L'armistice... ensanglanté.
France et Europe : L'Allemagne capitule sans condition - L'explosion des bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki amène la capitulation du Japon.

Le drame du 8 mai 1945 (1)
Tiré du livre " Il était une fois… GUELMA "
Envoyé par M. Gilles Martinez


          Une fois de plus, une fois de trop, Guelma va payer un lourd tribut pour que l'Algérie demeure Française. Notre ville a vu tomber tant de ses enfants de confession catholique, protestante, israélite ou musulmane que nous pensions, une fois la guerre terminée, pouvoir jouir de la vie dans un pays qui était le nôtre parce que nous y étions nés simplement et que nous l'avions enrichi par notre travail. Il faut malheureusement des occasions comme celle-ci pour se remémorer les exactions et crimes qui ont bien souvent endeuillé des familles sur cette terre d'Algérie depuis la conquête. Chaque décennie a apporté quelques révoltes.

          Cependant, l'insécurité n'était pas réservée aux seuls Européens. Dans les djebels, comme dans les villes, les douars et les ethnies, les heurts n'ont jamais cessé, même sous la paix française. Les affrontements chroniques mille fois répétés, nous étaient minimisés voire dissimulés. Le développement démographique Arabo-Kabyle n'a pas été considéré avec assez de réalisme et il était difficile de faire passer un homme du stade moyenâgeux à l'état de citoyen du vingtième siècle sans attirer sa haine. Cette haine attisée par le mirage de la richesse des Européens comme de leurs congénères vivant dans les lumières de la ville, miroitant un salaire stable, des allocations familiales...; bref on se croyait en paix mais ce n'était qu'un leurre.

          

LES ÉVÉNEMENTS DANS LA RÉGION

          Le drame qui marqua profondément notre communauté, le 8 mai 1945, constitue sans doute l'une des pages les plus difficiles à écrire. Ces difficultés se heurtent :
          - à la mémoire qui, après un demi-siècle, risque de se révéler fragile ou approximative.
          - à l'émotion ensuite et à la douleur toujours présentes à l'évocation de ces images dramatiques demeurées vivaces dans l'esprit des témoins, jeunes gens ou enfants au moment des faits.
          La disparition, aussi, de la plupart des témoins les plus autorisés des martyrs français ou européens nous prive d'un témoignage qui aurait été précieux pour donner, de ces journées sombres, une version encore plus incontestable.
          Mais la plus grande difficulté à surmonter sera sans doute de donner de ces événements une version nouvelle de l'histoire... L'évocation par les radios, les télévisions, les livres ou les journaux français ou algériens n'a jamais retenu que la mort des agresseurs et transformé, de façon malhonnête et cynique, les victimes en bourreaux.
          Il reste cependant suffisamment de témoignages objectifs et authentiques pour retracer, de ces journées noires, une 'histoire sans doute incomplète mais délibérément honnête et conforme à la vérité. Ce souci de vérité constituera en effet une exigence à l'égard du souvenir de ceux qui furent assassinés à Guelma et dans sa région les 8 et 9 mai 1945. Ces pages leur sont dédiées en réparation, modeste et insuffisante, de la profanation qu'ils continuent de subir par l'abandon de leurs tombes en Algérie et la falsification de leur mémoire en France même, leur patrie.
          Dès 1939, la ville avait été vidée des éléments les plus jeunes et les plus dynamiques de sa population. Partis " pour libérer la patrie ", beaucoup furent tués ou faits prisonniers dans les premiers combats de 1940. Ceux qui en revinrent, repartirent avec les troupes françaises pour combattre sur les fronts de Tunisie, d'Italie, de Provence et sur tous les champs de bataille de France et d'Allemagne. Il ne restait sur place que les hommes dont l'âge, la maladie ou les charges familiales avaient dispensé d'un service lointain.
          " Jusqu'aux jours de mai 1945, Guelma était la ville réputée la plus tranquille du département " (2). C'est donc dans ce climat de confiance et de sécurité que se préparaient depuis quelques semaines les cérémonies qui allaient célébrer la victoire de la France et de ses alliés.
          Les anciens combattants avaient été chargés des célébrations de la Victoire et y avaient associé leurs camarades musulmans, le drapeau de leur association devant être porté par le vice-président indigène: M. Amar Boussouria.
          Dans les écoles de garçons et de filles, les écoliers avaient été invités à "s'endimancher" et tous portaient un petit drapeau tricolore.
          La suite du récit sera empruntée au texte rédigé par le "Comité de Vigilance de Guelma" rapporté par Eugène Vallet dans son ouvrage cité.

          "A l'heure fixée, les cloches et la sirène annonçaient la victoire. Il y avait à ce moment, une grande quantité d'indigènes, tant de la ville que des campagnes, réunis sur la place saint Augustin et principalement au Café Régui.
          Vers 15 heures, des enfants musulmans se rendaient en groupe sur la place de l'école, munis de petits drapeaux. Ils chantaient l'hymne "Oustania" (3). Une foule d'indigènes que l'on pouvait évaluer à 500 environ, se joignit à eux, créant des remous inquiétants. Cette première tentative de troubler l'ordre n'eut pas de suite et le calme revint rapidement.
          Quelques instants après, M. le sous-préfet (Achiary) arrivait sur la place Saint Augustin, ainsi que le service d'ordre militaire, qui dirigea la foule des indigènes vers les emplacements qui leur avaient été réservés. A partir de ce moment, les indigènes commencèrent à quitter les lieux, se rendant vers le haut de la ville.
          C'était le début de la cérémonie officielle et on pouvait remarquer l'absence presque totale des représentants et des notables musulmans.
          Parmi les anciens combattants, deux seulement étaient présents dont le vice-président porteur d'un drapeau.
          Chez les officiers et sous-officiers de réserve, le porte-drapeau seulement. Un seul élu : M. Ben Saci, adjoint au maire. Parmi les notabilités musulmanes, M. Dahel Mohamed Lakhdar, le cheikh Zouani, le muphti, le bachaga et quelques autres.
          La manifestation se passa dans le calme le plus complet et dans l'enthousiasme de toute la population européenne. Le cortège officiel prévu se déroulait, dans l'ordre, à travers la ville.

          Il venait d'arriver au point de dislocation, lorsque brusquement monta de la rue de Medjez-Amar, une manifestation, d'indigènes composée d'au moins 1.000 individus porteurs de pancartes et de banderoles sur lesquelles on pouvait lire "Vive la démocratie", "A bas l'impérialisme", "Libérez Messali" "Vive l'Algérie indépendante"; "A bas le communisme" (sic) (4).
          M. le Sous-préfet, qui se trouvait sur la place, en compagnie du maire (5) et des autorités se porta au-devant de la manifestation, qu'il réussit à joindre, rue Victor Bernes, à hauteur du magasin "Azzaro".
          Les premiers rangs de la manifestation comprenant surtout la jeunesse indigène de Guelma, hurlaient le chant nationaliste, ne voulant rien entendre des paroles de sagesse et d'apaisement de M. le sous-préfet et du maire ....
          Les agents du service d'ordre et de la gendarmerie étaient arrivés sur les lieux. Une poussée profonde essaya de déborder les personnalités européennes et, (malgré une intervention de M. Fauqueux, président de Combat), bouscula le sous-préfet, le maire et les autres personnalités. Des coups furent portés.
          A cet instant, débouchant du café Croce, un indigène, armé d'une énorme matraque, allait, par derrière assaillir le sous-préfet qui ne fut épargné que par l'intervention des personnes qui l'entouraient.
          Un coup de feu claqua de la foule des manifestants. Les forces de police, commençant à être débordées, ripostèrent en tirant à blanc, puis en l'air. En voyant des blessés dans le service d'ordre (deux agents, deux gendarmes et l'inspecteur de sûreté), elles continuèrent à tir réel.
          Après un moment de lutte, les manifestants furent rejetés vers le théâtre antique, la rue Saint Augustin et la rue d'Announa.
          Dans la soirée, les autorités prenaient les mesures de sécurité qui s'imposaient : fermeture des cafés, couvre-feu à 21 heures, circulation interdite, carrefours gardés par l'armée, arrestation des meneurs.
          A noter qu'en dehors du bal annoncé pour 21 heures 30, le café Régui (6) avait prévu l'organisation d'une soirée dansante dans les sous-sols de l'établissement à laquelle auraient été invitées les autorités civiles et militaires. A la faveur des événements, ce projet était, à notre avis, destiné à priver de leurs chefs toutes les organisations de la ville, ces personnalités se trouvant de ce fait isolées dans un lieu, facile à une poignée d'individus, prêts à tout, de les tenir à leur merci.
          Le mercredi 9 mai, des hordes d'indigènes sont signalées dans les environs. Le matin, vers 9 heures, la gendarmerie barre la route à une bande de 500 à 700 émeutiers armés d'armes diverses, y compris des armes de guerre, route de Constantine, vers la briqueterie. Les gendarmes, assaillis, ripostent en battant en retraite vers leur voiture. De nombreux manifestants semblent touchés.

          A onze heures, le sous-préfet convoque MM. Champ, président des Anciens combattants, Garrimel, président de la France combattante et Cheylan (7), secrétaire de l'Union locale des Syndicats ainsi que le colonel commandant d'armes et le commissaire de police. Il était décidé de constituer une milice civile pour apporter son concours aux forces de police pressées de toutes parts.
          La presque totalité de la population française guelmoise venait se faire inscrire et, en fin de soirée, la milice se voyait confier la garde des points sensibles, qui ne pouvaient être tenus par l'armée, en raison de ses faibles effectifs, c'est à dire : la cité indigène, la porte de Constantine, le carrefour du cinéma, le carrefour du monument aux morts, le quartier des habitations à bon marché, enfin les patrouilles constantes tant diurnes que nocturnes.
          L'après-midi, une colonne de 400 à 500 émeutiers armés montait du ravin venant de Millesimo et bordant la route de Guelma. Une patrouille de Gendarmerie s'oppose à leur action aux environs de la ferme Cheymol. Après l'échange de coups de feu, les émeutiers se replient, laissant quelques victimes.
          Vers le cimetière de Guelma, des colonnes d'assaillants armés tentent encore d'investir la ville. Ils sont contenus par les tirailleurs et les gendarmes, munis d'armes automatiques.
          Dans la soirée, l'action salutaire de l'aviation par bombardements et mitraillages dirigés contre les nombreux groupes entourant la ville fait des dégâts dans les rangs des émeutiers.
          Vers le soir jusqu'à 23 heures, des camions montés par des miliciens partaient dégager Petit et ramener la population.
          Un véhicule se dirigeant sur Bled-Gaffar avec des gendarmes et des miliciens était arrêté au 9ème kilomètre, avant la ferme Dubois, où des hordes excitées, déchaînées, ne voulurent rien entendre aux paroles de l'Adjudant-chef Cantais, lui répondant : "Nous acceptons de mourir pour notre cause et notre foi". Le véhicule dû faire demi-tour sans livrer combat, se trouvant dans un état trop grand d'infériorité.
          Il fallut attendre l'arrivée des renforts militaires en blindés pour aller dégager, les jours suivants, les villages de Bled-Gaffar, Lapaine, Kellermann, Gallieni, Gounod.
          Le jeudi 10 mai, à Millesimo et à Petit, les tirailleurs sénégalais et les gendarmes entrent plusieurs fois en action.
          Dans la vallée de la Seybouse et immédiatement au-dessus du marché aux bestiaux, l'aviation, à plusieurs reprises, bombarde et mitraille les points qui entourent la ville et sont occupés par les agresseurs.
          Diverses actions, moins importantes, ont pu avoir lieu, notamment lors des sorties effectuées par les forces de police civiles ou militaires qui se dévouaient pour aller dégager certaines fermes ou villages .... ".

          Ce rapport rédigé dans les jours qui suivirent l'insurrection du 8 mai 1945 revêt la crédibilité d'un document émanant de témoins directs des faits qu'ils relatent dans un temps qui n'autorise ni imprécision ni confusion. Il sera confirmé par d'autres témoignages reçus cinquante ans plus tard, dans une parfaite cohérence de lieux et de circonstances.

          Témoignage de M. Xavier Galéa

          "Le 8 mai 194.5, j'étais scout de France et porte-fanion. Mon père était porte-drapeau des anciens combattants et nous devions défiler tons les deux à l'occasion de la victoire des Alliés. La cérémonie était achevée et je regagnais le local situé dans une ruelle qui donnait sur la rue des Combattants près du "Yoyo Bar" quand une marée humaine d'Arabes armés de fourches, de bâtons, de fusils de chasse envahit les rues, le doigt levé, en chantant "Biledi, Biledi... " (11).
          Il y avait une petite fille au milieu de la rue. Elle fut bousculée par la foule qui la piétina. Plusieurs hommes tombèrent sur elle. Mon père tenta de la sauver mais n'y parvint pas. Quand il réussit à la retirer de l'amas des corps qui l'avaient recouverte, elle était morte.
          Quand la débandade prit fin, j'osais enfin regarder la rue. Elle était jonchée de chaussures, de vêtements, d'armes diverses. Quelques corps gisaient sur le sol".

          Témoignage de M. Jean Pierre Trommenschlager dont le père était receveur de l'abattoir et succéda en 1939 à M. Dongais, père de Mme Falzon. Il se souvient :
          "J'avais un peu plus de huit ans ce 8 mai 1945 et nous habitions à l'abattoir, je me souviens qu'une semaine auparavant, un boucher musulman qui avait enfreint le règlement intérieur de l'abattoir fut l'objet d'une remontrance de la part de mon père. Il obtempéra, mais déclara : "tu le regretteras car les choses vont changer".

          Dans l'après-midi, c'était un mardi, mon père, M. Galéa et les autres anciens combattants de 1914/1918 participaient aux manifestations derrière les drapeaux. Malgré ses vieilles jambes, ma grand-mère accompagnée de Marco, mon jeune frère, avait tenu à grimper la côte qui menait en ville. Ma soeur Paulette était en ville et Francis mon frère se trouvait avec les scouts de France à Millesimo où ils devaient donner une représentation théâtrale. Ma mère et mon grand-père étaient restés à l'abattoir. C'est alors que nous avons entendu des détonations qui ne nous inquiétèrent pas, nous les prenions pour des explosions de pétards d'allégresse. Puis entrèrent dans la cour deux européens affolés et hagards qui dirent à ma mère de fermer les issues. Ils expliquèrent que faisant une promenade sur la route de Constantine, ils avaient vu une foule d Arabes venant à leur rencontre ; faisant demi-tour, ils s'étaient réfugiés vers l'abri le plus proche, l'abattoir. Nous sommes montés tous les cinq à l'étage et nous vîmes refluer, courant en désordre vers la ferme arabe Darmani, des centaines de musulmans armés de "Dabous" (gourdin de frêne ou d'olivier) ou de boussaadis(12), quelques-uns portaient des fusils de chasse. Ils n'avaient pas l'air de personnes qui viennent participer à une manifestation pacifique. Aucune femme ne les accompagnait et ils s'éloignèrent rapidement, heureusement car nous ne disposions que d'un fusil de chasse et d'un pistolet 6,35 avec quelques cartouches.
          Mon père, qui nous avait rejoint, retourna rapidement en ville, inquiet sur le sort du reste de la famille. Ma grand-mère et mon frère Marco avaient trouvé refuge dans le magasin de Térichine un mozabite, et il trouva ma soeur Paulette apeurée dans la mercerie de Mme Henri Falleti. Nous apprîmes que la ville était encerclée. Surpris par l'émeute, mon frère ne reparut de Millesimo que le lendemain.
          Les portes de fer de la route de Constantine qui dataient de la conquête et qui servaient à l'époque à interdire, la nuit, l'accès de la ville furent en cette circonstance refermées et le couvre feu établi. Une milice (13) de civils européens jeunes et vieux, car l'armée était en Europe, fut créée.
          A Guelma, il y avait en garnison quelques unités de tirailleurs algériens. La veille, sur l'injonction du sous-préfet, ils participèrent, avec la police, à disperser les manifestants en tirant en l'air. C'était vers la Seybouse, près de Millesimo et de Petit qu'il fallut desserrer l'encerclement de ces villages car les insurgés s' y étaient massés.
          Goumiers marocains et sénégalais effectuèrent les opérations de nettoyage dans les campagnes et djebels.
          A son retour, mon frère Francis fit partie de la milice. On lui donna un fusil et il accompagna une section de sénégalais. II nous expliqua comment ils avaient procédé, ainsi le chiffre de 45.000 tués par la répression donnée par la chaîne de télévision ARTE en 1995 est extravagant. Il aurait fallu que la population se laissât exterminer sans se défendre ou sans tenter de s'échapper. Le plus souvent, des guetteurs bien dissimulés, signalaient l'arrivée des troupes. Quelques fois, des drapeaux tricolores hâtivement confectionnés, témoignaient des bons sentiments francophiles d'une mechta (hameau) amie. On n'était pas dupe, le soulèvement avait été presque général, mais il était difficile d'exercer des représailles sanglantes dans ce cas.
          A Dien bien phû, pour une bataille décisive de deux mois, 16OOO français furent engagés contre 60.000 Viêt-Minh et des moyens importants en matériels furent mis en oeuvre de part et d'autre. Les Français furent enfermés dans une nasse d'où il était impossible de sortir, 8.000 sur 16.000 hommes furent mis hors de combat dont 1.700 tués, 1.600 disparus et 4.000 blessés. Quatre mille des huit mille prisonniers ne revinrent pas des camps Viêt-Minh et ces derniers, les vainqueurs eurent 10.000 (dix mille tués) - Référence Larousse -.
          Alors ?
          Doit-on parler des campagnes de Tunisie, d'Italie et de France. Elles durèrent plusieurs mois et plus de combattants s'entretuèrent. Le chiffre de 45.000 tués ne fut pas atteint. Heureusement, sinon un français sur quatre ne serait pas revenu.
          Alors ?
          Dans le passé, doit-on encore citer la bataille d'Eylau réputée dans notre histoire comme meurtrière et sanglante à juste titre. En ce temps-là, on se canonnait à bout portant avant de passer au corps à corps. Elle opposa 50.000 français à 80.000 autrichiens. C'était en 1807. Elle fit 40.000 victimes en tout !
          Alors ?
          Il y a quelques mois, dans un quotidien régional, un habitant de Pompignan, suggéra que l'on demande pardon pour ces 45.000 morts de Sétif et de Guelma. Il disait avoir été à Guelma, pendant la guerre d'Algérie. On peut penser qu'il y faisait son service militaire. On croit rêver ; quelles archives secrètes a-t-il consultées ? Quelles confidences a-t-il recueillies de ses patients pendant son séjour à Guelma ? Quels charniers aurait-il découverts, il ne le dit pas.
          Quelques jours après l'intervention de l'armée, les choses rentrèrent dans l'ordre mais, elles ne furent plus comme avant, la méfiance s'installa.
          Il y eut à Guelma moins de victimes françaises qu'à Sétif. La fureur ne manqua pourtant pas mais, la réaction immédiate de deux hommes, le sous-préfet, le maire avec la population empêchèrent que les choses ne tournent à la catastrophe.
          Enfin, à l'époque, la mode lancée par les journalistes n'était pas encore établie de remplacer des mots au sens précis par des locutions vagues ou compliquées, pour masquer ou atténuer le sens de ce qui est comique, douloureux, tragique, cruel, odieux, inavouable...
          Douze années après, en 1957, à la Seybouse, mon jeune frère Marc fut victime d'un attentat perpétré par deux de ses copains arabes. Il échappa à la mort rituelle qui devait le purifier, ses camarades voulaient tout bonnement l'égorger comme un mouton.
          Quant à moi, je ne me sens pas le goût, n'en déplaise à certains, de demander pardon pour des crimes que je n'ai pas commis, à des gens qui ne pardonnent pas ".

          Témoignage de M. Guy Bezzina.

          "...L'annonce de l'armistice nous a libérés précocement des classes et nous avons couru chez nous chercher nos petits drapeaux pour aller, en rangs, assister à une cérémonie sur la place, devant le kiosque à musique.
          Par une surprenante alchimie, un souvenir enfoui depuis plus de cinquante ans me revient en mémoire. Je vais avoir onze ans, demain 9 mai et mon frère m'a exceptionnellement prêté son bracelet-montre... Je l'exhibe fièrement et ne manque aucune occasion d'exciter la jalousie de mes camarades. Un camarade arabe me dit : "Donne moi ta montre". Je refuse naturellement. Il me répond alors : "Ça ne fait rien, de toutes façons cette montre, demain, elle sera à moi"... !

          Sur le balcon de la rue Saint Louis, ma mère regarde passer les enfants qui remontent de la manifestation. L'ambiance est à la fête. Mme Heintz, Mme Marienne, Mme Méténier commentent les événements dans la cour de la maison. Les soldats vont revenir, les prisonniers vont être libérés. Mme Marienne pleure son fils Pierre, aviateur et résistant, tué par les collaborateurs français dans un village breton. On évoque l'abbé Joseph Abela tué à Monte Cassino et encore son frère Marcel tombé en Alsace et Louis, prisonnier depuis cinq ans ...
          Guelma a beaucoup donné à la France pour que cet armistice soit vécu avec la joie et le soulagement des cauchemars qui s'achèvent. La paix, enfin...
          La paix ? Erreur!
          Une rumeur monte. Elle vient de derrière l'église. Des paroles sont scandées, confuses, couvertes par des cris. Dans la cour, une femme crie : "Les Arabes se révoltent !". Ma grand-mère supplie : "Allez fermer la porte de la rue Saint-Louis !".
          Mme Heintz répond: "Non, Mme Gauci, Juliette n'est pas rentrée... ".
          Du balcon de la rue Saint-Louis, on observe un cortège qui débouche de la rue de Constantine, entre les grilles de l'église et le magasin de tissus. Le flot des manifestants s'écoule, rapide, dense et ininterrompu. Il ne remonte pas la rue Saint-Louis mais envahit la place Saint Augustin. Des drapeaux verts flottent au milieu de la foule toujours aussi compacte.
          Soudain, des coups de feu claquent au loin. Un vent de panique refoule l'immense vague des manifestants vers les quartiers de la ville haute. Des milliers d'hommes entament une course éperdue dans un piétinement qui sonne comme un fantastique orage. Les rues se sont vidées en quelques minutes... Plus tard, un camion chargé de chaussures, de turbans et de chéchias ramassés dans la rue des Combattants ou l'avenue Sadi-Carnot, remonte vers la porte de la Mahouna.

          A la tombée de la nuit, le crieur municipal crie à tous les carrefours un avis où il est question de "couvre feu à partir de sept heures" et qui se termine par un sentencieux : "Le maire : Signé Maubert. "
          Mon père passe en coup de vent, prend son fusil de chasse et marmonne à ma mère des mots graves. On sait qu'il va monter la garde avec tout ce qui reste d'hommes dans une ville où les jeunes fêtent la Victoire en Allemagne ou en France...
          Guelma vient de passer à côté d'un de ces drames dont ne seront pas épargnés ceux qui, dans les fermes, vont être livrés à la folie de la Djihad".

          Mais si la ville de Guelma pu être épargnée des assassinats et des pillages grâce à une mobilisation immédiate des hommes en état de porter les armes, les villages et les campagnes des environs connurent des drames atroces dont la sauvagerie n'eut d'égale que celle dont se rendirent coupables les fellaghas, à partir de 1954 et après 1962 notamment sur les 150.000 harkis contraints par les autorités françaises de demeurer en Algérie.
          Pour comprendre les faits, un document cité par Eugène Vallet mérite d'être reproduit in-extenso. L'union locale de la C.G.T à la tête de laquelle se trouvait M. Cheylan, prit une part active à la défense de Guelma pendant les jours où la ville fut assiégée par les insurgés arabes. Cette attitude lui valut la condamnation du Comité général d'Alger. Le comité local de Guelma rédigea en réplique, le 20 juin 1945 un rapport qui fut adopté à l'unanimité par tous les responsables et adhérents des syndicats constituant l'Union locale de Guelma, syndicats qui ne pouvaient être suspects de sympathie colonialiste ....

          Extrait du rapport de l'Union Locale des Syndicats de Guelma

          "Depuis quelques mois, le milieu syndicaliste musulman, qui comprenait la majorité d'adhérents dans tous les syndicats de Guelma, montrait une hostilité très marquée à l'égard des éléments européens du syndicalisme. La plus petite revendication, l'incident de travail le plus insignifiant, étaient grossis et déformés intentionnellement par les musulmans dans un but de propagande antifrançaise et surtout pour déconsidérer les responsables ou les membres européens des différents syndicats. (Cette attitude)... semblait nettement être la conséquence de directives reçues de milieux nationalistes. Certains musulmans qui étaient jusque là restés fidèles à la cause française adoptèrent même une attitude suspecte.
          Les musulmans, comme les européens, attendaient, certes, de la victoire toute proche une certaine amélioration de leurs conditions de vie et de travail... Cependant certains indices attestaient que la masse syndicaliste musulmane... se repliait sur un terrain purement nationaliste.
          L'annonce de la victoire fut accueillie sans joie chez les travailleurs musulmans ....
          Le 7 mai, à 17 heures 30, dès que la nouvelle officielle fut connue, à la surprise générale, des musulmans se groupèrent sur la place Saint Augustin. Les principaux meneurs nationalistes étaient présents, les travailleurs européens étaient déjà noyautés et le désir perçait déjà chez les musulmans de fêter la victoire. Ce désir, assez inattendu, était, pour le moins, suspect. En accord avec M. le sous-préfet, la manifestation fut remise au lendemain à 17 heures, c'est-à-dire à l'annonce officielle de la victoire. Cette décision ne fut pas du goût des travailleurs musulmans et surtout des meneurs.
          L'insurrection est latente dès 17 heures, le 8 mai. Elle couve et se traduit par un malaise général. Les travailleurs musulmans sont absents en totalité, dans les rangs de la C.G.T. au moment des discours officiels. Les quelques "égarés" qui ne connaissent pas encore le mot d'ordre d'insurrection, sont avertis par des agents de liaison et le vide se fait total au moment du dernier discours qui est celui du sous-préfet... Le cortège se forme et commence à défiler dans certaines rues de la ville. Quelques meneurs s'infiltrent dans le cortège et surveillent le déroulement de la manifestation. Aucun incident ne se produit, le cortège, joyeux, passe dans la ville arabe déserte.
          La manifestation est terminée. Le sous-préfet remercie toute la population. A cette minute même, une troupe de 1.500 personnes environ marchant en rangs serrés, débouche à toute allure de la rue Medjez Amar, se dirige vers la rue Saint Augustin, déployant des banderoles et faisant entendre des chants nationalistes. Le cortège est arrêté, rue Victor Bernes. Tous les syndicats sont largement représentés. Les travailleurs musulmans sont reconnaissables à leurs vêtements bleus de travail qui leur ont été récemment distribués .... Ils tentent de forcer le barrage de police. Les manifestants sont dispersés après un échange de coups de feu.
          Le lendemain, 9 mai, à 12 heures, les responsables de la C.G.T. tentent de se mettre en rapport avec les éléments musulmans du syndicalisme, mais ceux-ci sont sourds ou introuvables. Certains considèrent même les événements de la veille comme une provocation des Français. A 14 heures 30, les musulmans surveillent les Européens et semblent même noter ceux qui se mettent à la disposition de l'autorité civile pour maintenir l'ordre public ....
          L'insurrection paraît pourtant imminente à l'intérieur de la ville. De l'extérieur nous arrivent des nouvelles alarmantes : les attroupements sont nombreux autour de la ville, des Français ont été assassinés. Les lignes téléphoniques et les voies ferrées ont été coupées, les routes barrées et les ponts ont sauté, la guerre sainte est déclenchée. Le devoir de chaque Français est clair, il faut lutter. Tous les travailleurs français sont présents à leur poste de combat.
          Un jour plein d'angoisse s'écoule. Les combats continuent autour de la ville avec la même violence. La ville est encerclée. Aucune preuve de loyalisme n'est faite par les syndicalistes musulmans. Les arrestations commencent. Le milieu syndicaliste est fortement touché par ces mesures. Les cheminots ont la plus grande place. Viennent ensuite les services civils de la guerre, les Ponts et Chaussées, les ouvriers agricoles ; Les chefs de l'insurrection sont presque tous des syndicalistes et les plus lettrés...
          Le 4eme jour de l'insurrection, une dizaine de syndicalistes viennent se faire inscrire comme loyalistes. Sans commentaire. Cependant, il est à constater que les syndicats du personnel des transports routiers, des employés communaux de l'Oued Cherf et de Guelma ont fait preuve d'un bon état d'esprit, notamment le camarade Mokhnaehi, secrétaire du syndicat des employés communaux de l'Oued Cherf
          Il est à remarquer également que certains ouvriers musulmans non syndiqués ont sauvé leurs patrons ou se sont joints à eux pour assurer leur défense.

          Après l'insurrection

          Le milieu syndicaliste musulman reste sur sa position.
          La guerre n'est pas terminée et l'hostilité est sourde. La peur semble maintenant s'être emparée de certains éléments trompés par les meneurs... Les conciliabules et les inscriptions continuent : Sur l'urinoir de la Gare, " Vous pouvez détruire l'Algérie, vous ne détruirez pas l'islamisme" ; croix gammées sur différents murs de la ville...
          Le problème reste entier. Le nationalisme vit encore. Que sera l'avenir ? Les événements sont encore trop récents pour conclure. Cependant, il est à penser que les musulmans nous observent et nous jugent, en ce moment, à nos actes et à la foi que nous avons dans le triomphe de l'esprit français dans ce pays. Il faut donc que sur tous les terrains et notamment sur celui du syndicalisme, la vérité, toute la vérité reprenne ses droits afin que s'affirme, dans l'union, un idéal corporatif nouveau débarrassé de toute démagogie et duquel seront extirpés tous les miasmes de la guerre sainte antifrançaise et tous les nationalistes qui, dans l'état actuel, ont détruit, à Guelma et dans la région, le sens et l'esprit même du syndicalisme.
          L'insurrection sanglante n'a, du point de vue syndicaliste, aucun rapport avec la légende d'un complot fasciste, ... Les insurgés, armés de fusils, de haches, de serpes et de pioches, fanatisés par une longue campagne d'excitation faite sous le couvert de la religion par le P.P.A et "les amis du Manifeste" ne visaient qu'un seul but : Détruire la France dans ce pays en exterminant tous les éléments non musulmans ....
          D'où venaient les insurgés ? De la ville de Guelma d'abord, où les conditions de la vie et le ravitaillement local étaient particulièrement favorables et où la misère n'avait pas fait son apparition. Les perquisitions opérées dans les habitations des musulmans ont permis de découvrir des quantités très importantes de blé, de farine, de semoule, d'huile et toutes sortes de denrées alimentaires.
          Les insurgés venant des environs de Guelma descendaient des hauteurs surplombant la ville (Gounod, Lapaine, Petit, Millesimo, Héliopolis, Guelâat-Bou-Sba, Gallieni, Kellermann, Clauzel, Durembourg)...

          Dans toutes ces régions, des fermes et des villages sont détruits, les habitations pillées. Les conduites d'eau détruites par endroits... Des stocks de blé, par centaines de quintaux, d'huile, de tissus en ballots etc., ont été retrouvés après la fuite des émeutiers.
          Il est donc avéré que les tristes événements qui viennent de se dérouler n'ont rien d'une explosion soudaine provoquée par les conditions économiques... Seulement la guerre sainte a galvanisé tous ces hommes pour un combat qui dépasse le cadre du syndicalisme et vise purement et simplement à bouter hors de l'Algérie, par le crime et par la plus grande sauvagerie, tous les Européens qui vivent sur ce sol...
          Les Français d'Algérie font confiance (à la France) pour les remèdes à apporter à une situation qui, si elle n'était pas comprise, constituerait à brève échéance, la perte des trois départements algériens et, partant, la fin de l'Afrique du nord française... ".

          Dans les fermes et communes de la région.

          Si Guelma fut relativement épargné des massacres et des pillages grâce au sang-froid et à la rapidité d'intervention du sous-préfet Achiary, les villages et les fermes isolés, des alentours furent le théâtre de scènes dramatiques. Les récits qui vont suivre pourront surprendre ou choquer par leur violence. La précision des faits s'imposait néanmoins pour mieux évaluer le degré d'atrocité des massacres dont furent victimes des ouvriers, des agriculteurs ou de petits fonctionnaires français et pour replacer dans son contexte d'horreur, un épisode de l'histoire de l'Algérie dont certains historiens ou journalistes n'évoquent et ne développent habituellement que "leur part de vérité"...
          Certaines fermes de la colonisation sont flanquées de tours carrées ou rondes qui leur donnent des airs de petits châteaux forts : la ferme Bellevue qui domine la ville sur la route de Bône, la ferme Gauci à Aïn Defla, la ferme St Joseph au quatrième kilomètre de la route de Sédrata ou encore plus loin, avant Bled-Gaffar, la ferme Dubois qui dresse son petit donjon crénelé au-dessus de la plaine de l'oued Zimba.
          Ce qui ne semblait qu'une coquetterie architecturale devient rapidement un ouvrage de défense. Joseph Bezzina et sa femme se réfugient dans leur tour. L'ancien combattant de 14-18 et sa femme habitués des battues de sangliers, tiendront sans peine jusqu'à l'arrivée des secours.
          A Bled-Gaffar, M. Dubois, son fils et ses deux filles, se retrancheront dans leur tour pour tenir en respect les assaillants qui ne cessent de les harceler nuit et jour. Voyant qu'ils ne parviennent pas à investir la maison, ils chargent un chauffeur de camion de leur ramener de Guelma suffisamment d'essence pour incendier la maison. Ils ne s'étaient pas aperçus que le chauffeur était français.

          Sur la route de Sédrata, à 4 kilomètres de Guelma, se trouve la ferme Zara. Le père Zara François a 80 ans. Il ne veut pas quitter sa ferme. On le retrouvera assassiné.
          Sur la route de La Mahouna, à la ferme du Télégraphe, les Français furent recherchés, mais se cachèrent chez des ouvriers arabes qui les sauvèrent.

          Témoignage de M. Henri Cheymol.

          "Mes parents occupaient la ferme à 200 mètres, à droite de la route de Guelma-Souk-Ahras, un peu avant l'embranchement de la route conduisant à la gare du Nador. Cette ferme avait précédemment été occupée par les Dingli. Comme propriétaires j'ai entendu avancer les noms Sihili et Vve Ben Yacoub.
          S'y trouvaient le 10 mai 1945 : mon père, Calixte Cheymol, ma mère, ma grand-mère maternelle, mon frère âgé d'un an et demi et 4 prisonniers italiens dont je ne me rappelle qu'un nom : Maresca. Moi, j'étais à Bône, au lycée, je n'ai donc pas vécu les événements qui m'ont été rapportés.
          Mon père devait être à la gare. Il est rentré précipitamment en disant qu'une attaque était imminente. Les ouvriers et leurs familles avaient déserté la ferme ; le coup était donc préparé.
          La bâtisse était un bordj, la défense en a donc été facilitée, mais mon père ne disposait que d'une carabine. Il a bien été aidé par Maresca alors que les autres Italiens, qui ne disposaient, il est vrai, que de couteaux, se terraient dans un coin.
          Enfin de journée, des militaires sont arrivés et ont emmené les assiégés, laissant la ferme à l'abandon.
          Lorsque plus tard mes parents sont revenus récupérer ce qui pouvait l'être, les ouvriers avaient réintégré leurs gourbis. Surprise, rien n'avait disparu sauf... la provision de savon.
          Je me souviens qu'on avançait qu'un préparateur en pharmacie devait empoisonner les apéritifs du Café Glacier de Guelma où devait être fêtée la victoire ".

          Témoignage de Mme Yvette Martinez-Borg qui évoque ses souvenirs d'enfant pour raconter ce qui se passa à l'Ecole d'Agriculture, dans un faubourg de Guelma.

          "J'ai neuf ans et demi. La guerre est si loin... c'est là où sont partis mes oncles Fernand et Yves et mon beau-frère. Ils sont en Allemagne pour défendre la France.. La France, l'Allemagne, l'Italie, l'Alsace et la Lorraine les noms se mélangent dans une géographie sans cohérence mais non sans gravité et sans grandeur puisque à l'école, l'institutrice nous en parle avec émotion !

          Ce 8 mai 1945, c'est déjà l'été. Guelma s'apprête à vivre des moments de liesse. Tout autour de la ferme-école, les fossés, véritables jardins fleuris, étaient peuplés de coquelicots, de pâquerettes et autres fleurs des champs. Les écoliers devaient se réunir à l'école Sévigné avant de se recueillir au monument aux morts. Mais inexplicablement, Amar, le cocher du break de la ferme école, prompt d'habitude à répondre à nos demandes évoquait de mauvais prétextes pour nous conduire en ville. Dans un arabe que je comprenais et parlais couramment, il disait: "Non reste ici, tu es bien ici, aujourd'hui je ne t'emmène pas au bled, il va y avoir beaucoup de "trafic"; "trop de monde". Bref, las de l'implorer, avec mon frère, mes nièces et mon neveu, nous nous mettons à jouer devant la maison.
          En début d'après-midi, notre attention est bientôt attirée par une nuée d'Arabes qui courent dans les foins fraîchement coupés. Surprise de voir ces gens dans les champs de la ferme école, je monte prévenir ma mère. A l'exception de mon père qui fait la sieste et mes deux soeurs, toute la famille sort pour voir. Mais comme la foule est cachée par des bâtiments situés vers la ferme de mon grand-père du côté de l'oued Maïz, nous rejoignons les hangars. Des ouvriers nous ont aperçus et nous disent aussitôt : "cachez-vous, ne vous montrez pas". Mon père, attiré par les cris, se met à la fenêtre. Il essuie aussitôt des coups de fusils. Nous aussi devenons la cible des tireurs et dès que l'un de nous se montre, des balles sifflent. Nous ne pouvons plus revenir chez nous. Nous sommes contraints de rester là sans comprendre. Au bout d'un moment, la bande se divise en deux groupes, l'un fonçant en direction de la voie ferrée, l'autre vers la ferme de mon grand-père Etienne Ménard.
          Le premier parvient très rapidement à la voie de chemin de fer où travaille M. Gauci Jean, dit "Djeni ". C'est un homme simple qui s'est battu bravement pendant la Grande Guerre. Il a été gravement blessé à la tête et trépané. Il travaille aux Chemins de Fer Algériens. Sa principale fonction est de resserrer les boulons des traverses et d'allumer les signaux le long de la voie ferrée de Guelma à Millesimo. Comme une meute de chiens, les Arabes brandissant des couteaux et bâtons se précipitent sur lui... Jusqu'à ma mort, j'entendrai ses cris de souffrances et son agonie. Ali, nous dit : "je vais prendre le tracteur et voir". Il revient quelques instants après et il dit "mèt" (mort). Sans toujours comprendre la gravité de la situation, nous voilà en fin d'après-midi, toute la famille nous dirigeant vers le mort. Je le vois encore, pelotonné, recroquevillé sur lui-même cherchant à parer les coups, sa gorge est béante, sa couleur est bleu-rouge. Un militaire apparaît et nous conseille de vite rentrer et de fermer les portes, les Arabes, dit-il, se sont révoltés.
          Le second groupe s'excitant et s'encourageant se dirige vers la ferme de mon grand-père. Il est le seul homme âgé de 74 ans, ma tante Raymonde son fils Guy Ménard (7 mois), ma tante Varet (80 ans), et Augustine Soler Ménard (58 ans) vivent là, elles sont des proies faciles. Tout à coup, m'a raconté, plus tard, mon grand-père, à quelques centaines de mètres de sa famille, les assaillants s'arrêtent; devant eux se dresse Rabah, ami de la famille et marabout respecté. Il s'adresse aux assassins : "Avant de toucher à un cheveu de cette famille, il faudra me couper le cou". Les Arabes refluent dans le ravin et, toute la nuit, roderont autour des deux fermes. Restés éveillés nous les entendions dans les blés se diriger vers Guelma. Le 10 mai, M. Fatah, directeur de l'école est venu nous conseiller de nous replier sur la ville.

          Témoignage de Mme Pauline Lepileur née Galéa.

          "Je reparle de mon cher papa ; le 8 mai 1945, il devait assurer la tournée sur la voie ferrée. Après un contre-ordre, c'est M. Gauci Jean dit Jeani ou Djeni qui a été appelé et qui eut cette tâche. Moi je travaillais comme infirmière à l'hôpital ce jour-là, j'ai vu arriver des pauvres gens qui remplirent la morgue, ils étaient égorgés... quelle vision. Je m'étais rendue à la morgue en pleurant car je croyais que mon père travaillait sur la voie ferrée ce jour là et je tremblais en pensant que ce serait lui. On m'a dit "c'est le garde ligne" et c'était Jeani, il était massacré. Quelle barbarie, dans quel état était cet homme, il avait du terriblement souffrir avant de mourir, il était tout recroquevillé. J'ai reconnu M. Bezzina et beaucoup d'autres, les noms ne me reviennent pas. Mon Dieu, il m'est particulièrement pénible de repenser à tous ces massacres. Croyez-moi, pendant deux ans et demi d'hôpital à Guelma, j'ai assisté à de tristes moments. Heureusement que j'étais aidée moralement par M. Dubourdieu et Gilberte Blondeau ".

          À Petit

          Dans son livre, "Un drame algérien" Eugène Vallet raconte

          Le 9 mai 1945
          ".. Petit et, les fermes environnantes devaient par leur proximité de Guelma recevoir les vagues d'insurgés refoulés de cette ville... L'échec de la manifestation (à Guelma) du 8 mai à 17 heures dérangea le plan prévu ... Les groupes arrivant à Guelma dans la matinée du 9 mai et trouvant la ville calme, rebroussèrent chemin. C'est surtout à ces groupes qu'il faut attribuer les assassinats de Français isolés. "

          Dans le plan des émeutiers, c'était d'abord la ville de Guelma qui devait être investie et occupée, les villages et les fermes avoisinantes ne devant être pris que dans un second temps. L'échec de la manifestation du 8 mai à Guelma désorganisa les plans et les insurgés chassés de la ville refluèrent vers les villages et les fermes. Cela explique que Guelma fut assaillie le 8 mai après midi, les villages et les fermes, le lendemain.

          Dans les environs de Petit, M. Vella Victor vient d'être démobilisé, et se promène sur la route accompagné de deux jeunes filles, Mlles Soukhal Louise et Anne. Ils furent soudain assaillis, tués à coups de fusil, le ventre ouvert. Les jeunes filles se sauvèrent mais furent rattrapées, violées et tuées à coups de bâtons sur toutes les parties des corps et principalement à la tête, par une dizaine d'individus.
          M. Samati, coiffeur à Alger, péchait au bord de la rivière. Il fut tué à coups de boussaadi.
          Les époux Winschel métayers à la ferme Prunetti, à 10 kilomètres de Guelma, furent massacrés le 9 mai, vers 15 heures. Cinq prisonniers italiens qui travaillaient dans cette ferme furent arrêtés et relâchés parce qu'ils "n'étaient pas Français".
          A Petit, dans le village, huit maisons furent dévalisées et les meubles brisés.

          Témoignage de M. Henri Franchi.

          Je revenais sur ma carriole avec un indigène quand j'ai été arrêté par des Arabes qui avaient des fusils Lebel à baïonnette de la guerre de 14/18. Ils ont demandé à l'Arabe qui m'accompagnait si j'étais Français. Celui-ci répondit négativement. Il l'interrogèrent à mon sujet et il répondit : "C'est un kabyle". Il me sauva la vie. A cet endroit, se trouvaient étendus les corps de Nicolas Winschel et de Mme Maria Winschel. Ils étaient disposés de telle façon qu'en avançant, ma voiture risquait de leur écraser la tête. Mme Winschel était toute ensanglantée, les jupes relevées. Sur l'accotement un cheval avait les yeux crevés par des chevrotines.
          Ils nous laissèrent passer et je partis au galop. Je tentais de me réfugier dans une ferme, mais le gérant me fit de grands signes pour que je m'en aille de peur de le faire repérer. Je continuais ma route et à Guelma, à hauteur du garage de Gaëtan Ferro, je rencontrais un barrage de militaires qui me laissèrent passer.
          J'étais en sûreté ; je suis allé à la gendarmerie pour raconter mon aventure, mais proche de l'évanouissement, il me fallut du temps pour me remettre et donner les informations. Un groupe de militaires tentèrent de récupérer les corps des époux Winschel mais durent rebrousser chemin devant le nombre d'Arabes armés qu'ils ont rencontrés"

          A Bled-Gaffar

          Témoignage de M. Sauveur Fénèch.

          "En 1945, je travaillais comme chauffeur chez les frères Badi et le 8 mai, j'ai assuré un transport à Sédrata. Les informations que nous avions reçues de façon voilée des musulmans qui nous étaient fidèles n'étaient pas rassurantes mais nous n'avions peut-être pas pris conscience de la gravité des dangers qui menaçaient la communauté européenne de Guelma et de ses environs.
          Dans la plaine qui précède le village de Lapaine, je fus arrêté par un groupe d'une centaine d'Arabes qui me demandèrent si j'étais Arabe. Je leur répondis par l'affirmative. Alors leur chef me dit : "Récite la Prière" et, avec accent et dans une langue arabe que je possédais parfaitement je dis : "Dieu est Dieu ; Mohamed est son prophète". Alors, ils conclurent que j'étais un des leurs. L'un d'eux monta à côté de moi et les autres grimpèrent sur le plateau du camion. A Lapaine, la receveuse des postes était dehors et les Arabes qui étaient montés dans le camion se mirent à l'insulter. J'ai alors accéléré pour éviter qu'ils ne descendent. En levant les yeux, j'ai aperçu Charles Zara et sa femme qui s'étaient réfugiés dans le grenier de leur maison. Plus loin, nous nous sommes arrêtés à hauteur de la ferme Bezzina ; les Arabes m'ont dit qu'ils avaient tué Dominique Bezzina. Plus loin, à la ferme Dubois, ils sont descendus du camion et j'ai pu constater que sept cadavres gisaient à terre. Les Arabes qui étaient là me dirent alors : "A Guelma, va voir Flifa, le chaouch du Docteur Lakhdari et dis lui que nous ne pouvons pas prendre la ferme des Dubois retranchés dans leur tour". J'arrivais ainsi jusqu'en ville. Au rond-point du monument aux morts, je fus pris de tremblements et je m'arrêtais. Les frères Bezzina me demandèrent si je n'avais pas de nouvelles de leur frère Dominique. Je n'ai pas osé leur dire la vérité
          Je suis allé à la gendarmerie pour raconter mon aventure".

          Dans la ferme de Dominique Bezzina, se trouvent réunis les grands-parents de Mme Bezzina et Mme Teuma, leur belle fille et sa soeur et deux très jeunes enfants. C'est grâce au témoignage de Mme Laurent Teuma que la relation exacte de l'assassinat de Dominique Bezzina pu être établie.

          Récit transcrit par M. Guy Bezzina.

          "Un peu plus bas, chez Dominique Bezzina, le courage n'est pas nécessaire pour investir une ferme largement ouverte et occupée par deux hommes, quatre femmes et deux petites filles. Marie-Claude a trois ans et Monique, deux ans.
          Le mouvement insurrectionnel couvait depuis plusieurs jours. Le sous-préfet est passé. il y a deux jours, et a soupé à la ferme. Il a vivement conseillé à Dominique de rentrer à Guelma. Dominique est un doux. II entretient avec les ouvriers de la ferme des rapports de confiance et, au sous-préfet qui le presse de partir, il répond avec une naïveté désarmante : "Mes ouvriers, je les connais tous, ce sont mes enfants... "
          Dans la nuit, l'appel à la guerre sainte a été lancé dans toutes les mechtas avoisinantes. En ce matin du 9 mai, la campagne d'ordinaire si calme, s'anime d'une foule inhabituelle. Des groupes, de plus en plus importants passent sur la route devant la maison. La trayeuse qui a la charge de traire le lait à l'arrivée des troupeaux fait la lessive devant la maison dans un lavoir en pierre. Il va être midi. La table est mise.
          L'été commence. Les petites filles ont mangé. On les a déshabillées pour faire la sieste et couchées dans la chambre dont les stores ont été tirés.
          Un groupe s'arrête devant la maison et discute à haute voix avec la blanchisseuse.
          Yvonne, l'épouse de Dominique est prise d'angoisse. Elle va chercher le fusil de chasse et le tend à son mari. Dominique se fâche : "O toi, dit-il à Yvonne, tu dramatises tout ; va cacher ce fusil ! Je vais leur parler". Le fusil disparaît entre le matelas et le sommier du lit d'une chambre voisine. Dominique sort et ferme la porte derrière lui.
          Aux éclats de voix qui parviennent de l'extérieur, la famille prend conscience du drame qui commence. Une trappe dans la cuisine donne accès au sous sol. Les femmes tentent de l'ouvrir, en vain. La trappe est bloquée.
          Les vociférations redoublent. Une pierre brise une vitre et tombe sur le carrelage.
          Yvonne, les grands-parents et les deux jeunes femmes se précipitent dans la pièce où dorment les enfants. Derrière la fenêtre, un appentis couvre un hangar où est remisée une batteuse. C'est par là qu'il faut se réfugier. La grand-mère n'est plus très agile et envisage de rester surplace. L'énergie de ses filles bouleverse sa résignation. Les petites filles sont enlevées revêtues de leur seule chemise. L'exercice est périlleux mais la peur et l'imminence du danger effacent les hésitations. Le mur de la fenêtre est escaladé; chacun glisse sur le toit et saute jusqu'à terre. Yvonne casse une tuile et se blesse.
          La grand-mère, les trois femmes et les deux petites filles se sont réfugiées contre la batteuse. Elles font silence et perçoivent encore mieux le brouhaha qui redouble au-dessus. Soudain, un cri violent, déchirant, un de ces cris qu'une vie entière ne suffit pas à étouffer. Dominique vient d'être abattu à coups de hache... mais elles ne le savent pas encore.
          Un jeune ouvrier passe devant elles et les aperçoit. Elles le supplient de ne rien dire. Il s'éloigne.
          Deux coups de feu retentissent. Des bruits de meubles qu'on renverse et de vaisselle qu'on brise parviennent de la maison dans un fond de vociférations mais peu à peu le grondement s'apaise et le silence s'installe progressivement.
          L'ouvrier revient et repasse devant le groupe. II leur dit. : "M'sieur Dominique mèt" (mort).
          Yvonne blêmit. Dominique est mort !
          L'attente commence alors; l'attente de quoi ? d'une délivrance à moins que ce ne soit de l'arrivée de manifestants qui les découvriront toutes ! Le sort des femmes capturées est trop connu... dans des fermes alentour, au même moment, des jeunes filles ont été violées avant d'être égorgées. L'angoisse, la peur et le chagrin les paralysent. La grand-mère prie et fait prier. Les chapelets succèdent aux chapelets. Marie-Claude et Monique s'ennuient. Elles trouvent le temps long et demandent "Quand est-ce qu'on va voir Tonton Dominique ? ". Un nid de guêpes a été dérangé. Les petites filles ont été piquées. Elles pleurent. Leur mère tente d'étouffer leurs cris, la main sur la bouche.
          Yvonne est prostrée. L'annonce brutale de la mort de Dominique l'a anéantie.
          Des manifestants courent encore autour de la ferme. Ils passent devant elles et ne les aperçoivent pas. L'après-midi s'achève et les ombres s'allongent. La nuit va venir.
          Dans la pénombre incertaine du soir, une silhouette s'avance avec précaution. Elle s'approche des femmes et leur dit : "Venez, suivez-Moi !". C'est Hasni, un ouvrier agricole de la ferme Poggi. "'
          Que faire ? Est-il ami ou non ? Les circonstances ne laissent pas de choix. Elles suivent Hasni sur un sentier qui traverse les champs vers le ruisseau et remontent vers la ferme Poggi que gère M. Quinsat.
          La pièce est obscure, éclairée par une lampe-tempête qui frime. Des tapis sont étalés sur le sol. L'Arabe les réconforte, les rassure, leur offre de la galette et du petit lait. Les petites filles s'endorment.
          Le matin du 10 mai, mon père et mon oncle tentent d'aller chercher leurs frères sur la route de Sédrata. Ils ont pris une vieille auto et, armés de leurs fusils de chasse, sont partis. Ils parviennent jusqu'au quatrième kilomètre, sans encombre, à la ferme où les attendent Joseph et Joséphine. Ils tentent de poursuivre jusqu'à Bled-Gaffar, mais, à hauteur de la ferme Missud ils aperçoivent des groupes au loin. Il font demi-tour et rentrent à Guelma.
          A Bled-Gaffar, les petites filles ont retrouvé leur joie de vivre, parlent, se disputent et chantent... On tente de les faire taire. Pour couvrir ces bruits, les enfants de l'ouvrier arabe jouent bruyamment autour de la maison.
          Les caves vinicoles de la ferme Quinsat semblent plus sûres et un repli est organisé. Avant le jour, Hasni conduit ses protégées à la cave où les attend Mme Ouinsat. Mme Ouinsat est une femme énergique. Elle manie le fusil et est décidée à mourir plutôt que de se laisser prendre. Elle porte sur elle des ampoules de strychnine dont elle saurait se servir en cas de besoin. L'attente et l'angoisse allongent les heures. Dans cette cave sombre, on campe entre les citernes vides et inutiles. Il y a longtemps que les vignes de Bled-Gaffar ont été arrachées.
          Hasni revient. Les nouvelles sont mauvaises. Il dit : "Ils savent que vous têtes là et ils veulent vous tuer... Mais moi, je vous défendrai jusqu'au bout : j'ai quelques cartouches ! Ils me tueront moi et ma famille avant de vous atteindre". ` L'angoisse monte avec l'attente.
          Soudain, un brouhaha et les éclats confus d'une discussion parvient jusqu'à la cave. C'est la fin. Mme Quinsat veut distribuer les ampoules. Le portail s'ouvre. Hasni s'avance suivi d'un officier français casqué. Nini est prise d'un rire nerveux qu'elle ne peut arrêter. L'officier la calme par une magistrale paire de gifles.
          Une automitrailleuse vient d'arriver de Tunisie. Les soldats entassent précipitamment les rescapées dans le véhicule et partent rapidement vers le village pour évacuer les autres Français. Sur la route, des coups de feu éclatent. Les Arabes tirent sur l'engin blindé et provoquent les ripostes.
          Dans le jour finissant, le convoi arrive à la ferme. Le corps de Dominique est étendu sur l'allée, recouvert de la nappe de la table de la cuisine. Dans la maison, les meubles sont renversés, la vaisselle brisée. Les armoires ont été vidées. Dans la chambre où dormaient les petites filles une statue de la sainte Vierge gît à terre, brisée et parmi les débris, la chaîne et la médaille de Marie-Claude ont échappé aux pillards.
          Marie-Claude et Monique demandent : "On va chercher Tonton Dominique... ".
          Tonton Dominique a été placé dans une camionnette qui précède l'auto mitrailleuse et le convoi roule vers Guelma.
          Les petites filles demandent à leur mère "Où est tonton Dominique ?".
          On leur répond qu'il est dans la voiture qui précède.
          Alors, Marie-Claude dit à Monique "Allez, Monique, chante avec moi pour faire plaisir à tonton Dominique... " et les petites filles se mettent à chanter...

          À Lapaine et Sédrata

          Lapaine est un village ou plutôt un hameau distant de Bled-Gaffar de 2 kilomètres. Il y a là quelques maisons abritant 3 ou 4 familles d'agriculteurs. Le 9 mai 1945, il n'y avait que 4 hommes et 9 femmes au village. Dès la première alerte, tout le monde se réfugie chez M. Messerschmitt, sauf Mme Lucie Ménard, receveuse, qui ne veut pas quitter la Poste dont elle à la responsabilité. Elle est avec sa fille Alice, 17 ans.

          "A la poste, Lucie Ménard et sa fille Alice, passèrent la nuit terrées dans la maison sous les jets de pierres. Au matin, les Arabes s'enhardirent et commencèrent à défoncer la porte tout en vociférant des menaces précises. Mme Ménard comprit donc qu'avec sa fille, elles subiraient un viol collectif avant la mort. Apeurée et tremblante, elle jugea que leur dernière heure était venue. Elle se dit : 'plutôt tuer ma fille et moi-même que de subir ces outrages". Elle tira avec force un tiroir où était rangée la vaisselle pour se saisir d'un couteau et ce geste leur sauva la vie car, entendant le bruit fait par la ferraille se répandant à terre, brusquement les assaillants prirent peur et s'en allèrent. Dans l'après-midi du 10 mai des chenillettes et des camions chargés de volontaires vinrent porter secours au village et ramenèrent Mme Ménard. Celle-ci, avant de partir, se chargea des documents administratifs de la poste et de son chien. Quand elle revint sur les lieux beaucoup plus tard, sa maison était complètement pillée, il ne restait plus rien ".

          Dans l'après-midi, cinq collégiens(14) arrivaient de Guelma après avoir échappé par miracle à une agression collective aux environs de Bled-Gaffar.
          Venus en congé scolaire, ils avaient profité du départ d'une camionnette chargée de légumes conduite par Ahmed Caoucaou qui se rendait de Guelma à Sédrata. Arrêtés à la ferme Ben Ikhlef par des centaines de manifestants armés de couteaux, de fourches et de haches, on leur demanda s'ils étaient français ou juifs.
          Devant leur silence, les assaillants les bombardèrent de pierres et ils n'eurent la vie sauve que grâce à l'intervention du chauffeur qui réussit à repartir. Ils arrivèrent à Lapaine fortement commotionnés et diversement blessés.
          Dans la soirée, les assiégés étaient sommés de rendre leurs armes à défaut de quoi, ils seraient attaqués et tués. Dans un geste d'apaisement, trois fusils de chasse furent livrés, mais toute la nuit la maison fut lapidée.
          Le lendemain, M. Arella qui avait quitté Guelma très tôt pour se rendre à Sédrata, prend conscience de l'hostilité des groupes qu'il rencontre et s'arrête à Lapaine où il rejoint la maison Messerschmitt.
          Vers 8 heures, l'administrateur de Sédrata, M. Seguy-Villevaleix accompagné de quelques hommes, arrive. Il est arrêté par un barrage dressé sur la route à l'entrée du village. Pris sous le feu des émeutiers, il riposte, les met en fuite et réussit à libérer le groupe des assiégés.
          Le retour à Sédrata de tous les rescapés ne se passe pas sans encombre. Trois barrages doivent être démolis sous les tirs des agresseurs ; L'adjudant Lo Pinto est blessé au visage, aux mains, au ventre et à la gorge. Le gendarme Gaillard est également blessé.
          A Sédrata, les 120 européens se sont regroupés à l'école, à la Gendarmerie et dans des maisons transformées en camp retranché en attendant l'intervention de l'armée.
          Lorsque Lapaine retrouve ses habitants, le village est saccagé, les meubles brisés, les maisons pillées.

          À Millesimo

          Témoignage de Mireille Foglia qui se souvient, plus de cinquante ans après, de ces jours tragiques et nous les raconte.

          "L'été était précoce cette année-là, le blé déjà haut dans la région de Guelma.
          Heureuse de l'armistice, la population de Millesimo (une centaine de Français avec les fermes environnantes, 5.000 Arabes, douars compris) avait décidé de fêter l'événement par une réunion amicale à l'école, durant l'après-midi.

          Parmi les Français, peu d'hommes jeunes : des premiers mobilisés en 1939, quatre étaient prisonniers depuis cinq ans ; les plus jeunes, après avoir combattu en Italie et participé à la libération de la France s'y trouvaient encore. Vers 14 heures, avec quelques personnes chargées de l'organisation de ces réjouissances, j'étais devant l'école lorsque M. François Julia, venant de Guelma en voiture à cheval, s'arrêta pour nous prévenir de l'encerclement du village par des Arabes armés de couteaux, haches, fusils de chasse ; lui, regagnait son village, Petit, distant de 4 kilomètres.
          L'incrédulité fit rapidement place à l'inquiétude. Malgré quelques manifestations avec drapeaux nationalistes à Guelma et à Bône, le 1er mai, nul n'imaginait une révolte sanglante.
          Un instant plus tard. M. Antoine Gauci, qui exploitait une ferme à quelques kilomètres de Petit, suivant le même itinéraire que M. Julia, confirma la gravité de la situation, extrêmement tendue à Guelma. Accompagné d'un prisonnier italien(15), Paolo Bali, il retournait vers son domicile ... qu'il n'atteindra jamais.
          Avertis, nous apercevions en effet, des mouvements suspects dans la plaine qui s'étendaient de l'extrémité du village jusqu'à la ville ; les rebelles, 3.000 selon les estimations officielles, s'étaient dissimulés dans les champs de blé : des têtes émergeaient ça et là, puis disparaissaient.
          Un regroupement de la population au centre du village fut décidé. M. Crespo, qui occupait la maison "Samuel-Roche" bien située et assez vaste, offrit l'hospitalité.
          Le petit groupe se disloqua pour prévenir familles, amis, se munir de provisions, couvertures et armes. Il n'y avait pas un Arabe dans la rue ; trois ou quatre gamins, faussement indifférents, jouaient dans la ruelle, sur le côté de l'école... près de la cloche. Nous apprendrons plus tard qu'ils avaient pour mission de la faire sonner lorsque tous les Français seraient rassemblés.
          L'école était située dans la partie basse du village ; j'habitais à l'opposé, dans une rue parallèle. J'empruntais la grande rue, puis une rue perpendiculaire et vis, devant la maison Monnier, accroupi et adossé au mur, un homme tenant une rose à la main : Hamada, ancien militaire que je connaissais bien. Il prétendait avoir perdu ses papiers en 1940, réclamait une pension et me sollicitait souvent pour sa correspondance avec l'armée.
          Lorsque j'arrivais à son niveau; il éleva lentement la fleur, l'agitant de gauche à droite. En une seconde, je compris qu'il s'agissait d'un signal destiné à un groupe d'hommes que je n'avais pas encore remarqué, à demi-caché dans les herbes, sous un bosquet, assez loin, au delà de la route. Sans ralentir mon allure, attendant un coup de feu, je l'interpellais gaiement à propos de la victoire. Il ne se passa rien. Que signifiait ce signal ?
          Une demi-heure après, le guetteur avait disparu, quand je passais à nouveau devant la maison avec mes parents pour rejoindre le lieu de notre rassemblement.
          Dans ces moments dramatiques, événements et nouvelles se bousculent, se précipitent. Alors que M. Julien Favard, facteur, revenait de la gare à bicyclette, un Arabe caché dans le fossé lui lança un énorme gourdin pour le déséquilibrer ; il vacilla, mais réussit à poursuivre sa route vers le village.
          Une carriole chargée de foin s'arrêta devant l'habitation .de M. Joseph Missud : le malheureux gisait au-dessus ; il avait fauché son champ non loin de là et avait été abattu sur le chemin du retour ; son cheval le ramenait chez lui.
          A la caserne de Guelma, les troupes, peu nombreuses, étaient presque exclusivement composées de tirailleurs algériens. Des avions venant de Sétif, nous évitèrent une attaque en survolant à basse altitude les rives de la Seybouse et les champs truffés de rebelles. Une garde civile s'organisa pour la nuit.
          Dans la soirée, un camion militaire bâché, fit une halte devant notre regroupement. A l'intérieur, deux morts que les militaires cherchaient à identifier. Il s'agissait de M. Antoine Gauci et du prisonnier italien, Paolo Bali.
          Le soir même, des perquisitions effectuées au domicile de personnes soupçonnées appartenir à un parti subversif révélèrent l"'existence de listes presque toutes élaborées par un employé musulman de la mairie que nous appelions "Kateb" (secrétaire en arabe). Certaines étaient très révélatrices des intentions des émeutiers : en face de chaque nom arabe, figurait le nom d'une femme française... Leur choix était fait. J'avais été épargnée pour cette raison !
          Au domicile de Hamada le "guetteur"; on découvrit un drapeau français souillé de façon significative !
          Nous avons vécu ainsi rassemblés, presque une semaine. Le pain manquait ; on lui substitua la galette.
          La distribution d'armes aux prisonniers italiens avait constitué un renfort appréciable et permit, lorsque chaque famille regagna son domicile d'organiser des patrouilles nocturnes pour assurer notre protection.
          Dans la mémoire de ceux qui ont vécu ces tristes événements, la commémoration de cette date historique réveille toujours un sombre écho".

          À Héliopolis

          La victoire devait être fêtée fastueusement et un couscous pour 1.000 convives arabes avait été préparé. Il n'en vint que 18. Dès que les manifestations de Guelma furent connues, la population européenne se réfugia au moulin Lavie où la défense pu être organisée. Le lendemain, des rassemblements étaient signalés dans la vallée de la Seybouse et, vers 15 heures, un groupe de 200 hommes armés de grenades, de mitraillettes et de fusils allemands étaient signalés près du cimetière.
          Vers 10 heures, le passage d'avions militaires disperse les groupes. Dans la soirée, M. Guiraud prend contact avec les notables et prévient qu'il fera raser les maisons du village si les agressions devaient se préciser. Cette menace est dissuasive. Dans la journée du 10 mai, la liaison est rétablie avec Guelma. Dans la mine de soufre de la région, le personnel de l'exploitation s'est retiré dans une galerie en posant des mines à l'entrée pour en interdire l'accès. Pourtant, dans la soirée du jeudi, M. Baptiste Valensi, cantonnier sera assassiné dans l'allée de sa maison.

          À Gounod

          Comme dans les autres villages, Gounod, à 32 km de Guelma et perché à 940 mètres d'altitude, n'échappe pas à ces manifestations. Dans son livre, Eugène Vallet, raconte

          "La première manifestation se traduit par la rupture des relations téléphoniques avec Guelma.
          Le 10 mai au matin, le courrier Gounod-Guelma avait pris la route. L'autocar dût rebrousser chemin du P. K 17. Les deux européens qu'il transportait ont été menacés de mort. Des équipes indigènes abattent les poteaux téléphoniques et démolissent la route à coups de pioches. Le village est encerclé par des bandes armées.
          Vers 11 heures, un colon, rentrant du travail est l'objet d'une agression à main armée et échappe de justesse à la mort. La population se replie vers la gendarmerie.
          Une réunion de dirigeants indigènes et de notables européens a lieu. Les émeutiers se déclarent en mesure de garantir la sécurité à la population française si celle-ci dépose les armes. Les attroupements deviennent de plus en plus menaçants. Des cavaliers arrivent et réclament l'extermination des français.
          A 21 heures, les troupes françaises stationnées à Oued Zénati arrivent à Gounod. L'atmosphère se détend.

          Ces événements constituent sans doute l'une des pages les plus sombres de l'histoire de Guelma. Les opérations militaires qui suivirent pour libérer la ville, les villages et les fermes provoquèrent des morts dont le nombre a été manifestement amplifié car les chiffres avancés sont extravagants : 45.000 morts. Or, Francine Dessaigne cite : "Le Major Rice, retransmet un rapport de l'état major des troupes britanniques en A.FN., le 24 mai, indiquant qu'il y a une grande similitude entre ce rapport et le rapport JICAME produit la semaine précédente". On lit au chapitre quatre
          "Les chiffres donnés le 17 mai sont :
          - Européens tués : deux cent deux (202).
          - Arabes : neuf cent à mille" (900 à 1.000).

          Maurice Villars, dans son livre "La vérité" sur l'insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois" écrit

          "Le bilan est très lourd pour les Européens, officiellement 102 tués, 110 blessés graves dont certains décéderont des suites de leurs blessures. Parmi les musulmans fidèles à la France, plus de 800 firent exécutés sommairement par les insurgés.
          Du côté des insurgés, il est difficile de donner un chiffre exact car nous n'avons aucun élément pour le faire si ce n'est celui qui a été publié par le Gouverneur Général de l'Algérie Yves Chataigneau qui indique 1.150 tués. Le Gouverneur a fait comparer le nombre de cartes d'alimentation présenté "après" l'insurrection avec le nombre de cartes distribuées "avant"".

          Les débats qui portent sur ces journées dramatiques ignorent toujours que tout débuta par une agression massive et généralisée des Arabes contre la communauté européenne, que les premières victimes furent françaises et que leur mort fut souvent accompagnée d'actes de sauvagerie et de barbarie révoltantes comme le sont encore, aujourd'hui, sur cette même terre, les assassinats de femmes et d'enfants algériens... Sinistre continuité !
          Pourtant, au milieu de tant de sauvagerie et de cruauté, il y eut des Arabes, qui n'hésitèrent pas à risquer leur vie pour sauver celle de leurs amis français. Ces actes de courage, ne doivent pas être oubliés ; ils apportent la preuve de liens authentiques, tissés par 130 années de vie partagée sur une terre aimée, malgré les différences existant entre communautés.

          Pour en revenir à ces journées sanglantes du printemps 1945, la Dépêche de Constantine du 16 mai titre

          "Les révoltés des arrondissements de Sétif et Guelma ont fait leur soumission. Le sous-préfet de Guelma et le colonel commandant la subdivision se sont rendus le 15 mai à 10 heures à Laverdure pour recevoir la soumission totale des rebelles de la commune mixte de la Séfia qui ont demandé pardon de leurs actes ".

          Le voile se lève lentement sur la tragédie qui vient d'ensanglanter notre région. L'insurrection synchronisée qui a déferlé comme une lame de fond sur les villes, les villages et les hameaux perdus à travers le bled a laissé derrière elle des morts et des ruines. Le bilan est doublement cruel : physique et moral. La vérité est décevante : le rejet de la France est la cause même du drame et non pas certaines exégèses équivoques. Voici ce qu'écrivit un journaliste de la dépêche

          "Je viens de parcourir la région de Guelma. L'épouvante accablait d'une lourde torpeur les gens et les choses. J'ai vu des centres déserts, abandonnés ou pillés. J'ai vu le douloureux cortège des populations en détresse fuyant leur foyer, courbées sous des fardeaux rassemblés à la hâte et sous le cauchemar des visions terrifiantes. A travers l'immensité d'une campagne éblouissante de grâce, la vie s'était brusquement retirée. L'émeute avait vidé les routes et les champs. Silence oppressant, interrompu ici et là par les échos poignants de récits que nous faisaient les victimes du drame aux épisodes divers étonnants de contraste. Mais ce n'était là que la révélation de la tragédie qui, à partir de Guelma, allait prendre un esprit pathétique.
          II était 17 heures lorsque les autorités pénétrèrent dans la ville, M. le sous-préfet Achiary qui était venu les accueillir à la limite de l'arrondissement, les accompagnait. Dans la ville encore parée de drapeaux tricolores hissés pour fêter la victoire, la réception prit une allure imposante d'union.
          C'est que cette ville avait vécu des heures douloureuses, les manifestants indigènes, au nombre de plusieurs milliers, avaient tenté un coup de force, brisé par l'énergie du sous-préfet, la crânerie du maire, M. Maubert et la ferme résolution des Guelmois. Le danger immédiatement écarté, une garde civique fut aussitôt constituée. C'est elle qui rendait les honneurs dans la cour de la gendarmerie où avait lieu le rendez-vous des autorités, cohorte émouvante de volontaires de toutes conditions, de toutes opinions, de tous les âges, symbole de la fraternité française. Un équipement hétéroclite souvent même archaïque, n'enlevait rien à la gravité de ces soldats unis dans un élan spontané.
          Une autre cérémonie allait se dérouler dans le jardin public où étaient provisoirement inhumés les victimes de l'émeute des centres environnants. Les sépultures s'ornaient d'un simple drapeau".

          En reconnaissance à M. le sous-préfet Achiary

          Fin mai, une imposante manifestation s'est déroulée à l'occasion de la remise par le comité d'organisation du "Bijou-Souvenir" offert par la population de l'arrondissement à M. le sous-préfet Achiary, promu au grade de chevalier de la légion d'honneur pour sa magnifique conduite lors des événements survenus le 8 mai..
          Entouré des personnalités civiles et militaires dans un grand silence, M. Achiary déposa une gerbe au pied du monument aux morts.
          Puis vinrent les discours et M. Sihili, oukil judiciaire, conseiller municipal, lut les traductions en Arabe.
          Au milieu des applaudissements, M. Besson remit à M. Achiary, en lui donnant l'accolade, une magnifique croix de la légion d'honneur offerte par tous les habitants de l'arrondissement.
          Les personnalités musulmanes s'exprimèrent à leur tour. Ce fut d'abord M. Kadi Ahmed Salah, président de Djemâa de la commune mixte de la Séfia. M. Messaria Ali, secrétaire du douar Beni-Barbar, de la commune mixte de Souk-Ahras. Puis M. Belaïd Chérif, muphti de la mosquée, prit la parole en arabe et son allocution traduite par M. Messai Tayeb.
          Enfin, un noble vieillard à barbe blanche, le marabout Si Hadj Tahar ben Tem, de Medjez-Sfa, prit la parole en arabe pour saluer le général de Gaulle "Que son nom soit inscrit dans tous les coeurs". S'adressant aux musulmans, il leur déclara

          "Sachez que 115 ans sont déjà révolus depuis que Dieu nous a réservé le bonheur d'avoir la nation française avec nous. Elle a instruit nos enfants, respecté notre religion, épurés nos moeurs, agrandi nos richesses. Que Dieu préserve sa puissance et la rend toujours victorieuse de ses ennemis".

          Quant à M. le sous-préfet André Achiary, après cette marque de reconnaissance des Guelmois, il fut mis à la disposition du Gouvernement Général de l'Algérie.

(1) Au parti communiste notamment, M. Thorez déclare "qu'il fallait détruire impitoyablement les rebelles algériens" et l'Humanité traite "Messali et les mouchards à sa solde, d'instruments de la grosse colonisation". (L'histoire de l'Algérie de Xavier Yacono - Edition de l'Atlanthrope).
(2) Eugène Vallet - Un drame algérien - Les Grandes Editions Françaises - Paris - 2ème trimestre 1948
(3) Chant national musulman
(4) Ne faudrait-il pas lire plutôt "A bas le colonialisme" ?
(5) Monsieur Maubert
(6) M. Regui était le propriétaire arabe du Café Glacier, l'un des cafés les plus importants de la place Saint-Augustin. Il était soupçonné d'activités nationalistes.
(7) M. Cheylan a participé â la défense de Guelma. II a été de ce chef rayé de la C.G.T d'Alger. Ses camarades français de la section locale se sont solidarisés avec lui en une éloquente affirmation.
(11) Mon pays, mon pays...
(12) Long couteau dont la lame est pointue, tranchante et effilée. Elle est généralement faite à partir des lamelles d'acier de suspensions de camion. Les Arabes s'en servent pour égorger les moutons.
(13) Formation d'une garde civile pour protéger la population menacée qui n'a rien à voir avec la "milice de Vichy".
(14) II s'agissait de Marcel Zammit (18 ans), Mare Rudeman (18 ans), Guy Tivol (16 ans), Marcel Tivol (15 ans) et Ferdinand Carré (15 ans).
(15) De nombreux prisonniers étaient employés dans l'agriculture.