N° 67
novembre

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Novembre 2007
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros :
         Ceux qui sont restés là-bas       
offert par Jean-Paul Gavino 
EDITO

LE JOUR DES MORTS - LE 2 NOVEMBRE   
      

    Chers Amis,

    Quelle que soit votre religion, que vous soyez croyants ou incroyants, le lendemain de la fête de la Toussaint invite chacun à raviver le souvenir des morts ; c'est un moment d'arrêt et peut-être de réflexion teintée de nostalgie.
    Il est douloureux de rappeler que les Européens qui se pressaient dans les cimetières en Algérie, le jour de la Toussaint 1954, ignoraient qu'une grande page de leur histoire commençait d'être tournée.
    "Événements", " Flambée de violence " étaient les mots les plus employés pendant longtemps. Personne ne pensait alors que la Toussaint rouge, le 1er novembre 1954, serait le début d'une guerre civile qui allait causer tant de malheurs, coûter tant de sang et de larmes et provoquer tant de blessures encore mal cicatrisées, plus de 50 années après le commencement de la tragédie. C'était le début d'une tragédie qui allait marquer l'histoire de notre pays pendant les huit années suivantes.

    La Journée des défunts est à la fois une journée de commémoraison et une journée d'intercession. On fait mémoire des défunts et on prie pour eux.
    Le 2 novembre on pense à tous ceux qui nous ont quitté et qu'on n'oublie pas. C'est le respect qui existe entre nous et ceux qui nous ont précédés. Il y a, dans la vie, un lien mutuel et une solidarité entre les vivants et les morts. Dans notre situation d'expatrié, c'est une attitude de profonde adoration pour les merveilles qu'ils ont accomplies dans l'histoire de notre pays.

    Des mères et des pères de famille qui, en se dévouant quotidiennement à leur enfants, à leurs terres ont contribué de façon efficace à la croissance du pays et à l'édification de la société; des pères et des mères qui, comme des cierges allumés devant l'autel d'une église, se sont consumés dans le service envers leur progéniture, et leur prochain. Ils avaient tout quitté, parfois avec force, pour apporter leur savoir et leur volonté au service d'une grande cause, la création d'un nouveau pays, Un Eldorado.
    Ils ont cru que le "bonheur" leur serait donné du fait qu'ils avaient cette foi dans leur existence. Et ils ont fait l'expérience de leur vérité en étant confrontés quotidiennement aux faits: malgré les épreuves, les périodes sombres, les difficultés, les échecs, ils ont goûté à la joie profonde de la réalisation de leurs projets.
    La profondeur de leur foi apparaît avec clarté dans leurs "grandes choses" réussies dans ce pays. Cela correspond à la grandeur du don de soi qui les habitait.

    Des Hommes et des Femmes se sont faits pionniers afin de nous révéler, au travers de leur propre vie, le sens de la vie humaine. Ils n'ont pas simplement fait semblant d'être pionniers ; ils ont assumé toutes les limites et tous les conflits de l'existence humaine au travers de leur foi et de leur création, l'Algérie. Et toute leur vie fut un constant effort de surmonter dans leur existence humaine ces conflits et d'en transcender les limites. En créant l'Algérie des 19ème et 20ème siècles, ils voulaient donner un sens ultime et absolu à leur vie et à celles des futurs habitants de ce pays.

    Au nom de cette foi profonde en eux, ils vécurent pour les autres jusqu'à la fin. À la fin en 1962, ils furent abandonnés de tous, y compris de leurs enfants. Tout était absurde. Il n'y avait plus de sens.
    Nous étions aux portes du désespoir, sans moyen de revenir en arrière. Et dans cette situation désespérée, dans un autre pays nous avons rebâti une autre vie, grâce à l'héritage qu'ils nous ont laissé, la foi du pionnier.

    Notre famille humaine a été séparée mais elle est une ; mais elle est composée, dans le temps présent, de deux grandes communautés, une de chaque côté de la Méditerrannée. Une communauté vivante en France et l'autre morte mais éternelle en Algérie.

    Pendant les vacances de la Toussaint, beaucoup d'entre nous vont se rendre sur la tombe de nos disparus en France. Après avoir fleuri et nettoyé les tombes, je pense que vous aurez une pensée pour tous ceux resté là-bas. Il est bon d'associer les enfants à cette pensée, en leur expliquant peut-être qui sont, ceux pour qui nous prions et pourquoi nous prions pour eux. C'est une mission de mémoire qu'ils nous ont légué.

    Urgente est donc la mission. La mission n'est pas la conquête des cerveaux. Elle est le témoignage de cette foi ancestrale et proclamée, avec vigueur, avec courage, mais dans le respect de la liberté de chacun.
    La mission est un appel. Elle ne violente ni n'agresse personne. Elle est le contraire d'une idéologie. Elle renvoie à la vérité, à la liberté et à la responsabilité de chacun.
    Nous ne sommes pas des Croisés qui partons en guerre sainte, nous sommes d'humbles descendants de pionniers.
    La mémoire que nous célébrons et transmettons est notre mémoire. Elle n'est pas notre propriété personnelle, elle est le trésor d'une communauté, un trésor à partager car il donne goût à la vie et sens à l'histoire.

    Ainsi, sans bruit, sans manifestations spectaculaires, se forge une conscience commune liée non pas à une parfaite identité de tous les projets, de toutes les pensées et de tous les propos, mais fondée dans l'amour commun que nous avons pour nos ancêtres, notre terre, notre pays natal.

    Je vous invite donc, compatriotes, à vivre cette communion puisée dans le cœur de nos disparus pour que le monde nous croie.
    Car c'est bien là la finalité de notre travail. Nous ne sommes pas là pour nous regarder nous-mêmes béatement, nous émerveiller de ce que nous ferions nous-mêmes. Nous sommes là pour témoigner de la présence de cette mémoire Pieds-Noirs afin que le monde nous écoute et croie à la tragédie vécue.

    Oui, c'est la mission d'information et d'enseignement qui donne son sens à tout notre travail de réflexion et qui nous invite à faire vivre cette mémoire, grâce et sur Internet en lien profond avec toutes les communautés.
    Je sais les épreuves que traversent nos familles, et les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui pour transmettre le flambeau de la mémoire. Je sais aussi toutes les questions que nous pouvons nous poser les uns et les autres sur les péchés et les faiblesses de nos communautés.

    Nous pouvons parfois être tentés par le découragement ou la lassitude, mais, ensemble, il nous faut surmonter ces temps d'épreuves pour vivre dans la joie et l'espoir qui nous habite.
    Voilà pourquoi nous ne cédons pas à la morosité ou au désenchantement, même si nous avons parfois le sentiment aigu de l'échec communautaire ou si nous faisons l'expérience douloureuse de la minorité. Nous sommes habités par la foi, la foi de ceux qui nous ont montré le chemin. La foi des pionniers de l'Algérie.

    Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois sur cette gazette, la communauté associative n'est pas une superstructure administrative, pesante sur les pouvoirs, capable de rassembler, d'établir des relations fraternelles entre les associations, de créer des liens privilégiés, des passerelles pour s'entraider, s'encourager et manifester ainsi la communion dans l'unité des expatriés.
    Chaque association a sa vitalité et ses orientations mais aussi chaque association s'enracine et s'enferme dans sa sphère personnelle.

    Mais il est vrai que nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres pour dépasser nos faiblesses et nos fragilités et que nous ayons à temps et à contretemps le courage de sortir de nos cénacles fermés, de dépasser nos peurs et nos faiblesses pour crier au monde la Vérité.

    Pensées fraternelles pour fleurir virtuellement nos tombes restées là-bas.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


LE FIL N'EST PAS COUPE

"La mort n'est rien ; je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Je suis moi. Tu es toi.
Ce que nous étions l'un pour l'autre, nous le sommes toujours.
Donne-moi le nom que tu m'as toujours donné.
Parle-moi comme tu l'as toujours fait. N'emploie pas un ton différent.
Ne prends pas un air solennel ou triste.
Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Prie. Souris. Pense à moi. Prie pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été ;
sans emphase d'aucune sorte et sans trace d'ombre.
La vie signifie ce qu'elle a toujours signifié.
Elle reste ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de ta pensée,
simplement parce que je suis hors de ta vue ?
Je t'attends. Je ne suis pas loin.
Juste de l'autre côté du chemin.
Tu vois, tout est bien."

Charles Péguy                     

L'HERITAGE
Jean Pierre Burgat

       Mademoiselle, Monsieur, Chers Amis,

       Peut-être êtes-vous nés à Kherba, Miliana ou à St Cyprien des Attafs, que vous vous avez quitté un matin de juin en rentrant de l'école. L'Algérie, pour vous, c'est une cour de ferme brûlée de soleil, des parents qui pleurent en entassant des meubles dans un cadre en tôle ondulée. Peut-être êtes-vous nés à Moissac, Agen ou Romilly sur Seine, et l'Algérie n'est pour vous qu'un ensemble trop entendues, de souvenirs racornis sur des photos écornées, un accent à la fois familier et étranger. Comme on vous l'a dit à l'école : vos parents sont nés "aux colonies". Si vous habitez la vallée du Rhône ou de la Dordogne, vous les accompagnez à des couscous de l'Amicale, qui vous font l'effet de réunions de Russes blancs. C'est vrai, nous paraissons tirer notre passé sur nous comme un clochard tire ses hardes pour se réchauffer. Un passé que vos manuels scolaires vous disent fait de rapines, d'extorsions, d'abus et de bassesses, qui vous fait un peu honte.

       N'en croyez rien, et soyez fiers de ce passé; Nos arrière-grands-parents ont fui l'avilissement du chômage et des ateliers nationaux, en 1848, les vexations de l'envahisseur en 1871, les tracasseries d'un pouvoir politique intolérant ou simplement la pauvreté des vallées savoyardes, des rochers de Sicile, de Malte ou des Baléares. Mais ils avaient tous un point commun : à la sécurité précaire d'un quotidien médiocre ils ont préféré l'inconnu et l'espoir de la liberté. Ils ne méritent pas les calomnies dont la France les couvre pour cacher sa mauvaise conscience. Les lois incohérentes ou iniques qui nous menèrent au désastre étaient votées dans l'ignorance et l'indifférence du Palais Bourbon, et non à Alger. Ils n'ont pas volé leurs terres : leurs eldorados étaient des concessions accordées sur les domaines turcs, des marais déserts ou achetés régulièrement sous contrôle de l'administration. En quelques années, la malaria allait tuer les faibles et la désillusion les rêveurs.

       Mais ceux que la fièvre et le découragement épargnèrent vous ont laissé beaucoup plus qu'un patrimoine, ils vous ont fait entrer dans l'Histoire.

       Dotés de leur seule pioche, ils ont fait des domaines que la Californie des années 1990 ne surpasse pas. Déshérités de la culture, ils ont créé une langue et un humour qui, depuis trente ans réjouit les parisiens les plus blasés. Issus de l'école communale de Hammam-Zaïd ou Nechmeya, ils devinrent des scientifiques de renommée internationale, des Juristes respectés, des artistes adulés. Repliés dans le dénuement, ils ont transformé des régions entières d'une France qui se croyait à l'avant garde du progrès. Si nous défendons cet acquis avec tant d'âpreté, c'est que nous l'avons mérité de génération en génération pour vous le transmettre. De cet héritage, vous êtes aujourd'hui comptables, et vous n'avez pas le droit de l'ignorer. Vous avez le devoir de conserver notre legs moral, et de réclamer ce que l'État nous a confisqué.

       Que notre passé aide votre avenir que notre créance vous soit une dette d'honneur. Ainsi, nous pourrons vieillir tranquilles.

       MERCI.

Jean Pierre Burgat                 

Lettre parue dans le bulletin d'information des Agriculteurs Français d'Algérie
Transmise par Mme Viane

REGRETS
Envoyé par M. Marc Dalaut


              Ceux Qui pieusement sont morts pour la patrie
              Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
                                          (Hymne - Victor Hugo)

              C'était 10 heure marquée, à mon tour de gémir,
              Sur un lit d'hôpital, dans le nord de la France,
              J'ai connu l'angoisse, j'ai senti la souffrance
              Le buste emmailloté, sous un turban d'Emir.

              Un bras, un oeil perdus ne peut-on pas frémir ?
              L'autre oeil était atteint, pitoyable occurence.
              Que sera donc ma vie avant la délivrance ?
              Manger, boire et dormir - boire, manger, dormir.

              Si dans ma jeunesse j'ai bien rêvé de gloire,
              J'ai du comprendre, tôt, que tout est illusoire
              Car même des héros, qui donc s'est souvenu ?

              J'aurais pourtant aimé qu'un peu de moi repose
              Sous l'Arc de l'Etoile dans son apothéose.
              Cendres dans les cendres du Soldat Inconnu.
                                                        1920


GRATIEN FAURE ROI DU BLE DUR,
EMPEREUR DE LA VELLEITE!
N° 8 de décembre 1950
de M. D. GIOVACCHINI
Envoyé par sa fille

  
        Un bien grand diable d'homme tout d'une pièce, et richement habillé en tissu de tuzelle.
        Une longue échine avec une des deux épaules légèrement inclinée par le poids du portefeuille et la somme des hésitations qui le hantent.
        Tête sympathique solidement charpentée sur un cou de taureau normand. Et des yeux qui voient clair pendant que la langue précède, domine et guide le verbe et la pensée.
        Elle existe cependant fort bien la Pensée. Délayée certes dans des phrases aussi longues et aussi sinueuses que le cours du Rummel, mais largement émergeante d'un fonds clair et invariable : la valeur du froment et l'amour de l'Algérie.
        Et malgré des rhumatismes trop tenaces, des jalousies qui l'assaillent et l'entourent, il vogue sans arrêt par monts et par vaux, par delà la mer, parlant, parlant toujours pour son bien, pour le bien des autres, pour le blé dur ou tendre, pour l'orge, en faisant une moue bien expressive au seul énoncé des mots tabac, vin ou agrumes.
        L'homme est infatigable. Quand il écrit et quand il parle ! Le fait est qu'il écrit bien et qu'il parle bien. D'aucuns qui médisent de lui, ne sauraient le valoir.
        Un " grand homme bônois " nous disait ceci : " il est bien, il a de grandes qualités, mais ce; n'est pas un être humain, c'est un déluge, un océan qui vous engloutit ".
        Il est certes un peu trop prolixe. Mais n'exagérons rien, Gratien dépasse de plus d'une toise des homuncules figés dans leur égoïsme et leur inintelligence.
        Capitaliste certes, mais vivant, dynamique, point cupide, ni amorphe, ni surtout indifférent au mal qui l'entoure.
        Nous connaissons bien des prouesses de son coeur. Il a su tendre une main charitable à des adversaires dans la détresse, et discrètement. Bien des socialistes, des communistes " théoriciens du bien " pourraient recevoir de Gratien des leçons d'altruisme.
        Qu'il ait trop de terres c'est un fait. Qui pourrait le lui reprocher ? Des " Thorez " surtout n'auraient guère refusé ses chances !
        Les leaders communistes s'enrichissent en maniant des slogans et des ordres de l'étranger, Gratien Faure a tout de même fait surgir des tonnes de céréales, voire de lentilles d'un sol bien préparé : c'est plus nourrissant que le knout de Staline.
        Si tous les riches l'imitaient, le Communisme enregistrerait quelque baisse dans ses actions.
        Des hommes comme Munck, Faure et même Tucci ont produit et créé. Dans le genre Pantaloni on récolte sans avoir semé : c'est moins beau.
        Faure a beaucoup fait dans ce département. Et c'est parce qu'il a beaucoup fait que des terriens de sa classe, du modèle Fournier, Brincat et Delrieu ont mal supporté sa prépondérance.
        On a suscité autour de lui des querelles de clans, des jalousies de village et René Mayer lui même a prié Munck de préparer la douce pelure d'orange sur laquelle glissa le magnat de Redjas !
        Après avoir voulu trop faire, notre Gratien fut " défait ". L'Union " Ah : le joli mot ! Chère aux possédants surtout et tant prêchée par l'apôtre, dégénéra en lutte fratricide. Le crabe redevenait roi et symbole.
        Pourtant Faure avait bien des obligés.
        Il avait réimporté Pantaloni qui lui donna le coup de pied de l'âne. Sous sa tutelle, la municipalité de Constantine vit le jour. René Mayer lui-même devait beaucoup à celui qui prêcha l'entente et la discipline.
        Voilley, Franceschi, Eugène Valle et Cianfarani sauvent au moins la face à la Fidélité.
        L'ingratitude est chose humaine ; elle ne saurait surprendre que des ambitieux déçus.
        Cependant l'Algérie pourrait et devrait demeurer reconnaissante à l'égard d'un homme qui prit une part prépondérante dans la bataille du Statut de l'Algérie.
        Ne ménageant ni son temps ni son argent, surmontant la maladie, il partait, ardent, plein de foi française à Alger, à Paris, alerter les élus, la presse, et tous les milieux qui pouvaient prendre la défense d'une Algérie menacée par la démagogie des Rabier ou des Fonlupt Espéraber.
        Nous l'avons vu pendant ces heures cruciales où il ne connaissait ni repos ni sacrifices, sermonner les faibles et alerter ses familiers de la même bourgeoisie qui, comme organe vital ne possédaient qu'un tube digestif.
        Il aurait dû être parmi les " premiers " dans ce pays. Aujourd'hui ses obligés le discutent.
        Cependant il nous faut dire à Faure toute la vérité.
        Malgré ses belles qualités, il demeure un velléitaire.
        Il sait ce qu'il faut pour les autres : il ne sait jamais ce qu'il veut pour lui-même.
        L'élection Tucci - Eugène Meyer donna toute la mesure de son tempérament politique.
        Son coeur et le vote de ses amis et même le sien allaient à Meyer. Sa langue et sa plume travaillaient pour Tucci.
        Cette attitude n'était nullement inspirée par l'habituel machiavélisme des politiciens en vedette. Elle n'était qu'un mélange d'esprit d'Union ! et de fidélité à l'amitié.
        Le dilemme plaça Faure dans une situation décevante entraînant derrière lui le petit F., qui, tel un moineau aveuglé dans la nuit pas des flots de lumière ne savait plus qui il fallait trahir: Faure ou Tucci.
        René Mayer ce jour là se frotta les mains : il avait " possédé " l'adversaire le plus gênant.
        A cette heure la situation demeure presque identique.
        Que veut Gratien ?
- Que peut-on faire pour vous cher ami, dit René Mayer.
- Mais je ne demande qu'à être agréable à mon Cher Gratien, ajoute Pantaloni.
- Allez-y donc lui dit Valle ? Tant pis pour la casse !
        Et Gratien s'interroge ! Il invoque les dieux du Chettaba, et murmure des couplets normands pour se donner du coeur à l'ouvrage.
        Comme Volpatte, dans le FEU de " Barbusse" il se tait.
        Mais dès qu'il traverse seul les vastes étendues de terres qui défilent sous ses yeux, il tire de sa poche le poing qu'il avait fermé et le dresse vers l'arrière en s'écriant : " Je vous aurai tas d'ingrats ".
        Allons Gratien, parle, mais parle donc ! Ne laisse pas sonner Midi.
        Préfères-tu Versailles ou le Luxembourg ?
        Choisis.
        S'il le faut on sacrifiera un " ami " C'est dans la Religion des Conciliés. Morinaud et Cuttoli faisaient de pareilles offrandes au nom " de l'Union " !
        Et l'homme qui ignore dans ses conversations toute ponctuation, même les points de suspension qui permettent à l'auditeur de suivre ou de répondre, demeure muet.
        Aurait-il prêté sa langue au prudent et silencieux Léopold Morel ?

***
 


     LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES      (53)
La "Ribrique" de Rachid HABBACHI
 Juste pour l'odeur….

          L'aut' jour, y m'a venu comme ça, un souvenir du marché au poisson de Bône ousque, dedans toute la matsame que t'y avais là, y a une sardine en dedans son casier qu'elle m'a fait de l'œil pour attirer mon entention et elle a réussi, diocamadone à cause que je m'approche et, axe je reste. Tu ois pas, cette gatarelle elle me parle comme j'te parle et tu sais pas ça qu'elle me dit ? ô bel ! achète moi dedans tout un kilo ou même seulement une liv' mais me laisse pas en dedans ce casier qui commence à sentir le choléra que sûr, je vas finir dedans la poêle à la scabetche, ô beurre, tu peux faire ça pour moi ? Moi, que comme j't'ai dis, axe je suis resté, axe encore plusse j'étais, j'pouvais pas dire un mot et encore moins lui dire à la pauv' misquinette que j'étais raide comme un passe-lacet, que j'avais pas un flèche, brèfle que j'pouvais rien acheter et que si que j'venais au marché, c'était juste pour sentir à ouf l'odeur du poisson frais, l'odeur d'la mer quoi ! et comme j'disais rien à de bon c'était moi que j'étais le poisson, la bouche grand'ouverte, bakouche et tout et tout…

          La sardine elle continue à me parler avec la larme aux z'oeils et oilà qu'elle me raconte sa vie, comment de toute jeune déjà elle était dedans le danger, comment que, quan elle était encore que mac, elle s'était ensauvée de la piège que c'étaient tous les salabres en tamis qu'y se servent avec les pichkadours pour se faire, dedans l'avant-port, au babayou l'amorce pour s'attraper le saourèle quan elle vient la saison et pis après, en haute mer là-bas ousqu'y a les z'eaux bleues comment elle s'est ensauvée devant les cavales, les bonites, les boudins et les thons et oilà qu'un jour, malheur, elle te tombe dedans un chébèque attirée qu'elle était, la nuit par un lamparo.

          Elle aurait pu mourir, la pauv' misquinette, affoguée comme toutes les z'aut' sardines mais oilà, elle, elle avait de l'entraînement aux néf's dedans l'air et à force, y l'y a poussé une paire des poumons comme à toi et à moi, ça qu'il esplique qu'elle est encore vivante aujourd'hui et qu'en plusse, son rêve c'est de oiyager, de connaîte des z'huiles, de oir du monde, aller au casino pour jouer à la roulette et tout et tout…

          Comme elle m'a fait d'la peine la pauv' misquinette qu'elle m'a même pas dit son nom, j'y ai dis de faire le mort, de rien dire, comment ça le marchand il entend pas mais ce kaloutche de vendeur qu'il était guitche d'un œil, il est pas sourd et en plusse, y m'a entendu parler à la sardine, joubasse il a cru que j'avais venu maissûr, il a été à de bon quan c'est que j'y ai dis que la poiscaille et moi, on avait fait ami-ami et que j'voulais m'l'anviter à la maison. D'un coup, en dedans ses deux z'oeils, y l'y a venu comme la lumière qu'elle la donne la chkague, un peu bleue, tu sais et y m'a donné la sardine toute seule, que j'l'ai mise rapide en dedans ma poche avant qu'y change d'avis et avec, ch'uis parti à la maison.

          Arrivé à Joanonville, devant l'usine ousqu'on met les sardines en boîte, y a Augu, le patron, que c'est mon oisin y m'appelle et y me fait rentrer là ousqu'on traite le poisson. Chais pas si c'est la chkague mais ma sardine elle a poussé un cri, un tout p'tit cri et quan j'ai été la prende là ousqu'elle était, dedans ma poche, elle s'était affoguée d'une emboulure au coeur et à de bon, elle était partie à chez le Tado des poissons. Comme triste, y m'a vu avec la morte à la main et la détresse en dessur la fugure, Augu y m'a dit ô tchoutche, tu vas pas rester là planté comme ça, ton amie on va lui faire un enterrement de première classe en dedans une boîte avec des z'aut' sardines qu'elles baignent en dedans de l'huile sans goût et la boîte qu'on va s'la faire un peu belle, j'te la donne cadeau, allez ouah ! sois pas triste.

          Et comme ça, augu il a fait et tu vas rire, la boîte j'ai pas pu la manger, même pas en kémia et elle, la sardine la pauv' qu'elle voulait connaîte des z'huiles, aller au casino, oir du monde, jouer à la roulette et chais plus quoi encore, j'ai attendu de venir en Patosie pour aller déposer, avec plein des necs comme on fait dedans le jardin du souvenir, la boîte dedans le rayon des conserves juste en face d'une rangée de bouteilles d'huile dedans une grande surface, ousqu'y a plein du monde, une grande surface qu'elle fait CASINO mais entention, pas p'tit, Géant, j'te jure en espérant qu'un jour prochain elle jouera à la roulette avec un ouvre-boîte.

Rachid HABBACHI

A MONSIEUR OMAR GUECHE
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut

Docteur Honoris Cause - in, partibus infïdelium

Le souci journalier de vendre alcool et marc
Pesant sur mon esprit beaucoup plus lourd qu'un marc
Docteur Omar,
M'a fait solliciter de ma Muse revêche
Quelques vers dont l'effet me distrait et m'allèche,
                          O Docteur GUECHE.

Aussi, sous sa dictée, en naturel flemmard,
Chaussant de lunettes on nez un peu camard,
Docteur Omar,
Pour voue répondre enfin, voyez, je me dépêche,
Sans pouvoir vous offrir quelque nouvelle fraîche,
                          O Docteur GUECHE.

Notre retour d'Alger n'est plus qu'un cauchemar.
Malgré le Toubib - oui, j'ai mangé du calmar
Docteur Omar,
A moins que pour rimer vous ne préfériez " seiche " ?
Je vous l'accorde, car des deux je m'en pourlèche,
                          O Docteur GUECHE.

Nous mangeâmes aussi, quelque part, du homard,
Ailleurs, des saucisses, de Strasbourg ou Colmar,
Docteur Omar,
Du dindonneau bourré de marrons de l'Ardèche,
Des poulets, de Houdan, de Bresse ou de la Flèche
                          O Docteur GUECHE.

A la broche ou sautés, voire en sauce Clamart,
Qui n'étaient point venus, à pieds, de Bordj Samar
Docteur Omar.
Et pour désaltérer notre gorge trop sèche,
Nous bûmes du vin blanc, d'Alsace, frais main rêche
                          O Docteur GUECHE.

Puis du champagne " Dry " pour paraître très smart.
En l'hôtel Aletti, j'ai goûté du Pomard,
Docteur Omar
Dédaignant d'autres vins teints au bois de Campêche.
Mais blanc, rouge ou rosé, le meilleur vin émèche
                          O Docteur GUECHE.

Aussi, j'ai cru, parfois, entendre un jaquemart
Qui cognait mon crâne, comme un vieux coquemar,
Docteur Omar
car c'est là mon mektoub ; quand je sors de ma crèche,
C'est bien par la gueule que maintes fois je pêche.
                          O Docteur GUECHE.

Vous nous avez manqué pour faire "Zigomar",
Accomplir des exploite à la Gustave Aimard,
Docteur Omar,
À la Don Quichotte... cette fois en calèche
Battre dans les hôtels chaque couloir en brèche,
                          O Docteur GUECHE.

Le pistolet à droite, à gauche un braquemart,
Suivre une volaille jusqu'au lieu dit " plumart "
Docteur Omar,
Sans redouter Amour et sa cuisante flèche
Qu'une précaution, de vous brûler, empêche
                          O Docteur GUECHE.

Vous conférenciez, c'est un ingrat trimard,
Sur les méfaits du kif - et non de l'abjoumar,
Docteur Omar,
Et nous venons d'apprendre, en lisant La Dépêche,
Votre brillant succès, ce prélude à la dèche.
                          O Docteur GUECHE.

Vous partez en croisade, ainsi fit Adhémar,
Evêque de Clermont ou de Montélimar,
Docteur Omar.
Vos auditeurs, touchés, comme d'une flammèche,
Ont dû ficher leur camp, au feu de votre prêche.
                          O Docteur GUECHE.

Qui leur rivait leur clou - l'Arabe dit "mousmar" -
A bien d'autres Docteurs, confrères en même art.
Docteur Omar,
Mais, pour ce nouveau titre, il se peut qu'on vous bêche.
Ami, ce n'est pas moi, c'est ma Muse pimbêche.



ANECDOTE
                                                 

Le Général d’Uzer et les Merdés

C’était un temps où les coutumes, mœurs et honneurs d’un coté comme de l’autre avaient une signification quand les adversaires se respectaient. D’un coté, il ne fallait pas perdre la face après un méfait même au prix d’une bataille perdue d’avance et de l’autre il fallait faire respecter l’ordre et l’honneur militaire. Le Général d’Uzer a donné son nom à un village, Duzerville aujourd’hui El Hadjar et son complexe sidérurgique.

        Tout avait été tranquille dans les environs de Bône depuis l'expédition des Oulad-Attia. Les Arabes venaient de tous côtés au marché de cette ville, et toutes les impressions qu'ils y recevaient étaient favorables au général d'Uzer et à l'autorité française. Ce général était tout à la fois craint et aimé des indigènes, qui savaient que, quoiqu'il les traitât avec une paternelle douceur, il ne laisserait jamais une injure ou une injustice impunie. Au mois de septembre 1853, il eut occasion de faire une nouvelle et frappante application de son système : les Merdès, tribu très nombreuse, qui habite sur la rive droite de la Mafrag, à l'est de Bône, se permirent de piller quelques marchands qui se rendaient dans cette ville.
        Le général les somma de lui faire réparation de cette offense. Il leur envoya même, pour les engager à ne pas le forcer à recourir aux armes, dix de leurs compatriotes qui servaient à Bône dans ce qu'on appelait les étages. Les Merdés furent sourds à ses remontrances; mais il fut si évident qu'ils mettaient le bon droit contre eux, que les dix envoyés du général, quoique de leur tribu, revinrent à Bône, ne voulant pas s'associer à leur injustice.
        Obligé d'employer la force, le général d'Uzer marcha contre les Merdès. Arrivé sur la rive gauche de la Mafrag, au marabout de Sidi-Abdel-Aziz, il fit de nouvelles sommations, qui ne furent pas plus efficaces que les premières. Ayant ainsi épuisé tout moyen de conciliation, il lança sur l'autre rive de la Mafrag toute sa cavalerie, qui en un clin d'oeil enfonça les rebelles, et leur enleva leurs troupeaux.
        Ils vinrent alors demander leur grâce à genoux. Le général d'Uzer la leur accorda, après une sévère réprimande. Il eut la générosité, peut-être excessive, de ne retenir, du butin qu'il avait fait sur eux, que ce qui était nécessaire pour indemniser les marchands qui avaient été pillés. Depuis cette époque, les Merdés, dont une faible partie était déjà sous notre domination, ne donnèrent plus de sujets de mécontentement.
        Dans cette expédition, le capitaine Morris, du 3ème régiment de chasseurs d'Afrique, eut un combat singulier avec un Arabe d'une taille gigantesque. Les deux adversaires ayant été démontés dans le choc, se prirent corps à corps : le Français sortit vainqueur de cette lutte acharnée.
        (Tiré des Les Annales Algériennes 1833)



LE MONUMENT AUX MORTS
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

        NOTRE ville possédait un cachet d'élégance et de fraîcheur naturelle que pendant longtemps on s'était plu à lui conserver avec un soin jaloux.
        Il émanait de tout son ensemble un tel charme, une si nette impression de grâce et d'aisance, que ses visiteurs l'avaient appelée : " Bône La Coquette".
        Cette ville si bien parée, pour l'émerveillement de ses hôtes de passage, n'est plus aujourd'hui qu'une ville comme tant d'autres.
        Le bruit et le mouvement font, chaque jour oublier davantage sa beauté naturelle et paisible qui la faisait aimer, sa beauté que, sous prétexte de progrès, on ne respecte plus aujourd'hui.
        Etait-il, ce progrès, une raison suffisante pour justifier l'atteinte sacrilège portée à cet ensemble harmonieux que formait notre Cours avec ses immeubles somptueux et notre petite darse, vrai décor de théâtre, qui se rejoignaient naguère, sans aucune transition et s'ajoutaient si bien l'un à l'autre ?
        Jérôme Bertagna, dans sa conception grandiose du nouveau port dont il a si âprement poursuivi la réalisation, avait projeté de transférer sur les quais neufs de la grande darse les Agences de Compagnies Maritimes attachées à notre port.
        Il aurait voulu que notre vieille petite darse fut réservée aux seuls bâtiments à voile ou de plaisance et qu'en avant des quais, entre le plan d'eau et le Palais Consulaire, un autre Cours, complanté de palmiers, la longeât sur toute sa longueur.
        Hélas, ce séduisant projet s'en fut à l'eau, dont il n'était pas loin, d'ailleurs, et les Agences des Compagnies Maritimes sont demeurées autour du vieux port.
        Bien plus, la petite darse a été enclose dans un réseau de constructions uniformes, massives et inélégantes qui masquent complètement la mer et les bateaux.
        Et, comme pour mettre le comble à ce décor, qu'on dirait inspiré par le plus pur cubisme, la disgracieuse Centrale électrique est venue, s'imposant inexorablement à la vue du passant le plus indifférent, masquer, à son tour, le coin de ciel bleu que l'on pouvait encore voir par-dessus les indésirables docks.
        " Le ciel est par-dessus le toit si bleu, si calme... " ...avait pu dire Verlaine du fond de sa prison bruxelloise, un jour d'août 1873, les Bônois, qui sont libres et qui passent en se promenant devant le Palais Consulaire, n'ont même plus, dans sa pureté intégrale, le spectacle d'un éther infini qui conserve, toujours et malgré tout, sa sereine beauté.
        Combien une forêt de mâts, quelques voiles tendues, flottantes ou repliées, des pavillons aux couleurs vives, claquant au vent, de la mer bleue dans les espaces et de jolis palmiers tout autour, tableau rêvé par le créateur du grand port, eussent été empreints de plus de poésie et se fussent mieux accordés avec le charme de la Ville, du moins de cette partie de la Ville, si proche de son joli Cours.
        On avait toujours eu, en cette ville que la nature avait déjà si bien dotée, le sens de la mesure et de l'harmonie. Témoin, ce Cours, dont il vient d'être justement question, qui constitue la plus belle artère, le joyau de la Ville, pourrait-on dire.

        L'Hôtel de Ville, superbe et majestueux, avait été construit, il y a quelque soixante-dix ans, alors que Bône ne comptait que vingt-cinq mille âmes à peine, pour compléter, en lui donnant plus de grandeur, l'ornement du Cours National, comme on l'appelait alors, dans la perspective duquel, il s'est trouvé parfaitement à sa place.
        Ces grandes et belles maisons à arcades forment réellement avec lui un ensemble remarquable par le souci de l'élégance.
        D'où vient qu'on ait perdu à Bône ce souci de l'élégance et de l'harmonie ?
        Doit-on penser qu'autrefois les bâtisseurs de villes étaient plus conscients de leur responsabilité morale devant la postérité et qu'ils n'envisageaient que la pérennité de leur oeuvre sans songer à des profits plus immédiats et plus substantiels ?
        Il est certain que, dès la fin de la première guerre mondiale, on a pu assister à une déchéance de la conscience morale qui est allée en s'accentuant chaque jour un peu plus.
        Un désir excessif et urgent de richesse, un trop grand engouement pour une vie extérieure et tapageuse et un trop vif amour de l'argent sont devenus les véritables impératifs des moeurs nouvelles engendrées par des guerres abominables qui n'ont rien épargné, ni les corps, ni les coeurs, ni les moeurs, ni trop souvent, hélas, les consciences, elles-mêmes.
        Si nos soldats avaient combattu et s'étaient sacrifiés pour la gloire, bien des civils, la guerre finie, entendaient, eux, ne pas travailler pour elle.
        Les honneurs et les mandats publics n'ont plus été pour certains, que des degrés qui leur permettaient d'accéder à la fortune, tandis que l'intérêt général et le Bien public devenaient des expressions vides de sens réel peut-être, mais pleines de possibilités ou de promesses de profits personnels.
        Il y eut, pour l'homme de la rue, des affairistes partout et des affaires louches dans tous les marchés d'entreprise ou de fournitures publiques.
        Aucun de ces marchés, pour lui, n'était sans dessous, dessous de table, bien entendu, sans ristournes, ni pourcentages, ni tantièmes.
        Et Marcel Pagnol, dans ce temps, débutait au Théâtre avec deux comédies, satires de ces moeurs nouvelles :
        "Les Marchands de gloire " et " Topaze ", qui attiraient au théâtre des milliers de spectateurs dont aucun n'était offusqué par le cynisme et l'amoralité étalés par les " nouveaux messieurs ", mis en scène par celui qui devait être le benjamin de l'Académie Française.

        Ce monument aux morts de la grande guerre qui surgit brusquement, et beaucoup trop orgueilleusement, devant le passager qui vient à peine de débarquer, est un sous produit de ces moeurs nouvelles.
        Il est, au surplus, si près de notre Cours, comme un défi à la beauté, à l'art et au bon goût, tout simplement.
        L'emplacement sur lequel il est érigé avait été judicieusement choisi.
        Ce fond de palmes mobiles, disparues depuis lors, et, par delà, la perspective lointaine de la rue du 4 Septembre, pénible évocation d'une autre guerre, qui va finir juste à la porte de l'ancienne caserne des cavaliers du glorieux Yusuf, le Palais Consulaire d'un côté et de l'autre, le bel immeuble aux cariatides superbes qui porte la blessure que lui fit, en 1914, le premier obus de la Grande Guerre, sauvagement lancé par le cuirassé allemand " Breslau " sur une ville endormie, encore ignorante de la déclaration de guerre. Tout convenait admirablement au caractère de l'hommage que la ville entendait rendre à ses enfants morts pour la France.
        Des sculpteurs réputés, Alaphilippe et Popineau, entre autres, avaient présenté, des projets parfaitement conçus adaptés au cadre choisi, qu'ils étaient venus étudier sur place.
        Un inconnu, nommé Cartier, l'emporta sur eux.
        Il fallait un sculpteur, c'est un charcutier que l'on élut.
        Ce Cartier, en effet, n'était venu à l'Art qu'en passant par le lard. Il avait débuté dans la vie comme ouvrier charcutier et, c'est en modelant, pour son étalage, sous l'inspiration de St-Antoine, dans son saindoux professionnel, des animaux qui lui étaient familiers, qu'il avait fini par se trouver plus de goût pour la sculpture que pour la galantine et le cervelas. Et il était devenu sculpteur animalier. Mais cela n'aurait, certes, pas suffi pour le signaler à l'attention de l'édilité bônoise.
        Ce qui lui fut plus utile, en l'occurrence, ce furent les travaux nécessités par l'installation de l'Hôtel Transatlantique dans les aîtres et les dépendances de l'ancienne villa Galtier sur le chemin de la Corniche.
        Ces travaux importants avaient été confiés à un architecte et à un entrepreneur, tous deux membres influents de notre Conseil municipal, et le Directeur de l'Hôtel touristique en construction était le propre frère du sculpteur animalier que nul ne connaissait à Bône.
        Le directeur, qui était aussi chef-cuisinier de l'Hôtel, étant demeuré dans la tradition familiale, connaissait le pouvoir bénéfique des bons repas sur les décisions humaines.

        Et c'est ainsi, grâce à la délicatesse et la succulence de mets bien arrosés de vins capiteux, que l'architecte et l'entrepreneur entreprirent de démontrer qu'un sculpteur animalier tout à fait inconnu, était parfaitement qualifié pour glorifier par le marbre et le bronze le souvenir de nos morts de la Grande Guerre.
        Le monument est banal, sans la moindre originalité, à peine digne d'orner une place de village.
        Alger a le droit de s'enorgueillir du magnifique chef-d'oeuvre que le sculpteur Landowski a conçu pour honorer ses morts et qui embellit la perspective Laferrière.
        Constantine a fait édifier un important monument sur un sommet escarpé qui domine la ville et l'espace immense qui s'étend à l'infini.
        Et Philippeville, dont le Monument aux morts est remarquable.
        Ces villes ont su faire pour célébrer la gloire de leurs héros, les sacrifices qui convenaient à leur rang, tandis que Bône, quatrième ville d'Algérie, a failli à son devoir et trahi son passé et son renom de coquetterie, d'élégance et de distinction.


        Le sculpteur, aussi, a commis des erreurs impardonnables pour un animalier surtout.
        Son coq, sur l'étroit sommet de la stèle marche en chantant et son pas est si hardi qu'on dirait qu'il va tomber dans le vide, En outre, jamais, un coq n'a lancé son " cocorico " triomphant, autrement que dressé sur ses ergots et solidement campé sur le sol.
        Chantecler, le dit lui-même à la scène III du deuxième acte de la célèbre pièce d'Edmond Rostand.
        " Car toujours je me plante, au moment de chanter ".
        Et ce Lion, qui grogne et semble tourner en rond dans une cage, n'a certainement pas la fière allure d'un Lion victorieux. Il fait un contraste par trop criant avec le coq qui chante fièrement à l'autre bout de la stèle.
        Les deux cavaliers fougueux qui sont au revers du monument pourraient être aussi bien ailleurs. Ils n'ont en tout cas, aucune raison précise pour être là.
        La seule partie du monument, vraiment émouvante est constituée par les dalles de marbre blanc sur lesquels un artisan bônois a, patiemment et religieusement, gravé les noms de tous les jeunes gens qui ont fait le sacrifice de leur vie pour défendre la Patrie.
        L'inauguration de ce monument se fit sans faste excessif et sans enthousiasme.
        Les tambours et les trompettes et la musique y étaient certes, car il fallait sonner " Au drapeau " et " Aux champs " et " Aux morts ", pour ces héros tombés au Champ d'honneur et jouer " La Marseillaise " pour la France.
        Mais combien qui auraient dû être là, s'étaient abstenus de paraître.
        La foule était silencieuse et recueillie, et triste. Elle ne pensait qu'aux morts, auxquels, enfin, on venait de rendre l'hommage qui leur était dû et qui avait été trop longtemps différé.
        Ce monument baroque, véritable puzzle formé de morceaux divers assemblés sans Art et même sans rapport entre eux, avait déjà son histoire et ses histoires.
        On connaissait les agapes fameuses qui avaient préludé à sa conception, les discussions âpres et passionnées qu'il avait suscitées au Conseil municipal et au sein du comité constitué pour son érection, les protestations unanimes élevées à son sujet par les Associations patriotiques d'anciens combattants, les tribulations des bas-reliefs, passe-partout, venant d'Italie, restée en souffrance trop longtemps sur nos quais et tant d'autres choses.
        Mais on ne voulait penser, ce four-là, qu'à tous ces jeunes gens qui avaient fait le sacrifice de leur vie pour que la France demeure, et les yeux voilés par les larmes ne voyaient pas le monument.

***


LE MISSIONNAIRE ET LES CANNIBALES

Des cannibales ont capturé un missionnaire et sont en train de le faire cuire dans une grande marmite autour de laquelle ils dansent joyeusement. A un certain moment, l'un deux va vers cette marmitte, soulève le couvercle et flanque une paire de gifles retentissantes au pauvre missionnaire. Puis il reprend sa danse... Mais quelques minutes plus tard il récidive ; vlan ! une paire de gifles au missionnaire.
Alors le chef canibale le hèle :
- Allons on le fait cuire, c'est une chose. Mais y'a pas de raison de le rudoyer.. Pourquoi tu le gifles comme ça ? Tu veux nous faire condamner pour tortures ou quoi ?
- Mais chef, répond le cannibale-gifleur, allez regarder vous-même : il est en train de bouffer tout le riz.


A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
                                       Par MAXIME RASTEIL (1930)                                       N° 12

EUGÈNE FRANÇOIS
Mon ancêtre

Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
Photo Marie-Claire Missud
J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto

PREMIÈRE PARTIE

 LE RETOUR A LA TERRE DES LIONS


          Et pour la troisième fois, je me retrouvai sur la mer.
          Il était écrit que je devais retourner pour toujours dans cette terre africaine que mon père, déjà marqué par la mort, avait abandonnée quelques mois auparavant.
          A la vérité, mon voyage n'alla pas sans quelques complications, car pour se conformer aux ordres donnés aux Dauphin par ma soeur, il fallut d'abord m'envoyer à Toulon sur un navire côtier. Il était convenu qu'à mon arrivée dans ce port, je prendrais place sur un cargo en partance, affrété par un négociant de Bône, nommé taillis, lequel effectuait pour son compte de grosses expéditions de vins destinés au commerce de cette ville.

          Par suite de ce long détour, ce ne fut qu'après plusieurs journées de navigation que je descendis de ce " rafiot " chargé de futailles, pour tomber dans les bras de ma soeur Rosine, impatiente de me revoir après tous les malheurs qui nous avaient meurtris.
          Elle et moi, c'est tout ce qui restait de la belle famille française qui avait quitté Paris au mois de novembre 1848. Et le lendemain, ayant repris le pitoyable chemin du bled, les deux enfants dépossédés de la concession de leur père renonciataire allaient se retrouver seuls, à Mondovi-le-Bas, aux prises avec les dures difficultés de la lutte pour la vie.

          Combien la petite colonie agricole me parut changée à mon retour ! Nous sommes en 1850, et il reste bien peu de colons après la terrible épidémie qui en a tant fauchés ; mais les survivants sont logés maintenant dans leurs maisonnettes provisoires et ils ont chacun un bout de jardin clos.
          Une des erreurs du commandement militaire avait été, lors de l'arrivée de notre convoi, d'installer les tentes et les premiers baraquements sur les hauteurs proches du cimetière ; mais on ne tarda pas à s'apercevoir que cet endroit présentait des inconvénients graves, car il était beaucoup trop éloigné de l'Oued-Guerid, petit affluent de la Seybouse, où les femmes devaient aller laver et puiser de l'eau, ce qui n'était pas sans danger à cause des indigènes.
          II fallait fréquemment faire accompagner ces corvées par des soldats, ce que voyant, le Génie s'était enfin décidé à choisir pour l'emplacement définitif du village un terrain plus proche de la rivière.
          En outre, dans le but de fixer les limites du nouveau Centre et de le protéger au besoin contre une agression possible, il avait édifié des remparts flanqués de huit bastions à créneaux, le long desquels couraient des fossés profonds de quatre mètres sur dix mètres de largeur.
          Ce n'était certes pas une précaution négligeable, car les Arabes des douars voisins se montraient farouchement hostiles aux roumis, et il était non moins prudent de se garder contre les grands fauves qui infestaient la brousse et la plaine environnantes.
          A cette époque-là, je vous prie de croire que les lions ne nous ménageaient pas leurs visites. Leur audace était telle qu'une nuit, l'un d'eux, qui devait être énorme, franchit fossés, remparts, clôtures, et parvint à enlever un boeuf à l'attache dans une écurie.
          Cela fait, il s'en retourna avec sa proie pantelante, et l'on constata, le jour venu, qu'il avait en partie dévoré celle-ci à quelques mètres de la porte de Bône, en plein village, derrière le Café Corrois. Tous les habitants purent voir les traces du carnassier à l'aller comme au retour, ainsi que les débris du boeuf dont le fauve n'avait mangé que les rognons et les filets, si bien que beaucoup de familles se régalèrent du restant.

          A la suite de cet exploit nocturne qui impressionna tout le monde, le lieutenant du Génie, M. Foucaud, alla se poster à l'affût plusieurs soirs de suite en se jurant bien de débarrasser Mondovi de ce fâcheux visiteur, mais ce n'était pas chose facile. A ce moment, cinq ou six lions pour le moins rôdaient autour du village. On les entendait souvent rugir dès le coucher du soleil, et il ne manquait pas de gens allant et venant au dehors qui en rencontraient même en plein jour.
          C'est d'ailleurs l'aventure qui arriva à un colon nommé Girard, habitant la banlieue, qui fut suivi jusqu'à l'entrée de sa ferme par deux lions adultes. Il n'eut que le temps de se barricader chez lui, et dut laisser pendant plus d'une heure les deux fauves faire le siège de sa porte.

          Pour en revenir au lieutenant, je dois lui rendre cette justice qu'il partait bien en expédition armé jusqu'aux dents, mais autant de fois, hélas ! Il revenait bredouille.
          Foucaud s'en va-t-en guerre, Mais de lions n'en tue guère!
          Chantonnait-on sur son passage. Par contre, plus heureux que lui, notre géomètre, M. Fréchou, en abattit un de belle taille, et notre brave curé, M. Noizeux, qui maniait un fusil encore mieux que le goupillon, eut la même bonne fortune.
          Ah ! ce fut une partie de chasse peu ordinaire et dont on parla longtemps dans le bled, que celle qui valut au premier desservant de la Colonie agricole l'honneur de mettre à mâle mort un formidable lion de Numidie à crinière noire, terreur de la contrée.
          Ce roi de la broussaille avait bien essuyé plusieurs coups de feu au cours de battues précédentes, niais les balles semblaient ne pas vouloir l'atteindre, ce qui faisait dire par les Arabes que c'était un lion " marabout ".
          Pris d'une noble émulation, nos chasseurs mondoviens lancés à la poursuite de l'animal tant redouté ne s'étaient pas contentés d'engager des paris pour savoir qui lui ferait mordre la poussière. Afin d'éviter toute contestation, chacun d'eux fit une marque convenue aux projectiles destinés à la bête rugissante.
          Or, lorsque le lion noir tomba criblé de balles, ce furent celles tirées par le curé Noizeux que l'on retrouva dans le corps du Sidi. Ce beau coup de fusil avait eu pour théâtre un escarpement bien connu du territoire de Magran, qu'on a appelé depuis le Rocher du Lion.
          Ainsi traqués, affûtés et pourchassés, les grands fauves qui décimaient le bétail des colons et des indigènes, finirent pas disparaître à peu près complètement de la vallée de la Seybouse pour se réfugier dans le massif de l'Edough, de l'Oued-Soudan et des Beni-Salah, où le fameux tireur Gérard, ancien sous-officier de spahis à la colonne Mac-Mahon, devait trouver par la suite ses meilleurs affûts.


A SUIVRE       
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.

Le temps des souvenirs d'autrefois.
                                          par Jean Claude PUGLISI                                       N°10
Mon grand-père Vincent Gabriel PÊPE
Alias l'Africain ou l'Afrique.
A propos de quelques anecdotes et aventures familiales véridiques.

Histoire d'Oeufs


       S'il y avait dans la petite Cité de La Calle bon nombre de commerces de toutes sortes, qui, à eux seuls, suffisaient amplement au ravitaillement de la population, ils se trouvaient aussi des petits commerçants on ne peut plus discrets, qui, modestement exerçaient leur négoce, en faisant régulièrement du porte à porte dans tous les quartiers de l'agglomération Calloise.

        Pour ces derniers ce n'était certes pas, des personnages payant régulièrement patente à la tête d'un commerce florissant et prospère, mais, de très simples petites gens, qui modestement venaient régulièrement de la campagne, pour espérer vendre quelques menus produits du terroir, en démarchant discrètement dans toutes les maisons du village... Aujourd'hui, on les aurait sûrement ignominieusement qualifiés de clandestins : une appellation heureusement peu usitée à une époque héroïque, où ces petits commerçants de l'ombre rendaient à la population d'éminents services.

       Ainsi tous les matins et pendant de longues années le brave khroumir Gadoum venait à pieds du Tonga, pour livrer dans la maison quelques litres de lait qu'il tirait de son modeste troupeau de vaches. Ce lait du Tonga autant qu'il m'en souvienne, était particulièrement excellent et généreux... Il offrait une fois bouilli une riche et épaisse crème jaunâtre qui était un véritable régal. Cependant il arrivait parfois à l'instar de l'oued Messida que les vaches aient tendance à se tarir, alors pour honorer fidèlement ses clients et ne pas leur faire défaut ne serait-ce qu'une seul jour, pragmatique, le brave homme s'empressait de judicieusement compléter les pertes sèches enregistrées, par quelques volumes innocents d'une bonne eau claire et fraîche... Comme à son habitude Pétronille ma grand-mère ronchonnait un peu et menaçait d'aller faire peser le lait au Commissariat de police ! Alors le pauvre marchand de lait jurait par tous les Dieux, qu'il n'avait en rien trafiqué le contenu de ses bouteilles et que c'était de la faute de ses vaches… etc. etc. Et puis tout rentrait naturellement dans l'ordre, lorsque les vaches retrouvaient enfin leur bonne humeur. Alors de nouveau le lait se faisait excellent : " tu vois ? disait-t-il à ma grand'mère. " Bien sûr ! Qu'elle avait bien compris le stratagème du brave Gadoum.

       C'est ainsi qu'au cours de la journée il arrivait parfois, qu'un de ces petits vendeurs ambulants vienne cogner la porte de chez-nous à l'ancienne Douane. Il proposait divers articles à vrai dire toujours les mêmes : des volailles, vivantes et pattes liées, tenues d'une main la tête en bas - des canards sauvages, braconnés près du lac Mellah ou du Tonga - un couffin de champignons frais, ramassés en hiver sous les chênes lièges du Boulif, ou des premiers arbres - des Asperges ou des poireaux sauvages, de, je ne sais où - du Fragon d'ornement, en gros bouquets - des figues de Barbarie ou des oursins en été... et j'en passe !

       Par tradition ce petit commerce se faisait toujours sans aucun boniment ni insistance, mais, comme on s'en doute et par principe, le marchandage était régulièrement de rigueur. Cependant lorsque l'offre en valait la peine, alléchées, les voisines de pallier se disputaient fermement les enchères afin d'acquérir le modeste stock du brave homme, mais en restant quand même toujours très fermes sur les prix. Ainsi dés que le marchand toquait à la porte, du premier coup d'œil Pétronille estimait l'objet du négoce et lorsque l'affaire était intéressante elle concluait prestement la négociation, bien avant que les voisines aient eu le temps de pointer le bout de leurs nez... et vis versa ! C'est toujours comme ça que les choses se passaient.

       Par un triste après-midi d'hiver, Pétronille comme d'habitude était confortablement assise dans son grand fauteuil d'osier, tout près de la fenêtre les lunettes posées sur son petit nez. Elle ne regardait aucunement la pluie qui tombait averse, mais lisait avec passion un roman d'un certain Max du Veuzy ou peut-être de Magali ! ? C'était me semble-t-il toujours la même et éternelle histoire : un Prince, jeune, riche et beau, tombant éperdument amoureux d'une merveilleuse petite Bergère ! ? Parfait ! Mais il n'y a hélas que dans les beaux romans d'amour, qu'on peut voir se dérouler un tel scénario ! Mais enfin la lecture était agréable et en ce temps-là les gens un peu plus romantiques que de nos jours. Ce jour-là et comme de coutume, Pétronille demeurait toute absorbée par cette délicieuse lecture, qu'elle faisait cependant laborieusement puisque ne sachant pas très bien lire.

       Mais pour l'heure, dans cette histoire quelque chose la contrariait particulièrement : le Roi père du joli Prince, ne voulant pas à cette union donner son accord, venait sans égards d'enlever la donzelle pour l'enfermer cruellement dans une sombre tour. Mais ne voilà-t-il pas que son rejeton de Prince emporté par la passion, se précipite soudain fou de désespoir dans les douves profondes et glacées du château… Pauvre et malheureux garçon ! pensa-t-elle, car il faut dire qu'on était en plein cœur de l'hiver… Le sang sicilien de Pétronille était en ébullition : elle ne pouvait tolérer plus longtemps cette terrible injustice… et patati, et patata… Voilà comment ma grand-mère excellente femme devant l'éternel, vivait les singulières péripéties de ces succulents romans d'amour à l'eau de rose !

       Un beau jour alors qu'elle était très embarrassée par les embrouilles d'Esclave ou Reine un célèbre roman d'amour d'un certain Delly, on cogna vivement à la porte d'entrée de la maison. Contrariée de devoir sortir de son précieux roman, elle alla ouvrir la porte en maugréant de plus belle. Là dans le silence du sombre couloir se tenait très effacé l'habituel commerçant, qui venait proposer quelques douzaines d'œufs frais, livrées directement du producteur au consommateur. Il faut dire que jamais ma grand-mère n'aurait pu conclure une telle affaire, sans juger au préalable par l'œil et par le toucher les offres strictement au détail de ces petits négociants ! Mais ce jour-là et d'emblée, la corbeille du marchand ambulant révéla contenir des œufs qui étaient incontestablement superbes : gros à souhait et qui dans la main semblaient bien lourds… et le tout proposé à un prix défiant toute concurrence.

       Quelle belle affaire en perspective ! pensa Pétronille... Pour le moment pas une voisine à l'horizon, mais cela ne pouvait tarder. Alors en femme d'action et sans perdre un seul instant Pétronille conclut prestement l'achat : elle paya comptant en liquide et comme d'habitude sans facture ni TVA. Bien que surpris le pauvre indigène était tout content : son stock épuisé sa journée était alors terminée. De plus, il devait probablement éprouver quelque fierté, pour avoir vendu les oeufs de ses poules chéries et cela sans même un petit brin de marchandage, ce qui comme de bien entendu n'était pas très courant dans les habitudes locales. Mais qu'importe ! Puisque l'affaire était conclue... Rapidement la porte se referma sur Pétronille et ses emplettes, et là, au beau milieu de la grande cuisine, ma grand-mère n'en finissait plus de s'extasier devant des oeufs, dont jamais elle n'avait vu les pareils. Un instant elle dédaigna même le pauvre Prince qui se noyait dans les douves et sa malheureuse mie qui risquait un chaud et froid dans la glaciale et sinistre tour où elle était enfermée.

       Alors pour savourer cette bonne affaire Pétronille rangea son roman et ses lunettes, puis, dans une casserole se fit chauffer un peu de café, qu'elle versa précieusement dans son bol à fleurs préféré. Alors que sur un coin de table elle sirotait béatement son Moka, une fois de plus elle voulut admirer les œufs qui trônaient fièrement sous son nez... mais, tout à coup surprise, elle devint soudain cramoisie de dépit : les œufs dont elle était si fière avaient mystérieusement rétrécis et à bien regarder de près, ils étaient même dirons-nous plus petits et à l'évidence pas gros du tout ! ? Superstitieuse au possible Pétronille fit alors en mémoire le tour de cette affaire, pour tenter enfin de comprendre cet étrange phénomène. Mais hélas ! Rien de concluant en la matière, car les oeufs demeuraient toujours aussi petits.

       Le temps s'écoulait lentement et malgré la lumière du plafonnier qui inondait la cuisine, le volume des oeufs de poule restait en l'état et Pétronille qui demeurait des plus inquiète n'en finissait pas de se perdre dans d'étranges conjectures. C'est vrai pensait-elle, l'homme avait un drôle d'air : sournois, silencieux, pas contrariant du tout... Avec un espèce de petit sourire bizarre et même quelque peu machiavélique - pour ne pas dire diabolique ! En guise de conclusion le mot était enfin lâché et le malin peut-être dans la maison ? ! Désormais pour Pétronille tout était décidé : dés le lendemain matin elle se débarrasserait promptement de ces oeufs maudits, soit, en les jetant dans le bidon d'ordures, ou mieux en les refilant à la voisine pour un prix dérisoire et sous un prétexte quelconque.

       Des oeufs qui changent curieusement d'aspect mieux vaut ne pas les garder, car on ne sait jamais des mystères qu'ils peuvent cacher.

       Pour tenter d'oublier un moment cette étrange péripétie, Pétronille repris son roman d'amour et ses lunettes : le Prince heureusement venait d'être secouru par ses gens et le Roi son père ému jusqu'aux larmes s'était empressé de libérer la pauvre petite Bergère… Alors qu'à la satisfaction quasi-générale, à ce mariage morganatique le Roi venait de donner son accord, Pétronille jeta de nouveau un regard soupçonneux du côté des oeufs mystérieux… Madonna mia, ils sont redevenus gros ! s'exclama-t-elle tout à coup… Tout cela paraissait incroyable - peut-être ! mais absolument vrai.

       Une fois de plus elle quitta en tremblant son délicieux roman, alors que ceux du livre convolaient en justes noces dans l'espoir de vivre heureux et d'avoir beaucoup d'enfants. Alors ma mère-grand devait poser son roman et retirer ses lunettes, pour se rapprocher à pas de loup de la table : une fois encore les oeufs s'étaient soudain mystérieusement rapetissés. Santa Maria ! que faire ? Pensa-t-elle un moment… Cette histoire devenait plus qu'inquiétante et un spirito rodait sûrement dans la maison ! ? Fallait-il faire appel à la voisine pour avoir son avis ou mieux demander l'aide de M. le Curé, qui dans ces moments-là connaissait les prières qui convenaient ? Alors qu'elle s'apprêtait à prendre une décision très grave de conséquences - pensez, Monsieur le Curé ! -, Vincenzo mon grand-père entra dans la cuisine.

       Bien qu'un moment éberlué par les explications de sa douce moitié, il devait trouver bien vite la cause du sortilège qui s'était abattu sur les oeufs : si les lunettes de Pétronille grossissaient les caractères du roman d'amour, elles faisaient scrupuleusement de même pour le volume des oeufs !

       Le mystère était enfin éclairci et Pétronille bien soulagée... Ses lunettes ? ! comment n'y avait-elle pas pensé ! ? Néanmoins et c'est depuis ce jour-là que ma grand-mère devait décider une fois pour toute, de ne plus associer ses lunettes au cours de quelque négoce que ce soit. Cependant, elle continua de croire fermement à ces puissances occultes, qui viennent parfois tourmenter les vivants et troubler leurs esprits par un pacte diabolique d'une sournoise paire de lunettes et d'un trop mielleux roman d'amour.

       A La Calle de France toutes ces superstitions ancestrales ont fait jadis naître, de merveilleuses histoires, que parfois je me raconte pour tenter de ressusciter les jours anciens qui ne sont hélas plus. Mais lorsque que bientôt Pâques sera, souhaitons que cette authentique histoire d'œufs puisse vous entraîner un moment vers ces rivages d'autrefois : ces temps de jadis où les cloches de Saint-Cyprien de retour de Rome, éparpillaient dans l'azur du ciel leur joyeux carillon, et que la brise du large se mettait aussi de la partie, en venant délicatement disperser le subtil parfum des divins Gazadiels de M. André TARANTO, lequel, s'en allait telle une bénédiction des Dieux, embaumer toutes les rues de la cité Calloise et alentours.

       C'est sur cette nostalgie des jours heureux des Pâques d'antan, que nous vous souhaitons à tous et à toutes de bonnes et joyeuses fêtes pascales.

Jean-Claude PUGLISI -
de La Calle bastion de France.
( Giens en presqu'île - Avril 2005 )


SAGESSE
Envoyé par M. Marc Dalaut


              Ma femme, ma pipe et mon chien,
              Trio parfait, puissant dictame.
              Ce triptyque est tout mon programme,
              Fut-il plus beau sort que le mien ?

              Mon chien est fidèle - 0 combien.
              Ma femme aussi doit 1'être - dame.
              Ma femme, ma pipe et mon chien,
              Trio parfait, puissant dictame.

              Sinon je n'admettrai rien.
              Pour me tuer, comme Pyrame ?
              Pas si fou - j'ai horreur du drame.
              Je suis un sage et j'aime bien
              Ma femme, ma pipe et mon chien.


COLONISATION de L'ALGERIE
  1843                           Par ENFANTIN                      N° 27 
IIIème PARTIE
ORGANISATION DES INDIGÈNES.

CHAPITRE PREMIER.
PERSONNEL ET MATÉRIEL DES TRIBUS SOUMISES, ORGANISÉES ET GOUVERNÉES PAR L'AUTORITÉ FRANÇAISE.

  
        XIV. - Les tribus ou douars qui voudraient se réunir par villages, y seraient aidés de la manière suivante : les murs d'enceinte, tracés par les ingénieurs du corps des travaux publics, seraient construits par leur troupe de travailleurs, ainsi que les fontaines et abreuvoirs. - Les maisons construites et les jardins plantés par les indigènes seraient déclarés propriétés privées, incommutables, transmissibles, vendables, libres (Melk), comme cela est dans les villes. Ces constructions et jardins seraient francs d'impôt pendant cinq années. Si des étrangers à la tribu venaient les louer et s'y fixer, leur industrie et leur personne seraient franches d'impôt pendant deux ans.
        Sur la demande du Cheik de la tribu, délibérée en conseil et adoptée aux trois quarts des voix, des Européens pourront être autorisés à venir se fixer sur le territoire de la tribu , pourvu que cette tribu ait construit un ou plusieurs villages.
De même, des indigènes, demandés par, des directeurs de colonies, pourront être autorisés à demeurer dans ces colonies ; mais ils devront y avoir un quartier ou un camp séparé, fermé ou gardé la nuit ; et des indigènes, choisis parmi eux, leur seront donnés pour Cheik ou Amin, et répondront de leur conduite.
Les directeurs des colonies seront juges des exceptions que comporte cette règle générale, et qui dépendent du nombre et de la moralité des indigènes admis.
Lorsqu'une tribu occupera un territoire trop étendu pour que les chefs de douar puissent se rendre chez le Cheik et revenir à leur douar en une seule journée, elle sera divisée en fractions (Ferka), et alors tout ce que nous venons de dire s'appliquerait à la ferka.
Mais que devons-nous faire à l'égard de la grande tribu? Faut-il conserver ou modifier sa constitution?

        XV - La question est grave; craignons de faire ici une puérile théorie. Politiquement et administrativement, une grande tribu n'est pas du tout une petite tribu vue au microscope. Ces deux choses ne se ressemblent guère plus qu'une famille ordinaire ne ressemble à la grande famille humaine.
        La difficulté capitale que nous avons rencontrée pour notre établissement dans l'Algérie, consiste précisément en ce qu'il y a quelques tribus fort grandes, dont les fractions sont assez unies militairement pour l'attaque et la défense communes, quoiqu'elles soient dispersées sur un territoire considérable, par rapport à leur population. Les tribus qui nous sont soumises ou qui peuvent l'être facilement, sont, au contraire, faibles, peu nombreuses, peu étendues, surtout dans la zone où nous pouvons songer à établir des colonies civiles ; il n'en est pas de même dans la zone militaire; c'est donc pour cette zone surtout que je vais indiquer le but à atteindre, dans l'organisation de ces tribus puissantes.
        L'oeuvre politique que nous devons nous proposer, à l'égard de ces grandes tribus, est de favoriser leur dissolution en fractions réelles, indépendantes les unes des autres. Ces fractions, qui existent en fait, se sont toujours maintenues unies, pour le besoin de défense commune ou de pillage commun ; or, nous devons empêcher le pillage, et par conséquent rendre inutile la défense ; d'un autre côté, nous devons prouver aux indigènes que cette coalition d'attaque ou de défense contre nous-mêmes est vaine ; par conséquent, nous tendons, sans nous le proposer directement, vers cette dissolution des grandes tribus en effet, déjà, dans les trois provinces, des fractions de tribus sont soumises et se battent même avec nous et pour nous, tandis que d'autres fractions des mêmes tribus luttent encore contre nous.
        Je crois que nous devons nous proposer directement d'opérer cette dissolution ; c'est pourtant ce que nous ne semblons pas vouloir faire, lorsque nous instituons, à grands frais et à grande pompe, des Kaïds, des Kalifats. Plus nous prétendons faire grand le grand Cheik d'une grande tribu, moins nous consolidons notre puissance. Heureusement, nos grands Kaïds et nos grands Kalifats étaient de forts petits hommes, et, sous ce rapport, ils n'ont pas nui à notre cause ; car ils ont plutôt contribué à fractionner qu'à unir les grandes tribus.
        Dans celles qui avaient autrefois un Kaïd ou un grand Cheik, n'instituons ni grand. Cheik ni Kaïd ; mais donnons à chaque ferka une organisation indépendante, en la rattachant directement et immédiatement à l'autorité française.
        Si la constitution d'une société par tribus est légitime et môme très sociable, en ce sens qu'elle est l'expression du sentiment de la famille, elle devient injuste, oppressive, anti-sociale, lorsqu'elle exagère la portée de son principe, et qu'elle prétend régir une province, presque une nation, comme une famille. Le bonheur d'une famille consiste à confondre (je ne dis pas seulement unir) l'amour de soi et l'amour des siens; le bien-être d'une société consiste à parfaitement distinguer (je ne dis pas opposer (Dieu m'en garde !) le mien et le tien, `l'intérêt privé et l'intérêt public, le droit et le devoir, la liberté et l'ordre, et à les unir sans jamais les confondre.)
        En droit, les grandes tribus ne sont pas plus une société, qu'elles ne sont, en fait, une famille; ou Si l'on veut, c'est une famille monstrueuse ou bien un germe confus de société. Le progrès social de l'Algérie, celui que, presque partout, l'islamisme cherche à faire, est de passer de l'état de tribus à celui de nation, qu'il ignore et qui ne saurait prendre racine dans le Coran, véritable loi religieuse de tribus et de familles. Voilà pourquoi l'Occident presse aujourd'hui l'Orient de toutes parts, c'est à ce progrès qu'il le pousse ; nous devons aider l'Algérie à l'accomplir.

        XVI - Revenons plus directement à notre sujet.
        Divisons donc les tribus pour régner sur elles, c'est-à-dire afin de les associer réellement pour l'ordre, la paix et le travail, et non pour la guerre et le pillage ; substituons un lien social nouveau au lien ancien de la patriarchie; superposons aux rapports du grand Cheik avec les petits Cheiks, la relation de tous les chefs de ferka avec le représentant d'un peuple qui sait ce que signifient les mots peuple, nation, patrie, que l'Arabe ne connaît pas. S'il est naturel que nous tâchions d'affaiblir la puissance qui résiste le plus à notre domination, c'est-à-dire de rompre le lien des grandes tribus, il est bien aussi que, dans l'intérêt des sujets algériens de la France, nous les garantissions de l'oppression que ces grandes tribus ont toujours exercée sur les petites, et qu'elles exercent encore aujourd'hui; il est bien que, même dans le sein de ces grandes tribus, nous prenions la défense du faible contre le fort, du Cheik de la ferka contre le Cheik de l'Aarch.

        Il suffirait presque de ne pas contrarier cette division, qui existe déjà par le fait dans la plupart des grandes tribus, et qui, je le répète, n'a pas lieu complètement, à cause des nécessités de défense et d'attaque communes. Par exemple, la grande tribu des Harakta, que nous avons placée sous le Kaïdat d'Ali, est divisée en quatre ferka (1); elle a pour voisines deux tribus fort puissantes, à l'Est et au Nord, les Nemencha et les Hanenchas, divisées elles-mêmes en plusieurs fractions. Du temps des Turcs, le Kaïdat des Harakta était habituellement l'apanage de l'un des plus proches parents du Bey; avant d'être Bey. Achmet était revêtu de cette dignité. Les Nemencha avaient également un Kaïd, habituellement étranger à la tribu, tandis que les Hanenchas n'en avaient pas, et étaient gouvernés par un grand Cheik, pris dans le sein de la tribu, et qui dominait seize tribus ; il avait droit à un sceau en or, comme le Bey lui-même, tandis que le sceau de tous les autres fonctionnaires de la province, sans exception, était en argent lors de son investiture, il recevait le caftan même qui avait été envoyé au Bey de Constantine par le Dey d'Alger. Voici donc, très rapprochés l'un de l'autre, deux exemples d'organisation politique des tribus qui diffèrent essentiellement ; ni l'un ni l'autre, ne nous conviennent, mais certainement nous devons nous rapprocher davantage de celui des Harakta que de celui des Hanenchas; ce qui revient à dire que nous soumettrons plus facilement les premiers que les derniers ; les faits le prouvent, quoique les Hanenchas touchent presque le territoire de Bône et de Guelma, tandis que les Harakta sont dans la zone intérieure et s'étendent jusqu'à trente et quarante lieues à l'Est de Constantine.
        Je dis que nous ne devons pas imiter ces deux exemples; même celui des Harakta, d'abord parce que nous ne devons pas avoir des fonctionnaires par droit de naissance ou par favoritisme, mais des fonctionnaires tenant à une hiérarchie fortement constituée, en un mot, des fonctionnaires militaires, appartenant à des corps, et non pas des individualités isolées, quelque puissantes qu'elles soient d'ailleurs ; ensuite parce que nous pouvons et devons éviter d'adopter cette organisation politique, très mauvaise pour nous et très funeste aux indigènes eux-mêmes. Ainsi les Harakta ont, parmi leurs voisins de l'Ouest, entre Constantine et eux, les Seguiia, fixés sur le territoire de l'ancienne Sigus; or, supposons qu'un cercle colonial soit établi à Sigus, qu'un autre cercle colonial soit établi à Tifech, point central par rapport aux Harakta, aux Hanenchas, au territoire de Guelma et à celui de Sigus : il serait naturel alors de mettre la ferka des Harakta qui occupe l'Ouest de leur territoire (2), sous la direction du commandant du cercle de Sigus, et la ou les ferka du Nord sous la direction du commandant de Tifech: Et si, plus tard, nous établissions un cercle colonial à Tébessa, le commandant de ce cercle aurait sous sa direction la ferka Est ou Sud (3) des Harakta, et la ferka Nord des Nemencha.
        La révolution que notre conquête doit opérer en Algérie est bien autreo chose, pour les Algériens, que n'a été pour nous la grande révolution française, qui a converti les provinces en départements, et changé toute notre organisation politique. Nous serions bien aveugles, si nous pensions pouvoir soumettre et gouverner l'Algérie, en conservant des circonscriptions de territoire et des liens politiques de population qui ont eu leurs motifs et leur utilité dans l'ancien régime, sous le gouvernement aussi anarchique que despotique des Turcs, mais qui seraient funestes à nous et aux indigènes eux-mêmes.
        En résumé, quoique nous ne puissions pas espérer de constituer l'Algérie, immédiatement, en une société politique de communes, puisqu'elle n'est encore partout qu'une agglomération de familles, hostiles entre elles, et dont les plus fortes écrasent les plus faibles, nous devons, tout en conservant avec soin ce qui, réellement, est un lien familial, nécessaire à la fondation communale, combattre ce qui ne serait qu'une exagération de ce lien, étendu outre mesure et formant des noeuds, de coalitions, nuisibles au bien-être et à la sécurité de nos colonies et des tribus faibles.
        En conséquence, pour les petites tribus, c'est-à-dire pour la presque totalité de celles qui toucheront nos colonies civiles, dans la zone maritime, conservons le caractère unitaire qui est l'expression d'une parenté encore assez rapprochée ; mais fixons surtout notre attention sur le douar, véritable association de famille, germe du village futur. Pour les grandes tribus, c'est-à-dire généralement dans la zone intérieure, détruisons leur unité despotique, spoliatrice, pillarde, expression factice d'une parenté qui n'est plus sensible, et dégageons la grande famille véritable, la ferka, de cette chaîne qui s'oppose au développement de sa vie propre et à celui de chacun de ses organes, pour la rapprocher du moment et de l'état où elle pourra entrer dans l'ordre civil; ce sera là civiliser l'Algérie, et nous en avons la prétention.
        Mais, dira-t-on, ces grandes tribus arabes sont pourtant belles; elles sont belliqueuses, pleines de constance et de courage, et les petites "tribus du littoral sont molles, lâches, courbent la tète "devant tout maître, romain, turc ou français. Cela est vrai; et si nous voulons:considérer l'Algérie comme un carrousel, laissons aux grandes tribus leur organisation et prenons pour valets de pied les hommes des petites tribus, ils nous tiendront l'étrier; mais je ne crois pas que ce soit l'envie de la France de prolonger indéfiniment cet exercice. D'ailleurs, qui parle d'énerver les grandes tribus? Elles sont pleines de constance et d'ardeur ; -mais c'est pour le pillage ou pour se défendre quand elles craignent d'être pillées à leur tour: elles sont plus molles et plus lâches au travail que ces petites tribus méprisées du littoral. Disons le mot ce sont les plus belles et les plus poétiques bandes de voleurs que l'on puisse imaginer mais nous, qui nous piquons en France d'être un peuple brave, nous savons la différence qu'il y a entre un voleur brave et un brave soldat, entre Mandrin et La Tour-d'Auvergne. Ne craignons pas de détrôner et de dépoétiser Mandrin en Algérie ; nous avons commencé par les Turcs, finissons par les Beys indigènes, les Kalifats, les Kaïds et les grands Cheiks des grandes tribus, et mettons-là, si nous pouvons et tant que nous en aurons en France, des La Tour-d'Auvergne.

1) Voir, pour les détails qui suivent, l'appendice déjà cité du tableau publié par le Ministère de la guerre, année 1840. - Organisation de la province de Constantine.
2) La ferka des Oulel-said, habitant près du mont Rghéis c'est celle qui a été plus particulièrement battue dans la grande razzia du général de Galbois, en 1840.
3) La ferka des Ouled-Khanfar, qui s'était réunie aux Ouled Saïd en 1840, tandis que les deux autres ferka (nord-est), les Ouled-Siouan et les Ouled-Eumara, plus éloignées de nous, n'ont pas ou presque pas donné, et ont peu souffert.

A SUIVRE

LA POTION DU MALADE

     Un malade téléphone à son médecin.
- Allo, docteur ?
- Oui.
- C'est moi, monsieur Dupont. Je suis venu vous voir il y a trois jours. Vous m'avez trouvé fatigué et vous m'avez donné une potion...
- Parfaitement. Je me souviens. Vous avez besoin de reprendre des forces. Alors ça va mieux ?
- Pas du tout, docteur. Je suis tellement épuisé que je n'ai pas encore réussi à enlever le bouchon de la bouteille


Mer Intérieure en Algérie

Par YVES JAN

Le 17 novembre 1869, l'Impératrice Eugénie inaugure en grande pompe le Canal de Suez. Quelques jours après, parait à Paris, dans la Revue Moderne, un article intitulé " Le percement de l'isthme de GABES ", son auteur Elle ROUDAIRE, propose de créer dans la région des chotts, un projet de mer intérieure auquel M. DE LESSEPS a totalement adhéré.

        " Poste militaire de NEGRINE ( 150 km au Sud de Tébessa) :

Le 26 mars 1883 :
        Arrivée du Général de division Villemette et du Colonel Boitard commandant le 3ème Régiment de tirailleurs Algériens .

Le 30 mars 1883 :
        Arrivent aussi à Négrine : M. Ferdinand DE LESSEPS, accompagnant le Commandant ROUDAIRE, promoteur du projet de la Mer intérieure, l'ingénieur COUVREUX et Madame ( née DECAUVILLE, fille de l'inventeur et constructeur de matériels ferroviaires - voies ferrées - locotracteurs - etc) et autres ingénieurs avec une escorte de 25 Chasseurs à cheval .
        Le soir grand dîner avec force toasts à la future mer intérieure, dans une cordialité parfaite, avec danse du sabre par les tirailleurs.
        Le lendemain le camp fut tranquille, chacun, y compris les grands Chefs, payait son large tribut à l'eau magnésienne si laxative. "

        (Extrait inédit du Journal du Commandant COUILLET, alors Lieutenant, oncle de ma mère)

La Mer Intérieure

        On sait qu'au Sud de l'Algérie et de la Tunisie, au pied de l'Aurès et aux abords du Sahara, s'étend, sur une longueur de prés de 400 kilomètres, une vaste dépression dont le fond est couvert de sel cristallisé et qui se divise en plusieurs cuvettes secondaires désignées sous le nom de Chotts.

        Les principaux de ces chotts sont en partant de l'Est, c'est à dire de la mer, le Chott El Djerrid, en Tunisie, le Chott Rharsa et le Chott Melhrir, en Algérie.

        Les chotts Melhrir et Rharsa étant bien au dessous du niveau de la mer, il suffirait de les mettre en communication avec le Golfe de Gabés au moyen d'un canal de 180 kilomètres de long, soit dix fois plus court que celui de Suez et les eaux de la Méditerranée se précipiteraient pour les remplir.

        La superficie submersible du chott Melhrir étant de 6000 km carrés, celle du chott Rharsa de 1300 km carrés, la mer projetée présenterait une surface totale de 8200 km carrés, égale par conséquent à 14 ou 15 fois celle du lac de Genève qui n'est que de 577 km carrés, sans compter que cette surface pourrait un jour s'accroître de toute la surface du chott El Djerrid.

        Malheureusement ce beau projet, malgré la création d'une Société pour sa réalisation, resta sans suite.

OUF !! Le port de Bône pouvait respirer, pas de concurrent.

        Ce mythe d'une possible mer saharienne, ressurgit périodiquement et il y a quelques années il fut à nouveau évoqué par un candidat à la présidence Algérienne.

        Les amateurs de science-fiction qui se sont régalés de Jules VERNE ont peut-être lu son livre " L'invasion de la mer ". Cette histoire a été inspirée à Jules VERNE par le projet de ROUDAIRE, cité dans l'ouvrage et que le roman " L'invasion de la Mer " paru en 1905, fut le dernier publié du vivant de son auteur Jules Verne.

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François Élie Roudaire


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François Élie Roudaire, né le 6 août 1836 à Guéret et décédé le 14 décembre 1885 à Guéret, est un officier et géographe français. Il est le promoteur du projet de mer intérieure (africaine ou saharienne) auquel Ferdinand de Lesseps a attaché son renom.

Biographie
Issu d'une famille de la bourgeoisie provinciale portée aux idées nouvelles et aux sciences (son père François Joseph a dirigé le musée d'histoire naturelle de Guéret), Roudaire, après des études classiques dans sa ville natale, sort sous-lieutenant de Saint-Cyr (1er octobre 1855) puis lieutenant de l'École d'application (13 janvier 1858).

Il s'oriente ensuite vers une carrière scientifique au sein de l'armée. Affecté au Dépôt de la guerre en qualité d'officier géodésien, le 28 mars 1862, il est envoyé en Algérie, où il arrive le 10 avril 1864, pour cartographier la colonie par les moyens de la géodésie et de la topographie. Opérant au sud de Biskra, dans la province de Constantine, l'officier découvre la région des chotts dont il mesure le premier avec précision la profondeur.

Pour la suite :http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil

Une autre page à voir.
http://www.profburp.com/tunisie/biblio/roudaire.htm

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LE COMMANDANT ROUDAIRE

LA MER INTÉRIEURE

        Une des questions africaines actuelles les plus importantes, est sans contredit le projet de création d'une mer intérieure, au sud-est de nos possessions algériennes par l'ouverture d'un canal à Gabès. L'importance de l'exécution de cette entreprise n'échappera à personne. En dehors du mouvement commercial qu'elle apporterait à la province de Constantine, et de celui qu'elle favoriserait avec le Soudan en abrégeant le parcours des caravanes africaines, on a le droit de compter sur un changement climatérique qui fertiliserait une grande partie du Sahara.

        M. Ferdinand de Lesseps, un des hommes les plus compétents en ces matières, n'a pas craint d'affirmer à la Société de géographie et à l'Académie des sciences que la création d'une mer intérieure amènerait une abondance de pluies dans le désert. Il a rappelé, à l'appui de son dire, ce qui s'est passé lors du percement de l'isthme de Suez. Les contrées traversées par le nouveau canal étaient autrefois désertes et incultes; dès que les deux mers ont été réunies, des nuages se sont amoncelés et ces régions condamnées jadis à la stérilité, n'ont pas tardé à être fertilisées par des pluies fréquentes. Les habitants dont les maisons autrefois ne nécessitaient pas de toiture, sont contraints aujourd'hui de faite recouvrir leurs demeures avec des tuiles.

        Roudaire, d'abord capitaine d'état-major, attaché aux opérations de nivellement de la plaine qui s'étend au sud de Biskra, vers le Grand Désert, avait apporté une vive attention aux bas-fonds que les Arabes appellent des chotts. Cette série de lacs, le plus souvent desséchés, se prolonge jusque près de la Méditerranée, et n'est séparée du golfe de Gabès que par un seuil peu élevé au-dessus du niveau de la mer. Le niveau de ces lacs placé bien au-dessous de celui des eaux de la Méditerranée, la nature du sol sur lequel ils se trouvent, amenèrent le capitaine Roudaire à conclure que les chotts avaient communiqué jadis avec la mer; il fit valoir la possibilité de créer à nouveau cette ancienne mer intérieure et de rendre ainsi la fertilité et la richesse à une contrée devenue l'une des plus misérables et des plus désolées du monde.

        Le ministre de la guerre et le gouverneur général de l'Algérie comprirent l'importance de l'entreprise et lui accordèrent leur appui. Une mission fut organisée en novembre 1874 et le capitaine Roudaire en obtint la direction. Définitivement constituée à Biskra, le 1er décembre, elle se composait, pour le département de la guerre, de trois officiers d'état-major et d'un médecin. D'un autre côté, la Société de géographie, ne voulant pas rester étrangère à une œuvre de cette importance, avait joint aux membres de l'expédition, l'un de ses secrétaires, M. Duveyrier, dont la connaissance toute spéciale qu'il a du Sahara et de la langue arabe, devait être précieuse pour l'entreprise. Le ministre des travaux public y délégua un élève ingénieur des mines. Trente hommes du bataillon d'Afrique, vingt soldats du train et quelques spahis complétèrent le personnel auxiliaire.

        L'entreprise n'était pas mince; il s'agissait de déterminer le contour de la région à inonder, région dont la superficie n'est pas moindre de 6000 kilomètres carrés.
        Presque partout on trouva le sol des chotts profondément creusé au-dessous du niveau de la mer; parfois on rencontra la cote de 27 mètres, et rarement on dépassa, dans les endroits les plus élevés, la cote de zéro.
        Dès son retour de cette première et brillante expédition, le capitaine Roudaire fit à la Société de géographie de Paris un rapport concluant, quant à la partie des chotts située en Algérie, à la possibilité d'y créer une mer intérieure. Restait à faire une constatation non moins importante sur les chotts placés en Tunisie et le seuil qui les sépare du golfe de Gabès.

        Une expédition italienne ne Jugea pas à propos d'attendre que Roudaire eût terminé son œuvre et se rendit en Tunisie.
        Elle arriva à Tunis le 24 mai 1875, et à Gabès le 4 juin; après la plus insuffisante et la plus hâtive des explorations, elle quitta Gabès le 28 et retourna à Tunis, donnant, avec une précipitation regrettable, des cotes erronées, et des conclusions défavorables au projet. Le capitaine Roudaire ne se découragea pas ; l'Assemblée nationale, sur la demande du regretté Paul Bert, alors député et professeur à la Sorbonne, avait voté pour subvenir aux frais de l'entreprise, une somme de 10900 francs; la Société de géographie, de son côté, avait prélevé sur son fonds de voyages une somme de 3000 francs. Le jeune officier se remit courageusement à l'oeuvre, et cette fois, accompagné seulement d'un peintre français, M. Cormon, qui venait d'avoir le prix du Salon, et d'un ingénieur civil, M. Baronet, il alla continuer son nivellement sur le territoire tunisien.

        Deux cours d'eau appelés l'un et l'autre Oued-Melah par les Arabes, prennent leur source au point le plus élevé qui sépare les chotts tunisiens du golfe de Gabès, et coulent en sens inverse, allant l'un vers la mer, l'autre vers le chott Fejej, formant la ligne la moins élevée d'un seuil composé exclusivement de sables amoncelés.

        Cette unité de nom entre deux rivières qui suivent une pente contraire, s'explique par la croyance des Arabes qui affirment qu'autrefois ces deux rivières n'en faisaient qu'une et servaient de communication entre la mer Méditerranée et les chotts, formant une mer intérieure. La distance qui sépare la mer du chott Fejej est d'environ 20 kilomètres; elle est exclusivement composée de couches de sable.

        Le point du chott Rharsa où s'était terminé le premier nivellement, se trouvait à 15 mètres au-dessous du niveau de la mer; le capitaine Roudaire constata que les bords de ce chott en Tunisie sont presque constamment à 20 mètres au-dessous de la mer et que cette profondeur atteint 40 mètres au milieu du chott qui forme ainsi un bassin inondable de plus de 6000 kilomètres carrés.

        Le chott Rharsa est séparé du chott El-Djerîd qui s'étend jusque près du golfe de Gabès, par un bourrelet d'environ 3 ou 4 kilomètres de large et dont la plus grande hauteur est de 4o mètres au-dessus du niveau de la mer. Quand on créera la mer intérieure, il faudra percer ce bourrelet qui est d'ailleurs composé de sables agglomérés.

        La plus curieuse étude faite par le capitaine Roudaire dans son expédition aux chotts tunisiens a trait à un état particulier du chott El-Djerîd. Le fond de ce chott, qui semble n'être qu'un lac desséché, n'est en réalité qu'une croûte formée d'un mélange de sable et de sel et dont l'épaisseur varie de 6o à 8o centimètres. Cette sorte de couvercle s'étend sur un immense lac souterrain formé d'un mélange très liquide de sable et d'eau saumâtre.

        Le capitaine Roudaire a, dans un grand nombre de points différents, fait creuser des trous dans ce sol, et il a partout trouvé ce musc liquide; une lourde pierre, attachée à une corde, pénétrait dans ce mélange, et, nulle part, les explorateurs n'ont pu en trouver le fond.

        Ce recouvrement du lac salé souterrain est, on le comprend, un terrain peu sûr, peu solide. Les Arabes refusent de s'y aventurer; et il n'y a pas d'armée où quelque terrible accident ne vienne justifier leurs craintes. Quelque temps avant l'arrivée des explorateurs, un Arabe conduisait un chameau, sur lequel était montée une femme, et il eut l'imprudence de s'écarter de quelques pas de la route étroite et plus solide que suivent les habitants. Il aperçut tout à coup avec effroi que les jambes de son chameau entraient lentement dans le sol et que l'animal faisait de vains efforts pour se dégager. Fou de teneur, il courut à la route, et alla demander secours au lieu habité le plus voisin. Quand on arriva, il était trop tard; on chercha vainement : le chameau et la femme qu'il portait avaient disparu, et rien sur le sol n'indiquait même la place où ils avaient été engloutis.

        Les grands vents font onduler la surface solide du chott ; les chameaux effrayés se couchent tremblants et refusent d'aller plus loin.
        Le capitaine Roudaire, à son retour en France, fit l'exposé à la Société de géographie, des résultats qu'il avait obtenus. MM. Ferdinand de Lesseps et d'Abbadie, de l'Institut, qui assistaient à la séance firent valoir le mérite et l'importance des travaux de l'expédition.

        " Pour comprendre, dit M. d'Abbadie, l'immensité et le mérite du travail accompli par M. Roudaire, transportons-nous, en imagination, auprès de lui : toujours debout et attentif, il commence à niveler, de grand matin, par ce froid du désert, bien plus désagréable que le thermomètre veut bien le dire; il poursuit son travail à travers la chaleur du jour, parfois brûlante; il ne cesse, dans la fraîcheur du soir, que lorsqu'il ne peut plus lire son niveau; il a cheminé bien des fois près de ces sables mouvants, si traîtres et si dangereux; il a eu souvent le soleil sur la tète et les pieds dans l'eau, cette eau saumâtre, qu'il sait être malsaine, et dont les fièvres sont parfois mortelles. Il est souvent gêné par les fautes de ses aides, par les interruptions oiseuses des Arabes qui veulent se faire expliquer ses opérations étranges pour eux. S'il oublie alors de noter ses cotes, si du soir au matin il perd le lieu précis de sa dernière station. II est forcé de revenir sur ses pas, et de refaire tout le travail de la veille. Dans sa journée la plus heureuse, il a pu faire jusqu'à 41 stations. Leur nombre moyen par jour, calculé sur 64 Journées, s'élève seulement à 18 stations. "

        Voici maintenant les paroles de M. de Lesseps :
        " Après avoir entendu avec le plus grand intérêt le mémoire du capitaine Roudaire, je suis en mesure de confirmer ses observations sur les chotts africains qui se trouvent actuellement dans les mêmes conditions où se trouvait en 1869, avant l'introduction de la mer, le bassin des lacs Amers dams l'isthme de Suez. Ce bassin avait été autrefois un golfe de la mer Rouge, comme les chotts ont été la continuation du golfe de Gabès, il y a environ douze siècles.
        " Ce qu'il y a de curieux, c'est que les historiens arabes font remonter le dessèchement des lacs Amers, à la même époque, c'est-à-dire au commencement de l'ère musulmane.
        " M. Roudaire, avec une somme modeste, a pu accomplir ses travaux avec un courage et un désintéressement bien louables, et en le félicitant, nous avons à adresser des remerciements au général Khereddine, ministre dirigeant du bey de Tunis, qui a fourni à l'expédition Roudaire les moyens de transport et de campement en matériel et personnel.
        "Le projet de M. Roudaire parait donc aujourd'hui très praticable, Je n'estime pas à première vue les dépenses à plus de 20 millions; les avantages de l'exécution seront bien supérieurs à la dépense qui probablement pourra offrir elle-même sa rémunération. "

        La guerre de Tunisie, qui s'est terminée par un protectorat effectif de ce pays par la France, loin de nuire au projet Roudaire, lui a apporté un appui nouveau, en unissant plus étroitement nos intérêts avec ceux de ces contrées.

        La création de la mer intérieure formera à l'Est la véritable frontière de nos états et de la province dont nous avons accepté la protection.

        Le commandant Roudaire, devenu lieutenant-colonel, est mort, mais l'oeuvre qu'il a entreprise subsiste et continue de compter l'illustre M. de Lesseps parmi ses défenseurs. C'est-à-dire que tout fait présager sa prompte réalisation. Tiré de : " Nos explorateurs en Afrique " par Jules Gros.


ADIEUX
Trait D'Union N° 34
Envoyé par M. Gabriel Chauvet

(Cris de détresse au moment de l'exil)

         O Vercors qui tremblas, Vercors ayant souffert
         Je viens puiser en Toi quelque oubli pour ma peine
         Comme Toi j'ai connu la douleur et l'enfer...
         Mon âme transparente a rencontré la haine...
         Sais-tu qu'il était fier et charmeur mon pays
         Avec son clair soleil, ses moissons, ses vendanges,
         Avec son ciel trop vif touchant le Paradis,
         Et ses arbres dorés par l'or de ses oranges !
         Ah ! Les soirs lumineux dans le coeur de l'été
         Et le bleu si profond de la nuit oranaise
         Ces grappes d'astres clairs dans le chemin lacté
         Si denses qu'il semblait que la nuit fût de braise.
         Il a fallu partir, et nous avons pleuré
         Et nos yeux d'exilés sont si brûlants de larmes
         Qu'ils ne voient plus hélas ! Ni l'horizon pourpré
         Ni les longs palmiers bleus nous berçant de leurs charmes !
         Nous n'avons plus dès lors que l'amertume au coeur
         Et pour couvrir nos fronts que deux pauvres mains vides !
         J'ai partagé, de tous les autres, le malheur
         Et me voilà comme eux sur des chemins arides.
         Ouvre-moi tes sentiers illuminés de fleurs,
         Prête-moi tes ruisseaux, j'y peindrai les méandres
         De ce qui fut ma joie en des matins meilleurs
         Qui ne sont plus hélas que tisons sous les cendres !
         Comme dans un coffret on enclôt les images
         D'une morte qu'on pleure et qu'on chérit toujours
         Je scelle dans mon coeur, tes voix, tes paysages.
         Algérie adorée, Idole de mes jours !
        
Marcelle Sevilla         


   Il y a 50 ans, Albert Camus,
prix Nobel de littérature.


" Quelle que soit la cause que l'on défend,
elle restera toujours déshonorée
par le massacre aveugle d'une foule innocente..."
                                                               Albert Camus

-           Le 16 Octobre 1957, Albert Camus, grand écrivain français né du petit peuple pied-noir d'Algérie, recevait à 44 ans le Prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son œuvre , débutée en 1936, dont les célébrissimes ouvrages "L'Etranger" en (1942), "La Peste" (1947), " "Actuelles I et II, Chroniques" (1950, 1953)….
          De Mondovi (aujourd'hui Dréan, Est algérien, région où naquit en 354 le futur Saint-Augustin) qui le vit naître en 1913 d'un père commis de ferme tué en octobre 1914 lors de la bataille de la Marne et d'une mère employée de maison analphabète, à Alger ville lumière source d'inspiration et d'aspirations, en passant par Paris ville des Lumières où il fut de tous les combats empreints d'humanisme, il aura été une des grandes Consciences universelles du 20ème siècle, un Juste parmi les Justes dont la voix si moderne ne cesse de résonner. Sujet de très nombreuses recherches, il est notre contemporain.
          Quel destin, quelle ligne de vie !
          Sans l'opiniâtreté de son instituteur Louis Germain qui lui permit d'accéder au lycée Bugeaud d'Alger (il n'eut de cesse de lui rendre hommage pour l'avoir ainsi aidé, lui, le fils de pauvres), sans l'attention fraternelle de son professeur Jean Grenier, le monde n'aurait pas vu éclore l'œuvre d'Albert Camus, connaître la beauté de ses textes. Il reste un des écrivains les plus lus sur la planète, une référence morale, l'un des plus thèsè par les étudiants des 4 coins du monde. Ce n'est que mérite quand d'autres illustres, qui surent se montrer parfois cruels (jaloux ?) à son égard, sont quelque peu passés aux oubliettes.
          Sa disparition lors d'un accident le 04 janvier 1960 sur une route de l'Yonne, avec son ami éditeur Michel Gallimard, fût à l'image de sa vie. Telle une tragédie grecque pour cet enfant de la Méditerranée qu'il a si bien louée (notamment "Noces" en 1939), il mourut comme il vécut, intensément.
          En souvenir du 50ème anniversaire du Nobel, Monaco rend hommage à Camus en 2007 en éditant un timbre commémoratif à son effigie.
          Et sa Patrie française? Et sa Patrie algérienne ? direz-vous à juste raison ! Silence à ce jour…
          Du côté français entre les résultats d'un match de foot et de rugby, calé entre les mauvaises nouvelles du monde, peut-être aura-t-il droit, le Grand homme authentique, à un petit entrefilet pour s'en rappeler au moment de décerner les Prix Nobel 2007.
          Mais en Algérie dont il est l'un des illustres enfants, alors que la plus grande part du pays réel cherche (en résistance à la nomenklatura au pouvoir depuis 45 ans s'arc-boutant sur ses privilèges) à renouer avec tous les pans de sa mémoire collective, dont celle pied-noire, qu'en sera-t-il… ?
          Si Camus dans sa quête de l'Universel posa la question de "l'absurde" (Le Mythe de Sisyphe - 1942), du pourquoi de l'Homme en ce monde, c'est bien l'absurde au sens de ce qui peut relever de la plus franche absurdité (du point de vue de sa reconnaissance officielle, du bout des lèvres, mais rien n'empêchant de rêver qu'il en soit autrement demain. Le rêve est-il encore possible en Algérie ?) qui frappe Camus sur sa terre natale. Cette terre d'Algérie qu'il a vantée avec tant de ferveur, d'ardeur, exprimant également avec foi ardente et sans ambages son amour fraternel envers tous ceux qui peuplaient alors cette terre de tous les métissages, de toutes les histoires aux couches de sédimentations profondes et successives.
          Au nom de quoi ?
          De la sempiternelle et infondée attaque dont il est l'objet depuis le discours de Stockholm le 10/12/57 au moment du Nobel.
          De quoi s'agit-il ?
          En réponse à la question d'un étudiant algérien d'origine musulmane adressée à Albert Camus, algérien d'origine européenne, quant à sa position et ses sentiments (à lui qui toujours combattit l'injustice où qu'elle se trouve, en Algérie également, défendant le haut principe moral qui est que de lutter contre l'injustice en se rendant coupable en retour d'une autre injustice n'avait aucun Sens ni fondement) au moment des terribles évènements de la bataille d'Alger (terrorisme urbain et répression), celui-ci répondit en substance : "…je crois à la justice, mais je défendrais ma mère avant la justice..". Cette phrase tronquée à "juste" (dé)raison est celle qu'ont voulu retenir ses éternels détracteurs, dont le pouvoir de nuisance de part et d'autre de la Méditerranée est inversement proportionnel à leur réelle importance. Elle est claironnée et entendue par qui veut ne l'entendre qu'ainsi. Bêtise quand tu nous tiens!
          Haro sur "le petit blanc algérois raciste", soutien de l'oppresseur colonial ! Totale contradiction avec ce qu'était Camus au plus profond de lui-même, ses engagements et ses écrits en faisant foi.
          Faux procès des falsificateurs les plus retors mais que ne trompe pas ses fidèles lecteurs et ses compatriotes. Camus faisait référence aux attentats aveugles quotidiens aux milliers de victimes dans les villes et villages d'Algérie (prémices du terrorisme moderne) des terribles années 56 et 57 ("la bataille d'Alger") visant à toucher la population civile européenne innocente, à la briser physiquement, émotivement (sans qu'elle soit aidée par des cellules de soutien psychologique), sans distinction d'âge, de sexe, de qualités par des bombes "non sélectives" meurtrissants également des musulmans. Agissant ainsi, un des objectifs du FLN était de déclencher une terrible répression militaire au marteau pilon (la torture y prit malheureusement place) contre une population musulmane alors "suspecte". La stratégie FLéniste était de voir se grossir ses rangs disparates (notamment ceux de la ligne dure de la fracture totale avec la France) en contraignant de la sorte les récalcitrants, les indécis, les hésitants, les attentistes (ou bien encore ceux, nombreux, attachés à la Nation française) parmi ceux "d'origine autochtone" comme on le disait aussi alors, sujets des brimades et violences françaises en boomerang. Je précise ma pensée en affirmant qu'on ne peut pas faire abstraction d'avoir à se poser honnêtement la question des origines des violences afin de décrypter cette guerre qui fut aussi une guerre civile.
          Cela marcha en partie.
          Il y avait aussi la volonté calculée, aux dramatiques et tragiques conséquences, de creuser un irréductible fossé de sang entre les communautés (mais dont l'espoir existait encore parmi les populations de le combler comme le démontrèrent les fraternisations de mai 58 desquelles naquit la Vème République) Quand il est aisé de trouver de quoi remonter les ressorts de la haine, la violence démesurée en étant un des terribles leviers à la force incontrôlable, comment résister à une telle horrible pression quotidienne?
          Certainement faut-il pour cela être éclairé afin de ne pas tomber dans la bestialité mâtinée aux slogans de "résistance ". Intervient alors le rôle majeur éveilleur de Conscience de Camus, parfois incompris des siens, comme lors de son appel à "la trêve civile" en 1956 où il enjoignait tous les protagonistes d'épargner les populations civiles objet de toutes les "convoitises", de tous les chantages. De tels hommes sont alors indispensables et c'est pour cela que tout est tenté pour les museler, les faire taire.
          En agissant sciemment de la sorte, les poseurs de bombes des réseaux de Yacef Sadi pouvaient par leurs engins de mort, dans un bus ou dans la rue, tuer la mère de Camus, innocente parmi les innocents, seulement coupable "d'être". C'est cette peur là d'un fils pour sa mère (tous les fils, toutes les mères), cette douleur là ressentie par une population apeurée mais refusant d'abdiquer en continuant de vivre malgré tout (le peuple algérien des années 90 sait de quoi il s'agit et a, en tant que peuple frère du peuple pied-noir, tous les éléments pour comprendre) que Camus voulut exprimer, amener à en saisir toute la dimension tragique.
          Après la décennie sanglante en Algérie, et au moment du procès de Rachid Ramda s'y rapportant, responsable des attentats du GIA à Paris en 1995, chacun est capable de saisir le sens profond de la réponse de Camus en réaction, dignement, au terrorisme aveugle pouvant nous faire perdre d'horrible manière un être cher. Sachons entendre les victimes, être compatissants eu égard à leurs douleurs.
          Aujourd'hui, alors que le terrorisme est devenu "L'Arme" (comment en sommes-nous arrivés là ?), avec Camus nous ne pouvons que tous nous interroger sur le "que ferions-nous si nous étions confrontés à de telles situations" ainsi que dénoncer la perversité intellectuelle et active de ceux cautionnant "la fin justifiant les moyens", tous les moyens, pour toutes les fins, même les plus funestes pourvu qu'elles satisfassent à leurs horribles desseins. La liste est longue. Camus est là encore un éveilleur de notre conscience d'Homme, un grand parmi les grands.
          Faudrait-il se retrancher derrière un mur d'idéologie aveuglante et confortable ne tolérant aucune remise en question pour ne point comprendre à leurs justes et dignes portées ces mots du cœur que l'on retourne contre Camus pour le salir.
          Il était d'autant plus libre, trop au goût de ses adversaires, qu'il n'avait pas une analyse caricaturale de cette guerre fratricide où la légitimité des uns s'opposait à la légitimité des autres face à un pouvoir politique défaillant, incapable de proposer ce qui pouvait unir, rassembler dans un projet commun d'avenir toutes les composantes algériennes (ce sera pire après 58 et bien plus encore après son décès en1960 où Camus manqua face aux enjeux dont on connait les drames qui en découlèrent). La fraternité n'était pas pour lui un vain mot.
          Il n'avait pas une vision simpliste, réductrice et manichéenne des évènements dramatiques en cours. Il ne se réfugiait pas dans le confort intellectuel visant à classer "les bons" d'un côté (ceux luttant pour leur émancipation, leur indépendance dont nombre souhaitait qu'elle se fasse dans un cadre fédéraliste avec la France), de l'autre "les mauvais" (s'y opposant, "bien sûr"!). En conscience, très justement, il dénonçait avec force les méthodes musclées et la torture pratiquées par des militaires sous les ordres du général Massu auquel le gouvernement avait donné, se défaussant, tous les pouvoirs civils et militaires.
          Discrètement, Camus agissait, notamment avec Germaine Tillion la célèbre ethnologue (100 ans cette année), pour sauver de la guillotine des activistes algériens (lire de G.Tillion "les ennemis complémentaires", éditions Tirésias 2005) tout en ayant fait le choix de rester publiquement silencieux au sujet de cette sale guerre : "le terrorisme tel qu'il est pratiqué en Algérie a beaucoup influencé mon attitude (sur l'Algérie). Quand le destin des hommes et des femmes de son propre sang se trouve lié, directement ou non, à ces articles que l'on écrit si facilement dans le confort du bureau, on a le devoir d'hésiter et de peser le pour et le contre. Pour moi, si je reste sensible au risque où je suis, critiquant les développements de la rébellion, de donner une mortelle bonne conscience aux plus anciens et aux plus insolents responsables du drame algérien, je ne cesse pas de craindre, en faisant état des longues erreurs françaises, de donner un alibi, sans aucun risque pour moi, au fou criminel qui jettera sa bombe sur une foule innocente où se trouvent les miens" (cf "Avec Camus. Comment résister à l'air du temps" Jean Daniel Gallimard 2006).
          Quelle belle leçon d'humanisme, de journalisme! Ce propos me fait penser au titre et à l'objet du livre de André Rossfelder, ami de Camus (le concepteur de la COMEX, un des découvreurs de pétrole en Algérie en 1947, 82 ans, qui vit aux USA) "le Onzième Commandement" Gallimard 2000, " tu seras fidèle aux tiens, surtout quand la nation les oublie ou les diffame".
          Est donc assassinable, aux yeux d'un terroriste, celui qui a le seul tort d'"être", entrave physique à son délire ethnicide!
          En réalité, la phrase complète de Camus à son interrogateur lui donnant tout son sens est la suivante: " En ce moment on lance des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c'est cela, la justice, je préfère ma mère ". Tout homme, qui plus est méditerranéen quand on connait la place qu'occupe la Mère dans nos cultures de toutes les rives de la Méditerranée, ne peut pas ne pas comprendre, sans a priori, ce que dit Camus.
          En 2005, un colloque sur Camus est organisé à Alger. Une première, perle rare! Le Président algérien A. Bouteflika y fit une visite et à Jean Daniel, présent, il dit: "Vous savez comment je vérifie que Camus est un véritable enfant de l'Algérie? C'est lorsqu'il dit que si sa mère était attaquée, il préférerait la défendre plutôt que la justice. Et bien, c'est exactement ce que je sens, ce que je ferais, et je ne vois pas pourquoi Camus n'aurait pas eu le droit de le dire".
          Bravo Monsieur le Président! Alors, qu'attend l'Algérie officielle pour honorer un de ses illustres enfants???
          Pas une rue, pas une place, pas un lieu en Algérie, aujourd'hui ne porte son nom. Quel comble pour ne pas dire plus!
          En 1960, après sa mort, le Conseil Municipal de Mondovi (Dréan de nos jours), son village natal, souhaita baptiser la rue centrale de son nom. L'exode des Français d'Algérie et l'Histoire en voulut autrement. Peut-être qu'aujourd'hui, Dréan (ancien Mondovi) pourrait le reprendre à son compte....?
          Ah si, un lieu, un seul sur la terre algérienne pour honorer symboliquement Camus: une stèle sur le merveilleux site romain de Tipasa, ancien comptoir punique, patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982 (l'Algérie regorge de ces site merveilleux : Djemilla, Lambèse, Hippone, Tiddis, Timgad, Guelma...) déposée avant l'indépendance par un de ses amis, artiste, reprenant une des phrases de son livre, Noces, "ici on comprend ce qu'on appelle gloire, le droit d'aimer sans mesure". A méditer! Quelle ode à la Méditerranée, à l'algérianité, à l'amour de la terre algérienne.
          L'exilé Camus repose en terre de France, à Lourmarin dans le Vaucluse où il avait acquis une demeure.
          Alors, chère Algérie, à quand une "rue Albert Camus, écrivain, Prix Nobel de littérature, enfant d'Algérie" à Alger qu'il chérissait tant et/ou ailleurs en ce beau pays?
          Nous sommes très, très nombreux à l'espérer.

Eric-Hubert Wagner      


Notes de lecture : Albert Camus, Gallimard 1994 "le premier homme" ;
Olivier Tood "Albert Camus, une vie" Gallimard 1996 ;
Herbert R. Lottman "Albert Camus" Seuil 1978 ;
Daniel Rondeau "Camus ou les promesses de la vie" éditions Mengès 2005…..


MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
Envoyé par Mme Caroline Clergeau
ALBERT CAMUS

Mondovi (Constantine), 1913 - Villeblevin (Yonne), 1960.
Journaliste - Ecrivain.



L'École de la rue Aumerat où il fit ses premiers pas

Le Lycée Bugeaud où il fit ses études




Le Lycée Bugeaud où il fit ses études


Oran le cadre de son roman: La Peste.

"... La pauvreté, telle que je l'ai vécue,
ne m'a pas enseigné le ressentiment,
mais une certaine fidélité et la ténacité muette".

A SUIVRE

ELLI FAT... MAT CHI ?
Ce qui est passé est-il mort ?
(En hommage à Georges Henri CARBUCCIA décédé en mai 93)
Trait d'Union N° 34
Le cours préparatoire de l'école Michelet,
au faubourg d'El Kantara de Constantine
En 1910-1911, il y a soixante-treize ans

       Amis Constantinois, regardez de tous vos yeux, cette phalange "glorieuse" des temps passés, regardez avec insistance... Plusieurs d'entre vous s'y reconnaîtront et retrouveront des amis, bien que, depuis, ils aient grandi.

       C'est le Cours Préparatoire de l'Ecole Michelet, bien avant le "Père Diffre". Je crois me souvenir que la maîtresse (Le cliché en question ne nous est pas parvenu mais cette tranche de vie publiée à titre posthume nous paraît le plus bel hommage que nous puissions rendre à son auteur, à sa prodigieuse mémoire et ... à une époque hélas révolue ! Si quelqu'un détient ce cliché, qu'il pense aux lecteurs. D'avance merci) était Madame Plancon... Il y avait les deux élèves-maîtres de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Constantine, établissement qui était au Faubourg Lamy. Ils portaient l'uniforme des normaliens, noir, à parements violets et palmes d'argent sur le col de velours violet. Ils s'appelaient Blondet et Marcelin... Je me souviens d'eux parce qu'ils venaient souvent à la maison, mes soeurs étant normaliennes...

       Dans la "bande", vous vous rappellerez, peut-être, Farinacci, Chabram, Morandi, Tuffery, Costa, Guerini, Brisolèse, Lefgoun, Agnelli, Giovanni, Gaudin, Peronne, Dreyer, Picolo, Spitéri, Fénech, Oberlé, Georgeot Petit, Cracco, Montheillet - dont la mère avait un commerce de vins - Sagot - lequel d'entre nous n'a pas acheté des bonbons chez Madame Sagot ? - Taurignan René - dont le père était propriétaire des trams à chevaux qui menaient de la gare à la Place de la Brèche -, et bien d'autres. Moi, j'étais au second rang, à partir du bas, le troisième à partir de la droite, avec le célèbre et inévitable col de celluloïd, et la cravate double, qui pend comme une ficelle... Ah ! Ce col de celluloïd, ou de toile amidonnée et empesée, quel carcan. C'est lui qui fera dire à André Gide, qui souffrit ce supplice "Avec un chandail ouvert et un béret marin j'eusse été aux anges

       Nous avions de bons maîtres et de bons élèves-maîtres, consciencieux et nous aimant bien... Ils nous faisaient des leçons de morale, de cette bonne morale pratique. II y avait des tableaux "La morale par l'Exemple", représentant : un enfant donnant la main à un vieillard pour l'aider à traverser la rue ; un garçonnet ramassant un portefeuille perdu et le portant au Commissariat de Police ; un jeune homme sautant au cou d'un cheval emballé pour sauver la vie d'une cavalière ; un petit garçon cédant sa place à un vieillard dans le tram, etc...

       Nous chantions de belles chansons, à pleins poumons et de grand coeur :

Allons, amis, et sans relâche
Que rien n'arrête notre effort !
Accomplissons bien notre tâche
Sans le travail point de trésor.
Tout joyeux rentrons à l'école
Allons, amis, vite au devoir
Employons l'heure qui s'envole
A compléter notre savoir !"

       Pendant les récréations, nous jouions à "Patatchine", une sorte de saute-mouton codifié... Un qui couche... Cinq ou six qui sautent, successivement. (Patatchine, Patacole !... Demain, il n'y aura pas d'école)... Les Plombades (il fallait sauter haut et retomber dur sur le dos du mouton)... les Noisettes (on fermait les poings en les tournant, en plombant) - Les éperons (il s'agissait de donner latéralement, en passant, un, deux ou trois coups des deux poings dans les fesses) ; Pointez ! (On le tournait pour qu'il soit bien placé) ; Feu ! On se retournait en lui donnant un grand coup d'arrière-train, pour le faire s'étaler, mais il avait le droit de résister...
       On jouait également à "Ours", à "La mère qui arrive". Il faudrait un livre pour donner les détails. Je passe sur la marelle et les billes.
       C'était l'époque où notre fortune de gamins se comptait en noyaux d'abricots... Nous jouions "à la petite". Placé à quatre mètres devant un mur, nous lancions nos noyaux, soit à "la plombe", soit à "la roulette"... Si le noyau en trouvait un autre, à aller comme au retour du mur, nous ramassions tout... C'était bon pour "les Galettes", et je me comptais dans leurs rangs...
       Pour les "as", il y avait "la Grande" ! A huit mètres du mur. On lançait un gros noyau peint à l'encre, qui faisait figure de ce que les boulistes appellent le "Cochonnet"... C'était lui, qu'il fallait toucher, uniquement en "plombant", car la roulette ne comptait pas, et seulement à l'aller, bien sûr. C'était plus difficile, et le vainqueur ramassait au moins cinquante noyaux, parfois cent... II y avait aussi le jeu des "tas", trois noyaux en triangles et le quatrième par dessus. Le prince des noyaux était Constantin Giacometti, très adroit, toujours calme, dominateur. Il était sur notre cliché, tout à fait en haut, presque au centre, vêtu de blanc. J'avais marqué d'une croix cet impérial rejeton d'une famille estimée, célèbre, incarnant à cent pour cent notre faubourg... Les Giacommetti habitaient une maisonnette, derrière Bonnard. Constantin était notre chef incontesté, d'abord parce qu'il était le plus costaud, ensuite le plus vaillant, excellent organisateur de promenades, de sorties, de randonnées, de commandos... Brave Constantin !
       Mais, comme nous tous, au point de vue "rendement", Constantin était complètement fauché en noyaux, le soir venu. L'As des As, le vrai "Roi des noyaux", c'était Zabouri Petit trapu, mine rougeaude, rouquin aux cheveux frisés, au visage constellé de tâche de rousseurs, aux yeux petits et perçants, aux paupières constamment plissées, Zabouri ne jouait jamais. Une fois, il avait essayé et, conscient de sa maladresse, il avait compris que sa fortune ne viendrait jamais de son art.
       Alors, il se bornait à arriver avec une plaque percée d'un trou. "On gagne dix !... On gagne dix !... Excellent bonimenteur, à l'optimisme communicatif, il attirait les "foules" qui se pressaient devant sa boutique. Nous y jouions tous, mais le soir, c'était lui qui avait tous les noyaux... Il y avait bien d'autres boutiquiers, mais ils n'avaient pas l'art d'attirer les clients et de les conserver... La boutique de Zabouri était une planche de bois, avec un trou cerclé de doré et portant l'inscription : "On gagne trente", car ce joli trou fascinateur n'était pas bien grand... Et puis Zabouri savait nous féliciter publiquement quand vous gagniez, ce qui était rare, et vous consoler fraternellement lorsque vous perdiez, ce qui était la règle. Mercure descendu sur terre !

       Un jour, ma mère (nous habitions le quartier de la Petite Vitesse, sur la route de Batna) m'envoya faire des commissions à El-Kantara. J'achetai la viande chez Fitante, les légumes chez le Mozabite de l'avenue Forcioli, le vin chez Montheillet, les gâteaux chez Madame Sagot, la Dépêche chez Massali, l'Epatant chez M. Ancelin (pour avoir des nouvelles des pieds-nickelés), et les fruits, des abricots, à un marchand ambulant qui portait sur la tête une grande corbeille plate. Je le choisis parce qu'il avait des abricots tout petits et rentraient plus facilement dans le trou de la boutique de Zabouri... Mais maman ne fut pas contente : "Pourquoi as-tu acheté ces horreurs. Farineuses et insipides au lieu des bons abricots-pêches que je t'avais recommandés ? "Je finis par lui dire la vérité et en fus quitte pour une fessée...

       Notre grand moment, c'était le jeudi après-midi, à quatorze heures. C'était le jour de congé. Nous nous retrouvions avec les enfants du bas de la rue Nationale et de la rue Thiers, au bout du Pont d'El-Kantara, au pied des portes d'El-Kantara, sur la place qui borde la Maison Perals, place qu'on appellera plus tard "de Serbie", après l'armistice. Cette place était incroyablement animée. C'est qu'il n'y avait, à l'époque, qu'un seul pont, celui d'El-Kantara, et tout le trafic passait par là... Les calèches, les cavaliers, les trams, les tombereaux, les rares autos pétaradantes et les longs attelages qui charriaient les pierres, les madriers, les tonneaux. On en entendait des jurons de charretiers, quand les convois attaquaient la rue Nationale, aux pavés glissants ! Et le claquement des fouets : des détonations ! On sait que les enfants adorent la foule ; Nous étions servis.

       Zahouri arrivait avec sa belle boutique, flanqué de deux copains qui avaient aussi un matériel aguichant... Il y avait là, en plus des "Kantarrassiens de Michelet", des "riverains" : les Lévi-Valensin, Marcel et Fernand Grima (dont le père vendait du couscous en gros) ! Chéri, Attali, Victor, les Nakache, Rossat (qui épousera plus tard Mlle Attard, du Petit Maltais), Laêmel etc...
       On adorait cet endroit parce que,. au bord de la place, il y avait un kiosque à tabac tenu par un vieux musulman de légende, magnifique avec sa barbe blanche, son turban impeccablement enroulé, son gilet gris perle brodé d'or et d'argent, et surtout, surtout, sa longue pipe orientale d'où s'échappaient des torrents de fumée odoriférante, dont nous nous enivrions éperdument. Quand il fumait son kif, nous arrêtions nos jeux pour venir autour de lui nous "mettre plein les narines"... A l'époque, c'était permis. J'ai encore, dans ma mémoire olfactive, cette délicieuse odeur du kif qui brûle. C'est de cette façon que doivent débuter les drogués...

       C'étaient aussi d'épiques parties de "cache-cache" (Gide), de "gendarmes et voleurs", dans les environs, dans les fourrés qui poussent au bas des remparts, sur la grande voûte naturelle du Rhumel, mais la grande affaire, c'étaient les noyaux... C'était le marché aux noyaux d'abricots. Une fois, ce fut la bagarre, Zabouri avait constaté que l'un d'entre nous, lui refilait des noyaux de prunes au lieu de noyaux d'abricots. Les noyaux de prunes ! C'étaient les fausses pièces, la contrefaçon, les faux billets de banque et il est inscrit, sur les billets que les faussaires seraient punis des travaux forcés à perpétuité. Casus Belli flagrant ! Hostilités, bagarres de la "Rive droite" et de la "Rive gauche" du Rhummel. On pourrait écrire un livre sur cette "guerre de noyaux". Louis Pergaud a bien écrit la "Guerre des Boutons"...
       Bien sûr, le lendemain, nous nous retrouvions à l'école. En entrant, nous chantions rituellement. "A l'oeuvre, amis et sans relâche"...
       Et à onze heures, au moment de partir à la maison, c'était aussi avant le repas la chanson inévitable, rituelle, elle aussi :

"Et bon bon bon
Y a rien d'bon
Comme la soupe,
La soupe, la soupe,
Et bon, bon, bon,
Y a rien d'bon
Comme la soupe à l'oignon...
Pour nos estomacs d'carton
Vive la soupe à l'oignon
Et bon, bon, bon.

Georges Henri CARBUCCIA      

Je t'ai revu Philippeville
Voyage en septembre 2007 de Claude STEFANINI.
Envoyé par Mme Elyette Filloz

       1er septembre 2007, 14 h : le 767 d'Air Algérie se pose en douceur à Aïn El Bey : nous voilà, 2 ans après, de retour sur notre sol natal, accueillis par Amor, un ancien élève que j'ai retrouvé grâce à Internet et avec qui nous communiquons par Skype ; c'est d'ailleurs dans sa voiture que nous allons rejoindre Skikda alors que Paule, Jacques, Aldo et Pascal sont " hébergés " dans le minibus de l'agence.

       Environ 16h : après un trajet où, sirènes hurlantes, un véhicule de police nous a ouvert la route, nous posons nos valises à l'hôtel Salem à Skikda : c'est toujours avec une réelle émotion que nous redécouvrons depuis la fenêtre de l'hôtel, le port, la baie, Stora, Srigina, la " macaque ", immuables témoins enchâssés dans leur lumineux écrin bleu turquoise…
       A l'hôtel nous attendent Aïssa et Ahmed, deux autres de mes anciens élèves d'Auribeau, maintenant Aïn Charchar qui nous y fixent rendez-vous pour le mercredi suivant….

       D'une manière générale, notre séjour a été positif : accueil toujours chaleureux et spontané, retrouvailles avec des anciens que nous apprécions tant, tel le fidèle GUETTAF Souna, le talentueux stratège de l'Etoile qui nous tiendra souvent compagnie, MOUSSA, qui fut le co-pilote de mon oncle Georges et vécut avec lui bien des aventures - avec moi aussi d'ailleurs : il m'a remis en mémoire un certain concours de pêche auquel nous avions participé tous les deux à bord du " Flic " le bateau de mon grand-père : je crois me rappeler que nous n'étions même pas rentrés dans le classement, nos quelques serrans et girelles, peut-être un petit Saint Antoine,… n'ayant manifestement pas fait le poids, SALIM qui s'occupe (bien) de l'entretien du cimetière au sein de son Association " in memoriam ou MERIEM, l'amie de Paule, qui nous a reçus chez elle et nous a " gavés " de délicieuses crêpes au beurre, makrouds, baklawas et autres pâtisseries…

       Nous sommes heureux de constater que les rues sont mieux entretenues qu'en 2005 ; un réel effort a été consenti ; c'est encourageant ! Même remarque pour le cimetière, dont les allées ont été débarrassées de la véritable jungle qui les envahissait : on peut maintenant y circuler facilement ; merci à SALIM, de l'association " In Memoriam " ! Qui se dévoue pour entretenir et faire respecter notre nécropole.

       Au marché, où se presse une foule nombreuse et colorée, les étals regorgent de fruits, légumes, épices, semoules, olives, poulets… Quel changement ! Nous achetons des olives pour la kémia de notre apéro quotidien!

       Un concours de circonstances favorable nous permet de pénétrer dans le théâtre municipal où répète un orchestre skikdi qui va se produire à Alger ; tout est dans l'obscurité et nos yeux commencent à peine à s'habituer à la pénombre que la lumière jaillit tout à coup : le théâtre se dévoile tel que nous l'avons connu : une bonbonnière, une splendeur !! Les sièges ont été refaits à l'identique, les ors chatoient, faisant ressortir le rouge qui domine. Les musiciens nous invitent alors à les écouter et confortablement installés au parterre, nous vivons un instant privilégié : le temps s'est envolé et nous sommes revenus 60 ans en arrière, à écouter Gilbert Bécaud ou assister à la représentation de Carmeno Tollo, à celle de " la Passion " jouée par l'ASCP…

       La gare, qui ne reçoit plus de voyageurs, sauf les étudiants se rendant à Azzaba, a encore belle allure ! Les superbes faïences et le monte-charge monumental impressionnent Pascal, mon jeune cousin né en France qui ne connaissait l'Algérie que par les récits de sa mère ou de son grand-père. Sur le quai, je bavarde avec un cheminot de " la vieille école " qui m'apprend, et j'en suis ravi, que la ligne " voyageurs " Constantine - Skikda rouvrira bientôt.

       Avec SOUNA, nous allons faire un tour au stade qui est en pleine réfection ; le terrain va être recouvert de gazon synthétique, et les footballeurs de la JSMSkikda, relégués au stade de Valée, pourront à nouveau s'y produire, à la grande satisfaction de notre ami qui déplore cependant la médiocrité de l'équipe skikdi qui évolue dans une série indigne de la réputation sportive de la ville… il espère que cette saison, qui n'a pas trop mal commencé, sera celle de l'accession… Au nom de l'Etoile, du Racing et de la JSM...P, nous le lui souhaitons.

       Nous avons dîné à La Voûte Romaine, à Stora, invités par Salim ; nous nous sommes régalés de poissons, crevettes et calamars ; puis au restaurant de l'hôtel " Stora " où le patron nous a fait visiter son établissement superbement bien tenu ; les chambres spacieuses, les salles d'eau modernes, des faïences partout et une belle vue sur le port qui est en pleine expansion ; il va doubler de capacité ! Ce sont des …croates qui ont remporté le marché !!

       Nous allons nous baigner dans une crique minuscule, juste avant le Ravin des Singes : l'eau est limpide et tiède, et le frileux normand que je suis devenu s'y glisse avec délice … A Jeanne d'Arc, la mer est démontée, la baignade interdite ; dommage ! Nous profitons quand même du soleil et du sable chaud…

       Journée privilégiée que celle passée à AURIBEAU, le dernier village où j'ai enseigné ; mes anciens élèves nous ont conviés à une journée retrouvailles superbement organisée par AISSA et AMOR : la salle de classe a été remise en état, les " élèves " ( dont ELYETTE, venue de Toulon… !) s'assoient comme autrefois, nous bavardons, évoquons le passé, on me remet en mémoire des anecdotes que j'avais oubliées… Instants d'un total bonheur partagé !! Puis c'est un plantureux couscous, roulé à notre intention par la maman d'AISSA, fidèle parmi les fidèles ; la graine : du velours, les légumes : fondants, la viande : tendre à souhait… je ne peux résister au plaisir gourmand d'en reprendre plusieurs fois.. Après le déjeuner, sous la conduite d'AMOR, nous allons faire un tour dans la campagne, retrouver les " bourricots " ( les debs si vous préférez.), les figues de barbarie et les sources qui alimentent le village : tout un passé qui ressurgit ! Un enchantement !!

       Deux points négatifs à déplorer cependant :
              - L'hôtel Salem n'est plus ce qu'il a été, la plupart des ses étoiles se sont envolées au firmament !! Si le service est resté acceptable et la nourriture correcte ( on a cependant eu droit à la même carte pendant une semaine), la tenue des chambres laisse à désirer et le bâtiment se dégrade, des prises de courant pendent hors de leur boîtier, des robinets de lavabo tournent sur eux mêmes, un ascenseur s'obstine à remonter dès qu'il est arrivé en bas… !! Et la propreté des moquettes dans les couloirs laisse un peu à désirer…
              - Et on nous a " imposé " un policier en civil qui ne va plus nous lâcher d'une semelle et s'inviter même chez les amis qui nous reçoivent… Quel est son rôle ? On nous a dit : sécurité… Je n'y crois guère : en cas d'agression, dans les rues grouillantes de monde où nous nous déplaçons à plusieurs mètres les uns des autres, il n'aurait même pas le temps d'intervenir quand bien même il s'apercevrait de quelque chose… et il n'est pas armé… !! Alors ??? Toujours est-il que cette escorte a été très déplaisante, non du fait du policier, le malheureux ne faisait que son boulot, mais parce que l'on ne se sent pas décontracté, libre... Dans les mêmes conditions, j'avoue que j'hésiterai à retourner à Skikda !

       A Constantine par contre, où nous avons passé un après midi avant notre départ, il nous a été possible de circuler sans contrainte, ( A croire qu'à Constantine, on ne risque rien… !!) … Nous avons pu visiter, grâce à l'obligeance d'un sympathique gardien, le splendide Palais du Bey, pourtant fermé et en cours de réfection, nous promener dans les anciennes rues Caraman, Rohault de Fleury ou Place de la Brêche…

Et l'hôtel Cirta, où nous avons passé la nuit, est impeccable … !
Claude STEFANINI        

Texte Paru sur le site http://skikdamag.spaces.live.com/

SOUVENIRS
Pour nos chers Amis Disparus
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis


Envoi de M. Jean Louis Granier, Yves Marthot et René Vento
Décès de M. Fernand, dit Baby Jourdan


"Chers(es) amis (es),

       Une triste nouvelle, le dimanche 14 octobre de Baby Jourdan qui était président d'honneur de l'Amicale des Bônois s'est éteint à l'age de 84 ans.
       Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 18 octobre 2007 dans l'église de Septème les Vallons à 10h dans la banlieue de Marseille.
       La cérémonie fut grandiose et les éloges funèbres furent à la hauteur de la stature exceptionnelle de cet homme bien de chez nous.
       Comme le chante JP. GAVINO, Baby a emporté avec lui une partie de nous.       



Un quart Baby

Notre très cher ami Fernand JOURDAN est parti pour un monde meilleur le 14 de ce mois d'octobre, il est parti mais il ne nous a pas quitté et pour cela, je lui dis…..

AU REVOIR…..BABY

       Je t'ai d'abord connu sous la forme gazeuse avec le savoureux quart Baby qui a fait une partie de ta réputation à Bône et dans ce quart, un soda, on retrouvait tout le pétillant de ton esprit, cet esprit combatif qu'on te reconnaissait lorsque, sur ta " motocyclette " tu disputais tes courses pétaradantes ou franchement rigolard dans les réunions qu'elles fussent publiques ou privées.

       Le " mektoub " aidant, je t'ai ensuite connu comme patron dans cette fabuleuse usine de Joanonville et quand je dis fabuleuse, c'est sans exagération car, c'était la caverne d'Ali-Baba, un endroit qui créait et abritait dans ses stocks toutes les richesses du monde, de notre monde, le monde bônois.


       Et parmi ces richesses, je citerai l'Amer Picon qui, comme chacun ne le sait pas, est une invention de ton aieul, invention qui a vu le jour à la place d'armes, rue Damrémont où, on peut encore admirer le pictogramme de la marque sous le balcon qui surplombe l'entrée des anciens établissements JOURDAN-TANNIERES-

       Et en parlant de TANNIERES, j'ai souvenance que les inconditionnels amateurs de bon vin ne goûtaient ni le Guébar, ni le Mascara, ils juraient qu'il n'y avait qu'un seul vin digne de ce nom, le TANNIERES et bouché, s'il vous plaît, les dimanches et jours de fête.
       Dans mon énumération des trésors qui ont fait les délices des adultes j'allais oublier les petits et la production phare de l'usine, l'ORANGINA qui, quoi qu'on dise, a été inventée en Algérie et tu en étais, mon cher Baby, le seul fabricant et distributeur pour tout l'Est algérien.

J.P. Bartolini, Rachid Habbachi et Baby Jourdan
à Béziers le 27/09/2002

       Nous nous sommes revus après presque quarante ans très exactement le vendredi 27 septembre 2002 à Béziers, au restaurant LA LICORNE où tu nous a régalés d'une conférence sur Bône, son langage, ses histoires, conférence clôturée justement par ton fameux sketch des boîteux. Nous nous sommes retrouvés ensuite plus d'une fois, à Aix en Provence, à Marseille où tu étais venu m'attendre à la gare Saint Charles à la veille de tes quatre-vingts ans et une dernière fois, chez toi à Septème les vallons où, tu avais eu l'extrême gentillesse de me recevoir pour authentifier les 1200 mots qui composent le " cyclope y dit " qui clôture " Là où t'y as des mots, bessif t'y en as des gros ".

       Tu vois, Baby, par ce texte pour le moins maladroit et peu orthodoxe parce que, écrit sous le coup de l'immense chagrin que ta perte me cause, nous cause à tous, je voudrais te demander une dernière faveur, celle de nous faire une petite place à côté de toi au paradis des bônois.

***

Baby Jourdan et Pierre Borg avaient tenu à nous accompagner à Marignane
lors du départ de notre 1er voyage à Bône en avril 2005

       J'ai laissé à Rachid le soin d'écrire les lignes ci-dessus car l'émotion était très forte pour le faire moi même.
       Pour ma part, j'ai connu Baby Jourdan quand il avait l'entrepot/conditionnement Orangina de la rue de Savoie, nous habitions en face et Orangina ne nous coutaît pas chère. Une petite anecdote : Une fois en 1960, un de ses chauffeurs avait garé son camion, vers 18 heures, à l'endroit où nous mettions une des cages de foot-ball dans la rue (deux cailloux troués dans lesquels on mettait des roseaux). J'ai ouvert la cabine, mis en marche le camion et je l'ai déplacé (j'avais 13 ans), mais le hic c'est que je n'ai pas pu éteindre le moteur une fois la manoeuvre effectuée. J'ai laissé tourner le moteur et nous avons pu jouer au foot dans la rue.
       Les voisins qui rouspétaient et personne ne savait arréter ce moteur. Heureusement qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de carburant car le moteur s'est arrété au cours de la nuit faute de "gazouz". Le lendemain, le chauffeur s'est fait engueulé par les voisins parce qu'il avait laissé le camion dans la rue et par Baby Jourdan qui avait appris la mésaventure mais qui avait aussi réalisé que son camion aurait pu disparaître.
       Tout en m'engueulant pour se montrer sévére, il m'a dit merci et nous a payé un Orangina de plus.
       Avec Baby on devait se retrouver pour ma retraite et enregistrer sa mémoire Bônoise et je peux vous assurer qu'elle était énorme. Ce sera un de mes grands regrêts de n'avoir pas pu accomplir cette mission. C'est une perte terrible en tant qu'homme mais aussi pour la mémoire Bônoise car c'était un grand monsieur. Un grand Bônois.
       Adieu Baby, j'espère que ça gazera mieux la-haut.

LES MOTS ECRASÉS
                                    Par R. HABBACHI                            N°9

Les, qu’y sont couchés

1- Elles viennent comme ça, à de bon si que le vaccin, elles s'le font pas.
2- Y en a qu'y z'aiment et des z'aut' pas, y zn a qu'y disent c'est bon et des z'aut' que c'est trop gras. - C'est un bidon qu'y sonne creux, mais rien, tu peux mette dedans.
3- quan c'est que tu plonges dedans, rare tu t'en sors. - Tu peux traverser le champ ouqu'y a des pommes de terre mais pas çui ousqu'il est lui.
4- Phon. C'est des fois une réunion et des fois un vieux. - C'est pas z'à moi, j'te jure. - Y donne un ton qu'on peux le mette en boîte, mais pas pour le manger.
5- Y paraît que si que t'y en manges, t'y as pas besoin du café.
6- Un féniant qu'y vient de loin. - C'est ça que moi j'te le dit si que tu me cois pas. - Une compagnie américaine en agrégé.
7-Tu l'as dessur quèques oitures. - Un verbe mal conjugué, mal dit.. - Çui-là là, il est pas z'à toi et ni à lui.
8- Y disent tous qu'il est réfléchi, à saouar pourquoi. - Deux points. - Un chat qu'y commence pas.
9- Tu veux ou tu veux pas, ça t'y es en Patosie.
10- Le patos y dit comme ça que c'est une invention de sioux, ça se oit qu'y connaît pas les bônois. - Presque rien.

             Les, qu’y sont debout

             1- Comme ça y s'ront ceux-là là que le vaccin y s'l'ont pas fait.
             2- Chicha.
             3- La femme d'un haut gradé en agrégé.- Deux qu'on sonne.
             4- Le bakouche y le fait mais en agrégé - Mets z'y une méduse dessur et c'est la castatrophe.
             5- Tout ça c'est d'la zoubia.
             6- C'est des crochets.- Not' mère à tous si qu'on étaient des titans.
             7- Un prénom.
             8- D'un verbe qu'il est le premier à oir le soleil. Dessur la croix.
             9- Avec ça c'est sûr que tu vas mal oir. - La Patosie elle est en plein dedans.
             10- C'est là que tu vas te retrouver si que, en retard t'y arrives au Rex ou aux Variétés.


Solution des Mots Ecrasés N° 8


Les, qu’y sont couchés
I- Comme ça, t'y as l'impression qu'y a une paire mais y en a qu'un et quan noir il est, comme ça je viens.
II- Avec ça, plein de l'huile tu te fais ou alors, un peu d'la kémia. -Chose latine ( c'est dedans le cyclope y dit).
III- Quan l'anglais, la tête sur le côté y la remue, c'est ça qu'y veut dire. -Quan c'est que tu tombes dessur c'est sûr que c'est dur. -Nous z'aut', on fait bien la différence, ici, c'est un fruit des bois.
IV- Quan y sont comme ça, y a plus z'à revenir dessur. -Un fils bien de chez nous z'aut' là-bas.
V- Y paraît qu'elles sont hors de prix, à saouar.
VI- Y faut bien se méfier de ceux-là là qu'y vous font ça aux pulules.
VII- Les pauv' misquinettes, un peu d'l'argent y leur ferait du bien.
VIII- Une pieuse abréviation, comme ça y disent. -Il achète pas.
IX- Démonstratif ou tive, chais pas. -Avec ça, on se fait du linge.
X- Y pendouille à chez le boucher. -On dit que quan il est comme ça, il est mignon.
             Les, qu’y sont debout

             1- A çui-là là que tu la fais, y faut pas qu'y la répète.
             2- Y paraît comme ça, qu'il est toujours bon. -Tu jettes un schkoll en dedans de l'eau, y t'en fait plein.
             2- Nous z'aut', on dit c'est pas un garçon, le patos lui, y dit c'est une marque de mépris. -Tu le perds, tu sais plus où t'y es et où t'y en es.- Beaucoup plusse qu'un simple ouvrier.
             4- Ça qu'on le donne au pur-sang et aussi à la brêle le soir dedans l'écurie. -Pronom personnel.
             5- Eprouvée.
             6- Une oiture qu'on la oit plus beaucoup. -Ancien régiment.
             7- Pronom personnelle (y a pas de fôte).
             8- Vautour qu'y fait le rapace seulement en amérique. -Conjonction ou adverbe, comme tu veux, tu choises.
             9- Vin spagnol.- Pas varié du tout.
             10- Lui, il a fait sa philosophie en latin et y a très longtemps de ça.


Courrier des lecteurs
Cette rubrique ne peut pas refléter tout le courrier reçu, mais sera consacrée à un courrier particulier
qui demandera une réponse appropriée.
Tout ne sera pas publié car tout n'est pas publiable.    J.P.B.
----- Original Message -----
From: Amy L. Hubbell
To: jean-pierre.bartolini
Sent: Friday, October 12, 2007 7:02 PM
Subject: la valise ou le cercueil

          Bonjour Jean-Pierre,
          Je suis en train de rédiger un article sur le sens de "la valise ou le cercueil" pour les Pieds-Noirs pour la Revue Diasporas, et j'aimerais savoir si, depuis votre voyage de retour en Algérie, cette phrase a changé de sens pour vous. Vos idées et les idées des autres qui ont fait ce retour me serviront dans la dernière partie de l'article.
          Toutes mes amitiés,
          Amy

Amy L. Hubbell, Ph.D.
Assistant Professor of French and French Language Program Coordinator Modern Languages
Kansas State University

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----- Original Message -----
From: jean-pierre.bartolini
To: Amy L. Hubbell
Sent: Monday, October 15, 2007 6:07 PM
Subject: Re: la valise ou le cercueil

          Bonjour chère Amy

          C’est avec plaisir que j’ai reçu de vos nouvelles. Je vous attendais aux mois de juin/juillet lors de votre passage en France. Dans votre message, vous me posez une question lourde de sens et je vais tenter de vous répondre avec mon style particulier empreint de ma liberté de conscience et de libre pensée. J’espère apporter une réponse pour vous aider dans votre article sur la revue « Diasporas » et pour que vos interventions à l’université du Kansas sur les Pieds-Noirs, soient plus éclairées sur le slogan « La Valise ou Le Cercueil ».

          Je publierai votre question et ma réponse (fichier joint) car je pense que votre question est une question fondamentale qui aidera aussi le peuple algérien entre autres à mieux comprendre un certain vide laissé par ce slogan et l’exode qui s’en est suivi.

          J'espère vous avoir apporté l'éclairement que vous attendiez pour votre travail et je vous remercie de votre fidélité. Si cela ne vous dérange pas, lorsque votre article sera terminé, pourrez-vous m'en faire parvenir une copie

          On vous embrasse avec nos amitiés
Jeanine et Jean Pierre Bartolini
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.piednoir.net
http://www.seybouse.info/
http://www.seybouse.info/taddo/

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La Valise ou le Cercueil


          Tout d'abord il faut rétablir des faits sur ce slogan et naturellement, des questions viennent à l'esprit :
Qu'est-ce le terme " La valise ou le cercueil " ?
D'où vient-il ?
Qui l'a prononcé et utilisé ?
De quand date t-il et a-t-il été prononcé pour la première fois en Algérie ?
Quels ont été les résultats de ce slogan ?

          " La valise ou le cercueil ". La menace est terrible. Tu dégages ou tu crèves. Dans le genre choix radical et impératif, on ne fait guère mieux. La valise ou le cercueil. Il fallait partir et tout quitter ou rester et mourir.
          Rester et Mourir pour quoi ? Pour un pays nouveau qui ne voulait pas connaître le discernement des opinions et accepter que nous formions qu'un seul peuple !
          Partir et tout Quitter pour quoi ? Pour sauver sa peau et espérer de la reconnaissance de celle qu'on croyait la mère patrie et qui en fait s'est révélée la mère tape dur.
          Le cercueil c'était aussi un départ pour un monde d'où l'on ne revient pas. Il évoquait la barbarie, la cruauté portée à son paroxysme.
          La valise évoquait les vacances, celles que De Gaulle a fait croire au peuple de France. En réalité c'était aussi le signe de la fuite sans espoir de retour, c'était le seul bien du fugitif. Cette valise évoque l'abandon de la terre natale, la peur de l'exil, les passerelles de bateaux ou d'avions avec leurs longues files d'attente sous le soleil ou la pluie, l'accueil inhumain de la France où le verre d'eau coûtait très cher.
          Donc le choix, même douloureux, était fait, c'était la valise et ce n'était même pas pour un " au revoir, mes frères ".

          Ce cri " La Valise ou Le Cercueil " est un mot d'ordre inspiré par le P.C.A. Parti Communiste Algérien qui avait une inspiration de longue date. Lors de la guerre civile en Espagne, les espagnols avaient eu ce choix " La Valise ou Le Cercueil " ; Les juifs d'Autriche, de Pologne et d'Allemagne aussi ont eu de choix " La Valise ou Le Cercueil ". Il ne faut pas oublier que le nazisme est d'inspiration du bolcho/socialo/communiste avec son émanation dés la 1ère guerre mondiale. Les Russes chassés par la révolution bolchevique avaient eu aussi ce choix " La Valise ou Le Cercueil ", avec hélas des millions de morts à cause de cette idéologie qui perdure encore au travers de mouvements qui empoisonnent notre vie.

          La paix relative étant revenue pour une période d'environ 10 ans comme l'avait prévu le Général Duval, ce mot d'ordre est resté dans les tiroirs car il ne rencontrait pas l'écho escompté parmi la population Arabo/Berbère.

          La 3ème phase de la guerre d'indépendance ou guerre civile s'est déclanchée le 1er novembre 1954, ce slogan n'est pas revenu de suite sur le devant de la scène. Il est réapparût en septembre 1959 quand De Gaulle a remis en avant l'indépendance qui lui tenait à cœur depuis 1942 pour se venger des Pieds-Noirs qui lui préféraient Giraud ou Weygand et non pas par amour pour le peuple " libéré " car justement il le plongeait délibérément dans le noir. Cela a relancé les violences, la barbarie par le FLN qui a contraint par la terreur et les massacres et en conditionnant une population Arabo/Berbère qui ne savait plus à quel saint se vouer ou se fier. ( La 1ère phase de la guerre d'indépendance structurée a débuté en 1930 avec la reconnaissance de la société des Oulémas et la 2ème était les émeutes de 1945)

          Ce slogan " La Valise ou Le Cercueil " résonnait souvent à nos oreilles et sa lecture sur les tracs distribués ou laissés sur les cadavres mutilés pro Algérie Française, n'ont fait qu'engendrer et attiser une haine aussi féroce que tenace entre les communautés Pieds-Noirs et Arabo/Berbères. Une haine qui n'existait pas avant. Donc ce slogan, ce choix, nous ne l'avions pas aimé, il était injuste, cruel, hélas irrémédiable. Irrémédiable pour ceux qui eu la " chance " de partir en exil avec la valise ou irrémédiable pour ceux qui sont restés sous un mètre de terre.

          La valise ou le cercueil, a été prononcé en Algérie pour la première fois pendant les émeutes de Sétif du 8 mai 1945. Les émeutiers avaient été bien conditionnés par les politiques Russes et Partis Communistes Français et Algériens d'un coté ; par les politiques Anglo/américaine d'un autre coté ; mais aussi par De Gaulle qui avait promis une indépendance et un droit des peuples à s'autogérer dès 1942. Ces émeutiers, manipulés, inintelligents dont la très grande majorité même arriérée avec des pratiques ancestrales de la barbarie qui n'avaient pas connu ou profité des bienfaits de la colonisation, ont déclanché ces émeutes sanglantes et féroces qui ont entraîné une sévère répression avec un total de près de 2000 morts entre les communautés.
          Le but des politiques comploteurs était atteint, un fossé irréversible entre les Pieds-Noirs et les Arabo/Berbères était définitivement creusé et le processus de la guerre civile était lancé.

          Ce 8 mai 1945 a laissé des traces qui n'ont pas encore été totalement analysées par le nouveau peuple algérien. La suite logique de cette date a été le lancement officiel de ce cri de guerre en 1946 par les nationalistes Arabo/berbères et qui dura jusqu'en 1963.

          Quels ont été les résultats de ce slogan ?
          1) Le départ des Pieds-Noirs a laissé des richesses énormes en terme d'infrastructures, biens immobiliers, culture, modèles d'administration et de constitution. Malgré toutes les richesses laissées, le pays ne s'est pas élevé comme il aurait du le faire. Au contraire il a sombré dans une autre misère concocté par les malfrats de la révolution qui ont confisqué l'indépendance en s'accaparant les rènes du pouvoir et de cette richesse. Cela a engendré une autre guerre civile initiée par les islamistes étrangers. Cela a aussi accentué la convoitise des puissances telles que la Russie, les USA et maintenant la Chine.
          2) Les Pieds-Noirs ont préféré à juste titre la valise. Même si elle ne contenait pas de bien matériel, elle avait en plus de la vie qui la portait, des biens très précieux : une identité ; une mémoire ; un savoir et une technicité qui ont fait défaut au nouveau pays indépendant ; une leçon de vie et de courage pour rebâtir autre chose.
          3) C'est l'incompréhension de la population actuelle algérienne qui nous pose sans cesse cette question : " Nous aurions pu vivre ensemble et faire de l'Algérie un grand pays ; vous êtes des algériens comme nous, nous sommes frères ; pourquoi êtes-vous partis et nous avoir laissés nous débrouiller seuls face aux vautours. " Et notre réponse est inlassablement " La Valise ou Le Cercueil ", c'étaient nos seules alternatives, qu'auriez-vous fait à notre place ?

          Il est certain que les jeunes générations n'ont pas appris dans leurs écoles toutes les vérités sur l'indépendance et les massacres de Pieds-Noirs pour les inciter à partir. Ceux qui savent, se gardent bien de leur dire la vérité. Est-ce la honte, le remords ou la peur, je ne sais pas !!!
          Il est aussi certain que les élans de fraternité que nous recevons lors de nos voyages prouvent qu'il y a beaucoup de regret dans ce qui s'est passé et l'ont sent que ce slogan leur pèse énormément lorsqu'il remonte à la surface.

          Pour en revenir à votre question si depuis mon voyage le sens de ce slogan, " La Valise ou Le Cercueil ", à changé, je ne puis que répondre NON, car il m'inspire toujours autant de dégoût, d'injustice, d'incompréhension envers ceux qui nous l'ont appliqué et au vu des résultats cités plus haut, il a fait énormément de mal à notre pays natal et à nos communautés Pieds-Noirs et Arabo/Berbères. Communautés qui en sont les seules véritables victimes.
          Ce slogan au lieu d'être dirigé contre les Pieds-Noirs aurait du être appliqué à l'administration française qui gérait le pays et dont toutes les communautés en souffraient. Cela les indépendantistes instrumentalisés ne pouvaient le comprendre. Leur conditionnement par une propagande extérieure à l'Algérie ne le leur permettait pas.

          Historiquement ce jeu de mots, " La Valise ou Le Cercueil ", et sous diverses formes a été le vecteur de véritables génocides à travers le monde. Et c'est pour cela qu'il faut bannir à jamais ceux qui l'ont engendré, c'est-à-dire : le communisme ; le nazisme ; le gaullisme qui l'a utilisé au travers de ses barbouzes en faisant croire que c'était une émanation de l'OAS ; et l'intégrisme qui en a pris la suite.

          Ce qui est malheureux, c'est que ce slogan reviendra aux oreilles de la France dans un proche futur, grâce à sa politique discriminatoire inspirée des associations et ligues de droits de l'hommiste soit disant anti raciales ; grâce à sa perte d'identité ; grâce à sa non reconnaissance des erreurs passées et des trahisons historiques.

          Passé cet exposé ci-dessus, je vous livre une réflexion toute personnelle et qui n'engage que moi.
          Si dés la fin de la guerre les communautés Pieds-Noirs et Arabo/Berbères qui avaient combattu fraternellement ; qui sortaient vainqueurs et grandies d'une guerre contre le nazisme pour sauver une " Mère patrie " qui leur a rendu la monnaie de leur pièce en leur crachant dessus ; Oui si ces communautés avaient su se parler, en Algérie ce slogan n'aurait jamais pris une telle importance après 1945. Cela ne pouvaient se faire qu'en 1945 avant les émeutes de Sétif. Oui, mais les forces du mal, les démolisseurs de l'Algérie avaient savamment organisé les massacres. Massacres dont tous les hauts responsables français et internationaux en connaissait le complot immonde dans le seul but la division irréversible des communautés pour qu'un autre génocide soit exécuté au nom de " La Valise ou Le Cercueil " qui garantissait tous les intérêts qu'ils en attendaient.

          Chère Amy, ma réponse a été un peu longue mais il fallait comprendre le pourquoi, le comment, les buts et les résultats de ce slogan qui n'a pas été simplement un jeu de mots comme beaucoup ont semblé s'en amuser. Il est très grave, historique et il est entré dans nos mémoires. Personnellement je ne demanderai aucune repentance aux auteurs de ces mots actés car ce serait leur accorder un pardon qu'il ne méritent pas et pour que le monde prenne conscience de ce qui s'est passé afin de pouvoir dire plus jamais ça et surtout l'appliquer. La repentance ou la demande de pardon sont les armes des faibles qui par ces biais se sentent le droit de recommencer sans autre état d'âme. Je préfère l'explication, la compréhension, l'enseignement de la vérité sans autre forme de procès.
Avec toutes mes amitiés et au plaisir de vous revoir
Jean Pierre Bartolini

(Voir aussi ci-dessous l'analyse d'un historien)

La valise ou le cercueil
Maurice Faivre, Historien
Les faits doivent être rétablis à propos du slogan "La valise ou le cercueil"
diffusé à Constantine en Algérie, en 1946

          Dans La Croix du vendredi 15 mars, l'article de Mourad et Fend Louanchi est une démonstration éclatante de l'influence que les médias et les manuels scolaires algériens exercent sur l'opinion des jeunes Maghrébins. Dans la même page, Hassan Remaoun évoque à mots couverts le manichéisme de ces manuels, qui avait été largement critiqué par lui-même lors du colloque de mars 1996 sur La Guerre d'Algérie et les Algériens (1), montrant comment des historiens militants - en général ce sont des oulémas - imposent leur vision idéologique d'un peuple unanime, qui, ayant résisté au colonialisme depuis 1839, a arraché son indépendance par la lutte armée grâce à la victoire militaire sur l'armée d'occupation. Mohammed Harbi corrige heureusement, dans son article, cette lecture de l'histoire qui a favorisé la culture de guerre et la haine de la France, et a influencé la communauté maghrébine en métropole. Il montre qu'il a existé en Algérie un parti français favorable à la colonisation, et que le nationalisme algérien, qui n'a trouvé son unité qu'après 1962, s'est imposé par la guerre civile (2).
          Il faut donc rétablir les faits sur la propagation du cri de guerre (étymologie de slogan) " la valise ou le cercueil ", qui a été diffusé à Constantine dans un tract de 1946, émanant du courant populiste des nationalistes les plus radicaux, dont l'un des représentants. Ben Tobbal, exigeait le rejet des Européens, à l'exception des juifs. Il faisait écho au leader Lamine Debaguine qui avait déclaré en novembre 1942 : " Il faut créer un fossé irréversible entre les Européens et nous. "
          En revanche, les nationalistes modérés de l'UDMA et les messalistes du MTLD considéraient les Européens, avant 1954, comme des Algériens appartenant à une patrie commune. La proclamation du FLN du 1er novembre 1954 affirmait le respect de toutes les libertés sans distinction de races et de confessions religieuses. Ce jour-là il y eut peu de victimes européennes.
          Cependant, la tendance populiste l'emporta dès le mois de mai 1955 dans le Constantinois, et particulièrement le 20 août, lorsque Zigout Youssef lança des hordes de tueurs dans d'horribles massacres, dans le but de rejeter à la mer tous les infidèles.
          Cette entreprise de fanatiques fut d'abord condamnée par Abane Ramdane. Mais en juin 1956, Ahane et Ben M'Hidi appellent à la même violence aveugle, en réplique à l'exécution capitale de deux terroristes. Le mot d'ordre est de " descendre n'importe quel Européen de 18 à 54 ans. Pas de femmes, pas d'enfants, pas de vieux. " En contradiction avec le Congrès de la Soummam, qui avait ouvert la nation algérienne aux autres communautés, le Comité de coordination et d'exécution (CCE) opte en septembre 1956 pour la stratégie du pire. Le mot d'ordre est alors de " tuer un Européen, n'importe quel Européen ". En décembre 1956, 95 Européens sont assassinés et en quatorze mois de bataille d'Alger, le maire, Jacques Chevalier, déplore 314 morts et 917 blessés. L'opinion française se représente-t-elle l'impact de cette tuerie sur une population paisible ? Trois cents et neuf cents sur un million, cela fait 18.000 morts et 55.000 blessés sur la population française d'aujourd'hui.
          Malgré l'amélioration de la situation en 1958, le slogan " la valise ou le cercueil " est donc présent dans l'esprit des Français d'Algérie, il est évoqué par les médias comme une menace latente qu'il faut conjurer. Ce n'est donc pas l'OAS qui l'a inventé, même si certains de ses tracts le citent pour engager les Français à résister à la politique d'abandon du gouvernement.
          L'OAS interdit même aux Européens de choisir la valise, mais, après la fusillade de la rue d'Isly, cette interdiction ne sera plus respectée par une majorité apeurée.
          L'historien Guy Pervillé " ne peut expliquer ni juger l'action de l'OAS isolément de celle du FLN ". A partir du 17 avril 1962, en effet, c'est pour lutter contre l'OAS que le FLN déclenche une série d'enlèvements d'Européens, qui, en fait, n'atteignent pas des membres de l'OAS, bien protégés au centre des villes, mais des colons isolés dans le bled et des habitants des quartiers périphériques où cohabitent les communautés. La découverte de charniers près de Maison-Carrée augmente la peur et incite ces petits Blancs à quitter l'Algérie
          Même après les accords Susini-Mostefaï et après le départ pour l'Espagne ou la France des derniers commandos de l'OAS, le FLN prend prétexte de la crainte de l'OAS pour poursuivre les enlèvements tout au long de l'année 1962.
          Les quelques Français qui voulaient rester en Algérie en sont partis ensuite en raison des occupations de " biens vacants " ou prétendus tels par des Comités révolutionnaires, et des nationalisations des terres et des usines, conformément au programme autogestionnaire (hélas!) de Tripoli. Seuls sont restés ceux qui comme les moines de Tibhirine, voulaient maintenir le dialogue interreligieux, et ceux qui, à l'instar de la famille Chaulet-Louanchi, avaient pris parti pour la rébellion. Mais certains semblent avoir eux aussi choisi la valise pour éviter le cercueil.

(1) A. Colin 1997
(2) Les mêmes développements se trouvent dans Les Archives inédites de la politique algérienne, Maurice Faivre, L'Harmattan 2000, et dans Une interminable guerre civile, chapitre du Livre blanc de l'armée en Algérie, Contretemps 2002
(La Croix du 5 juin 2002)


----- Original Message -----
From: maria voiron
To: jean-pierre.bartolini
Sent: Saturday, October 13, 2007 12:02 AM
Subject: les disparus

          pourquoi vous ne parler pas du mur des disparus. aucune information sur l'inaugutation, la douleur est la meme et je crois que nous nous manifestons pas assez compares a certaines personnes !.....
          il faut sortir de notre silence, il est pesant
          nous n'avons plus rien a perdre, toutes les injustices que nous subissons encore doivent reveiller et éclater la verite c'est notre droit

******

Ci-dessus c'est l'exemple d'un des messages que je reçois sur le Mur des Disparus et je fais ci-dessous une réponse collective. TEXTE tel que je l'ai reçu, sans blâmer la personne pour les fautes, c'est juste pour montrer qu'il n'y a pas que des intellectuels P.N. qui ont le monopole de la parole.
Jean Pierre Bartolini

****************

LE MUR…. ou droit dans le mur…


          Depuis des semaines, je suis sollicité pour donner sur le site et la Seybouse des informations sur le " Mur des Disparus " de Perpignan et sur son inauguration..

          Ce MUR est un sujet sur lequel je ne désirais plus m'exprimer. Et pour cause :
          En effet depuis prés de 3 ans je me suis exprimé sur ce mur, j'ai dit ce que j'avais à dire avec franchise, objectivité et réalisme. Cela m'a valu une FATWA de Mme Suzy Nicaise présidente du Cercle Algérianiste de Perpignan et organisatrice de " ce mur ". Cette Fatwa a entraîné une condamnation à mort à mon encontre. Des menaces, des violences verbales, écrites et physiques m'ont conduit à un séjour hospitalier et 5 semaines d'arrêt de travail en début de cette année. Donc chers lecteurs, et aussi pour les donneurs de leçons, vous comprendrez ma réticence à faire passer des infos sur ce qui est pour moi, devenu " un non événement défavorable aux Pieds-Noirs sur le long terme".

          Les Pieds-Noirs ont toujours été manipulés par les pouvoirs en place mais aussi par des associations qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs bureaux. Le Pieds-Noirs en général n'est pas un féru de la politique, il n'en comprend pas tous les arcanes et par conséquent il se laisse facilement avoir par les beaux parleurs et les bonimenteurs d'émotions. Par contre il refuse de voir les réalités en face. Il est même capable de honnir son compatriote qui tentera de le mettre en garde contre la perversité. Certains Pieds-Noirs peuvent allé jusqu'au meurtre aveugle. Au cours des 60 dernières années, il y a eu des exemples.

          Aujourd'hui des compatriotes me sollicitent, m'engueulent (pour ceux-là je jette immédiatement les messages). Certains s'inquiètent de cette inauguration avec toutes les menaces qui l'entourent. D'autres ont peur de l'avenir de ce mur et ils ont de grandes raisons d'avoir peur.

          Pour ma part que dire ou répéter de plus sur ce mur !!!
          En premier lieu et pour bien faire comprendre mon point de vue, je tiens à répéter que je ne suis absolument pas contre un " Mur des Disparus " ou un musée dans un LIEU PRIVE, au contraire je me serai mis à leur service.
          Mon " opposition " tient dans le LIEU public, dans la FORME DE PROPRIETE, dans le RESPECT de la mémoire des disparus et dans l'HOSTILITE de nos détracteurs.

1) LE LIEU : Ce mur se situe dans la Cour des Condamnés à Mort, des exécutions à la guillotine, dans l'ancienne PRISON de Perpignan. C'est un lieu PUBLIC et un haut lieu de la Mémoire Catalane. Il se situe dans un Quartier dit SENSIBLE et inadapté à notre mémoire Pieds-Noirs.

2) LA FORME DE PROPRIETE : Ce mur est une propriété de la ville de Perpignan (et peut-être même du Conseil Général des P.O. et de la Généralitat de Catalogne).
Même aménagé par des plaques commémoratives, ce mur reste public de par la loi. Légalement nous perdons tout contrôle sur le devenir de ce mur.
Exemple très plausible et peut-être pas si lointain : Demain la municipalité de Perpignan change de couleur. Soit les plaques sont purement enlevées de ce mur. Soit il y est accolé les noms des victimes de l'autre camp alors que l'on ne voit pas ceux des Harkis. Un comble. Cela serait parfaitement légal et irréfutable. Est-ce que la communauté Pieds-Noirs est prête à accepter ces solutions futures dans ces conditions ?
Les Pieds-Noirs nommeraient sûrement ce mur " Mur de la Honte " et reprendraient le terme utilisé par nos détracteurs. Il faut savoir que ce terme qui m'a valu la Fatwa ne m'appartient pas et qu'il a été prononcé pour la 1ère fois en séance du Conseil Municipal de Perpignan par les détracteurs.

Pour ma part, je ne verrai aucun inconvénient à ce qu'une Stèle ou Mur voit le jour avec tous les noms des victimes de cette guerre civile et qu'ils soient cote à cote (comme l'a fait Franco en Espagne), mais à condition que cela se fasse des 2 cotés de la Méditerranée et simultanément. Ce serait un signe fort de PAIX qui ferait taire tous les détracteurs de notre communauté. EST-CE QUE celle-ci aurait l'intelligence de dire oui sans se laisser manipuler une fois de plus ?

Donc si l'on veut qu'un " Mur des Disparus " (ou un Musée) reste entièrement sous le contrôle et la garde de la communauté, il faut qu'il soit prive et RIEN QUE PRIVE.
Le Maire de Perpignan a été assez généreux pour donner un terrain pour la construction d'une Mosquée, pourquoi les organisateurs de ce " Mur " n'ont pas exigé de la municipalité, l'octroi en toute propriété d'un terrain. Cela aurait coûté moins cher au contribuable " Catalan " et aurait calmer toutes les passions et tensions.
Manque de discernement ou…. ou... je vous laisse le soin d'imaginer la suite.

3) LE RESPECT DES DISPARUS : Est-ce respecter les disparus qui ont du subir les pires atrocités que de mettre leurs noms et leur mémoire dans un lieu d'exécution à la guillotine des pires assassins de la ville de Perpignan ?
Je considère cela comme un affront fait à ces disparus et à leurs souffrances. C'est leur trancher une deuxième fois la gorge. C'est une faute de mauvais goût, c'est une deuxième exécution qui leur est offerte en guise de repos éternel.
Cela ma conscience m'interdit de l'accepter.
Si des Pieds-Noirs l'acceptent, c'est leur problème entre eux et leur conscience s'ils sont capables d'en avoir une pour réfléchir sans se laisser mener par le bout du nez.

4) L'HOSTILITE DE NOS DETRACTEURS : A Perpignan il y a une énorme hostilité à ce " Mur " et le Maire de Perpignan commence à réaliser que cela lui coûtera peut-être la municipalité en 2008.
Depuis 3 ans les opposants se manifestent assez bruyamment et même avec virulence dans les réunions du Conseil Municipal.
Il y a plusieurs opposants :
          --- Les premiers sont ceux pour la défense du patrimoine et de la mémoire Catalane. Leur combat est tout à fait respectable. Je le comprends d'autant mieux que moi aussi je me bats pour le respect de notre mémoire d'expatrié. Le Pieds-Noirs devrait être le premier à respecter cette opposition.
          --- Les seconds opposants sont ceux dont la virulence, la méchanceté, le mensonge et la traîtrise sont leurs armes favorites. Ces opposants qui ont aussi des arrières pensées politiques, ont depuis plus de 50 ans une animosité envers nous. Ils sont en position de force, je dirai même que dans la situation de désunion où est notre communauté, qu'ils ont gagné cette guerre.
Comment l'ont-il gagné ?
          - Par les médias qui ne nous sont jamais favorables.
          - Par la force conjuguée de toutes les organisations politiques, associatives, " ligardes ", racistes et intellectuelles qui oeuvrent depuis des années contre nous et contre la France.
          - Par le droit public face à un non droit privé.
          - Par les menaces de trouble à l'ordre public qu'ils font peser sur les épaules de notre communauté.

          N'oubliez pas que pour cette inauguration, près de 500 CRS seront mobilisés, des badges spéciaux seront distribués aux Pieds-Noirs pour y participer. Cela sera plus facile pour reconnaître les Pieds-Noirs qui oseront répondre aux provocations. Et pourquoi pas des brassards jaunes pour aller à l'abattoir. Des manifestations monstres sont prévues par les opposants au point que le Préfet se posera sérieusement la question de savoir s'il faut interdire ou pas cette inauguration. Déjà à deux reprises il y a eu des dégradations qui ont été immédiatement nettoyées. Il y en aura d'autres. Le service d'ordre ne sera pas toujours présent.
          Que vaut pour l'avenir une inauguration dans ces conditions là ?
          Quelle éclatante victoire offerte aux opposants à notre communauté ! Cela les rendra encore plus forts.
          Quelle terrible défaite supplémentaire pour la Communauté des expatriés ! La déception serait grande et aucune récrimination ultérieure ne réparera les dégâts. Merci les inconscients. Ce sera encore un recul pour la paix des hommes et la mémoire.

          Tout cela, je l'ai déjà exprimé au travers du site, de la Seybouse de mes réponses aux associations ou aux internautes. Ce franc parler ne plait pas aux organisateurs, aux bonimenteurs, à ceux qui en retirent un quelconque intérêt par exemple une médaille en chocolat. Ce n'est plus mon problème car tout ce que j'avais prédit se passe et se passera. Pour moi, c'est un terrible échec d'avoir raison trop tôt. J'aurai préféré me tromper.
          Donc, chers compatriotes, vous comprendrez que je me tienne à l'écart de cette inauguration dans un LIEU PUBLIC et que je ne communique ce site et cette gazette aucune information ou compte rendu sur ce sujet. Je sais que ces écrits me coûteront encore des ennuis. Je m'en fous, la peur n'est pas mon fort. Seuls les salauds devront trembler quand ils penseront à leur jugement dernier qui leur sera fait. Je sais aussi qu'il y a des milliers de personnes qui m'ont compris et qui ne participerons pas car leur conscience leur interdit de bafouer les victimes et d'aller droit dans le Mur. Le Mur de l'incompréhension ; le Mur de la guerre ; le Mur de la haine contre nous.
          Pour la mémoire de nos disparus et afin que nul n'oublie, je préfère, nous préférons le MUR DE LA PAIX.

J.P. Bartolini                

JEUX D'AMPHORES
Par Luce Franceries


Une femme peintre vit un bouleversement viscéral tel que ses tableaux se mettent à vivre différemment.
La peintre se métamorphose en vivant sur deux modes, telle une composition harmonique, dans une alternance entre son œuvre inanimée de peintre et un cri de douleur de chaque minute qui engendre un don de liaison entre le ciel et la terre, détruisant instinctivement le mur de cette puissante douleur, comme une muralité (1) édifiée des pierres irréelles cimentées dans l'empreinte du cœur d'un fils disparu, pierres géométriquement juxtaposées, unies et uniformes, pareilles aux dernières paroles du Christ.

Cheminement entre l'œuvre et l'inaptitude de l'artiste à mûrir, parce que encore ancrée à la pureté de l'enfance inaccessible.
L'œuvre picturale vibre, progresse, hésite, dans une instabilité extrême qui renvoie à l'œil du visiteur, les sons détectés par l'artiste, en quête de l'art de mettre les couleurs en vie, le temps de sa propre vie .
(1) MOT QUI VEUT TRADUIRE LE SENS D'UNE MURAILLE INVISIBLE

SOMMAIRE DE L'OUVRAGE


Découverte de l'Amphore

Il y a dans l'Amphore, toutes les écorchures de la vie qui nous attendent et toutes les lettres que je t'enverrai, mon beau Philippe, lettres que je devrai puiser une à une dans mon cœur en lambeaux, le ventre griffé.
L'Amphore attentive, généreuse, livre au monde terrestre de somptueuses couleurs que je lui emprunterai, offrant une expression inversement proportionnelle à ma douleur vivante.
Une autre femme vient de naître dans une vie cassée. J'en connais maintenant les éclats les plus précieux: Je suis la mère imaginaire où les harmonies des teintes auraient à triompher de la souffrance.
" Mon rêve a glissé comme une image sur l 'écran, image d'un état qui est le fruit d'une émotion d'intensité cataclysmique, image de conversion de la chrétienne née sur la terre arabe que je fus, en femme meurtrie, puis révoltée pour être cette autre, unie au ciel par l'épreuve.
Délivrée des rites des religions, bouleversée et reconduite, comme on dirait remodelée par le signe transparent, le plus puissant qui puisse parvenir sur la terre : l'amitié du ciel.
Certaines phrases seront redites, semblables aux pierres sur lesquelles on bute, toujours les mêmes. Apparemment, elles en sont simplement le leitmotiv puissant.

Luce Caggini-Franceries née à Oran Algérie - Française.

C'est l'Histoire d'une chrétienne née sur la terre arabe. Ses effondrements dus à la perte de son enfant, de sa terre de naissance. Grâce à son travail d'artiste, à l'exil et la souffrance succèdent la magie et l'espoir d'une autre vie. Après les jours tragiques vint naturellement la sérénité.
                          L'Editeur


 "LA SECTE" 

Claude RIZZO

Chers Amis,
J’ai le plaisir de vous annoncer la sortie de mon dernier roman :
La secte

Paru aux Editions Lucien SOUNY (Distribution Rando)
Disponible en Librairie.
Prix 18 €

Les sectes nous inquiètent et leurs gourous nous intriguent.
Comment devient-on gourou ? De qui ces nouveaux prophètes tiennent-t-ils ces étranges pouvoirs leur permettant d’obtenir la soumission aveugle de leurs adeptes ?
Ce roman, tout en développant son intrigue, nous offre quelques réponses à ces questions.

Mes autres titres disponibles chez votre libraire :

- Au temps du jasmin (Editions Michel Lafon)
- Le Maltais de Bab el-Khadra (Editions Michel Lafon)
- Je croyais que tout était fini (Editions Michel Lafon)
- Tunisie de notre enfance (Edition l’Infini – A commander chez l’éditeur)
Avec toute mon amitié.
Claude RIZZO

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PRIX UNITAIRE TTC : 252 pages, broché - 18 €
à Editions Lucien Souny PRESSE: editions-souny@orange.fr
Mme Véronique Thabuis
Le Puy Fraud • 87260 Saint-Paul
Tél. 05 55 75 57 38
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Fax 05 55 75 59 48
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Merci.



MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De M. Harald Schmitt

Je cherche des informations sur Louis Bouchout ou Bouchont ou Bouchot qui etait à Germersheim Allemagne en 1945 et qui est retourné en Algérie en juillet 1945.
Il aurait habité au 11, 13 ou 15 rue Arago à Alger.
D'avance je remercie toutes les personnes qui pourraient m'aider.
Harald Schmitt
Mon adresse : Harald Schmitt

De Mme Michèle DIDONNA

Bonjour, Michele DIDONNA née à Bone, recherche, camille BOUTIN, qui habitait, le quartier de la colonne et André BLANCO habitant rue du 14 Juillet .
Que le temps passe.
Mon adresse : Michèle DIDONNA

De Mme Debono Viviane

J'aimerais trouver des nouvelles de la cité Juanola à Bône.
Qui peut m'aider pour montrer à mes petits enfants où nous habitions.
Merci. Amicalement
Mon adresse : Debono Viviane

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Robert Antoine et son site de STAOUELI vous annoncent la mise à jour du site au 1er novembre.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Staouélien

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er novembre.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

Voici un site artistique d'une Bônoise qui a repris la tradition des son pére et son grand-père mais dans un autre régistre de la peinture. Je vous invite à visiter ces sites internets et si vous voulez bien laisser un message objetctif, cela ferait plaisir à cette amie d'enfance
Bonne visite
Son adresse: http://www.ghyslainedesevlian.com
Son adresse: http://www.artmajeur.com/ghyslainedesevlian

je me présente Stéphane PORTELLI musicien professionnel. Je suis le leader (chanteur guitariste et auteur compositeur du groupe PORTELLI)
Mon père est né à Bône en 1943. Je suis né en France mais j'espère un jour visiter cette ville.
En attendant, je vous convie à voir mon site
Cordialement
Son adresse: http://www.portelli.info


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FRANCAFIX.. le village de la résistance..
Envoyé par Marcel Trells et Loulou CATALAYOUD


       En 2012 après Jésus-Christ... Toute la France est réformée. Toute la France ? Non...

      Une petite poignée de fonctionnaires résiste encore et toujours à l'envahisseur. Retranchés dans leur petit village privilégié, il sont encerclés par les camps fortifiés de Refurm, Referendum, Droidelum et ServiceMinimum.
       Nos héros :
       - Cegetix le Syndiqué : petit grèviste malin, il a toujours une bonne idée pour échapper au travail et trouve toujours un prétexte pour déclencher une grève générale.
       - Fonctionpublix : le meilleur ami de Cegetix, Fonctionpublix refuse d'admettre qu'il mange trop, et est prêt à taper sur tous ceux qui lui font remarquer qu'il est "un peu enveloppé". Il accompagne Cegetix dans toutes ses aventures, tant qu'on peut rigoler et échapper au boulot.
       - Echapofix le délégué syndical : l'heure de gloire d'Echapofix a été le jour où il a réussi à faire passer sa somptueuse résidence aux frais du CE de sa société.
       - Prenpadrix : c'est lui qui appelle à la grève générale
       - Demagogix le Chef : époux de Poildanslamimine, il se fait réélire depuis plus de 30 ans en promettant tout et n'importe quoi à ses militants. Il n'a qu'une seule crainte : que du travail lui tombe sur la tête.
       - Bloqulepayx le druide : c'est lui qui prépare la potion de grève, la recette magique qui permet à nos héros de résister encore et toujours aux réformes.
       Avec leurs amis Eratepix, Assedix, Eraimix, Taxonléprofix, Essainecefix..., ils luttent courageusement pour la défense de leurs privilèges.       



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Avez-vous des suggestions ? si oui, lesquelles ?
En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
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D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


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