut pas regarder en face. o
            Ziad Alami

            Si les prédictions de ce journal britannique se révèlent exactes..... l'invasion migratoire que les Allemands ont connue en 2015 en accueillant 1 million de réfugiés, sera une broutille à côté du gigantesque tsunami que la France pourrait subir dès 2018.

            Le Président Macron est au courant.

            En effet ce magazine est persuadé que la disparition de Bouteflika, 79 ans et gravement malade, entraînera un chaos généralisé dans tout le pays et envisage que les islamistes tenteront de prendre une nouvelle fois le pouvoir comme la sanglante guerre civile des années 1990 , qui fit 150.000 morts.
            L'Algérie est au bord de l'implosion Incapable d'assumer son indépendance depuis 1962, elle a dilapidé l'héritage colonial, alors que son agriculture, ses infrastructures, son pétrole et son gaz, légués par la France, le faisait pays le plus moderne et le plus riche du continent africain avec l'Afrique du Sud.

            Hélas ! divisions, rivalités claniques, corruption et incompétence ont ruiné le pays.
            Le chômage des jeunes dépasse les 30% et le niveau de vie baisse régulièrement avec une population qui a quintuplé depuis l'indépendance.
            Tel est le bilan des prédateurs du FLN ,aux commandes depuis plus d'un demi-siècle !
            L'Algérie ne survit que par la rente pétrolière , qui représente 98% des exportations ,30% de son PIB et 60% des recettes budgétaires.

            Avec l'effondrement des cours du brut, le gouvernement puise dans ses réserves financières qui fondent comme neige au soleil.
            Une nouvelle explosion sociale, comme dans les années 1980 est probable en 2018.
            Toutes les mises en garde du FMI , qui réclame des réformes structurelles, sont restées lettre morte.
            Le régime continue de se reposer sur la seule rente pétrolière. Les islamistes attendent leur heure.
            Avec le chaos libyen, ce sont d'énormes quantités d'armes et de munitions en provenance du pays voisin, qui circulent dans la clandestinité.

            De leur côté ...les généraux guettent la fin de Bouteflika..
            Un coup d'État militaire est inévitable..... selon le renseignement extérieur israélien.
            Ce coup de force mettrait tout le monde d'accord.... tant les prétendants et les rivalités sont nombreux.
            Mais il n'empêcherait pas une seconde guerre civile contre les islamistes.

            The Spectator écrit :
            " Une guerre civile algérienne créerait un grand nombre de réfugiés "

            Un analyste a dit attendre 10 à 15 millions de réfugiés à partir de l'Algérie !
            Compte tenu de l'histoire de ce pays , ils s'attendraient à être sauvés par une nation : La France....
            Le pire reste à voir et a venir !!!!

Robert Charles PUIG / Avril 2018       
      



LIBRE OPINION du général (2s)
Bernard MESSANA :

Envoyé par Mme Saurel.


         Le 25 Mars, mon quotidien a titré en gros caractères, sous la photo du visage du lieutenant-colonel Beltrame, " Il s'est sacrifié ". Et, tout en comprenant la volonté de rendre ainsi hommage à cet officier courageux et d'un exceptionnel dévouement, allé même " jusqu'au sacrifice suprême ", comme le revendiquent fièrement les statuts du militaire, j'ai eu le sentiment que les termes utilisés ne traduisaient pas la réalité des faits. Ils pouvaient même en fausser le sens.

         Le lieutenant colonel Beltrame n'est pas " allé " au sacrifice, il n'est pas l'agneau pascal, il n'a pas " donné " sa vie, il l'a risquée, " pour son Pays, pour sa Patrie ". Officier d'excellence, au physique exceptionnel, au moral puissant, il a jugé que ce terroriste islamique qui s'était introduit dans la supérette de Trèbes n'était pas un professionnel endurci. Dangereux certes car " fou de Dieu ", jeune, imprévisible, mais vulnérable puisqu'il avait eu la faiblesse d'accepter le dialogue et l'échange d'otages. Le réduire à merci était donc chose risquée certes, mais faisable pour le lieutenant-colonel, et il était, sur ce terrain précis, dans ces circonstances, le plus qualifié pour tenter le duel, en vrai professionnel. Et puis c'était là son devoir de soldat. C'est ainsi qu'il a décidé de remplacer et sauver la femme gardée en otage, pour affronter, seul, le terroriste. Ils sont alors restés face à face pendant un temps très long,- plus de deux heures- ce qui autorise à penser que l'officier s'attachait à exploiter la faille psychologique qu'il avait décelé. Et puis quelque chose s'est produit que nous ne savons pas, - parole, geste, événement extérieur …-, et le terroriste a tué. Et il a été abattu.

         Où est le discours de combat ?
         Les discours de compassion et de chagrin louant qui le " martyre " du Colonel, qui le fait d'avoir " donné " sa vie, de s'être " sacrifié ", sont profondément sincères, et personne n'en doute. Ils n'ont toutefois pas été accompagnés du discours de combat nécessaire. Dès lors, les terroristes en puissance, tapis dans " l'islamisme souterrain " évoqué par le Président de la République, risquent de n'avoir retenu qu'un message de faiblesse. Pour ces islamistes, c'est le terroriste abattu qui est un martyr glorieux, un héros ; il a donné sa vie pour supprimer des " infidèles ", avec enthousiasme. Si les " kouffar " se contentent de pleurer la mort de leur héros, louer son sacrifice, sa volonté de martyre, c'est tant mieux. Sans doute ont-ils peur. Dans ces centaines de zones de non-droit où sévissent aujourd'hui les islamistes, on savoure la nouvelle. La tâche des futurs tueurs n'en sera que plus facile.

         Pas seulement résister mais vaincre
         C'est donc fausser le sens du geste du Colonel que de ne parler que du " martyre ". Son geste est un acte de combat. Quand le Premier Ministre clame que cet officier " incarne la République, il est son image, son corps ", a t'il en tête l'image d'une République martyre, d'une Marianne posant sa tête sur le billot ? Non, le colonel " incarne l'esprit français de résistance " dira le Président de la République, ajoutant que " nous l'emporterons grâce au calme et la résilience des Français. Nous l'emporterons par la cohésion d'une nation rassemblée ".

         Mais cela n'est pas suffisant. M. Hollande, en son temps, avait déclaré que nous étions en guerre, sans toutefois se résigner à désigner clairement notre ennemi. M. Macron, lui, vient de le faire avec clarté, c'est l'islamisme. Mais il ne parle que de " résistance " à cet ennemi, mot qui révèle une posture fondamentalement défensive. En déclenchant l'opération Serval, au Mali, M. Hollande avait par contre été limpide, enjoignant à nos Forces de " détruire " l'adversaire. Aujourd'hui où le combat se livre sur notre sol, enjoindre de " résister " ne signifie pas détruire. Le colonel Beltrame, issu des Ecoles de Saint Cyr, en connaissait la devise, " ils s'instruisent pour vaincre ". Lui voulait vaincre, pas résister, et, comme chef, il se devait d'en montrer le chemin. Sans doute voulait-il sauver un otage, mais il voulait aussi détruire l'adversaire.

         On sent donc aujourd'hui chez nos responsables une attitude incertaine, et on en comprend la raison : ces terroristes tuent au nom de l'Islam, et pourtant tous les musulmans ne sont pas terroristes. Mais comment, en France, séparer le bon grain de l'ivraie dans cette masse confuse où les " bons " ne semblent pas vouloir ou pouvoir dénoncer les " méchants " ? Alors, englués dans la nécessité de sauvegarder un " vivre ensemble " chancelant, les responsables se résignent à vivre sous la menace de quelques tueurs illuminés, et à ne réagir qu'au coup par coup à l'évènement ? Certains démentiront, avec raison peut-être, affirmant que nombre d'entreprises criminelles sont aujourd'hui déjouées avant leur déclenchement ? Mais, faute de preuves avouables, n'est-ce pas là encore ajouter au malaise général, en affirmant que la menace est encore pire que celle qui se manifeste ?

         Cohésion nationale mais aussi actions offensives
         Pourquoi se refuser à comprendre que les citoyens sont las de subir, et veulent se battre ? L'exemple du colonel Beltrame les transporte. Il suffit de voir combien les centres de recrutement des forces de l'ordre sont assaillis de demandes d'engagement après les attentats. A cet engagement massif qui traduit bien cette " cohésion " voulue par le Président, ne répond cependant aucun message de combat pouvant traduire une volonté offensive :
         · Celle de réduire ces listes interminables de suspects fichés en éliminant ceux qui, étrangers ou binationaux à déchoir de la nationalité française, sont à expulser, et créer pour ceux qui restent les conditions d'un suivi crédible.
         · Celle de reconquérir sans faiblesse ces zones de non droit où l'on acclame les terroristes et caillasse journalistes et représentants de l'ordre
         · Celle d'imposer à l'Islam en France les règles de la vie républicaine, que l'on a su imposer aux Juifs en 1808, aux Chrétiens en 1905.
         · Celle d'appliquer les lois et règlements, avec la fermeté voulue, comme ne le démontre pas le traitement de la ZAD de Notre Dame des Landes, toujours occupée, ou ces clandestins au droit d'asile refusé, mais toujours présents sur notre sol.
         · Et bien d'autres…

         Mais, à ces invocations, on sait la réponse de l'Etat procureur : la France est un Etat de Droit. Oubliant que ce Droit a été fait par les hommes, pour le bien des hommes, l'harmonie de notre société. Et donc, s'il devient un carcan étouffant, il faut savoir le rompre.
         A moins d'aspirer au suicide.

         L'histoire qu'il faut relire : 1957 et 1968
         Ou bien d'attendre que devant la situation intenable, le politique ne se tourne alors vers l'officier, et lui demande : " Réglez moi ça, mon colonel ". Comme à Alger en 1957. Soudain le besoin d'un chef qui décide resurgit… Sans doute a t'on noté, dans les hommages innombrables adressés au colonel Beltrame celui, simple et vrai, d'un de ses sous-officiers : " Moi, je n'ai pas perdu un héros, j'ai perdu un Chef ".

         On s'apprête dans les prochaines semaines, à célébrer Mai 68… Et si, en Mai 2018 les mots d'ordre étaient " il est nécessaire d'interdire ! ", " Faites le guerre, l'amour peut attendre ! ".

Bernard MESSANA        
Officier général (2s) 30/03/2018        



Pardon mon Colonel !
Envoyé par Mme Annie Bouhier

Par M. Eric de Verdelhan
Le 25 mars 2018

            Dans un de mes livres, publié en 2014(1), j'avais osé écrire : " Depuis l'époque d'Hélie Denoix de Saint-Marc, les majors de Saint-Cyr ne choisissent plus la Légion Etrangère mais la Gendarmerie où, bien au chaud dans leur bureau, ils peuvent driver leur carrière et envoyer leurs pandores traquer la " délinquance routière". C'est moins risqué qu'une balle perdue lors d'une " Opex ", ou même d'aller (tenter de) rétablir l'ordre républicain dans une banlieue de non-droit… "
            Oserais-je dire qu'aujourd'hui, en lisant la presse, j'ai un peu honte:
            " Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, 44 ans, major de Saint-Cyr puis de l'Ecole des officiers de la Gendarmerie Nationale, a été tué par balles par un islamiste ".
            Cette phrase, reprise en boucle dans les médias, résume assez bien les approximations du monde journalistique chargé, en théorie du moins, de nous informer. En effet Arnaud Beltrame, après un peloton d'EOR(2), a servi comme ORSA(3), entre autres au 35ème RAP(4). Ensuite il a intégré l'EMIA(5). Il est bien sorti major de sa promotion et a opté pour la gendarmerie. N'étant pas issu de l'ESM(6), il n'a jamais porté le casoar mais le képi bleu-gris des écoles. Arnaud Beltrame a donc été d'abord un officier parachutiste avant d'intégrer la gendarmerie : il était des nôtres.

            Il n'est pas mort par hasard, d'une balle perdue ou de s'être trouvé " au mauvais moment au mauvais endroit ". Non, il a choisi délibérément, avec courage, avec abnégation, de prendre la place d'un otage. Et il n'est pas mort par balles mais " Poignardé au cou " dit pudiquement le rapport d'autopsie : en clair, il a été égorgé. L'égorgement des infidèles est un rituel islamiste.
            Mais la presse n'en parle pas : " surtout ne stigmatisons pas une communauté ! ".
            Depuis ce funeste 24 mars, le pays tout entier est stupéfait et abasourdi : il existe donc encore des héros chez nous ! On pensait que le moule était définitivement cassé !
            Quelques plumitifs, plus ou moins talentueux, plus ou moins sincères, se sont empressés de faire l'éloge de cet officier supérieur courageux. J'ai lu, ça et là, des envolées lyriques du genre " plus que jamais, resserrons les rangs autour de notre drapeau " : que voilà une bien belle formule qui ne veut strictement rien dire ! Une faune allogène - " Français de papiers " grâce au Jus Solis - se torche dans notre drapeau (ou le brûle lors de match de foot…).

            Lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, veuillez accepter, ici, mes excuses pour avoir porté un jugement sévère et hâtif sur les majors de Saint-Cyr.
            Mais j'ose espérer que vous n'étiez pas "l'exception qui confirme la règle".
            Le Narcisse qui préside aux destinées de la France a aussitôt déclaré que vous êtes mort "au service de la nation". Il n'a pas osé dire "mort pour la France" et, pour une fois, je partage sa précision sémantique : car vous êtes tombé en héros, victime du devoir et de votre sens de l'honneur militaire, à cause d'une France pétocharde, avachie, laïcarde, gavée aux "droits-de-l'homme", au "vivre ensemble", au multiculturalisme, au melting-pot, au "pas d'amalgame" et autres niaiseries compassionnelles qui permettent à l'Islam conquérant de nous imposer sa loi, tantôt violement, par des actes terroristes, tantôt plus sournoisement par la burqa, le halal et les prières de rues.

            Avant de parler de la suite, mon colonel, pardon pour les propos infâmes de l'ordure, ex candidat de la "France insoumise", qui estime que votre mort venge celle d'un écolo-voyou à Sivens.
            Pardon aussi pour les "Youyous" des mouquères, les hourras et les cris de joie qui, dans certaines banlieues, ont accompagné l'annonce de votre décès.
            Il y a des moments - de plus en plus souvent hélas - où j'ai honte de mon pays.
            Demain et dans les jours qui viennent, on parlera beaucoup de vous, mon colonel : on vous doit bien ça ! Vous aurez droit à un hommage national dans la cour des Invalides. Vos frères d'arme seront là, émus et discrets, dignes aussi car on leur a appris à l'être : la "grande muette" déteste, et elle a raison, les effusions sentimentalo-pleurnichardes.
            On vous fera Chevalier de la Légion d'Honneur - vous l'avez amplement mérité -, peut-être vous élèvera-t-on au garde supérieur à titre posthume ?

            Formé par Brigitte (née Trogneux) au bon français et au théâtre, le jeune Micron fera un discours - bien troussé et théâtral à souhait - et tout le monde, à gauche comme à droite, trouvera ça très bien. Un long prêche qui, accessoirement, lui permettra de redorer de 5 ou 10 points sa cote de popularité en berne(7).
            Ensuite, on assistera sans doute à quelques "marches blanches", des dépôts de fleurs, de "post-it", de nounours : toutes ces singeries ridicules qui, dans un pays déchristianisé, rappellent le culte vaudou. Un publicitaire inventera des autocollants " je suis Carcassonne " ou " je suis Arnaud ".

            Les curaillons progressistes, sur consigne de leurs évêques roses, feront des cérémonies œcuméniques (ta mère, comme on dit en banlieue !) avec des Imams en répétant à l'envie que le terrorisme n'est pas l'Islam, cette belle religion "de tolérance, d'amour et de paix".
            A Coëtquidan, on donnera votre nom à une promotion d'élèves-officiers. On fera de même à l'école des officiers de gendarmerie. Il est bon, il est salutaire, que l'armée entretienne la flamme et le culte du héros : vous irez rejoindre, dans la mémoire collective, le colonel Driant, le lieutenant Peguy et tant d'autres officiers français morts au combat.

            Faut-il rappeler ici que la guerre d'Indochine a tué sept promotions de Saint-Cyriens ?
            Un peu partout, une place, une avenue, une rue, un square, une caserne porteront le nom de " Lieutenant-colonel Arnaud Beltrame ". Nous avons à votre égard, un "devoir de mémoire".
            La Légion Etrangère a coutume de dire qu'elle ne pleure pas ses morts, elle les venge. Le GIGN a fait ce qu'il avait à faire : Il a évité un bain de sang, il a éradiqué définitivement une racaille radicalisée (8), et il vous a vengé.
            On me dit, mon colonel, que vous étiez converti au catholicisme depuis peu (et sur le point de vous marier religieusement).
            Que l'Archange Saint Michel, notre saint patron, vous conduise au paradis des paras.
            Et que votre sacrifice déclenche (enfin !) une prise de conscience, pour que la " fille ainée de l'Eglise " refuse de devenir la catin de l'Islam et qu'elle amorce sa "Reconquista".

Eric de Verdelhan

(1) : " Le cœur chouan et l'esprit para " (DFS 2014, épuisé)
(2) : Elève-Officier de Réserve.
(3) : Officier de Réserve en Situation d'Active.
(4) : 35ème Régiment d'Artillerie Parachutiste, un régiment para cher à mon cœur car c'est celui de feu mon père. Il me remémore mon enfance à Tarbes.
(5) : Ecole Militaire Inter-Armes, basée jadis à Strasbourg et maintenant à Coët.
(6) : Ecole Spéciale Militaire appelée, dans le langage courant "Saint Cyr".
(7) : On se souvient que "Flamby" Hollande a gagné + 15% après les attentats de " Charlie hebdo " et de l'Hyper-casher.
(8) : Fiché " S " depuis 2014, ce délinquant marocain a obtenu la nationalité française quelques mois plus tard. Cherchez l'erreur !



Aujourd’hui c’est votre dernière
leçon de français...

Envoyé par Mme Eliane.


         Avant que l’Histoire repasse le plat ! ! ! …… mais cette fois ce ne sera pas de la Sauerkraut mit Wurst, mais du couscous Garbit, spécial dhimmi !
         Texte d’Alphonse DAUDET, …… à méditer avant que l’appel du muezzin se substitue aux trompettes prussiennes et les prières de rues généralisées aux défilés de la soldatesque germanique.
         Ce texte, tiré des « contes du lundi », situe la scène après la défaite française de 1871 et l’occupation de l’Alsace-Lorraine par les hordes de Guillaume 1er :


         [Ce matin-là j’étais très en retard pour aller à l’école, et j’avais grand peur d’être grondé, d’autant que M. Hamel nous avait dit qu’il nous interrogerait sur les participes, et je n’en savais pas le premier mot. Un moment l’idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.

         Le temps était si chaud, si clair. On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert derrière la scierie, les Prussiens faisaient l’exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes ; mais j’eus la force de résister, et je courus bien vite vers l’école.
         En passant devant la mairie, je vis qu’il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches.
         C'est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de kommandantur.

         Et je pensai sans m’arrêter : « Qu’est-ce qu’il y a encore ? »
         Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l’affiche, me cria :
         — « Ne te dépêche pas tant, petit ; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »

         Je crus qu’il se moquait de moi, et j’entrai, tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.

         D’ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu’on entendait jusque dans la rue, les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu’on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables :
         « Un peu de silence ! »

         Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais justement ce jour-là tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j’étais rouge et si j’avais peur !
         Eh bien, non. M. Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement : « Va vite à ta place, mon petit Frantz ; nous allions commencer sans toi. »
         J’enjambai le banc et je m’assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu’il ne mettait que les jours d’inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d’extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d’habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous, le vieux Hauser avec son tricorne, l’ancien maire, l’ancien facteur, et puis d’autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste ; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords qu’il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.

         Pendant que je m’étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m’avait reçu, il nous dit : « Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »

         Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient affiché à la mairie.
         Ma dernière leçon de français !…
         Et moi qui savais à peine écrire ! Je n’apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là !… Comme je m’en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar ! Mes livres que tout à l’heure encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C’est comme M. Hamel. L’idée qu’il allait partir, que je ne le verrais plus me faisait oublier les punitions et les coups de règle.

         Pauvre homme !
         C’est en l’honneur de cette dernière classe qu’il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s’asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu’ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C’était aussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s’en allait…

         J’en étais là de mes réflexions, quand j’entendis appeler mon nom. C’était mon tour de réciter. Que n’aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ; mais je m’embrouillai aux premiers mots, et je restai debout à me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête. J’entendais M. Hamel qui me parlait :

         « Je ne te gronderai pas, mon petit Frantz, tu dois être assez puni… voilà ce que c’est. Tous les jours on se dit : Bah ! j’ai bien le temps. J’apprendrai demain. Et puis tu vois ce qui arrive… Ah ! ç’a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant ces gens-là sont en droit de nous dire : Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni parler ni écrire votre langue !… Dans tout ça, mon pauvre Frantz, ce n’est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.
         « Vos parents n’ont pas assez tenu à vous voir instruits. Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus. Moi-même n’ai-je rien à me reprocher ? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler ? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé ?… »


         Alors d’une chose à l’autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide: qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison… Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J’étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu’il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n’avais jamais si bien écouté, et que lui non plus n’avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu’avant de s’en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nous le faire entrer dans la tête d’un seul coup.
         La leçon finie, on passa à l’écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle ronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s’appliquait, et quel silence ! on n’entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment, des hannetons entrèrent ; mais personne n’y fit attention, pas même les tout petits qui s’appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français… Sur la toiture de l’école, des pigeons roucoulaient bas, et je me disais en les écoutant :

         « Est-ce qu’on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »
         De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui comme s’il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d’école… Pensez ! depuis quarante ans, il était là à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement les bancs, les pupitres s’étaient polis, frottés par l’usage; les noyers de la cour avaient grandi, et le houblon qu’il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu’au toit. Quel crêve-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d’entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s’en aller du pays pour toujours.
         Tout de même il eut le courage de nous faire la classe jusqu’au bout. Après l’écriture, nous eûmes la leçon d’histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le BA BE BI BO BU. Là-bas au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu’il s’appliquait lui aussi ; sa voix tremblait d’émotion, et c’était si drôle de l’entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah ! je m’en souviendrai de cette dernière classe…

         Tout à coup l’horloge de l’église sonna midi, puis l’Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l’exercice éclatèrent sous nos fenêtres… M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m’avait paru si grand.
         « Mes amis, dit-il, mes amis, je… je… »

         Mais quelque chose l’étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase. Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie, et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu’il put :
         « VIVE LA FRANCE ! »

         Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main il nous faisait signe :
         « C’est fini… allez-vous-en. »]



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Guelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Milesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

Sidi Salem

Envoyé par Josiane
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/9007900-plus-de-1000-logements-pour-eradiquer-la-sas

Par L'Est Rpublicain 13/04/ 2018   l Par M. B. Salah-Eddine

Plus de 1000 logements pour éradiquer la "SAS"

             " Un quota spécial de logements, en cours de réalisation à Annaba, a été réservé au profit des habitants du bidonville de la cité des fameuses Sections administratives spéciales (SAS) de Sidi Salem. L'objectif des pouvoirs publics est de raser définitivement la cité SAS. " Telle est l'annonce faite par le directeur de l'OPGI de la wilaya d'Annaba, Abdelkrim Benchadi, mercredi dernier, lors de la cérémonie d'attribution de quelque 300 logements sociaux aux familles nécessiteuses de la commune d'Ain-Berda, 4 km au Sud du chef -lieu de la wilaya.
             Ce centre d'hébergement, avait été conçu, rappelle-t-on, en préfabriqué, par le corps expéditionnaire français dans le cadre de " l'humanisation " de sa politique de la terre brulée et de la " pacification " à travers ces fameuses sections administratives spéciales.
             Cependant, le cas de la " SAS " une cité de Sidi Salem, l'une des rares encore debout en Algérie, qui compte une très forte concentration d'habitants, " incrustés " dans le tissu urbain de la grande agglomération que constitue le chef-lieu de wilaya, Annaba. Cette cité de la honte, qui a provoqué un dysfonctionnement au sein de la société, car il génère nombre de dérapages et de nuisances aux populations, a résisté jusqu'ici à toutes les tentatives d'éradication de ces dernières années. " C'est un lourd stigmate colonial qui persiste encore à Annaba, a reconnu Mohamed Salamani, wali d'Annaba.
             Cette cité doit forcément disparaitre et nous avons mis tous les moyens pour concrétiser cet objectif, a-t-il affirmé, précisant qu'un quota de plus de 1.000 logements a été retenu à cet effet et qu'une commission d'enquête est déjà opérationnelle afin que seules bénéficiaires soient les familles recensées dans les lieux depuis des années. " Il est vrai que les stigmates de la cité de la SAS de Sidi Salem, conséquences des séquelles de la période coloniale, de vexation, d'oppression et de répression, ne seront effacées qu'une fois l'éradication totale de ce bidonville, qui longtemps a joué le rôle de " port maritime des passeurs de harraga ".
             A rappeler qu'une partie de ce site , a été détruite l'année écoulée, à la faveur d'un 1er programme spécial de 560 familles qui ont été relogées à Bouzaroura. Il s'en est suivi une opération d'aménagement de cette partie du site à travers une action ayant permis l'enlèvement de plus de 800 tonnes de débris sur une superficie de 3 hectares. Il est utile de noter que ce " ghetto " de Sidi-Salem, servait de cité d'habitations pour les supplétifs de l'armée française et certaines populations déportées, à partir des zones interdites.
             Les racines de ce " champignon " ont fait ressurgir un bidonville, dont les habitants ont bénéficié d'une opération de relogement, mais tel le phénix, le site renait de ses cendres à telle enseigne que nous assistons à " la damnation de Sisyphe " .Ce foyer de tension sociale permanente est caractérisé par des actes est présente par gravitation au niveau d'un passage, d'un pâté de baraquements, d'un îlot de masures, construites, de bric et de broc, ou viennent se greffer toutes sortes d'agrégats, soit un puzzle, de briques, de parpaings, de tôles galvanisées, d'un mélange de poutres et de restes que charrient les chantiers de construction disséminés à travers la région.
            
B. Salah-Eddine           


Annaba

Envoyé par Nadége
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/9007877-la-restauration-du-seybouse-international-a-l-arret


Est Rpublcain   l Par M. Zarrougui Abdelhak l - 12/04/ 2018

La restauration du «Seybouse International» à l’arrêt

         Un énième désagrément impose l’arrêt des travaux de restauration et de modernisation de l’hôtel « Seybouse International » de Annaba. Ce joyau architectural et touristique local n’en finit pas de subir l’incompétence et le laisser-aller d’une bureaucratie sclérosée. En guise d’entrée en matière, voilà que depuis plus de deux semaines, l’on suspend les travaux pour, apprend-on, des motifs de paperasse.
         Le groupe CSCEC, mastodonte chinois en charge de la réalisation du projet, serait victime d’une omission commise par le maître d’ouvrage, EGTA. L’Entreprise de Gestion Touristique d’Annaba aurait jugé inutile d’adjoindre un permis d’aménager au dossier du projet ce qui implique un autre cycle de chasse administrative avec le temps qu’il faut et les pertes occasionnées.
         L’on imagine bien l’état d’esprit actuel d’un groupe qui a réalisé de très grands projets en Algérie allant de la grande mosquée d’Alger au Centre international des conférences de Club des Pins, en passant par de nombreux logements AADL et l’hôtel « Sheraton Annaba ». Or, le maître d’ouvrage qui est une entreprise à capitaux publics disposant d’un patrimoine d’accueil réparti à travers 5 unités hôtelières dans les wilayas d’Annaba, Guelma et El-Tarf, n’en est pas à son coup d’essai en matière de retard.
         Le chantier lancé en octobre de l’année dernière était déjà très en retard par rapport au feu vert donné par la tutelle, en 2011. Trop de temps a été mis entre l’autorisation ministérielle et le lancement des appels d’offres nationaux et internationaux. Cinq ans ou plus sont passés avant de trouver l’entreprise de réalisation qui répond au cahier des charges. Entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Le choc pétrolier et la dévaluation du dinar ont réduit l’enveloppe allouée à ce projet ainsi qu’à deux autres, à une peau de chagrin. Quand on sait qu’à l’origine, la tutelle a prévu un montant de 9,6 milliards de DA, pour la réhabilitation des établissements hôteliers « Seybouse International » de Annaba, hôtel El- Mountazah de Seraïdi et El-Mordjane d’El-Kala, dans la wilaya d’El-Tarf, l’on touche du doigt la dimension du gâchis. Car le premier projet a été confié au groupe chinois pour le coquet montant de 7, 2 milliards de DA, à savoir 80 % du total. A lui seul, après le vent de dévaluation qui a soufflé ces dernières années, « Seybouse International » bouffe presque la totalité de l’enveloppe initialement destinée à trois structures touristiques. Inutile de dire que pour mettre en marche les deux autres projets, une nouvelle enveloppe est à débloquer, n’en déplaise au Trésor public. Cette occasion ratée n’est malheureusement pas la seule que déplore Annaba.

             Le projet du Tramway reste gelé à cause des lenteurs et atermoiements qui ont accompagné sa mise en route. Le temps mis dans le lancement des appels d’offres ainsi que dans l’étude du projet est loin d’être négligeable. La révision du trajet, réclamée par la société civile, y était pour beaucoup dans la situation actuelle. Car tandis que l’on débattait sur le sexe des anges, le choc pétrolier a frappé et l’austérité s’est imposée.
Zarrougui Abdelhak           


Tourisme à Annaba

Envoyé par Paul
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/9007630-le-site-hippone-a-l-abandon

L'Est Républicain  Par Zarrougui Abdelhak - 05/04/ 2018

Le site Hippone à l’abandon

           Avec le nombre croissant des groupes de touristes visitant Annaba et se rendant, entre autres, au site archéologique d’Hippone et au musée du même nom, se pose de nouveau la question de l’aménagement de la zone environnante. Le site romain se trouve, même après certains travaux de nettoiement et de désherbage, dans un état indigne d’une destination touristique principale.

           En dépit de l’équipement en éclairage et la remise en l’état de la clôture ainsi que l’allocation, en 2015, d’une enveloppe de 100 millions de dinars, par la Direction de la Culture, en vue de la construction d’un nouveau musée, le cadre général du site archéologique reste terne et est loin d’être une attraction touristique de premier ordre. La cité antique, classée au patrimoine mondial en 1968 et s’inscrivant dans une histoire à la fois locale et mondiale, a besoin de plus d’égards de la part des autorités et ses 28 hectares de superficie permettent un meilleur aménagement.

           Le plus large théâtre romain d’Afrique
           Seuls les chiffres peuvent rendre compte du retard dans lequel se trouve Annaba en matière de valorisation et d’exploitation de ses atouts archéologiques. Pour ne parler que du théâtre romain, situé au milieu de l’enceinte d’Hippone, le monument est sans conteste le plus large d’Afrique. Avec une capacité de 6000 places et une largeur de 100 mètres, il se classe devant les théâtres de Sabrata (Libye) avec 92 mètres de largeur, celui de Timgad (Batna) avec 63 mètres et de Djemila (Sétif) avec 62 mètres. Même les théâtres romains les plus célèbres sur le plan mondial, à l’instar de celui de Pompéi, est moins large que celui d’Hippone. Cette supériorité architecturale n’a pas eu de répercussions touristiques. Quand on constate que d’autres sites historiques ont acquis, depuis des années, une renommée internationale grâce à l’organisation d’évènements culturels saisonniers ou continus, l’on prend la mesure de l’abandon dont souffre l’antique Hippone. Il est grand temps que la société civile, via les associations et les organisations de masse, ainsi que l’Université avec ses services culturels et ses clubs et organisations estudiantines, s’impliquent dans la valorisation du site et de proposer des activités à instaurer dans le théâtre romain. Cet investissement du site antique devient de plus en plus possible avec la dynamique qui touche le secteur du tourisme local.

           Une relance touristique prometteuse
           Il est indéniable qu’en 2017 et au cours de l’année actuelle, le secteur du tourisme à Annaba connaît une dynamique sans précédent avec plusieurs projets de relance et d’initiatives innovantes de valorisation des potentialités touristiques locales. Déjà, les 4.629 lits offerts par 45 établissements hôteliers dont 7 classés se renforcent à court terme de 2.500 lits grâce aux nouveaux projets et opérations de réhabilitation et extension en cours. De même, 18 projets d’hôtels, de résidences touristiques, de chalets et de complexes sont domiciliés dans les zones d’expansion touristique de Seraïdi et Chetaïbi. L’hôtel international Seybous, premier établissement hôtelier moderne ouvert dans la Coquette en 1975 avec une capacité de 518 lits, bénéficie d’une mise à niveau. Lancée en septembre 2017, la requalification de cet hôtel relevant de l’Entreprise de gestion touristique d’Annaba permettra de l’élever au rang d’établissement 5 étoiles offrant des services de haut standing, d’espaces de détente, de loisirs, de shopping et d’affaires de haute classe. Il sera procédé également à la réhabilitation de l’hôtel El Mountazah de Seraïdi construit en 1971 avec une capacité d’accueil de 202 lits. L’établissement, icone du tourisme local, sera transformé en complexe touristique 4 étoiles avec des services ciblant en premier les familles et les sélections sportives. Le tourisme balnéaire gagne également en importance.

           Des zones d’expansion touristique
           Cinq zones d’expansion touristique à Chetaïbi, la baie occidentale et la corniche d’Annaba, Oued Bagrat et Sidi Salem ont été délimitées dans le cadre de la promotion du tourisme balnéaire. A la tête des projets attendus se trouve celui du camp familial lancé sur le littoral de Chetaïbi dont la réception est prévue pour l’été 2018 avec des chalets de 880 lits, des services multiples incluant notamment des jeux aquatiques et des restaurants classés. Sous le signe de l’écotourisme, les investisseurs sont vivement encouragés par les autorités à implanter à Séraïdi des villages touristiques qui favorisent la promotion de tourisme de montagne et attirent les amoureux de la nature.
          
Zarrougui Abdelhak           


Batna : Le professeur Rougui.

Envoyé par Jeannot
http://www.lematindalgerie.com/greffe-de-la-cornee-reussie-sur-deux-patients-non-voyants-batna


Liberté Algérie   Par Abdelmadjid Benyahia -10/04/ 2018

Greffe de la cornée réussie sur deux patients non voyants

           En matière de greffe de la cornée, les résultats sont particulièrement réjouissants. C’est ce qu’a estimé Rougui Mohamed Fateh, professeur et chef de service en ophtalmologie, lors d'un point de presse, réuni à l’occasion de la journée mondiale de la santé. Selon ce professeur, deux opérations de ce type ont été réalisées en collaboration avec le professeur Rouarfa Abderrahmane de l’hôpital Béni-Messous, d’Alger, avec succès sur deux jeunes patients âgés entre 22 et 36 ans en cette fin de semaine dans le service ophtalmo du CHU de Batna.

           Abdelmadjid BenyahiaLes deux patients étaient inscrits dans une liste d’attente depuis 05 années. Le prof Mohamed Rougui a indiqué au Matin d'Algérie que la cornée est un organe transparent de 0.55 à 0.8 d'épaisseur située en avant du globe oculaire. Elle est un élément essentiel dans le mécanisme de vision car elle représente deux tiers de la puissance totale de l'oeil. Cette étude clinique et expérimentale a pour objectif de définir et caractériser la structure et les différentes couches de la cornée humaine. Il ajoute que la cornée représente une partie transparente du globe oculaire qui est pratiquement situé en avant de l’œil, entouré de l'enveloppe externe de l'œil.

           Abdelmadjid BenyahiaA noter, qu’au jour d’aujourd’hui, les praticiens algériens tablent sur un chiffre plus important. Aussi, il est à signaler selon le prof Rougui, des centaines de greffes de la cornée devraient annuellement être réalisées en Algérie, notamment à Batna. La greffe de la cornée est l'une des solutions à la baisse de l'acuité visuelle, quand cette dernière est causée par une pathologie cornéenne affectant sa transparence (opacité cornéenne) ou sa forme (kératocône).

           Le greffon (cornée du donneur) est pris sur un cadavre dans les quelques heures après le décès, ce greffon sera mis en condition afin d'être placé rapidement sur l'œil du patient. Actuellement chez nous en Algérie, on importe les greffons, ce qui nécessite toute une logistique avant le jour de la chirurgie. C’est le souhait de toute la communauté ophtalmologique d'avoir une banque de cornées.

           A rappeler aussi que la cornée est un organe dont le prix et la prise en charge se chiffre en milliers de dollars puisqu’il est importé. De ce fait, il est demandé à la population de prendre conscience de la nécessité du don d’organes oeil, foie, rein, et autres afin de sauver des vies humaines).

           Il est important de signaler, selon le docteur Dehili Halim, premier responsable de la direction paramédicale que toutes opérations de transplantation d’organes au CHU de Batna ont abouti évidemment avec succès grâce à l’aide et la meilleure prise en charge par les paramédicaux de manière générale, à savoir les ( ATS , infirmiers, aide-soignants, réanimateurs). C’est un travail d’équipe ! Sachant que pour cette année, 25 patients inscrits (non voyants) sont en attente de greffe.

           M Boulagroune, directeur du CHU de Batna a indiqué au Matin d’Algérie, que l’hôpital de Batna est doté d’un service d’imagerie comportant un matériel très sophistiqué de dernière génération lié aux différents services (mammographie, échographie, deux scanners, IRM, Radiologie universelle et autres imageries). Et ce donc, ce matériel a permis à nos éminents professeurs de travailler dans de meilleures conditions.

           Quant à la question posée par le quotidien le Matin d’Algérie à propos d’une structure réalisée pour un centre des activités des intoxications, celle-ci se trouve à l’abandon depuis un bon bout de temps à l’intérieur du CHU.

           On apprend par le directeur, M. Boulagroune que le CHU de Batna en collaboration du CHU de Rennes (Ouest de la France) prévoit incessamment le lancement de la greffe hépatique du foie au niveau de Batna, sachant que celle-ci a été réalisée déjà par le professeur Abid, au niveau du centre de lutte contre le cancer de Batna (CAC) . Ainsi, le service de traumatologie du même hôpital cité, a prévu un plan d’action pour cette même année, le lancement des interventions des prothèses de hanches et genoux. A noter, que le service de traumatologie de l’hôpital se distingue par ses quatre professeurs et maîtres assistants très renommés dans la wilaya de Batna, que sont Kharnane, Derdous Chaouki, Boujouref, Boussaha, Benmayouf Nazim.
Abdelmadjid Benyahia                      


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