VOIX D'EGLISE

Mgr Jesus Sanz Montes, archevêque d'Oviedo
(Asturies, Espagne):

          " Il n'est pas question de tolérance ou de libre pensée : l'insulte est une violence. Charlie est mort pour avoir minimisé les risques de l'islam radical. Il pensait qu'en vivant dans un pays chrétien il pourrait insulter en toute sécurité. Je ne suis pas Charlie, mais je suis un chrétien. Je n'ai pas pensé un instant qu'ils devaient mourir ou qu'ils avaient trouvé ce qu'ils méritaient. Paix à leurs âmes et que Dieu les accueille, s'ils le veulent, dans sa miséricorde. Mais je ne suis pas Charlie.
          (…) Je suis seulement un chrétien. Pour cela, je condamne ce meurtre. J'ai lu avec plaisir ceux qui ont la lucidité de condamner les attentats odieux qui ont tué ces vies, et ont la liberté de dénoncer également la violence qu'implique toujours l'insulte, le mépris, la dérision, le ridicule, le blasphème, tout ce qui blesse injustement les sentiments et les croyances des gens.
          Il y a des gens qui sont tués par ces fanatiques extrémistes pour avoir seulement un nom chrétien, une foi chrétienne, une vie chrétienne. En Syrie, en Afghanistan, au Nigeria, en Libye … ils tuent des chrétiens, séquestrent des fillettes chrétiennes, expulsent de leurs terres les chrétiens, volent leurs maisons et leurs églises, mais quasi personne en Occident ne le dénonce, pas de déclarations ou rassemblements intergouvernementaux, ni de grandes manifestations de rue, on ne pleure pas ceux qui sont innocents de toutes provocations et offenses, ils sont abattus simplement pour être différents, pour être chrétiens, sans être contre quiconque. "

Mgr Dominique Rey
(homélie publiée sur le site du diocèse de Toulon) :

          " Il est symptomatique que les terroristes s'en soient pris à un journal satirique réputé pour ses outrages, ses sarcasmes, ses caricatures blasphématoires. " On doit pouvoir rire de tout " avouait fièrement un de ses responsables. Le rire s'est changé en larmes. L'assaut des kalachnikovs a répliqué à l'agression des mots et des images.
          " Un dessin est un fusil à un coup " disait Cabu. Il vient d'en payer le prix. En même temps qu'on doit dénoncer le fanatisme religieux, notre société doit s'interroger sur l'enchaînement des violences qui la traversent. Car il est des violences verbales, morales, intellectuelles, artistiques… qui en appellent d'autres. Quand on représente Mahomet sous la forme d'une crotte enturbannée, Benoît XVI en train de sodomiser des enfants, la Vierge Marie les jambes écartées de façon suggestive ; quand on s'adonne à la provocation, à l'obscénité sur ce qui touche la conscience la plus intime, celle de la foi, du sacré, de la symbolique religieuse… Ce nouvel iconoclasme engendre inévitablement par ricochet, et bien sûr, sans jamais les justifier, la revanche, la vengeance, d'autres violences encore plus insoutenables dans un engrenage quasi mécanique, et dont l'actualité nous offre l'horrible spectacle. La sacralisation de la dérision et de l'injure ne peut produire en retour que de la haine.
          A un journaliste qui m'interrogeait avant-hier " Monseigneur, êtes-vous Charlie ? ", J'ai répondu : " laissez-moi d'abord être moi-même, c'est-à-dire chrétien ". Le chrétien n'a pas d'autre point de référence ultime, de ralliement possible, d'identification que Jésus lui-même."
          Le relativisme moral et religieux envahit nos sociétés postmodernes où les grandes utopies politiques et idéologiques se sont effondrées, où la place du religieux a été effacée par la perte de transcendance et d'intériorité, où l'individu consumériste n'a plus d'autre horizon que lui-même, rivé à son ego. Un tel relativisme érigé en prêt-à-penser, fait inévitablement le lit du fondamentalisme. Lorsqu'une culture ne donne plus des raisons sublimes de vivre, parce qu'elle a oublié l'héritage ou perdu la mémoire, elle s'en fabrique à partir des instincts les plus bas ou les plus vils. Lorsqu'on ne parvient plus au sein des familles, dans le cadre des institutions éducatives à transmettre ce lent et patient tissage de raison, d'histoire, de culture qui ouvrait à une morale universelle et un vivre ensemble et lorsque la conscience religieuse s'évanouit ou se réduit à un résidu laïcisé…, alors cette société fait sauter, sans toujours s'en rendre compte, la barrière qui fermait la route à la brutalité de la nature, à l'exacerbation des passions, et aux revendications narcissiques."

M. l'abbé Patrick de La Rocque :

          " Prions enfin pour notre pauvre pays. Le voici désormais en guerre, où la barbarie s'oppose à décadence. Notre douce France, pour avoir rejeté de sa loi les commandements de Dieu - mode d'emploi du bonheur humain - est devenue un champ de bataille, où les véritables extrémismes se révèlent. L'extrémisme laïcard et libertaire, si bien représenté par Charlie Hebdo, a appelé contre lui l'extrémisme de la violence, celle de l'islam. Que des hommes politiques identifient Charlie Hebdo à la civilisation est certes dramatique. Le plus grave cependant est de voir la hiérarchie catholique, de Rome à Mgr Vingt-Trois, se faire l'avocat d'un journal blasphématoire, dont le dernier Hors-Série n'était qu'insultes pour le Christ et sa Très Sainte Mère. "