N° 104
Mars

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2011
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les derniers Numéros : 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101,102, 103,
  Que l'Algérie était belle   
Par : Inconnu, sur un air de Jean Ferrat
EDITO

   DEMOCRATIE OU THEOCRATIE   

    Chers Amis,

     La Tunisie, l'Egypte, la Libye avec leurs touristes profitant " hier " des plages, des hôtels, des beautés naturelles du patrimoine des siècles passés et aussi de prix attractifs de leurs séjours avec la chaleur humaine et l'ordre établi ; c'était très bien pour les aveugles individualistes qui ne voulaient pas voir la misère humaine qui sévit gravement.

    Mais demain, pour vivre en paix avec bonheur et prospérité, ces pays auront besoin d'une autre stabilité politique démocratique, économique et débarrassée de toute corruption sans oublier une laïcité qui est réclamée par les peuples.

    Les " Chefs Dictateurs " des pays limitrophes ou semblables renforcent leurs armées policières ou répressives à coup d'augmentations de salaire, font un semblant de social et se terrent dans leurs palais parce qu'ils savent que leurs peuples aspirent à la même libération.

    Les pays dits " riches " et occidentaux restent attentifs à ce qui se passe et disent qu'ils n'ont rien vu venir. Ce sont des menteurs car leurs observateurs voyaient la misère de ces peuples et mesuraient leur grogne qui montait, surtout celle des jeunes qui avaient accès à Internet.

    Mais ces pays avaient tous des relations privilégiées et complaisantes à l'égard des chefs d'état ou gouvernements corrompus au pouvoir dictatorial alors qu'il fallait rompre toute relation avec ces oligarchies liberticides.

    Comme d'habitude, les premiers à se réjouir de ces soulèvements populaires, se sont les USA dont on se doute bien qu'ils en seraient à l'origine. Ils espèrent évincer la Chine et la Russie et trouver de nouveaux débouchés pour leur économie et vendre encore des armes.

    En Europe les " Droits de l'Homme " sont devenus les droits de certains hommes par la faute des intellectuels ; des associations à but inavoué ; des gouvernants aveugles ou électoralistes ; des journaleux ou professeurs idéologistes géopolitiques et géostratégiques ; alors que dans ces pays en révolution, les " Droits de l'Homme " gardent tout leur sens originel avec la privation des libertés.
        Ces donneurs de leçons, qui ne pensaient pas que les pays arabes pouvaient tenter de faire, si vite, leur révolution au nom de la démocratie et de la laïcité, sont assis le cul entre deux chaises car ils sont incapables de dire qui sera le véritable vainqueur : la Démocratie ou la Théocratie.

    Pour évoluer plus rapidement vers la modernisation de ces sociétés dont le niveau d'alphabétisation et de régulation des naissances se rapprochent des notres, ces révolutions doivent être toute dirigées et accompagnées vers la liberté démocratique et non théocratique, car la course de vitesse est engagée entre ces deux aspirations.

    D'ailleurs, " Nicolas 1er ", dans sa courte allocution télévisée de dimanche 27 février, en a montré une certaine inquiétude avec un remaniement ministériel et en se " souciant " de la prochaine vague d'immigration dont le ressac arrive sur les cotes européennes. Ces immigrés, au lieu de faire évoluer leurs libertés chez eux, ne pensent qu'à venir en Europe où les avantages sociaux seront plus rapides et plus volumineux que les bénéfices de leurs révolutions car ils ne sont pas certains d'avoir encore vraiment gagné en démocratie, en liberté et droits de l'homme.

    Et c'est là, encore une fois, que les occidentaux font défaut en n'obligeant pas et n'accompagnant pas chez eux ces peuples à restaurer et construire leurs pays, et non pas à les mettre dans des camps provisoires. Si cela n'était fait, ces pays retrouveraient très rapidement de nouveaux dictateurs et tous les gouvernements occidentaux s'en contenteraient une fois de plus tandis que les peuples retomberaient encore plus bas au point d'accélérer leur fuite.

    Le chaos annoncé en Europe en serait plus rapide et les révolutions prévues en occident en seraient plus sanglantes. Le spectre des jours sombres se profile à l'horizon.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


MON FRERE
Auteur : René Mancho
Envoyé Par Christian

     

          Si t'as pris la valise et parfois le cercueil
          Et que tu marches droit malgré tous ces écueils.
          Dans les plis du drapeau, si t'as séché tes larmes
          Et que vaincu mais fier t'as déposé les armes.
          Si tu regardes devant sans oublier l'histoire
          Et que de tes racines tu gardes la mémoire.
          Si la vue d'une orange te transporte vers ailleurs
          Où la vie était douce et pleine de chaleur.
          Si tous ces morts pour rien hantent encore tes nuits
          Et que parfois tu hurles pour pas qu'on les oublie.
          Si tu penses à tes pères qui traçaient les sillons
          Et arrosaient la graine de leur transpiration.
          Si le soleil a fui mais qu'il est dans tes yeux
          Et transforme ta voix en accent merveilleux.
          Alors redresses toi tu peux en être fier
          Maintenant j'en suis sur, t'es un pieds-noirs mon frère.



CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI COQ Y LI CHACAIL
[FABLE IMITÉE DE LA FONTAINE]

             On vio coq digourdi, y tot à fi canail,
             Y son voir bor la route, on citoyen chacail
             Qui sarchi bor mangi, y qui vian divan loui
             Barc' qui santi cit coq, y vouli mangi loui.
             Li coq qui la couni, y mont sor on arbre
             Il attend cit chacail, y son rire dans son barbe.
             Barc' qui jami il peut, ousqu'il est bor monti,
             Y qui bor lui mangi, y po pas l'attrapi.
             Ci loui là il arrive, y son fir la grimace,
             Y dira bor cit coq : " Discende que ji t'embrasse "
             Ojord'houi nos ons fit on gran réounion.
             Y nos on dicidi, mangi rien qu' di moton,
             Maint'nant ci fini, nos mangeons plus li pole,
             Tos nos avons voti, y doni not barole.
             Cit soir ti vira bian, qu'il metra dans l'jornal,
             Bor qui ti fir la fite, y qu'ti donne on gran bal.
             Nos dansons mon zami, comme ton frire y ma sore
             Descend qui ji t'embrasse, car ji t'aime plous encore.
             Li coq (cit gran canail), y dire : - " Ji va bloré,
             Tillement ji soui contan, banc' qui ji t'a trové.
             Ji descende to di souite. Ma ji voir bor la route
             Qui viendra do slougui, bor cit affire san doute ?
             Y son marchi bian vite, y j'attend qui viandra,
             Bor ji ti fir bousbous, y tas c'qui ti vodra. "
             " Marci bian mon zami, qui dir ci chacail,
             Bor borter cit novel, bisoan qui ji m'en aille.
             Ji viandra, pri douman, barc' qui ji soui bressé,
             Ji mon pitit qui m'atan, la bas, ji li laissé. "
             Li chacail son barti, y bensi bor la route :
             " Ji crois qui cit vio coq, y sa fouti di toi,
             Quand j' li voir j'i croyé qui ji.fir bon cascrote
             Y maint'nant do slouguis, son corir après moi ".
             Li coq loui y son rire, y dit : " Cit grand maboul,
             Tillement qu'il a por, qui son perdi la boul. "


MORALE

             Borquoi qui li venir, bor mi fir coillonner.
             Barc' qui vos ites malin, ti sarchi di fromage ?
             Moi ji croi mon zami, millor ti bardonner,
             Barc' qui ti y a la force, ma ti n'a pas l'corage. "


 
RETOUR SUR L'HISTOIRE DE FRANCE, IL Y A 50 ANS...
Envoyé par Mme. Marie


                  Jeunes amis de France, vous assistez, aujourd’hui, à des révoltes sanglantes dans le monde arabe. Et vous êtes indignés par les atrocités que ces chefs d’Etat, présidents ou rois, font subir à leurs peuples.

                  Vous avez raison de vous émouvoir car nous sommes tous très attachés à la Défense des Droits de l’Homme.

                  Nous l’avons été, aussi, en notre temps, lorsque la « révolution algérienne »s’est manifestée par les actes terroristes du FLN. Quatre années de souffrances et de massacres que les gouvernements français de l’époque avaient peine à juguler…

                  Jusqu’à un certain 13 mai 1958.

                  Lorsque, sa patience et son civisme, durement mis à l’épreuve depuis des années par la terreur, le peuple Français d’Algérie, musulmans et européens unis, descendit dans la rue pour demander le départ des gouvernants incapables de faire régner la paix dans le pays.

                  Jusque là, vous en conviendrez, il n’y a aucune différence entre les manifestations de rues des tunisiens, des égyptiens, des algériens, des libyens ou des yéménites, aujourd’hui et les français d’hier, en Algérie française, qui réclamaient le changement dans la politique menée par leur président.

                  Non… ne dites surtout pas : « oui, mais là-bas, c’était différent ».

                  Le peuple - n’importe quel peuple - ne se révolte que pour de bonnes raisons.

                  Et, dans les pays arabes d’aujourd’hui, c’est la tyrannie, la dictature, dans lesquelles ils sont plongés, qui font descendre les peuples dans la rue.

                  Ce qui vous choque et vous inquiète, avec raison, c'est la réponse des autorités, par les répressions sanglantes dont ils sont les victimes pour oser se révolter contre « le Pouvoir de leurs chefs d’Etat ».

                  Aujourd’hui, de tous les gouvernements occidentaux, partent des condamnations envers ces despotes qui osent faire tirer sur les peuples désarmés. Ils ont raison, bien sûr.

                  Mais, comme vous n’avez jamais vécu en Algérie Française, il nous faut vous expliquer que ces tyrans arabes ne font que reprendre, à la lettre, les mesures répressives employées, en son temps, par « notre » général De Gaulle, président de la République française, lorsqu’il faisait tirer, en 1960 - 1961 - 1962, sur les civils Français qui manifestaient dans les rues d’Alger ou d’Oran, pareillement à ces populations en colère qui manifestent dans les rues de Tunis, du Caire, de Sanaa, de Manama ou de Tripoli.

                  Y aurait-il une différence entre les actes odieux et criminels d’un Kadhafi, d’un Ben Ali, d’un Bouteflika, d’un Moubarak et les actes odieux et criminels de De Gaulle ?

                  Lorsqu’il a fait tirer au canon et par l’aviation, contre les populations de Bab el Oued, qu’il a sciemment encerclées et affamées parce qu’il pensait que la résistance à sa politique indépendantiste partait de ce quartier d’Alger.

                  Lorsqu’il a donné l’ordre à l’armée française - NOTRE armée - de tirer dans les rues de France, à Alger, sur des manifestants pacifiques et désarmés, hommes femmes et enfants, qui demandaient que l’Algérie restât à la France.

                  Lorsque les combats de rues engageaient l’armée française, autorisée à ouvrir des feux nourris d’armes lourdes contre les contestataires de la politique algérienne du gouvernement que nous appelons les « résistants ».

                  Lorsque les half track de la gendarmerie française, sillonnaient les rues dans les villes du pays, pointant leurs canons sur les populations sans défense et que les gendarmes français enlevaient les retardataires qui se trouvaient, malheureusement, sur leur passage pour les remettre aux terroristes sanguinaires du Fln.

                  Lorsque les tortures, aujourd’hui encore décriées par droit de l’hommistes et imputées à l’armée française, ont été pratiquées sur leurs frères français dont le seul crime était de vouloir résister à la politique du chef de l’Etat, De Gaulle.

                  Et, de loin, l’acte le plus ignoble de ce tyran fou est d’avoir interdit, sous peine de graves sanctions, aux chefs militaires de rapatrier, en France, les Harkis -militaires français- que l’armée avait enrôlés pour combattre les terroristes pendant huit années.

                  Ces mêmes harkis, qui, grâce à certains officiers supérieurs révoltés par cette mesure et contrevenant aux ordres de De Gaulle, avaient été embarqués dans un bateau vers la métropole, mère patrie, pays des Droits de l’Homme, bateau qui fut interdit d’accostage dans les ports de France et renvoyé en Algérie où ils se firent tous massacrer, dès leur arrivée, par les indépendantistes assoiffés de vengeance.

                  La même ignominie se répéta pour les quelque 3000 européens français qui, restés au pays comme le leur conseillait le président De Gaulle, furent massacrés, à Oran, par les algériens, sous les yeux de l’Armée française qui avait reçu l’ordre de l’Etat de ne pas intervenir pour les protéger.

                  Voyez-vous, dans ces actes terrifiants, l’ombre d’une démocratie ?

                  A-t-on condamné ce tyran, ce despote, ce fou, pour crimes contre l’humanité ?

                  A-t-on entendu ces gouvernants US ou Allemands ou Anglais ou d’autres, s’élever contre le despotisme, la tyrannie, les crimes, de ce général-président de la France qui faisait tuer ses propres citoyens français, son peuple au désespoir, parce qu’il osait s’élever contre la décision du Pouvoir, « son » Pouvoir ?

                  Nous n’avons rien entendu. Pourtant, les faits narrés ci-dessus sont vérifiables dans tous les livres d’historiens écrits par d’honnêtes français, civils et militaires, traitant de cette période de l’Histoire de France, sous la Vème République de De Gaulle.

                  Jeunes amis de France, si vous aviez vécu sous ce régime, diriez-vous que De Gaulle était un dictateur ? Certainement.

                  Qu’il était à l’image d’un Bouteflika, d’un Kadhafi ou d’un Ben Ali, certainement.

                  Parce qu’il a usé des mêmes moyens que ceux-là, sans, pourtant, jamais avoir été ni condamné ni même critiqué par l’opinion publique.

                  Au contraire, la presse qu’il contrôlait, qu’il censurait, la presse du Pouvoir, ne diffusait que les informations (la désinformation) qui allaient dans son sens, confortant sa politique et cachant généreusement les exactions de son président.

                  Oui, Jeunes amis de France, le général De Gaulle était un dictateur.

                  Pourrez-vous, maintenant, comprendre les actes de résistances qui se sont manifestés contre les répressions sanglantes dont nous avons été les victimes sous le régime gaulliste ?

                  Comprendrez-vous que nous demandions, depuis cinquante ans, de l’Etat français, qu’il reconnaisse sa responsabilité dans tous les crimes commis sur la population française, par le président de la France, au nom de la France, de 1958 à 1962 en Algérie ?

                  Admettrez-vous, qu’aujourd’hui, nous nous gaussions d'un président de la République française, Nicolas Sarkozy, se réclamant du gaullisme, prêt à envoyer son armée avec celles des américains et des anglais, investir la Libye pour protéger le peuple opprimé par le dictateur Kadhafi ?

                  Certes, au nom du Droit à la Liberté des peuples à décider d’eux-mêmes, ces populations n’ont pas à subir les crimes dont elles sont les victimes.

                  Mais, si la France daignait balayer devant sa porte, avant que de se mêler des affaires des pays voisins opprimés, elle gagnerait en crédibilité et certainement à la sérénité et à l'apaisement de tous les Français

                                                                        Louis des Issambres

LE MUTILE N° 192, 8 mai 1921

LA LOI DE HUIT HEURES

NE SERA PAS APPLIQUEE A L'AGRICULTURE

         M. Daniel-Vincent, Ministrte du Travail, a fait, au Sénat la déclaration suivante qui a été très applaudie.
        " En ce qui concerne l'extension à I'agriculture de la loi de huit heures, question qui devait être posée à la Conférence internationale de Genève, nous nous maintiendrons sur la position nettement prisa par le gouvernement précédent.
        . "La loi de huit heures n'a été adoptée par le Parlement que parce qu'il l'a considérait comme le fruit d'une longue évolution ; cette évolution s'est produite dans l'industrie, mais non dans l'agriculture. Au surplus, ainsi que M. de Monzie l'a établi, l'absence des syndicats ouvriers agricoles rendrait impossible l'application de la loi. Nos délégués à Genève proposeront de retirer cette question de l'ordre du jour.
        " Même proposition sera faite pour la question de l'âge d'admission des enfants aux travaux agricoles.
        " La participation des enfants à des travaux est la forme essentielle du travail familial dans les campagnes françaises.
        " Les enfants y prennent leur premier bain d'hygiène physique et morale et font l'apprentissage du labeur aux côtes du père. D'ailleurs, nous avons, en cette matière, une base solide ; la loi scolaire fait durer la discipline scolaire jusqu'à l'âge de 13 ans. "

" LE MUTILE ".              
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AVENIR DE L'EST
Extraits des chroniques
du Journal de Bône, Constantine, Guelma
Source BNF       

           Bône, le 1er février 1901 <

          
           Nos Détracteurs

           Nous avons eu, en Algérie, des caravanes politiques qui, pour rester couleur locale, traînaient après elles un nombre respectable de chameaux ; nous avons eu des caravanes d'excursionnistes, des commissions d'enquête et des commissions d'études.
           Tous les gens qui en faisaient partie, se sont extasiés sur la beauté du pays, la douceur du climat, la qualité des produits et la facilité des relations. 11s ont mangé notre couscous, dégusté notre petite piquette, fumé notre tabac, ils se sont rincés l'oeil chez les bayadères du haut Alger ou du vieux Biskra. Puis ils sont partis en agitant leur mouchoir par dessus les bastingages du paquebot et en criant de toute la force de leurs poumons : " Au revoir ! Epatant ! Merci ! Nous reviendrons !
           Au quatorzième tour d'hélice, ils ne pensaient plus à nous.
           Et huit jours après, à Paris, quand on leur parlait de leur voyage :
           Ah oui ! L'Algérie ! Peuh ! Vous n'avez rien perdu, très cher. Figurez-vous l'Exposition avec quelque cinquante heures de Chemin de Fer et trois jours de mal de mer en plus, des décors moins frais, de costumes et des femmes moins propres et des banquettes non rembourrés.
           Pour les Chinois, le nombril de Bouddha était le centre du monde pour nos caravaniers, l'Algérie tient toute entière, entre les deux hanches de la belle Fatima.

           Ils viennent nos visiteurs, ils arrivent, effarés, craintifs, rêvant de lions, de simoun et de razzia.
           Ils repartent l'estomac détraqué par les menus des banquets officiels, les moelles vides, les membres brisés, le cerveau rempli de toute une fantasmagorie bizarre, où les Ouleds-Naïls, devétues, les cavaliers de fantassins, les peaux de pantheres, les uniformes chamarrés et les moutons rotis dansant un quadrille échevelé.
           Non seulement ils quittent l'Algérie sans la connaître, mais encore Ils gardent d'elle une idée fausse qui se retourne contre nous.
           Ils nous oublient mais ils conservent une Impression vague de bazar clinquant, de tam-tam et de houris qui, par la suite, vient encore confirmer cette légende généralement admise en France, qui veut que l'Algérie ne soit qu'une sorte de longue et large rue du Caire, partant de La Calle pour aboutir à Nemours.
           De tous nos détracteurs, nos visiteurs, - détracteurs involontaires, il est vrai, - sont les plus dangereux.

           Il faut reconnaître, cependant, que c'est un peu de notre faute et que C'est nous-mêmes qui avons créé de toutes pièces cette nouvelle catégorie de débineurs.
           Si au lieu de montrer à ceux qui viennent nous voir, la Casbah d'Alger ou les ruines de Timgad, nous les engagions à parcourir la vallée du Sahel ou la plaine de Bône ; si en place de leur présenter un Sidi ben … quelque chose, somptueusement revêtu d'un costume chamarré qu'Il doit encore au mozabite du coin, nous les mettions en présence d'un bon vieux colon aux mains caleuses qui, depuis quarante ans pousse la charrue devant lui pour féconder un coin de la terre conquise, nous donnerions peut-être à nos hôtes une idée plus vraie du pays qu'ils sont venu visiter.

           Ils comprendraient alors, que derrière cette Algérie, dépeinte par Daudet, derrière cet Orient en carton-pâte, derrière cette Algérie en burnous et en haick, qui se déhanche et caracole, il en existe une autre: l'Algérie laborieuse qui peine travaille et produit, l'Algérie du colon, du commerçant, de l'industriel, l'Algérie réserve, l'Algérie grenier l'Algérie espérance, l'Algérie France Nouvelle de Prevost-Paradol.

           William Gaillard.          

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  LA CAROUBE, LA PECHE  
par M. Charles Ciantar


LOUPPINO Roch et le cageot d’oursins
Il était aussi un chasseur au fusil harpon émérite,
tous les jeunes qui habitaient autour de la chapelle Saint-Michel
étaient en admiration devant ses pêches.


LE LOUP
Bernard CIANTAR
Le fusil Harpon, confectionné par ses soins, était fait avec un manche à balai et des élastiques de lance pierre

LES MEROUS Photo J Claude STELLA
Pierrot BEZE, J. José JARDINO,
Emmanuel ZAMMIT


Charles CIANTAR sous l’eau

Charles CIANTAR

Nicole PETRONI Photo J Claude STELLA

Wanda FORTE,
Nicole PETRONI,
Nadia FORTE Photo J Claude STELLA

Xavier FORTE Photo J Claude STELLA
Requin Marteau pêché
par Mr Fernand PETRONI

Poisson : Un ange de mer
J. C POLIS Philippe TARENTO
au centre avec le béret
Henri TARENTO
Philippe TARENTO (petit-fils)

Au premier plan à droite

Un Espadon
M. Lucien MATRE, Raoul DELARBE,
Henri TARENTO
et Roger Jean CAMILLERI
AU FOND

<
Poisson :Un ange de Mer
De G à D : José Bonnett, J.C Polis, Philippe Tarento,
Joseph Bonnett, Raoul Delarbe, Henri Tarento,
Philippe Tarento (le Grand père), Thérèse Bonnett, Bonnett Jean Michel et Danièle


Philippe TARENTO - Raoul DELARBE - Roger Jean CAMILLERI - Sylvain TARENTO


L’Ange de Mer
De G à, Raoul Delarbe, Philippe Tarento, Mme Camilleri,
Joséphine Bonnett, Thérèse et Joseph Bonnett
Derrière eux Roger Jean Camilleri Et Philippe Tarento à droite en partie caché

La Caroube était aussi un poste important pour les bonites.
Chaque année au mois de septembre un «Outs» (genre le grand bateau noir à deux pointes) et ses pêcheurs venaient placer leurs filets à la pointe de la Caroube pendant une semaine. Il fallait voir leur joie quand il rentraient avec le bateau plein à ras bord de bonites.

Ciantar.charles@wanadoo.fr


LE SAINT DE BORDJ-BOU-ARRERIDJ
Envoyé par Julio Bénidetta

        Histoire hautement symbolique d'un Saint homme, le plus illustre de la région de Bordj-Bou-Arréridj et dont la renommée et le culte persistent encore aujourd'hui.LE SAINT DE BORDJ-BOU-ARRERIDJ

        Le tombeau du religieux appelé par les indigènes Sid Betka, corruption de Abou Teka (le père de la piété), est situé à environ 800 mètres au Sud de la ville de Bordj-Bou-Arréridj; au-dessus de la sépulture du fameux merabet, les fidèles ont édifié une koubba vers 1838; cette koubba tombant en ruines, fut restaurée en 1890, au moyen d'une souscription ouverte par les musulmans. Le tombeau de Sid Betka, objet de la vénération générale de la population musulmane, est très visité par les croyants de toutes les catégories : femmes stériles ou qui désirent un petit garçon, les malheureux en ménage, les commerçants, les voyageurs et aussi quelquefois les malfaiteurs viennent solliciter l'intervention du saint pour la réussite de leurs petites affaires. Lorsque dans une discussion quelconque un indigène affirme un fait et que son contradicteur met en doute sa parole, le premier des deux s'écrie, élevant la voix : Iguetani Sid Betka (que Sid Betka me coupe en morceaux!) Cette invocation suffit le plus ordinairement à convaincre l'incrédule ou, tout au moins, à donner plus de poids aux arguments qui lui sont exposés.

        C'est aussi sur la tombe du santon que les indigènes vont prêter serment lorsqu'un différent les divise, et à ce propos on cite plusieurs arabes ayant perdu la vie ou un membre à la suite d'un faux serment!


        Le merabet Abou Teka eut une existence assez mouvementée, si l'on en croit la chronique; tout d'abord, de trop complaisants biographes locaux lui attribuent la fameuse Saguiat et Hamra du Maroc comme patrie: cette région du Mohgreb, habitée par les Cheurfas qui prétendent descendre de Mohammed, est souvent revendiquée comme patrie d'origine par des merabtines algériens, toujours soucieux d'augmenter leur influence auprès de leurs crédules coreligionnaires; aussi, l'allégation relative à la noble origine d'Abou Teka, mérite-t-elle d'être recueillie avec la plus grande réserve.
        Abou Teka serait venu en Algérie après de nombreux avatars au Maroc, à l'époque d'Abd es Selam, le Khalifa d'Abd et Kader, vers 1836; il étudia d'abord à la zaouïa de Ben Daoud, située dans la dechra (hameau) de Tasselent de la tribu nomade Illoula d'Akbou, sous la direction du lettré Sid Saïd ben hou Daoud, de la secte des Rahmania. Ce dernier, avant de mourir, reconnaissant la fermeté des convictions religieuses du jeune étudiant Abou Teka, fit promettre à ses adeptes d'édifier une koubba sur la tombe de son élève lorsque se dernier viendrait à mourir. Au décès de son maître, Abou Teka quitta Tasselent, se rendit dans la Medjana, construisit une masure et vécut très pieusement de la charité publique. Sa réputation d'homme sage grandit rapidement et de tous les points de l'Ouennougha, de la Medjana, des Maâdid et aussi du pays d'Akbou, les fidèles accouraient entendre la bonne parole, demander au saint sa protection. Sur le point de mourir, Abou Teka recommanda à ses coreligionnaires de l'enterrer sur l'endroit où la mule qui porterait son cadavre s'arrêterait. A sa mort en 1838, ses prescriptions furent exactement suivies ; son cadavre soigneusement enveloppé, lié entre deux perches, fut placé sur une mule dont la tête était dirigée dans la direction de la Mecque ; l'animal partit et s'arrêta non loin de la ville de Bordj-Bou-Arréridj. Abou Teka y fut enterré et les Khouans de la secte Rahmania, se rappelant la recommandation de Sidi Sadd ben bou Daoud, construisirent au-dessus de la tombe une koubba.

        Il n'existe pas de descendant direct d'Abou Teka, mais la koubba est surveillée par un oukil : Si Abderrahmane ben Daoud, originaire d'Illoua et petit parent du fameux mokaddem de Tasselent. Ce brave oukil estimant qu'en outre des questions spirituelles il doit être tenu compte du côté matériel, a imaginé un moyen commode d'augmenter ses ressources : tous les jours du marché hebdomadaire de Bordj-Bou-Arréridj, qui se tient le mercredi, Si Abderrahmane place le vieux drapeau de la koubba sur le bord du chemin de M'sila, à quelque distance du tombeau Sid Betka, la hampe du drapeau est fichée en terre, et quelques pierres placées circulairement et entourant le dit drapeau, constituent une petite mezara, destinée à recueillir ce que les fidèles veulent bien donner.

        Dans cette mezara, les passants qui n'apportent aucune denrée sur le marché jettent quelques sous ou une bougie, les marchands de bois de Mekarta y placent un ou deux morceaux de leur combustible, les gens de Ksour, marchands d'oignons, de navets ou de pomme de terre, y déposent quelques produits de leurs jardins. Tous ces objets, abandonnés ainsi sur le chemin, sont respectés par les passants et malgré qu'ils excitent la convoitise de certains chenapans toujours prêts à s'approprier le bien d'autrui, les dits chenapans, craignant la colère de Sid Betka, se gardent bien d'y toucher, les considérant comme sacrés.

        En homme avisé, Si Abderrahmane, connaissant bien la crédulité, la foi religieuse des indigènes, les a ainsi amenés à augmenter hebdomadairement et très sensiblement les revenus de la koubba : ziaras, zerdas. Il a aussi escompté que cette façon anonyme de donner, plairait à certains indigènes dont la conscience n'est pas tranquille! Aussi, l'ingénieux et pratique oukil se réjouit-il de sa création, lorsqu'il se rend le mercredi soir, sur le point où flotte la vieille loque de drapeau de Sid Betka; il ramasse, avec bonheur, les diverses offrandes qui s'y trouvent et en rentrant l'après-midi, dans sa demeure, contiguë à la koubba, il ne manque pas à la prière de l'acer de glorifier le Maître des Mondes et en passant près du tombeau de Sid Betka de saluer aussi la mémoire du saint qui coopère d'une façon si tangible, à son entretien, à celui de sa famille, lui permettant ainsi de lutter avantageusement contre la vie chère et songeant incontestablement que le métier de merabet a du bon.

        Extrait de "Notes sur quelques Merabtines vénérés du département de Constantine" de Achille Robert - 1925.

        Le tombeau du religieux appelé par les indigènes Sid Betka, corruption de Abou Teka (le père de la piété), est situé à environ 800 mètres au Sud de la ville de Bordj-Bou-Arréridj; au-dessus de la sépulture du fameux merabet, les fidèles ont édifié une koubba vers 1838; cette koubba tombant en ruines, fut restaurée en 1890, au moyen d'une souscription ouverte par les musulmans.
        Le tombeau de Sid Betka, objet de la vénération générale de la population musulmane, est très visité par les croyants de toutes les catégories : femmes stériles ou qui désirent un petit garçon, les malheureux en ménage, les commerçants, les voyageurs et aussi quelquefois les malfaiteurs viennent solliciter l'intervention du saint pour la réussite de leurs petites affaires.
        Lorsque dans une discussion quelconque un indigène affirme un fait et que son contradicteur met en doute sa parole, le premier des deux s'écrie, élevant la voix : Iguetani Sid Betka (que Sid Betka me coupe en morceaux!) Cette invocation suffit le plus ordinairement à convaincre l'incrédule ou, tout au moins, à donner plus de poids aux arguments qui lui sont exposés.

        C'est aussi sur la tombe du santon que les indigènes vont prêter serment lorsqu'un différent les divise, et à ce propos on cite plusieurs arabes ayant perdu la vie ou un membre à la suite d'un faux serment!

        Le merabet Abou Teka eut une existence assez mouvementée, si l'on en croit la chronique; tout d'abord, de trop complaisants biographes locaux lui attribuent la fameuse Saguiat et Hamra du Maroc comme patrie: cette région du Mohgreb, habitée par les Cheurfas qui prétendent descendre de Mohammed, est souvent revendiquée comme patrie d'origine par des merabtines algériens, toujours soucieux d'augmenter leur influence auprès de leurs crédules coreligionnaires; aussi, l'allégation relative à la noble origine d'Abou Teka, mérite-t-elle d'être recueillie avec la plus grande réserve.

        Abou Teka serait venu en Algérie après de nombreux avatars au Maroc, à l'époque d'Abd es Selam, le Khalifa d'Abd et Kader, vers 1836; il étudia d'abord à la zaouïa de Ben Daoud, située dans la dechra (hameau) de Tasselent de la tribu nomade Illoula d'Akbou, sous la direction du lettré Sid Saïd ben hou Daoud, de la secte des Rahmania.
        Ce dernier, avant de mourir, reconnaissant la fermeté des convictions religieuses du jeune étudiant Abou Teka, fit promettre à ses adeptes d'édifier une koubba sur la tombe de son élève lorsque se dernier viendrait à mourir.
        Au décès de son maître, Abou Teka quitta Tasselent, se rendit dans la Medjana, construisit une masure et vécut très pieusement de la charité publique. Sa réputation d'homme sage grandit rapidement et de tous les points de l'Ouennougha, de la Medjana, des Maâdid et aussi du pays d'Akbou, les fidèles accouraient entendre la bonne parole, demander au saint sa protection.
        Sur le point de mourir, Abou Teka recommanda à ses coreligionnaires de l'enterrer sur l'endroit où la mule qui porterait son cadavre s'arrêterait. A sa mort en 1838, ses prescriptions furent exactement suivies ; son cadavre soigneusement enveloppé, lié entre deux perches, fut placé sur une mule dont la tête était dirigée dans la direction de la Mecque ; l'animal partit et s'arrêta non loin de la ville de Bordj-Bou-Arréridj. Abou Teka y fut enterré et les Khouans de la secte Rahmania, se rappelant la recommandation de Sidi Sadd ben bou Daoud, construisirent au-dessus de la tombe une koubba.

        Il n'existe pas de descendant direct d'Abou Teka, mais la koubba est surveillée par un oukil : Si Abderrahmane ben Daoud, originaire d'Illoua et petit parent du fameux mokaddem de Tasselent.
        Ce brave oukil estimant qu'en outre des questions spirituelles il doit être tenu compte du côté matériel, a imaginé un moyen commode d'augmenter ses ressources : tous les jours du marché hebdomadaire de Bordj-Bou-Arréridj, qui se tient le mercredi, Si Abderrahmane place le vieux drapeau de la koubba sur le bord du chemin de M'sila, à quelque distance du tombeau Sid Betka, la hampe du drapeau est fichée en terre, et quelques pierres placées circulairement et entourant le dit drapeau, constituent une petite mezara, destinée à recueillir ce que les fidèles veulent bien donner.

        Dans cette mezara, les passants qui n'apportent aucune denrée sur le marché jettent quelques sous ou une bougie, les marchands de bois de Mekarta y placent un ou deux morceaux de leur combustible, les gens de Ksour, marchands d'oignons, de navets ou de pomme de terre, y déposent quelques produits de leurs jardins.

        Tous ces objets, abandonnés ainsi sur le chemin, sont respectés par les passants et malgré qu'ils excitent la convoitise de certains chenapans toujours prêts à s'approprier le bien d'autrui, les dits chenapans, craignant la colère de Sid Betka, se gardent bien d'y toucher, les considérant comme sacrés.

        En homme avisé, Si Abderrahmane, connaissant bien la crédulité, la foi religieuse des indigènes, les a ainsi amenés à augmenter hebdomadairement et très sensiblement les revenus de la koubba : ziaras, zerdas. Il a aussi escompté que cette façon anonyme de donner, plairait à certains indigènes dont la conscience n'est pas tranquille!
        Aussi, l'ingénieux et pratique oukil se réjouit-il de sa création, lorsqu'il se rend le mercredi soir, sur le point où flotte la vieille loque de drapeau de Sid Betka; il ramasse, avec bonheur, les diverses offrandes qui s'y trouvent et en rentrant l'après-midi, dans sa demeure, contiguë à la koubba, il ne manque pas à la prière de l'acer de glorifier le Maître des Mondes et en passant près du tombeau de Sid Betka de saluer aussi la mémoire du saint qui coopère d'une façon si tangible, à son entretien, à celui de sa famille, lui permettant ainsi de lutter avantageusement contre la vie chère et songeant incontestablement que le métier de merabet a du bon.

        Extrait de "Notes sur quelques Merabtines vénérés du département de Constantine" de Achille Robert - 1925.



HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                                    (1560-1793)                                   (N°5)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

PREMIÈRE PARTIE
LES ORIGINES (1560-1635)

CHAPITRE III (suite)
L'ÉTABLISSEMENT DES CONSULS
ET DES MARCHANDS FRANÇAIS
DANS LES ÉCHELLES DE BARBARIE

            On ne sait quel fut le succès de la négociation entamée par le baron de Sancy, mais, en 1626, " les pauvres français détenus esclaves pour la trahison et vol " de Castellane étaient encore en captivité.
            Il parait que le Sultan avait envoyé en France un ambassadeur pour se plaindre et qu'on l'avait retenu " quatre mois enfermé dans la maison, de l'avertissement de S. M., sans qu'il eût moyen de sortir du tout". C'est ce qui avait dû tout gâter et l'on comprend quel put être le ressentiment de Muley Zeïdan. Cependant, dans l'état d'affaiblissement où était son autorité, il devait tenir à se réconcilier avec la France car, peu après, en 1669, il fit très bon accueil au chevalier de Malte, Isaac de Razilly, envoyé pour la première fois en mission au Maroc(1). Ce marin, " l'un des meilleurs conseillers et auxiliaires de Richelieu dans le développement maritime et commercial que celui-ci entreprit de donner à la France(2) ", fut l'un des hommes qui devaient le plus contribuer à établir notre influence et notre commerce au Maroc : il y joua un rôle analogue à celui que remplit si bien, presque en même temps, Sanson Napollon à Alger. En 1619, il n'était pas chargé seulement de négocier la délivrance des Français, mais un véritable traité d'alliance. Comme on commençait alors à reprendre la politique de Henri IV, la mission de Razilly avait dû être inspirée par celle de de Lisle.

            Cependant, Il parait qu'il l'avait lui-même sollicitée sous l'inspiration de son frère aîné. Les propositions faites à Muley Zeïdan furent si bien accueillies qu'il envoya un " gentilhomme maure en France vers S. M. pour la remercier... des témoignages qu'elle lui avait envoyé offrir de son amitié le suppliant de vouloir nommer le sieur de Razilly l'aîné(3) pour ambassadeur ajoutant qu'il proposait cette personne en particulier pour être en créance dans l'esprit du roi son maître... qu'à peine pourrait-il prendre assurance en un autre de qui la réputation ne serait pas si publique dans ses États ". Cependant, malgré les efforts de l'agent marocain, c'est un Provençal, Claude du Mas ou du Mastet, qui fut envoyé au Maroc pour le rachat des captifs. L'agent assurait qu'il n'y aurait pas de sûreté pour ce personnage peu agréable au roi son maître qui, " l'ayant vu dans ses côtes et ses pays avec déplaisir " ne lui en permettrait jamais l'approche. En effet, à peine du Mas eut-il descendu à terre qu'il fut arrêté, fait prisonnier, mis aux fers et il mourut dans une dure captivité.

            Le gouvernement était alors absorbé par la première lutte contre les protestants ; Isaac de Razilly y fut employé, mais, en 1623, il était libre ; il reçut alors un gentilhomme français évadé du bagne de Maroc, " duquel il apprit le déplaisir que témoignait ressentir le roi de ce pays pour la mort du sieur de Rasilly son frère aîné et pour ce que lui-même il discontinuait de travailler à l'accommodement des deux couronnes. "

            Aidé du P. Joseph, il obtint une seconde mission et partit au mois de mai 1624 avec trois vaisseaux, accompagné de trois capucins choisis par son protecteur qui voulait les établir au Maroc, pour le service et la consolation des chrétiens, résidents ou esclaves(4). Mais il parait qu'un Provençal, jaloux de l'entreprise de Razilly, persuada au sultan que le but de l'expédition était de s'emparer du port de Saffi où elle était débarquée. Peut-être Muley Zeïdan ne fut-il pas fâché de saisir ce prétexte qui lui permettait de prendre des otages pour obtenir la réparation qu'il n'avait pas encore obtenue de la trahison du consul Castellane. Quoi qu'il en soit, Razilly, après avoir débarqué à Saffi le 4 octobre, reçut les meilleures assurances et un passeport en bonne forme du roi pour se rendre à Maroc, fut arrêté avec ses compagnons par le gouverneur de Saffi. " Les ayant dépouillés… on les fit monter à cheval et, liés, ils furent conduits captifs dans l'armée du roi au milieu de son camp." Cependant, Razilly ayant obtenu de voir Muley Zeïdan parvint à se disculper et, mis en liberté sur parole, fut renvoyé en France avec le frère Rodolphe, un des capucins qui l'accompagnaient, pour faire connaître au roi les réclamations du sultan au sujet de l'affaire Castellane. Le cardinal et le P. Joseph trouvèrent raisonnables les propositions du prince marocain(5). C'est alors que Razilly présenta à Richelieu son remarquable mémoire du 29 novembre 1626, où Il lui démontrait éloquemment la nécessité de développer notre marine, notre navigation et de créer des colonies. Il y protestait contre cette opinion de " plusieurs personnes de qualité, même du conseil.... que la navigation n'était point nécessaire en France... et que les Français ne sont pas capables d'entreprendre des voyages de long cours ni planter colonies." Quand on attrait une bonne marine, il indiquait comme une des premières expéditions à faire celle du Maroc. " Il faudrait aller mouiller l'ancre à la rade de Salé avec six navires...

            Et du même voyage, on pourra traiter la paix avec ledit empereur de Maroc et retirer les pauvres Français détenus esclaves. Et du même voyage... l'on pourra laisser cent hommes à l'île de Montgaddor située à portée de canon de la terre ferme, à 32° de latitude, île très aisée à fortifier. Il y faudrait mettre six pièces de canon et laisser du biscuit aux cent hommes et avoir nombre de planches de sapin pour y faire des maisons, car d'autres forteresses il n'en est pas besoin d'autant que l'île naturellement est toute fortifiée. Faudrait établir dans icelle un commerce de toile, fer, drap, et autres menues marchandises jusques à la somme cent mil écus par an. L'on aura de la poudre d'or en paiement, dattes et plumes d'autruche. Et l'on pourrait tirer quelques chevaux barbes des plus forts et meilleurs de l'Afrique. Le profit de la vente des marchandises pourrait monter à 30 % de gain, d'autant que le voyage est fort court, car des côtes de France, ayant bon vent, l'on y peut être en huit jours. C'est avoir un pied dans l'Afrique pour aller s'étendre plus loin ".

            Ce mémoire fut bien accueilli ; mais, pendant trois ans, Richelieu fut trop absorbé par la guerre contre les protestants pour songer à tenter l'expédition qu'on lui conseillait(6). Dès que la soumission des huguenots fut assurée, l'influence du Père Joseph en fit décider l'envoi. Razilly, avec le titre d'amiral, fut mis à la tête d'une escadre. Peut-être se défiait-on de son esprit aventureux, car le P. Joseph lui fit promettre de suivre les avis d'un de ses officiers, du Chalard, qui avait la confiance du Cardinal. Razilly avait pour instruction d'offrir au roi de Maroc un présent de 100,000 livres, de conclure un traité de paix et de commerce, de ramener les captifs et d'occuper Mogador ; au besoin, il ne devait pas reculer devant l'emploi de la force pour remplir sa mission.
            Dans l'été de 1629, Razilly vint, avec une force considérable de sept navires(7), bloquer Salé, la seule ville du Maroc qui armât alors des corsaires.

            Cette ville, qui avait été considérée au moyen-âge comme le premier port de tout le royaume de Fez, puis était tombée en décadence, venait de prendre une nouvelle importance depuis l'expulsion des Morisques d'Espagne, en 1610. Elle en reçut trois à quatre mille.
            Ces Andalous, ou Grenadins, comme on les appelait communément, pleins d'énergie et de ressentiment contre les chrétiens, organisèrent pour la première fois la course en grand au Maroc. Ils s'y jetèrent avec d'autant plus d'ardeur qu'ils n'avaient pas d'autres ressources et qu'ils y trouvèrent de grands profits. Bientôt, les corsaires Saletins se rendirent redoutables au loin sur l'Océan, bien que leur marine ne fût jamais comparable à celle des autres Barbaresques, ni même réellement puissante(8). Salé redevint opulente et, comme le commerce des prises était souvent le principal chez les Barbaresques, on comprend ce fait, anormal au premier abord, que la ville des pirates redoutés supplanta Saffi, le port de Maroc, et resta pour plus d'un siècle la première place de commerce de toute la côte. En même temps, les Andalous, conscients et fiers de leur supériorité, profitèrent de l'impuissance à laquelle était réduite le sultan de Maroc ; ils chassèrent ses officiers, formèrent une sorte de république et se contentèrent d'envoyer chaque année au souverain, des esclaves et des marchandises de leurs prises.

            Cette puissance de Salé et la turbulence de ses reïs, non moins grande que celle des Algériens, devaient singulièrement compliquer nos relations avec le Maroc, au XVIIe siècle, et contribuer à empêcher le rétablissement des relations amicales, telles qu'elles avaient existé à la fin du XVIe siècle. Razilly fut donc obligé de négocier à la fois avec les saletins et avec Abd el Malek, fils de Muley Zeïdan, en détachant trois de ses navires devant le port de Saffi.

            Il ne semble pas que Razilly ait rien tenté pour réaliser le projet d'occupation de Mogador qu'il proposait au cardinal en 1626. Cependant celui-ci, loin de l'avoir oublié, y attachait une importance particulière comme le montre cette lettre du 24 mai 1629, adressée par le P. Joseph à Razilly au moment de son départ : " Le dessein de Mogador étant bien conduit est celui seul qui peut avoir de la suite et donner fondement et sûreté à plusieurs grandes choses, à quoi Mgr le cardinal se porte constamment... Sur toute chose ne vous laissez point divertir par qui que ce soit d'aller droit à Maroc... Ne vous fiez pas à ce roi barbare que sous bon gage : c'est ce qui me fait priser le dessein de Mogador que je tiens bien plus sûr que la parole du Maure... Que si on s'établit à Mogador, il est utile d'y mettre le père Pierre pour supérieur ayant grande expérience de ce pays là... La perfection de votre ouvrage serait, après avoir pris Mogador, de le faite trouver bon au roi de Maroc et qu'il l'agréât pour la sûreté du commerce et lui faire voir le profit qui lui en arrivera pour la richesse et sûreté de ses États, apaisant sa colère par le présent que vous lui portez qui fait voir que l'on ne va pas vers lui comme ennemi. Que si, pour cette heure, il ne le veut pas consentir, il le pourra faire après par force ou par amour ".

            Richelieu lui-même écrivit d'ailleurs au chevalier le 18 juin : " Si vous estimez étant sur les lieux que l'île de Montguedor se puisse conserver et que la prise en soit utile, je vous laisse de la part du roi la liberté de vous en saisir et d'y laisser cent hommes ".
            Comme le fait remarquer le P. François d'Angers, il s'agissait d'un établissement analogue à celui du Bastion que Richelieu venait de rétablir, qui " eût tenu ces barbares en leur devoir et eût aidé au trafic comme fait le Bastion en la mer Méditerranée ". Après bien des difficultés et des retards, Razilly et du Chalard parvinrent à faire une trêve de 5 mois avec les Saletins et obtinrent du roi de Maroc des réponses très favorables à leurs ouvertures. Mais, la saison était trop avancée pour poursuivre la négociation, ils partirent en novembre en annonçant leur retour pour l'année suivante(9).

            Cette fois, soit que la Cour fût trop préoccupée par la guerre de succession de Mantoue, soit que les difficultés reconnues eussent rendu le Cardinal plus circonspect, il ne fut plus question du dessein de Mogador. Parti de Saint-Martin-de-Ré, avec ses deux vaisseaux et une patache, Razilly, toujours accompagné de du Chalard, ne pouvait, en 1630, que chercher à traiter à l'amiable ; le P. Joseph lui avait encore adjoint trois capucins chargés de fonder une mission. Il réussit à signer avec les Saletins, le 3 septembre 1630, une trêve et des capitulations, seulement pour le terme de deux ans.

            Le P. Dan a publié dans son Histoire de la Barbarie le texte des 12 articles de cette convention, d'après la relation du turc converti Jean Armand, qui avait accompagné Razilly :
            " Comme ainsi soit qui anciennement entre les royaumes de France et d'Afrique y aurait eu bonne paix et amitié, laquelle depuis pets pour certaines causes et occasions qui à divers temps se sont offertes, aurait été interrompue...
            Les vaisseaux de S. M. très chrétienne et de tous ses sujets pourront venir au port de Salé en toute assurance, entrer dans la barre... Pareillement les marchands pourront librement et sans danger venir au port de Salé avec leurs navires et marchandises et y négocier avec toute sécurité et satisfaction en terres d'amis, en payant les droits accoutumés et, s'il arrivait que lesdits vaisseaux vinssent à échouer sur la barre, les habitants seront obligés de leur prêter secours et assistance... Dorénavant en ladite ville et château de Salé il y aura un consul de la nation française à la nomination de Mgr. L'éminentissime cardinal " (10).

            La mauvaise saison arriva encore avant que Razilly et du Chalard eussent pu engager leur négociation avec le roi du Maroc, mais celui-ci se hâta d'envoyer à Paris, avec ses lettres(11) pour Louis XIII, un juif dont le frère avait pris une part importante à la précédente négociation.

            Les dispositions du souverain marocain parurent satisfaisantes puisque les deux négociateurs furent renvoyés au Maroc dans l'été de 1631(12). Ils signèrent avec " l'empereur de Barbarie Muley el Qualid " un important traité de paix en seize articles dont les plus importants sont à reproduire :
            " Tous les marchands français qui viendront aux ports de nos royaumes pourront mettre en terre leurs marchandises, vendre et acheter librement, sans payer aucun droit que la Dixme et Tavalit reconnu comme aussi de même seront obligés en France les marchands nos sujets.
            " Les navires des Français pourront emporter de nos ports tout ce qui leur sera nécessaire, et des victuailles la part ou le temps leur offrira et de même nos sujets dans les ports de la France.

            " Et leur permettrons qu'ils puissent établir des consuls français dans nos ports où bon leur semblera, afin qu'ils soient intercesseurs dans les dits ports entre les Chrétiens Français et les Maures, et autres quels qu'ils puissent être, soit en leurs ventes ou achats, et qu'ils les puissent assister en tout ce qu'il leur pourra arriver de dommages, et ne pourront faire les plaintes en notre Conseil suivant les coutumes, et que l'on ne les trouble en leur Religion : et que des Religieux pourront être et demeurer en quelque part que soient établis les dits Consuls, exerçant leur dite Religion avec les dits Français et non avec d'autre Nation.
            " Tous les différends qui arriveront entre les Chrétiens Français, soit de justice ou autrement, l'ambassadeur qui résidera en nos dits Royaumes, ou Consuls les pourront terminer, si ce n'est qu'ils veuillent venir par devant nous pour quelque dommage reçu.
            " S'il arrivait que les consuls commissent quelque délit en leurs affaires, leur sera pardonné.
            " L'ambassadeur de l'Empereur de France qui viendra en notre Cour, aura la même faveur de respect que l'on rendra à celui qui résidera de notre port en la Cour de France.
            " Et si ce traité de paix, contracté entre Nous et l'Empereur de France venait à se rompre, ce que Dieu ne permette, par quelque différend qui pourrait arriver, tous les marchands qui seront de l'un royaume à l'autre se pourront retirer avec leurs biens où bon leur semblera pendant le temps de deux mois.
            " Les navires des autres marchands chrétiens, quoiqu'ils ne soient pas Français, venant en nos royaumes et ports avec la bannière française pourront traiter comme Français, ainsi qu'il se pratique en Levant et Constantinople(13). "

            Les Capitulations entre la France et la Turquie invoquées dans ce dernier article avaient inspiré le traité de 1631 qui accordait aucommerce français les mêmes garanties que dans les États du Grand Seigneur. Razilly et du Chalard établirent en effet des consuls français dans les États chérifiens : à Maroc même, d'après le P. Dan, ils laissèrent " les sieurs Mazer et du Prat, tous deux Provençaux et à Safi le sieur Bourgaronne ; joint qu'il fut mis aussi un correspondant à Sainte-Croix par le sieur de Mazely " (14), leur lieutenant.

            Mais les Saletins ne respectèrent pas longtemps la paix : en 1634, ils avaient déjà pris plus de 300 Français et tous les jours ils en amenaient d'autres dans leur port. D'un autre côté, le juif Moise Pallache, tout puissant favori du roi, qui s'était vanté d'avoir servi Razilly en 1631, jouait double jeu. Il fit disgracier les ministres favorables à la paix et poussa son maître à molester les Français : le consul Pierre Mazet subit des mauvais traitements et fut emprisonné.
            Un certain Antoine Cabiron fut envoyé à Maroc en décembre 1633, porteur d'une lettre du roi demandant la réparation de ces griefs et la restitution des captifs. Cabiron parvint à s'aboucher avec les ennemis du favori qui accueillirent sa venue comme un secours inattendu ; leurs efforts combinés réussirent à amener sa chute. Pallache emprisonné, le roi protesta de son désir d'entretenir la paix et promit de rendre les captifs si le roi de France lui renvoyait les Mores qui étaient sur ses galères(15). C'est à la suite de cette heureuse mission, ignorée jusqu'ici des historiens, que du Chalard fut renvoyé au Maroc en 1635.
            Le traité de 1631 fut confirmé à Saffipar le souverain du Maroc, le 18 juillet, et accepté ensuite le 1er septembre, par les habitants de Salé(16). Ainsi, les efforts persistants de Richelieu, inspiré par le P. Joseph et par Razilly avaient réussi à rétablir avec le Maroc des relations régulières(17). Ou avait donc pu créer des échelles en Barbarie, mais quel était le nombre des marchands français qui y résidaient et quelle était l'importance du commerce qu'ils y faisaient ? Nous manquons absolument de documents précis pour cette époque, mais les indications qu'on y trouve montrent nettement que le commerce de Barbarie n'avait jamais eu une très grande activité. Si on avait tenu à y établir des consuls, c'était presque exclusivement pour mieux maintenir la paix avec les Barbaresques, entraver leurs pirateries, obtenir la restitution des prises et des esclaves, questions vitales pour le commerce du Levant.
            Toutefois, il ne faut pas oublier que les consuls d'alors n'étaient pas payés ; ils percevaient seulement un droit de 2 0/0 sur les marchandises chargées dans leur échelle. Ce droit devait non seulement pourvoir à leur entretien, mais les dédommager en outre de la dépense de l'achat de leur charge. La plupart du temps, même, ils affermaient leur consulat à un vice-consul qui avait besoin de gagner, outre sa subsistance, le prix de son fermage. Il fallait donc, puisque les consuls y vivaient, que les Français fissent un certain trafic dans les échelles barbaresques, mais ils ne devaient pas songer à s'enrichir comme leurs collègues du Caire ou d'Alep.
            Les Algériens méprisaient particulièrement le commerce. Ils affectaient de n'en pas comprendre les avantages pour eux et de croire que les marchands qui résidaient à Alger et les navires qui fréquentaient leur port avaient besoin d'eux, qu'ils leur faisaient une grâce en les accueillant. C'est ce que remarquait judicieusement un envoyé du Sultan chargé de rappeler les Algériens au respect des Capitulations. Il se plaignait, dans une lettre aux Consuls de Marseille, qu'ils eussent rendu sa mission difficile en le faisant passer à Alger sur un bâtiment marchand au lieu d'avoir équipé un bâtiment spécial.
            " Tant plus les Français viennent ici, disait-il, plus ces gens-ci qui sont pires que barbares, en deviennent orgueilleux, disant Puisqu'ils se plaignent de nous, pourquoi nous viennent-ils rechercher et pourquoi viennent-ils avec leurs marchandises en ce pays-ci ? Qui est-ce qui les y appelle ? ".

            D'ailleurs, le manque de ressources des Algériens ne leur aurait pas permis de faire un commerce important. Tous les documents s'accordent à dire qu'ils vivaient presque exclusivement des produits de la course. Il est vrai que la vente des marchandises des prises qui étaient accumulées à Alger, sans pouvoir y être toutes consommées, donnait lieu à un trafic spécial. Les résidents européens, français ou autres, ne rougissaient pas de faire de gros bénéfices en rachetant à vil prix les dépouilles de leurs compatriotes, mais ce commerce était particulièrement entre les mains des 2000 juifs d'Alger qui réexpédiaient ces marchandises a leurs coreligionnaires établis à Livourne.

            Cependant, il faut mettre à part une longue période du XVIe siècle, de 1535 à 1580 environ, pendant laquelle l'alliance franco-algérienne fut féconde et créa aux Français une situation commerciale absolument prépondérante. Leur commerce prit alors tout le développement possible dans une ville où il trouvait peu d'aliments.
            D'après Haëdo, " les navires marseillais apportaient à Alger des cotonnades et des merceries de toutes espèces : du fer, de l'acier, du salpêtre, de l'alun, du soufre et même de l'huile, lorsqu'il en manquait en Barbarie ; ils apportaient aussi de la coutellerie fine, de la gomme, du sel, du vin, voire des chargements de noisettes et de châtaignes ; ils allaient même chercher en Espagne des marchandises prohibées qu'ils faisaient pénétrer à Alger en contrebande". L'évêque d'Acqs, François de Noailles, ambassadeur à Constantinople, écrivait à Charles IX, avec beaucoup d'exagération, que le commerce avec Alger s'était tellement augmenté sous le règne du roi Henri et le sien " qu'il n'y avait pas d'endroits en son royaume qui ne participassent à la commodité et profit qui en ressortaient ".

            Mais, dès avant 1580, les circonstances étaient devenues moins favorables malgré le maintien officiel de l'alliance turque et algérienne. Les plaintes devenaient de plus en plus fréquentes au sujet des pirateries des rets ; les Marseillais ne trafiquaient plus avec la même sûreté sur les côtes de Barbarie. De leur côté, les Algériens se scandalisaient de ne plus trouver à Marseille l'accueil qu'on leur avait jusqu'alors réservé, et leur pacha Achmed avait dépêché à Charles IX, peu après son avènement, un envoyé pour lui demander que les Barbaresques pussent toujours " sûrement trafiquer à Marseille et autres ports de sa subjection et suivant l'ancienne amitié et coutume, s'y fournir de rémes, poudres et boulets ".
            C'est surtout après 1580 que la situation changea complètement. L'audace des corsaires et l'impuissance de la royauté à protéger la navigation furent telles, qu'elles provoquèrent, en 1585, la formation d'une Ligue des ports de Provence pour organiser la défense. Après la mort d'Euldj Ali (1587), les Algériens s'affranchirent définitivement de l'autorité de la Porte et la course prit un développement extraordinaire.
            Le triomphe de la Ligue, l'interruption momentanée de nos relations avec la Porte, après l'assassinat de Henri III et l'anarchie de la France, achevèrent de tout gâter. En 1593, ne vit-on pas Henri IV avoir recours aux Algériens pour forcer les Marseillais à reconnaître son autorité. Sur sa demande, le sultan Amurath donna l'ordre au pacha d'Alger Kheder, d'envoyer un de ses fidèles aux gouverneurs de Marseille, leur déclarer pour la dernière fois qu'ils n'eussent jamais à désobéir à leur empereur, faute de quoi les galères algériennes se joindraient aux forces du roi de France. Heureusement, la reddition de Marseille au roi, le 17 février 1596, empêcha la menace d'être mise à exécution, mais c'était trop déjà d'avoir excité les corsaires d'Alger à courir sus aux Provençaux.

            Dès lors; Henri IV et son ambassadeur Savary de Brèves épuisèrent en vain leurs efforts à rétablir la sécurité de la navigation et nos anciennes relations commerciales avec Alger. En 1609, commença une guerre ouverte qui dura jusqu'en 1628 ; le commerce ne put se faire qu'au prix de mille incertitudes et avec intermittence.
            En effet, pour éviter des représailles, le gouvernement royal, chaque fois qu'il envoyait des armements contre les Algériens, ne manquait pas d'interdire tout départ de navires pour la Barbarie. Cependant, il y avait, même à la suite de la longue guerre terminée par Sanson Napollon, un assez grand nombre de maisons françaises établies à Alger, comme le montrent les signatures apposées au bas du traité de 1628. Outre les noms de Sanson Napollon, de Jacques Massey, agent du Bastion, de François Arvieux, commandant de la garnison du Bastion, on y voit ceux de Moutte, Jean Vidai, Antoine Gazille,

            G. Estelle, Francillon, J.-B. Lebar, Claret, Fairas, Durand, Bouschaud, Daumals(18). Depuis 1623, il est 'vrai, le consul, de Fias, ne faisait plus gérer son consulat, sans doute parce que le droit de 2 0/0 n'eût plus suffi à faire subsister le fermier ; des marchands résidents avaient été chargés par la ville de Marseille de défendre les intérêts du commerce.
            Quand M. de Seguiran fut envoyé par Richelieu, en 1633, pour inspecter les côtes et les ports de Provence, les consuls de Marseille ne purent lui donner que de vagues indications au sujet du commerce d'Alger : " De tous les quartiers de Barbarie, on apporte quantité de cuirs, laines, cires, vernis, plumes d'autruche et quelques maroquins de couleur... Du côté d'Alger on ne peut savoir la quantité du négoce qui s'y fait depuis l'établissement du Bastion, d'autant que tout ce négoce passe main- tenant par les mains de Sanson, qui en divertit une bonne partie en Italie ; mais, auparavant, il allait tous les ans audit
            Alger ou en sa côte, qui est Le Colle (Collo) et Bône, 4 ou 5 vaisseaux qui portaient 20.000 livres chacun ". C'était un négoce bien insignifiant que l'emploi de 100.000 livres en achats à Alger et sur toute la côte orientale de l'Algérie. Pour faire un commerce aussi maigre et précaire, les résidents français s'exposaient journellement aux pires traitements. Chaque fois que les hostilités étaient plus vives avec la France, que des négociations étaient rompues, qu'on apprenait à Alger quelque succès des galères royales, des représailles étaient à redouter. Le consul était naturellement la première victime des explosions de fureur de la milice. Jacques de Vins, au début de la guerre avec les Algériens, fut trois fois jeté en prison. Mais les résidents partageaient souvent le sort du consul. La correspondance du vice-consul Chaix (1618-23), conservée aux archives de la Chambre de Commerce, montre que la vie des Français à Alger était devenue intolérable. En août 1620, quand on apprit à Alger le massacre des négociateurs algériens à Marseille, une émeute formidable éclata : le consul et les marchands français furent traînés au divan et il fut un instant question de les brûler vifs. Ils ne sauvèrent leur vie qu'au prix de " grandes donatives ".

            Les marchands anglais de la Turkey Company ou Compagnie anglaise du Levant, qui avait obtenu des capitulations en 1579 et dont le monopole commercial s'étendait aussi à la Barbarie, avaient envoyé, dès 1580, un agent, John Tipton, établir un comptoir à Alger. Ils y jouissaient, sans doute, de plus de sécurité parce qu'ils ne se faisaient pas scrupule de vendre aux Algériens les armes, la poudre et toutes les munitions de guerre dont ils avaient besoin. La consommation en était grande et les bénéfices d'autant plus considérables que les Français ne pouvaient pas leur faire concurrence, au moins ouvertement. Les ordonnances royales leur défendaient, en effet, rigoureusement ce trafic dont la suppression aurait mis fin aux courses des Barbaresques ou les auraient rendues plus difficiles et moins redoutables. Il valait aux Anglais, de la part des Algériens, bien des égards et des privilèges ; il leur était permis d'acheter et d'exporter toutes sortes de denrées, telles que grains, huiles, cires, ou d'autres marchandises, telles que laines et cuirs, sans être astreints comme les marchands des autres nations à se munir de permissions que les puissances leur vendaient fort cher. Les Hollandais vinrent bientôt disputer ce genre de négoce aux Anglais(19). Cependant, leur condescendance coupable ne les sauva pas les uns plus que les autres des insultes et des avanies pécuniaires. Leurs navires n'étaient pas moins pourchassés par les reïs ; pour faire respecter leur pavillon, ils durent, comme les Français, employer alternativement les démonstrations navales, les négociations et les présents. Pour tous les résidents européens à Alger, la vie s'écoulait au milieu d'alertes et d'inquiétudes continuelles.

            Entre la France et Tunis, les échanges étaient moins importants encore, mais la vie des résidents et le commerce étaient plus paisibles. Le pays, beaucoup plus riche, vivait davantage de l'échange régulier de ses produits avec les pays chrétiens et la course n'était pas l'exclusive préoccupation des habitants. Tandis que les Algériens méprisaient le commerce et les marchands, ceux-ci avaient assez de considération à Tunis, pour que, à diverses reprises, des négociations eussent pu être entamées et poursuivies avec succès par des Marseillais qui y avaient résidé(20).

            L'influence heureuse des deux maîtres du pays, le dey Yssouf (1610-37) et le bey Osta Morat, que les contemporains s'accordent à représenter tous les deux comme remplis de droiture et favorables à la France, aurait dû développer les relations commerciales, d'autant plus que la Régence atteignit alors un degré de prospérité inconnu auparavant. Sans doute, il était impossible de contenir les corsaires de Bizerte, de Porto-Farina et de la Goulette ; la paix fut même rompue à diverses reprises ; l'envoi des navires provençaux à Tunis fut souvent interdit, mais il n'y eut pas de longue guerre avec les Tunisiens, grâce au caractère conciliant du bey et du dey et grâce aussi à la politique habile des Marseillais, attachés à entretenir, par des présents, leur bienveillance(21).

            La correspondance des consuls de France à Tunis atteste que nos marchands, tout en étant exposés aux violences, vivaient beaucoup plus tranquilles et même se sentaient assez sûrs pour montrer aux Tunisiens une attitude tout autre que celle des Français à Alger(22).
            Ainsi, en 1613, un bâtiment français ayant été pris par les corsaires, le consul fit assembler tous les nationaux présents à Tunis et leur exposa " que plutôt que souffrir une telle méchanceté, il jugeait à propos et nécessaire de demander son congé et leur faire commandement à tous de par le roi de se retirer en France. En cette résolution, écrit le consul, nous allâmes tous en corps trouver le seigneur Issouf dey et nous entrâmes en telle aigreur que nous en vînmes aux injures et s'y passa beaucoup de choses fâcheuses à entendre et telles que je ne vous saurais représenter. Je lui ai dit que ce n'était ainsi qu'il fallait traiter les Français, qu'ils avaient un roi assez puissant pour faire faire raison à ses sujets du tort bien étrange qu'on leur faisait ici ". Le consul et les Français d'Alger n'auraient pu impunément risquer de mêler des injures et des menaces à leurs réclamations.

            Mais les Français avaient, là aussi, à compter avec la concurrence anglaise. L'auteur de la Relation des voyages de Savary de Brèves nous apprend qu'en 1605, sous le dey Kara Othman, les corsaires anglais de la Méditerranée avaient l'habitude d'amener leurs prises à Tunis, de les y vendre et d'y dépenser follement l'argent qu'ils en retiraient, ce qui leur donnait un grand prestige. " Au reste, écrit-il, le grand profit que ces Anglais apportent au pays, leurs profuses libéralités et les excessives débauches quelles ils consomment leur argent avant que de partir de la ville et retourner à la guerre (ainsi appelle-t-on ce brigandage sur mer) les fait chérir et appuyer de la milice sur toutes autres nations. De sorte qu'on ne connaît là qu'eux ; ils portent l'épée au côté, ils courent tout ivres par la ville sans que le vulgaire, insolent de sa nature envers les chrétiens, les ose offenser ; couchent avec les femmes des Mores, rachetant avec argent quand ils y sont surpris la peine du feu que les autres subissent sans rémission... Bref, toute dissolution et licence leur est permise : ce qui ne se supporterait des Turcs eux-mêmes ".

            La Turkey Company ne pouvait manquer de profiter de ces bonnes dispositions. Deux lettres de notre consul à Tunis prouvent les progrès rapides de leur influence. Le 6 avril 1618, Claude Severt se plaint aux consuls de Marseille qu' " Issouf dey à force de présents a dispensé les Anglais des droits de consulat s qu'ils devaient lui payer. Sur ses réclamations le dey a promis, de les faire payer à l'avenir, mais il ne le fera que s'il leur plait c de lui en écrire de bonne encre. " Ainsi, en 1618, il n'y avait pas encore de consul anglais à Tunis ; le représentant de la France était seul chargé de la protection de tous les marchands étrangers dont la Turkey Company cherchait à s'affranchir. Dix ans après, la situation était complètement modifiée. Lange Martin écrivait encore à Marseille pour se plaindre; il y avait à Tunis deux autres consuls, anglais et hollandais. Les vaisseaux de leur nation étaient surtout affrétés par des Italiens et ales Juifs pour faire des transports de Tunis à Livourne et ces deux consuls, ligués ensemble, prétendaient frustrer Martin des droits de consulat sur les chargements de ces bâtiments, en dépit des Capitulations(23).

            D'ailleurs, ce document fait voir en même temps que ce n'était ni la concurrence anglaisé, ni la concurrence hollandaise, qui empêchait le commerce français de prendre du développement avec Tunis vers 1630. Dès lors, la plus grande partie du commerce de la Régence était accaparée par les Juifs de Tunis en relations d'affaires avec leurs coreligionnaires établis en nombre et maîtres du commerce à Livourne. Quoi qu'il en soit, les Marseillais déclaraient en 1633 à M. de Seguiran qu'il pouvait sortir de leur port annuellement pour Tunis et Tripoli trois ou quatre barques portant chacune environ 12.000 livres de fonds pour faire des achats. Tripoli devait être bien rarement visité par les bâtiments marseillais, car il parait certain qu'on n'y vit pas, jusqu'en 1630, de résident français. Nos rivaux n'y paraissaient pas davantage. La première tentative qu'y avaient faite les Anglais avait été peu encourageante. Le vaisseau le Jésus, envoyé à Tripoli en 1583 sous les auspices de la Turkey Company, avait été pris, le capitaine Andrew Dier, pendu, et l'équipage réduit en esclavage ; la reine Elisabeth avait dû intercéder à la Porte pour obtenir sa délivrance.

            Pour le commerce de Marseille avec le Maroc nous n'avons pas d'autre document précis que les chiffres fournis à Séguiran : Il y a encore au-delà du détroit dans le royaume de Fez et Maroc les échelles de Tetouan, Salé et Saphis, d'où l'on tire des cuirs, laines, cires, plumes d'autruche et mendicats, qui sont pièces d'or. Tous les ans de Marseille il y va vaisseaux ou barques qui portent 4000 écus chacun en toiles, safran, tabac et autres marchandises ".

            Une lettre de de Lisle à Villeroi, nous donne quelques indications sur l'importance du commerce des cuirs et du sucre du Maroc et sur la part qu'y prenaient les Ponantais : " J'ai appris depuis peu, lui écrivait-il le 12 janvier 1607, que l'une des principales occasions qui émeut le grand duc (de Toscane) à favoriser ce roi de Fez à présent en sa nécessité a été pour le dessein qu'il a d'obtenir pour lui seul toute la traite des cuirs dudit royaume, chose à la vérité qui ruinerait totalement le grand commerce qu'il y a de Provence et Languedoc en ces pays, au préjudice des droits de S.M. et grand dommage du bien de ses sujets, outre la diminution de l'argent qui en revient en France par la vente que font ses sujets de Provence et Languedoc desdits cuirs ès côtes des royaumes de Valence, Aragon et Catalogne, les échangeant en réaux. Il veut aussi entreprendre les moulins à sucre du royaume de Sous dont il proviendrait une grande ruine au négoce qu'il y a de Rouets, Dieppe. le Havre et la Rochelle en ce royaume.
            J'espère me comporter en telle sorte qu'en cela l'intérêt de S. M. ni de ses sujets n'y sera nullement offensé. L'on attend bientôt en cette ville le trésor qui vient du royaume de Gago et Toumouquetou que le chérif tient en Guinée, le long de la grande rivière Niger. Il monte à quatre millions six cent mille livres, le tout en or de tibre "(24).

            S'il faut en croire les Pères capucins qui accompagnèrent Razilly dans sa mission, le commerce français était tout à fait prépondérant au Maroc au début du XVIIe siècle. Parlant, en effet, du mécontentement que montrait Muley Zeidan de ne pas voir revenir Razilly en 1626, le P. François d'Angers ajoute que " ses sujets en témoignaient publiquement de l'impatience, pressés de leurs intérêts.
            Le commerce était perdu depuis la prise des Français, il n'y avait pas même un seul marchand dans la ville de Maroc et, dans cette côte, il restait seulement à Saffi un Anglais ".

            L'anarchie qui avait continuellement désolé le Maroc depuis la mort d'El Mansour en 1603, avait dit ruiner profondément la prospérité dont le pays avait joui pendant le règne de celui-ci. Cependant, la description de ses provinces et de leurs ressources, publiée en 1632 par le turc Jean Armand Mustapha, qui avait habité le Maroc et y était retourné avec Razilly, n'est pas celle d'un pays trop misérable.
            D'un autre côté, la sécurité des marchands n'était pas sans souffrir des guerres civiles et leurs opérations étaient, en tout cas, fort gênées : en 1606, Mocquet revenait du Maroc à Saffi avec un sauf-conduit du chérif Muley bou Farès ; quand il arriva au port celui-ci avait été battu et dépossédé, on ne voulut pas le laisser embarquer avant qu'il se fût procuré un nouveau sauf-conduit du vainqueur.

            Enfin, l'anarchie laissait les mains libres aux Arabes pillards qui ne se faisaient pas faute de détrousser les marchands sur les routes les plus suivies comme celle de Saffi à Maroc. " Pour le transport des marchandises d'une ville à une autre, écrit Jean Armand, les marchands s'assemblent pour le moins quatre-vingt ou cent personnes pour se faire escorte les uns aux autres et se garantir des invasions des Arabes qui courent incessamment pour attraper la cafile, c'est-à-dire la compagnie des marchands ".
            Ce port de Saffi était, au début du XVIIe siècle, le plus actif du Maroc avant le développement de la prospérité de Salé. Il y avait certainement dans ces ports des résidents français ; même, s'il faut en croire Davity, on en trouvait à Fez à côté de nombreux autres étrangers. " Il y a dans Fez, écrit-il, des gens de plusieurs endroits de la terre, comme Turcs, Tartares, Persans, bien peu d'Espagnols, beaucoup plus d'Italiens et de Français, mais grand nombre d'Anglais et de Grecs orientaux ".

            Mais l'affirmation rapportée par Davity devait être vraie plutôt pour l'époque brillante du règne d'El Mansour que pour la période d'anarchie qui suivit sa mort. A Maroc aussi, des marchands chrétiens avaient eu des comptoirs et même un quartier spécial leur était réservé, comme dans les échelles du Levant ; mais, vers 1630, on n'y voyait plus aucun de ces marchands. " Il y a un grand enclos de maisons, écrivait un Français de Salé, qu'on appelle la douane ; c'est la demeure des marchands chrétiens en laquelle chaque nation avait son appartement quand il y en avait et cette maison était aussi sujette à être fermée le soir et ouverte le matin, par le soin du portier à ce commis(25) ".

            Les marchands français au Maroc étaient-ils surtout des Ponantais ou des Provençaux ? Nous n'avons pas de documents à cet égard. Il est certain que les Ponantais faisaient alors du commerce au Maroc comme le prouve la lettre de de Lisle citée ci- dessus ; c'est sur un navire de Saint-Malo que Mocquet alla au Maroc en 1601 ; dans son second voyage (1603), il partit de Saint-Nazaire (Saint-Lézer) sur un bâtiment du Pouliguen. De Lisle partit aussi et revint par un port du Ponant. Peut-être, à cette époque, n'était-ce pas, comme aux époques suivantes, Marseille surtout qui trafiquait avec l'empire des chérifs(26).

            APPENDICE :

     (1) Si l'on en croit l'un des Français qui résidaient au Maroc en 1624, Muley Zeïdan avait déjà invité les négociants français à reprendre leur commerce " Le négoce avec les Français demeura deux ans interrompu, mais enfin cet alcaïde Hamar, dont il est parlé, écrivit à Rouen au sieur Paul Lebel qu'il appelait Tager Paulo qu'il eût à revenir traiter et que la colère du roi était apaisée ; ce qu'il fi t. " Lettre escritte.... 1670, p. 136. (L'auteur remplaça ce Paul Lebel dans son comptoir du Maroc quand Il se retira en France).
     (2) Fagniez. Le Père Joseph, I, 388. Sur Razilly et ses trois frères, voir Léon Deschamps. - L'auteur de la Lettre escritte, etc. ... 1670, parle (p. 31) d'un nommé Fabre qui se serait présenté comme consul en 1619 et que Muley Zeïdan n'aurait pas voulu recevoir. Peut-être Razilly emmena t-il avec lui un nouveau consul.
     (3) Isaac. Son plus Jeune frère Claude, sieur de Launay, le plus connu des Razilly, devint vice-amiral de France. Les deux autres Razilly, Gabriel et François, étaient les aînés.
     (3) P. François d'Angers. Hist. de la mission des pères capucins, p. 5 et suiv. - M. Fagniez (le père Joseph) a suivi son récit pour l'histoire de la mission du Maroc. - Une requête adressée au roi, le 4 décembre 1622, par les captifs du Maroc ne semble pas bien concorder avec le récit du P. François. Ils demandaient au roi de " vouloir expédier quelque personne qualifiée, plus vigilante et mieux exercée à la poursuite de cette affaire que n'était le sieur Claude du Mas qui, de tout temps, l'avait négligée." Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. L'envoyé du roi n'était donc pas alors en captivité. D'un autre côté, il semble que du Mas, en 1622, comme Razilly, en 1630, essaya d'établir un nouveau consul. En effet, l'auteur de la Lettre escritte, citée ci-dessus, parle d'un nommé Mazet, provençal, qui se présenta comme consul et que Muley Zeïdan fit maltraiter. D'un autre côté, le P. François d'Angers, racontant le voyage de Razilly, en 1629, dit que " le sieur Mazet, consul des français qui était à Salé comme prisonnier sur parole, vint à bord." (p. 144) ; Il ajoute qu'après le départ de Razilly, en octobre 1630, " il ne demeura de Français à Maroc que le consul avec un serviteur." (p. 162). Cf Aff. étrang. Mém. et doc., t. III. fol. 4 : Extrait de la lettre de Pierre Muret (erreur p. Mazet) consul de Salé, 1830.
     (4) Il avait été précédé par une ambassade hollandaise : " En 1622 vint à Maroc un ambassadeurs de M. les États, un écuyer du prince d'Orange, et un disciple de Harpinius, professeur ès-langues orientales Lettre escritte… 1670. p. 166.
     (5) P. François d'Angers, p. 7-19. - Razilly s'étant plaint de son arrestation, Muley Zeïdan lui fit répondre que ses lettres ne lui donnaient pas l'assurance qu'il croyait " qu'au fond il voulait ravoir ses meubles et principalement sa bibliothèque... souhaitant que le sieur de Razilly retournât en France pour obliger le roi son maître de faire en sorte que le roi d'Espagne rendit la bibliothèque. " Lettre escritte.... 1670. p. 175. - Les marchands français de Saffi avaient dû se porter caution du paiement de 600 ducats si le P. Rodolphe ne revenait pas dans les six mois. Un an après ils payèrent en effet et obtinrent la permission de revenir en France " rendre compte à leurs marchands et commettants de leurs négociations.... le roi prit leur argent et leur donna quittance, laquelle avant été depuis présentée au P. Joseph dans le couvent de Saint-Honoré, il leur fit rendre leur argent par M. du Tremblay, gouverneur de la Bastille, son frère " Ibid. p. 180-182.
     (6) Pour la pénible situation des captifs français dans cet intervalle (1625-29) voir le récit du P. François d'Angers. " En 1616, le roi de Maroc eut avis d'une trahison que des Français ménageaient contre son État. Les auteurs furent arrêtés et condamnés ; Saint-Amour, qui en était un, eut la tête tranchée le 25 juin... C'était pour les affaires d'un certain Saint-Mandriés qui avait aussi été exécuté le 14 avril et qu'ils avaient traité avec l'Espagnol la perte de la Barbarie ; et celui-ci accusa Saint-Amour d'avoir amené M. le Commandeur en ces côtés là pour surprendre Saffi (p. 46). - Le roi de Maroc témoignait un vif mécontentement du retard de Razilly. Cependant les lettres adressés par celui-ci et par le P. Joseph aux capucins prisonniers en 1625 et 1627 lui apprirent qu'on n'oubliait pas la négociation. Celle-ci faillit être reprise en 1627-28 par le frère Rodolphe envoyé par le P. Joseph au Maroc pour soutenir le courage des Pères.
     (7) " Commandés par lui, la Touche, la Ravardière son vice-amiral, Trillebois, les chevaliers de Tallesme, de Guitaud et des Roches s. Lettre escritte, 1670, p.183. D'après Jean Armand p. 5), c'est la Touche qui était vice-amiral. (Voyages d'Afrique, par Jean Armand).
     (8) V. le mémoire de Razilly. - Cf. Détails sur Salé dans Voyages d'Afrique... par Jean Armand 1632, p. 176-79)." Le havre d'icelle a été d'autres fois comme une échelle de marchands anglais, flamands, hollandais et autres.
     (9) V. Relation du voyage de Razilly par le sieur Chemin, commissaire de la marine, présentée au commandeur de la Porte pour la faire voir au Cardinal. - Lettre du chevalier de Razilly sur son voyage, à Monseigneur, à Port-Louis, en Bretagne, 2 novembre 1629. Aff. étrang. mém. et doc. Maroc, t. II, fol. 4-47 et 48-49. La même lettre est aux Arch. nat. marine, B7. 49, p. 129-136.
     (10) Les archives renferment de multiples copies de cette convention de 1630 : Arch. des aff. étrang Maroc. 1577-93: ibid. Mém. et doc. Maroc. T. II. fol. 50-53 et Mém. et doc Turquie. T. II. fol. 213-18.- Bibl. nat. mss. fr. 23386, fol. 275-78 ; fr. nouv. acq 7049. fui 322-24 : Ve Colbert. 483, fol. 471-73. - Arch. nat. marine B7 520. - Voyages d'Afrique... par Jean Armand... 1632, p. 48-59. Ce Jean Armand Mustapha avait été converti par le cardinal lui-même qui lui avait servi de parrain, il enseignait a Paris les langues étrangères (p. 104).
     (11) Razilly avait écrit à deux reprises au gouverneur de Saffi et à Abd el Melek, demandant des passeports pour pouvoir porter au chérif la lettre du roi Ne recevant pas de réponse. Il s'était décidé à l'envoyer à la fin de septembre. L'alcaïde, porteur de la réponse du roi de Maroc à la lettre de Louis XIII, arriva à Saffi quatre jours après le départ de celui-ci. Dans la curieuse lettre qu'il fit porter au roi, Mouley Abd el Melek témoignait la plus grande bonne volonté : " Nous vous donnons donc avis de ce qui s'est passe pour que vous sachiez que nous n'avons apporté de notre part aucune négligence par rapport à vos propositions que nous avons reçues avec l'accueil le plus favorable. " (V. cette lettre dans la Chrestomathie arabe de Silvestre de Sary T. III. p 250-53). De cette lettre si conciliante il est intéressant de rapprocher le curieux préambule d'un projet de traité dressé en 1630 : " Propositions du traité d'entre le rue des Marotz, dit l'empereur des nègres de la bidulgaride, envoé é de Dieu pour régner sur l'Afrique… pour entretenir correspondance éternelle.... avec le monarque des Français. Comme tu es infidèle en tes paroles et que ta sorte de religion te permet de manquer à la foi que tu dois à ceux à qui tu l'as promise que tes intérêts sont par tout des motifs et que tu mesures ta justice à la force de tes armes, sans avoir égard à aucuns devoirs, soit 1e religion, soit d'homme, soit d'humanité il est nécessaire de t'apprendre ce que c'est que société ". Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc, t III. fol. 5-9 Voir dans la relation de Jean Armand, (Voyages d'Afrique.... 1632, p. 8-98, le récit de la négociation d'après un mémoire remis par Razilly à l'auteur. Razilly remit à la voile le 12 octobre pour Brouage.
     (12) Lettre du sieur David Pallache envoyé du roi du Maroc. Paris, 19 mars 1631. Avec les lettres du roi il apporte une lettre de son frère Moyssez Pallache " très humble serviteur de Son Excellence et celui qui a beaucoup travaillé en cette affaire ". - Lettre du roi du 6 mai 1631 donnant pleins pouvoirs à Razilly et du Chalard. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. Ibid. Mém. et doc. Maroc, t. III, fol. 10-11 : Instructions à Razilly.
     (13) Pour les copies du traité de 1631, voir la note de la page 80 et p. Dan. p. 235-238. - Cf. Autres articles de la paix accordés par très haut.... le roi Louis.... à très haut.... Muley et Qualid, le 27 septembre (15 articles, différents de ceux du 17. Aff. étrang. Mém. et doc. Maroc. t. II. fol. 57-58 et Bibl. nat. mss. fr. nouv. acq. 7049, fol. 328-31. - Le texte des traités du 17 et du 24 septembre a été publié par Rouard de Card. p. 191-197.
     (14) P. Dan. Ibidem. Cf. Lettre de Pierre Mazet à Richelieu, de la forteresse de Calle, 10 février 1631 : Fait longtemps qu'il a espoir d'être pourvu en propriété de cette charge du consulat de sedict lieu quoyque modernement André Prat de Marseille en soyt été pourvu avec celluy de Toutouan par laistre et patante que M. de Boutilier luy a livré. Il se recommande de Razilly et de du Chalard. Arch. des aff. étrang. Maroc. 1577-1693. Ainsi, même avant la signature de la paix, deux Marseillais se disputaient le consulat de Salé. Mazet était au Maroc depuis 1622. (V. la note 1, p. 75).
     (15) V. aux aff. étrang. (Mém. et doc. Maroc, t. II), la curieuse relation écrite à son retour par Cabiron : Abrégé de ce que je Antoine Cabiron rapporte au roi et nos seigneurs de son conseil du voyage que j'ai fait à Marroc pour son service depuis le 4 décembre 1633 jusqu'au dernier avril 1634. fol. 59-64. - Cf. Aff. étrang. Maroc, 1577-1693. État de la dépense qui a été faite par le capitaine Antoine Cabiron en son voyage de Marroques 1633-34.
     (16) Textes du traité de 1635 : Aff. étr. Maroc, 1577-1693 (avec une lettre de Du Chalard au roi du 13 octobre 1635) ; Bibl. nat. mss. fr. nouv. acq. 7049, fol. 331-35; Arch. nat. marine. B7, 520. Le traité a été publié par le père Dan, p. 212-14, par M. Rouard de Card, p. 198-199. - M. Fagniez exagère en disant de P. Joseph, t. I, p. 377) que ces deux traités n'eurent d'autre résultat que de délivrer un certain nombre d'esclaves. Sans doute, les missions de capucins que le P. Joseph désirait établir au Maroc ne purent pas s'y installer ; mais les traités de 1631 et 1635 eurent des résultats durables pour le commerce. V. ci-dessous chap. 7. - En 1637, les Anglais vinrent à leur tour châtier les corsaires de Salé. V. La prise de l'ancienne ville de Salé en Afrique par la flotte d'Angleterre, in-4°. 6 p. Doc. cité par Playfair, n° 189.
     (17) Dès le milieu du XVIIe siècle on avait oublié les origines de nos consulats du Maroc. Un Français, qui avait résidé 25 ans au Maroc écrivait, en 1670, que jamais les rois de Maroc n'avaient toléré l'établissement de consuls de quelque nation que ce fût, que Muley Zeidan, entre autres, avait rebuté tous les Français qui s'étalent présentés pour cela. D'après lui, Il n'y avait eu de consuls que dans le royaume de Fez et seulement à Salé et à Tetouan depuis que Salé avait formé une république. Lettre escrite.... 1670, p. 30.
     (18) La copie du traité qui se trouve dans le mss. cité de la Biblioth. nat. (Nouv. acq. fr. 7049, fol. 220) se termine ainsi : " Ainsi signés Sanson Napolon, Moutte, Anthoine. Gazille, P, Estelle, Jehan Vidal, Fravachon. Jehan Bap. Le Bar. F. Claret, G. Fairaz, Durand. Gonthard, Jacques Massey, G. Arviou et J. Daumas. " V. le même nombre de noms, dont quelques-uns ont été copiés différemment dans le mss. fr. 7161, fol. 173.
     (19) De Grammont. Histoire d'Alger, p. 137. La Compagnie anglaise était aussi connue sous le nom de Compagnie des vingt vaisseaux. D'après de Grammont en 1607, l'agent de la Turkey Company, en résidence à Alger, obtint l'autorisation d'établir des comptoirs Stora et à Collo, en concurrence avec les Provençaux, qui avaient ce privilège. Il en résulta de nouvelles réclamations du représentant de la France, qui n'eurent pas plus de succès que les précédentes.
     (20) Ainsi Bérengier, qui avait été au service de la Compagnie du corail (V. ci-dessus p. 201, remplit une série de missions à Tunis. notamment en 1619. - Mission de Monyer en 1618. - V. Plantet, Corresp. Tunis. - M. Spont (Revue des Q. Hist. p. 93) se trompe quand il dit, à propos des échanges d'esclaves, que Osta Morat se heurtait à la mauvaise foi des échevins (il faudrait dire des consuls) de Marseille.
     (21) V. mon Hist. du commerce du Levant, p. 35-41. Arch. de la Chambre de commerce. Lettres des consuls de Tunis AA. 500.514. - Plantet, Tunis, n° 1-140. - Une mission de capucins avait été établie à Tunis en 1624. Le Vacher, prêtre de la Mission, congrégation fondée par Saint-Vincent-de-Paul, succéda aux Pères. Il fonda une chapelle dans le consulat français et une autre à Bizerte, probablement pour les corailleurs. Mémoires pour servir à l'histoire de la mission des capucins..., p. 15
     (22) La paix avec Tunis avait été renouvelée par un traité de septembre 1611 dont le texte se trouve aux Arch. des aff. étrang. Mém. et doc. Afrique, t. VIII, fol. 5.0. Un nouvel accord avait été signé avec les Tunisiens en 1616 par Phi. fol. 5-6. Un nouvel accord avait été signé avec les Tunisiens en 1616 par Philandre de Vincheguerre et ratifié à Marseille, le 17 août 1617. V. mon Hist. du comm. du Levant, p, 36-37. (Ce traité est aux archives de la Chambre de commerce H H, 4).
     (23) Lettre du 10 février 1628. Arch. de la Chambre. AA, 514. - Plantet, n° 109. - Martin écrivait, à propos des Anglais; leurs vaisseaux " sont grands et bien armés, chacun désire charger sur iceux plutôt que sur vaisseaux français et italiens. " AA, 514.
     (24) Or en poudre. - Bibl. nat. mss. fr 16146 publiée par Jacqueton dans Rev. Afric. 1894. p. 38. Cf. Davity Afrique. p 79: L'annuel tribut de Gago est d'or en poudre Jusqu'à 30 charges de mulet et Tombut, depuis la conquête qu'en fi t Muley Hamet en 1594, rendait aussi tous les ans 60 quintaux d'or. - Les meilleurs cuirs et le sucre venaient de la province de Sous. V. à ce sujet les références indiquées par Jacqueton. p. 48, notes 1 et 2, p. 49, note 1 et notamment Voyages d'Affrique de Jean Armand. p. 251-52.
     (25) Lettre escritie... 1670. p. 153 Description de la ville de Maroc, p. 139 et suiv. ). - Cf. Marmol d'Afrique. t. II, p. 58) - A l'un des côtés du palais royal (à Maroc) sont les lieux de la monnaie et de la douane où se portent les marchandises qui vont en Europe dont le roi prend 10 %. Les marchands qui les recevaient (quand Marmol était esclave) sont Espagnols. Anglais, Français et Flamands qui portent en échange des épées, des arbalètes et autres choses de contrebande pour faire plaisir au chérif. Marmol était esclave à Maroc du temps de Muley Ahmed (el Mansour) mort en 1603.
     (26) Le marseillais Leblanc raconte qu il fut arrêté, en 1578, pour avoir uriné près de la sépulture d'un marabout, à Miguine (Mequinez ?) à 10 lieues de Fez, et qu'il fut sauvé par des marchands qui fournirent pour lui une grosse caution. " Il n'y en avait pas un, ajoute-t-il, de mon pays ni de ma connaissance ". Il alla dans la maison d'un riche marchand portugais, natif de Corse, qui avait deux frères à Marseille et connaissait fort bien son père. Les voyages fameux. p. 161.

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A SUIVRE

Passez mon père
Envoyé Par Jacqueline


         Sur un vol vers la France, une jeune fille distinguée était assise à côté d'un prêtre. Elle lui demanda :
         " Mon père, puis-je vous demander une faveur ?"
         " Bien sûr, Mon enfant, que puis-je pour-vous ? "
         " Eh bien, j'ai acheté un séchoir à cheveux électrique très perfectionné pour l'anniversaire de ma mère. Il est dans son emballage et bien au delà de la valeur limite d'importation. J'ai bien peur que l'on me le confisque. Ne pourriez-vous pas le passer aux douanes pour moi, sous votre soutane, par exemple ?"
         " J'aimerais bien pouvoir vous aider, Chère enfant, mais je dois vous avertir, je ne mentirai jamais."
         " Avec l'honnêteté écrite sur votre visage, on ne vous questionnera sûrement pas."
         Lorsqu'ils arrivèrent au guichet des douanes, la jeune fille laissa passer le prêtre.
         Le douanier lui demanda :
         " Avez-vous quelque chose à déclarer, Mon père ?"
         " De la pointe de mes cheveux jusqu'à ma taille, je n'ai rien à déclarer !"
         Le douanier, trouvant cette réponse bizarre, lui demanda alors :
         " Et de la taille aux pieds, qu'avez-vous à déclarer ? "
         " J'ai un instrument merveilleux destiné à être manipulé par une femme et qui n'a jamais été utilisé à ce jour."
         Le douanier éclata de rire et lui répondit : " Passez Mon père
         !!!......      AU SUIVANT !!!




HISTOIRE DES VILLES
DE LA PROVINCE DE CONSTANTINE    N° 1
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.

LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.

Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

PRÉFACE
               En commençant, il y a quelques années, la publication de notices historiques sur nos villes de la province de Constantine, j'ai défini par les lignes suivantes, le but de mon travail :
       Dans la plupart de nos villes algériennes, les hommes chez lesquels s'est éveillé le désir et la curiosité bien naturelle de connaître le passé du pays où la destinée les a placés, sont généralement privés des ressources littéraires que la métropole offre en si grande abondance. Constantine elle-même, chef-lieu de la province, si largement pourvue que puisse être sa bibliothèque municipale, ne possède pas encore son histoire. Personne, jusqu'ici, n'a entrepris d'en établir la chaîne à peu près complète et détaillée, les éléments en sont épars dans une sériée de publications spéciales, souvent très rares, appartenant au domaine de l'érudition et qui ne sont, à vrai dire, connues que de très peu de monde ; il faut pour les rassembler, avoir le loisir de se livrer à de nombreuses et patientes recherches.
       J'ai entendu beaucoup de gens se plaindre de l'absence d'un livre accessible à chacun, commode à consulter et réunissant en même temps, sur leur patrie d'adoption, tout ce qu'il leur importait de connaître.
       La Société archéologique de la province de Constantine, qui s'est imposée la tâche de recueillir et de livrer à la publicité tous les faits authentiques pouvant jeter quelque lumière sur l'histoire locale, tient aussi à honneur de répondre au désir manifesté et nous osons espérer que le projet qu'elle a conçu ; loin d'être considéré comme prématuré, sera, au contraire, accueilli avec sympathie.
       " Une œuvre de cette étendue, bien qu'elle contienne divers extraits des meilleurs ouvrages déjà publiés, ne peut s'improviser en un jour ; mais il ne dépendra pas de nous qu'elle ne soit achevée dans le plus court délai possible.
       Sans aucune prétention au point de vue littéraire, elle aura néanmoins, pour les habitants du pays, le mérite de son utilité.
       Notre rôle, pour le moment, se borne, répétons-le, à grouper et à coordonner les faits ; celui des futurs historiens de l'Algérie sera de les juger et d'en tirer des vues d'ensemble.
       Bougie, Gigelli, Philippeville, Sétif et quelques localités de l'intérieur ont été l'objet de mes premières études et possèdent chacune, aujourd'hui, leur monographie spéciale. Le tour de la petite ville de La Calle arrive maintenant. La Calle, que les indigènes connaissent sous le nom de Presqu'île de France, évoque des souvenirs qui nous sont chers ; aussi, n'ai-je épargné aucunes recherches pour rendre cette notice aussi complète que possible.
       Comme l'a dit Montaigne: Je m'en vay écornifflant par-cy par-là des livres qui me plaisent, non pour les garder, car je n'ai pas de gardoire, mais pour les transporter en celui-cy, où, à vray dire, elles ne sont pas plus miennes qu'en leur véritable place.
OCCUPATION DE LA CALLE EN 1836

       Le brillant fait d'armes des capitaines, d'Armandy et Yousouf, en 1832, nous avait rendus maîtres de la place de Bône. Envoyé tout aussitôt sur les lieux avec un corps d'occupation, le général d'Uzer affirmait cette conquête et, progressivement, l'étendait aussi loin que ses moyens d'action et les projets du Gouvernement le permettaient à cette époque.
       Cependant El-Hadj-Ahmed Bey, dernier représentant de la domination turque en Algérie, se maintenait encore à Constantine et, durant cinq années, tantôt avec ses troupes régulières, tantôt par l'appel à la guerre sainte adressé aux guerriers des tribus, il ne cessa de nous susciter chaque jour de nouveaux embarras, afin d'empêcher l'extension de notre influence dans la province de l'Est.

       Mais, toutes ses tentatives pour nous refouler et nous réduire à rester bloqués dans les murs de Bône furent vaines. Dans maintes sorties, nos troupes battaient l'ennemi et le général d'Uzer profitant habilement de l'effet favorable produit par ses succès sur l'esprit des populations, avait déjà poussé des pointes audacieuses dans la direction de Guelma, de Stora et de La Calle, localités que nous n'occupions pas encore. C'est au point que, séduit par les protestations d'amitié et d'alliance qu'il recevait de tous côtés de la part des indigènes, las du régime oppresseur des Turcs, le Général, encore sous le prestige de la victoire qu'il avait remportée récemment sur les forces régulières du Bey, proposa au Gouvernement d'aller s'emparer de Constantine même.
       Cette nouvelle conquête parut alors trop prématurée et on jugea préférable d'étendre d'abord notre domination sur le littoral du côté de La Calle, dont les tribus manifestaient depuis longtemps le désir de reconnaître notre autorité.
       L'occupation de ce dernier point était sollicitée bien davantage encore par les marins se livrant à la pêche du corail : depuis la destruction de l'ancien établissement et, faute de protection sur la côte, les corailleurs avaient été obligés de faire leurs dépôts à l'île de Tabarka, puis à Bône et de s'y réfugier par les gros temps, courant ainsi de nombreux dangers et perdant, en outre, un temps précieux dans leurs opérations. Le Maréchal Clauzel ordonna donc l'occupation de La Calle.
       Yousouf, nommé récemment Bey de Constantine,(1) fit au mois de mai 1836, à la tête de tous ses spahis, une première reconnaissance de La Calle.
       Le 14 juillet suivant, le Capitaine de spahis Berthier de Sauvigny partait du camp de Clauzel(2) avec quarante cavaliers indigènes, et, le lendemain matin, reprenait possession de La Calle que nos pères avaient occupée durant trois cents ans.

       " Le détachement, écrivait aussitôt cet officier, n'a rencontré aucune résistance. Un groupe d'Arabes sans armes, assis paisiblement sur les ruines de cette ville française, attendait l'arrivée de ses anciens maîtres, dont ils reconnaissaient les droits. Nous avons trouvé La Calle dans l'état ou l'incendie du 27 juin 1827, l'avait laissée. Les poutres carbonisées, les murs debout, mais calcinés, les rues couvertes d'herbes prouvent que les indigènes après y avoir mis le feu ne s'en sont plus inquiétés. Ils ont abandonné, aux bêtes fauves, les restes de ces demeures de pierre qu'ils dédaignent pour eux-mêmes."

       Le même jour, trente ouvriers du Génie, sous les ordres du Capitaine Carette, envoyés de Bône sur le brick le Cygne, débarquaient aussi à La Calle, et ce navire saluait de ses bordées le drapeau de la France qui n'avait pas flotté sur cette plage depuis l'incendie de 1827.
       Aujourd'hui, il était arboré non plus comme pavillon de commerce, mais comme signe de la conquête. Les ouvriers se mirent immédiatement à l'œuvre ; on commença les travaux par ceux du moulin, situé à une petite portée de fusil du mur d'enceinte et qui est le point le plus important de la position. On mit ensuite à l'abri d'être escaladées les brèches existant à cette enceinte et l'on aménagea, après, un logement pour la garnison dans l'ancienne maison du Gouverneur, dont on crénela les murs pour en faire un réduit.
       La mer étant devenue grosse, plus de soixante bateaux corailleurs, voyant le drapeau tricolore arboré, accoururent aussitôt se réfugier dans la petite crique de La Calle. Pendant les deux jours qu'ils y séjournèrent, ils fournirent volontairement une partie de leurs équipages pour aider nos travailleurs à déblayer cet amas de décombres et manifester ainsi leur joie de voir ce point réoccupé.
       Disons, dès à présent, que La Calle n'était jadis ni une ville ni même un village. C'est un petit port de 320 mètres de long sur 120 de large, situé à environ dix lieues à l'Est de Bône, entre la côte et un rocher sur lequel la Compagnie d'Afrique forma, en 1623, un, premier établissement. Elle y comptait, déjà, plus de 300 hommes en 1635. Elle en augmenta les édifices et les moyens de défense en 1694 et y transporta le principal siège de tous ses comptoirs précédemment fixé à 4 lieues plus à l'Ouest, c'est à dire au Bastion de France point que l'insalubrité du lieu et le manque d'un abri convenable pour ses navires la contraignirent d'abandonner.

       La presqu'île de La Calle a environ 400 mètres de longueur E. et 0. ; - 80 mètres de largeur et à peu près 12 mètres d'élévation au-dessus du niveau de la mer. Elle est jointe, par son extrémité orientale, à une langue de terre de 150 mètres de long par laquelle on y arrive et qui forme le fond du port. Au-delà de cet isthme, était une petite anse peu profonde où se jette un ruisseau que les Français nommaient l'anse et le ruisseau St-Martin.
       Les constructions de La Calle, tant sur le rocher qu'en terre ferme consistaient, jadis, en un grand nombre de bâtiments et tout ce qui était nécessaire, enfin, pour contenir des approvisionnements et mettre l'établissement à l'abri d'un coup de main et des atteintes de la peste fréquente à cette époque.
       L'escarpement du rocher, les constructions qui en occupaient le périmètre et les murs qui les unissaient entre elles, formaient une enceinte fermée à la gorge et qu'on avait, par cette raison, décorée du nom de Bastion, On y pénétrait par trois portes, toutes trois placées dans le Sud et appelées l'une : la porte de terre, l'autre la porte du Sud et la troisième la porte de la marine. Ce petit corps de place était défendu par une batterie à chaque extrémité du bastion et par une autre située au Midi, entre la porte du Sud et celle de la terre. Il y avait, jadis, en tout pour la défense, 16 pièces de canon, les unes de 6, les autres de 4 livres de balles, y compris celles de la batterie du moulin dont il sera parlé ci-après

       En entrant dans le bastion par la porte de terre, sur laquelle se lit encore la date de 1677, gravée au fronton, on trouvait, a droite, un poste militaire pour vingt hommes, avec un logement de Commandant et salle d'armes ; à gauche, le corps de garde, la prison, la cuisine du poste, le logement des deux drogmans et la maison de l'Agence, formant une seule île d'édifice. Plus loin, derrière la batterie du Sud, le logement de l'Inspecteur, un magasin pour le corail, des ateliers et des logements d'ouvriers de diverses professions, dite petite maistrance, la charcuterie et dix-huit baraques de corailleurs.
       Vis à vis la maison de l'agence se trouvaient l'Église, le Presbytère et des ateliers de voilerie ; dans une île de maisons a côté, la boutique pour la vente des marchandises manufacturées, le logement des hommes de peine dit grande maistrance ou frégataire ; la maison du chef ouvrier, celle du Cheikh de la mazoule et la frégataire maure.
       Au Nord, en contournant la pointe de l'Est, s'élevaient cinq baraques de corailleurs, l'écurie des chevaux, la maison des otages, la boulangerie, la boucherie, un dépôt de vivres journaliers, une salle de distribution, la batterie de l'Est, des moulins à manège, une tonnellerie, le magasin des harnais et l'écurie des mulets.
       Par la porte du Centre ou du Sud on avait, devant soi, un corridor couvert, de grands magasins à blé et divers autres entrepôts, composant le magasin général, dont le premier étage était de niveau, du côté du Nord, avec la plate-forme du bastion. Si l'on arrivait par la porte de la Marine on voyait, à gauche, une petite caserne ou poste militaire pour dix hommes et vingt logements de corailleurs ; en face, les étables à bœufs, des magasins à grains, et, au dessus de ces derniers, des magasins particuliers pour les agrès des corailleurs.
       En revenant au Nord de la plate-forme, près de l'Église, on trouvait dix baraques de corailleurs, l'hôpital neuf, la maison ou pied-à-terre du Kaïd de Bône et de la Behira tunisienne, la bergerie, le vieil hôpital, le cimetière, les hangars et enfin la batterie de l'Ouest.
       L'entrée du port était protégée, au Sud, par une batterie construite sur le rivage, sur une hauteur de 50 à 55 mètres d'élévation. Cette batterie appelée la batterie du moulin, simplement entourée d'une mauvaise enceinte, n'était armée que de quatre pièces de canon. Son enceinte renfermait, en outre, un terre-plein ; un moulin à vent le surmontait, servant en même temps de tour de signaux pour les pêcheurs et de casernement commode pour 10 ou 12 hommes, Près de là, étaient quelques étables à porcs, ainsi qu'un jardin potager et, un peu au-dessous, vers le Sud, un petit lazaret extérieur.
       Au Sud-Est du port et conséquemment en terre ferme, une enceinte de murs en pierres renfermait des chantiers de construction et de radoubs, des hangars pour la récolte des grains, en temps de peste de lazaret, une aiguade ; trois excellents puits d'eau douce, un corps de garde et un casernement pour 10 hommes ; une buanderie, un poulailler, des étables à porcs, un jardin potager et une mosquée. Cette enceinte s'appuyait, à l'Ouest, à des rochers escarpés situés au bas de la hauteur du moulin. Elle s'étendait, à l'Est, jusqu'au ruisseau de St-Martin et en longeait un peu le cours en descendant vers l'anse.

       L'entrée de tout l'établissement, en venant de l'intérieur du pays, était dans la partie Sud de cette enceinte, et on la traversait pour aller du bastion à la batterie du moulin. Deux épaulements avaient été élevés sur le bord de la route, tant pour défendre extérieurement la partie Sud Ouest de l'enceinte que pour faciliter, au besoin, la retraite des hommes de garde au poste du moulin.
       Nous sommes entré dans tous ces détails descriptifs afin de montrer, dès à présent, ce qu'était notre établissement de La Calle, à l'époque de sa prospérité, c'est-à-dire avant sa première destruction, en 1798 et celle plus récente, de 1827, dont nous aurons à reparler plus loin.
       Au moment où le capitaine Berthier reprit possession de ces ruines, il existait encore 110 maisons dans le genre de celles de Provence, dont 40 en bon état et qui, bien que noircies par l'incendie, ne demandaient que la toiture et la menuiserie pour être habitables. La grande maison dite du Gouverneur et quelques magasins étaient bien conservés ; les rues, toutes tirées au cordeau, bien pavées et d'un facile entretien. Mais tout ce qui était d'un transport facile : fers, boiserie et tuiles avait disparu, pillé et emporté par les Arabes, depuis l'abandon de 1827.

       Ainsi donc, un détachement de quarante hommes venait de traverser vingt lieues de pays sans être obligé de s'installait paisiblement à La Calle. Les indigènes des environs se montraient, dès le premier moment, fort satisfaits de notre venue. Ils amenaient des bœufs, apportaient de la cire, des cuirs et d'autres provisions ; le tout fut acheté sans qu'il y eût la moindre collision, et, spontanément, ils rétablissaient, sur la plage, un grand marché, le Dimanche, parce qu'ils avaient l'habitude, autrefois, de venir, ce jour-là, vendre leurs denrées et traiter les affaires commerciales avec la Compagnie française.
       Yousouf, que le Maréchal Clauzel, avons-nous dit, avait déjà nominé Bey in partibus de Constantine, en attendant la conquête de cette place, organisait alors, au camp de Clauzel (Dréan) les corps indigènes destinés à former la future armée de son beylik. Dès que son Lieutenant, M. Berthier, se fut établi à La Calle, il se rendit lui-même sur les lieux et prit toutes les dispositions qui pouvaient assurer la sécurité de ce nouveau poste. Il rendit les Cheikhs du voisinage responsables de la tranquillité du pays et, après avoir acquis la certitude que l'occupation ne pouvait pas être inquiétée, il rentra à son camp, en visitant les tribus alliées qu'il rendit responsables de la prospérité future de La Calle.

       Quarante ans se sont écoulés depuis la reprise de possession, et il faut reconnaître que des progrès sensibles se sont réalisés dans cette localité. La presqu'île ne suffisant plus à son installation, une petite ville qui a une étendue triple de l'ancienne, s'est créée sur la terre ferme, en ligne parallèle à l'entrée du port. On y voit, aujourd'hui, un bel Hôpital fondé par la reine Marie-Amélie, une Église et des Écoles au milieu de jolies maisons, habitées par une population stable d'environ quatre mille âmes, la plupart d'origine italienne.
       Cette population double presque au printemps et en été, par l'affluence des nombreuses barques de pêche et des personnes employées à cette industrie : négociants de corail, saleurs de poissons, tonneliers et autres. Depuis notre occupation, La Calle a toujours eu un Commandant supérieur et une petite garnison.
       Le 31 décembre 1842, elle a été érigée en Commissariat civil, et en 1856 en Commune ; elle possède donc tous les représentants des Administrations civiles et militaires.
       La ville qui manquait d'eau est, aujourd'hui, alimentée par un canal de quatre kilomètres et demi, allant aux sources de Boulifa.

       La commune de La Calle s'étend à 12 kilomètres à l'Est, de manière à englober la mine de Oum-Teboul, et de 6 à 10 kilomètres dans les autres directions. Au-delà de ces limites, commence le territoire militaire qui comprend une bien plus grande superficie et se trouve sous l'administration du Commandant supérieur du Cercle, Les environs sont cultivés, presque exclusivement, en jardins potagers et fruitiers, auxquels succèdent, à la distance la plus grande de 2 kilomètres, les forêts appartenant aux Compagnies Montebello et du Bouchage, qui en extraient l'écorce du chêne-liège et du tanin. Ces deux forêts occupent la presque totalité du territoire civil, et pénètrent, sur plusieurs points, en territoire militaire. Leur superficie est de 11,000 hectares environ. Le chêne-Zen (mirbek), les chênes-lièges, les ormes, les frênes, les cèdres blancs, les thuyas y abondent. On y trouve surtout beaucoup de bois courbes pour les membrures des navires. Les palmiers, les agaves, les caroubiers, les cactus qui dominent dans la campagne d'Alger, et lui donnent une physionomie tout africaine, ne se rencontrent que rarement ici ; avec quelques maisons éparses dans le paysage, on se croirait dans les forêts de la Bourgogne.

       Les prairies naturelles existant dans ces forêts alimentent de nombreux troupeaux.
       La principale ressource de La Calle, qui est pour ainsi dire la raison d'être de cette ville, se trouve dans la pêche du corail et des sardines.
       L'exportation des produits naturels ne serait que très minime sans le plomb argentifère de la mine d'Oum-Teboul, et les écorces des concessions forestières qui ont ouvert de nouvelles voies aux transactions.
       On évalue à plus de 600,000 francs la valeur annuelle du plomb extrait de la mine par la Compagnie marseillaise qui l'exploite, depuis 1849, l'aide d'une centaine d'ouvriers italiens et arabes. Cinq à six cents barques pêchent dans les eaux de La Calle, toutes italiennes de fait, quoique le tiers à peu près soit couvert du pavillon français.
       Les produits de la pêche, corail et sardines, peuvent s'évaluer en moyenne à cinq millions de francs, et cette somme augmentera considérablement si la pêche du poisson suit les rapides progrès qui se font depuis quelques années. Huit balancelles, jaugeant ensemble à peu près 230 tonneaux, font un trafic très actif entre La Calle, Bône et même Philippeville, d'où elles tirent les marchandises françaises.

       Les collines élevées, qui bordent la ville, sont couvertes d'arbrisseaux, et l'on y remarque, au-dessus du port, un groupe de magnifiques mûriers; ils on dû être plantés par des mains françaises, et, cette trace du passage de nos devanciers est un gage d'avenir, Ces collines ne se distinguent par aucun accident pittoresque, mais, de leur sommet se déroule le plus magnifique panorama. Le terrain s'abaisse doucement, au Sud, vers le lac El-Garâ-Oubeïra, et, à l'Est, jusqu'au lac El-Hout ; leurs eaux baignent de verdoyantes prairies : de riches vallées s'étendent entre les montagnes boisées, dont les sommets variés se projettent, ici, sur l'azur du ciel, là, sur les flancs sombres du Dejebel-Khoumir.
       Ces lacs, dont nous défigurons les noms arabes, ont longtemps eu des noms français : le Guelta-el-Malah était l'Étang du Bastion ; - le Guelta-el-Garâ-Oubeïra, l'étang de Beaumarchand. (3), et le Guelta-el-Hout, l'étang de Tonègue ; la plaine voisine de celui-ci était la plaine de Terraillane. L'imposition des noms à une contrée est un des caractères de la prise de possession, et je demande à restituer, celle-ci, ceux que lui firent porter nos pères pendant plus de deux siècles. Le territoire de La Calle est donc enceint par trois lacs dont deux, celui de Tonègue et celui du Bastion, se déversent dans la mer, et dont le troisième ferme presque l'espace que laissent entre eux les premiers.

       Le cercle de La Calle, situé à la limite orientale de l'Algérie, touche, par conséquent, aux possessions tunisiennes. Il est compris entre la mer et le Djebel Mecid, d'une part, et de l'autre, entre la frontière de Tunis et la Mafrag. Il touche, par conséquent, aux Cercles de Bône, de Guelma et de Souk-Ahras. Le mouvement orographique le plus remarquable de cette région maritime est une grosse chaîne de montagnes courant du Nord-Nord-Est au Sud-Sud-Ouest, qui, actuellement, est à la fois la frontière et la ligne de partage des eaux entre la Régence de Tunis et le territoire algérien. Cela posé, le Cercle de La Calle est très nettement divisé en trois bassins fort distincts :
       1° Le petit bassin du Tonga, lac d'eau douce se déversant dans la mer par l'Oued Mecida, au pied du Kef Chetob (Monte Rotondo). Les principaux affluents sont l'Oued el-Heurg qui réunit différentes sources au Nord et à l'Est du Kef Oum Teboul ; l'Oued Zitoun, l'Oued el Hout qui prend sa source à El-Aïoun et sur le plateau de Skhouna. Les principales montagnes de ce bassin sont le Djebel Oum en Nahal (cap Roux), le Kef-Chab, le Koudiat Selougui, le Kef Hammam Labrek, le Kef Oum Teboul et le Kef Chetob. Cette chaîne, vue de La Calle, offre des bosses dentelées qui les font ressembler à des crêtes de coq. Pélissier rapporte, dans sa description de la Régence de Tunis, qu'un petit volcan se rouvrit, en 1836, dans cette région, au Djebel Batouna.
       2° Le bassin de l'Oued el-Kébir, qui est le plus considérable des trois, prend sa source en Tunisie dans la chaîne de la frontière, entre par un passage resserré entre le Kef Chab et le Djebel Adissa, se nomme Oued Melila jusqu'à Kanguet Aoun, au-dessous de Roum-el-Souk, et, la, prend le nom de Oued el-Kébir jusqu'à sa rencontre avec l'Oued Bou Namoussa ; près de son embouchure, cette dernière partie se nomme alors la Mafrag.

       Les principaux affluents sont l'Oued Leben, l'Oued Mekimen, l'Oued Bougous, qui a sa source au Hammam Sidi Trad où il prend ce nom et dans le Djebel Dir ; l'Oued el-Guergour, l'Oued Halloufa, qui, aux Oulad-Nacer, porte le nom de Oued Zitoun et, plus haut, celui de Oued Oulidja aux Chiebna ; l'Oued el-Hammam venant de la Chefia où il prend le nom de Oued Mahris. Les principales montagnes sont le Djebel Tegma, R'oura, El- Dir, le Kef Rouah, le Djebel Oum Ali, Oudei el-Assel, Ouarda, Ras el-Drida et Bou Abed.
       3° Le bassin de l'Oued bou Hadjar qui se nomme Oued el-Kébir, à hauteur des Beni-Salah et, Oued bou Namoussa, dans la plaine, avant de se jeter dans la Mafrag. Les principaux affluents sont l'Oued Rell'aïa qui se nomme, aux Oulad Aziz, Oued Roumaly ; l'Oued Iroug, l'Oued Souïg, l'Oued el-Kébir qui se nomme, plus haut, Oued Mezra et reçoit l'Oued bou Allag ; les Oued Ali ed Dib, Zitoun, Konfoudi et Bou Tebel ; un affluent, venant de la Chefia, l'Oued Semsem.
       Les principales montagnes sont le Mecid, point le plus élevé de la grosse montagne des Oulad Messaoud, le Guern Aïcha, le Djebel el-Ouest, le Souani, le Bou Abra, El-Berd, Hanania et Bou-Abed.

       La frontière actuelle avec la Tunisie, à partir du Segleb ou cap Roux, suit la crête du Djebel Haddada, remonte la vallée de l'Oued Djenan, revient au Kef Chab, suit les flancs du Djebel Addissa et du Djebel Tagma, jusqu'au Djebel Khoura et au Djebel Guelche ; Aïoun Ouchane, Aïn Rihana, Sidi Ali El-Hamissi, Argoub Ez Zârour, Oued el-R'oul, Sidi el-Roribi, Oued Zitoun, Fedj Meraou, Fedj el-Sefâ, Djebel Oumbarka, Châbet Aïn Sidi Youssef, Oued ez Zemaïs, Djebel el-Haraba, Fid-ez Zaouch, Saf el-Malah. On voit, par ce qui précède, que cette région frontière est extrêmement montagneuse et tourmentée ; elle est en outre coupée de ravins profonds, remplis d'impénétrables broussailles, repaires du lion et de la panthère, et où se rencontre également le cerf.

       Trois routes aboutissent à La Calle ce sont :

       1° l'ancienne route de Bône par la plaine marécageuse qui s'étend entre la Seybouse et la Mafrag, longeant, la mer dont elle est séparée par des dunes de quelques centaines de mètres de largeur et arrive à la Mafrag qu'elle traverse, à l'aide d'un bac, à mille mètres environ en amont de son embouchure. La route remonte ensuite le bassin de l'Oued el-Kébir jusqu'au Bordj Ali Bey. Puis elle suit cette série de collines peu élevées qui séparent le bassin de l'Oued el-Kébir du bassin du lac El-Malah ; passe entre le lac El-Malah et le lac Oubeïra,, la plaine de Bou Merchem et arrive à La Calle, à environ 80 kilomètres de Bône. Cette voie de communication est presque à plat jusqu'à Bordj Ali Bey, elle est difficile à entretenir à cause de la nature même du terrain à la fois marécageux et sablonneux. Entre Bordj Ali Bey et La Calle elle traverse de belles forêts de chênes-lièges.
       2° Une autre route, récemment tracée, passe par le Tarf, le Guergour et se dirige directement sur Bône, en traversant les Beni Amar et les Beni Urgine.
       3° La troisième route longe la mer et aboutit à Oum Teboul, vers l'Est, dans la direction de Tabarka située à 25 kilomètres de La Calle.
       La route de La Calle à Bou Hadjar, longe la frontière Tunisienne à quelque distance ; elle traverse l'Oued el-Kébir, la plaine d'Aïn Khiar, gagne le bordj du Tarf, traverse ensuite le pays accidenté du Guergour et arrive à Bou Hadjar, à 70 kilomètres de La Calle. Cette route est très importante puisqu'elle coupe tout le Cercle et que deux embranchements s'y rattachent : celui de Roum-el-Souk, au camp des Faucheurs, et du Bordj du Mexenna à celui du Tarf.
       Une autre route, dite stratégique, côtoie toute la frontière jusque près de Guern Aïcha et relie, entre eux, les Bordjs construits pour surveiller nos turbulents voisins. Elle part du Segleb ou cap Roux, passe à Oum Teboul, Bordj El-Aïoun, au marché de Roum-el-Souk ; Bordj Mexenna et Aïn El-Kebira ; sur ces différents points nous avons établi des Bordjs ou Postes-frontières tels que : la Smala de spahis de Bou-Hadjar, qui tient en respect la tribu remuante des Ouchtata, et celle du Tarf au pied du Djebel Oum Ali, qui commande toute la plaine jusqu'à Aïn Khiar et au lac Oubeïra ; les Bordjs d'El-Aïoun, de Roum-el-Souk, de Mexenna, d'Aïn Kebir, d'El-Guitoun, de Sidi Trad et de Bou Hamra.
       Nous avons également un Poste à la mine de Oum Teboul. Oum Teboul n'est autre qu'un piton, dominé lui même par les hautes crêtes rocheuses des montagnes de la frontière Tunisienne, distantes de 4 kilomètres. Tous les contreforts de la principale chaîne, séparés, pour la plupart, par de profonds ravins, paraissent mal soudés ensemble, et semblent plutôt se heurter que se soutenir mutuellement.
       Toute cette partie montagneuse est admirablement boisée.

       C'est au pied du piton d'Oum Teboul qu'existe, aujourd'hui, le village de ce nom, bâti autour de l'Établissement de la mine, et alimenté par les eaux de l'Oued el Heurg, dont les eaux de très bonne qualité sont amenées par un canal.
       Quatre marchés hebdomadaires se tiennent dans le Cercle :
       - Celui de Bou Hadjar, tous les dimanches ;
       - A Roum-el-Souk (marché couvert) le mardi ;
       - Au Tarf, le vendredi ;
       - Le quatrième aux Oulad Ali Achicha, sur l'extrême frontière, a lieu le jeudi.

       Nous allons maintenant décrire la côte:
       Le cap Roux forme l'extrémité orientale de nos possessions Algériennes, ce sera donc notre point de départ.
       Ce cap, placé par 36° 57, de latitude Nord et 6° 20 de longitude, n'est que le prolongement des pentes abruptes du Djebel Segleb. Le cap Roux se compose de rochers d'une couleur roussâtre, escarpés de tous côtés. On distingue dans la masse du promontoire une large entaillure, partant du sommet et descendant jusqu'à la mer ; autrefois, les navires venaient mouiller auprès du cap et, par cette tranchée, l'ancienne Compagnie d'Afrique y faisait descendre les blés achetés aux Arabes. Sur un rocher abrupt qui, vu de la mer, apparaît inaccessible, on aperçoit encore les restes du magasin que la Compagnie y avait fait construire. Après avoir dépassé les falaises du cap Roux, on trouve le Monte Rotondo, Kef Chetob, des Arabes, montagne conique que son isolement rend très remarquable. A partir de ce point la côte prend la direction O.-S.-O. bordée par des pentes rapides recouvertes de broussailles et d'arbustes, jusqu'à l'embouchure de l'Oued Mecida qui sort du Garâ ou Guelt el-Hout, (lac des poissons). Le ruisseau de Mecida coule au pied de la montagne et vient déboucher à la mer, dans une crique où l les barques des corailleurs peuvent trouver un abri.

       Plus loin, la côte devient de plus en plus basse et forme ce qu'on appelle la grande plage qui ne présente plus que de dunes et des sables mouvants jusqu'à La Calle. On compte quatre milles du Monte Rotondo à La Calle.
       Nous avons déjà parlé de la situation de cet Établissement, il nous reste à dire quelques mots de son Port. " A la différence des autres Ports de l'Algérie, dit l'Ingénieur de la marine Lieussou, qui n'offrent que des anses plus ou moins ouvertes et qui regardent l'E.-S.-E., celui de La Calle consiste dans un petit bassin oblong dont l'entrée regarde 1'O.-N.-O. Ce bassin, resserré à son entrée, à 120 mètres de largeur moyenne sur 300 mètres de longueur. Il est limité au Nord, par un quai récemment construit le long de la presqu'île de rocher sur laquelle est établie la petite ville ; au Sud, par la côte formée par des falaises escarpées ; à l'Est, par un isthme de sable de 130 mètres de largeur.

       " Ce petit Port n'est pas accessible aux bateaux à vapeur, il n'est praticable que pour des caboteurs et des petits navires marchands Le peu de largeur de la passe et le brusque ressaut de fond qu'elle présente, y occasionnent, dans les gros temps, une barre ou brisant difficile à franchir. Cette disposition rend l'entrée dangereuse. Ce mouillage, ouvert en forme d'entonnoir, dans la direction d'où viennent presque toutes les tempêtes, n'est pas tenable en hiver, et n'offre, en été, qu'une sécurité incomplète. "
       La hauteur des lames refoulées par le fond du Port y détermine un ressac auquel les bâtiments ne peuvent résister qu'avec beaucoup de précautions et en s'amarrant solidement à chaque bord, d'un côté, à de vieux canons plantés à cet effet, sur le bastion, dans les môles, et de l'autre, à des rochers qui ont été taillés, pour le même usage, en terre ferme. Des bâtiments surpris par les vents de N.-O, pendant leur chargement, ont résisté, par ce moyen, à de violentes tempêtes ; néanmoins, la Compagnie d'Afrique évitait, autant que possible, que les bâtiments stationnassent dans l'intérieur du Port : ils allaient attendre, soit à Bône, soit à l'Île de la Galite(4) que leurs chargements fussent prêts et ils repartaient aussitôt qu'ils étaient chargés(5).
       La pointe Ouest du rocher de la presqu'île et un autre rocher à fleur d'eau qui se trouve à 60 mètres au pied de la côte, sous le Poste du moulin, forment les deux musoirs du port de La Calle. Il n'y a que six mètres et demi d'eau au milieu de la passe, sur un fond de roches mêlées de sable.

       Un peu en arrière de ces pointes, il s'en trouve deux autres entre lesquelles il n'y a que 85 mètres de distance. La profondeur moyenne du port est de 10 à 12 pieds au milieu; on voit donc qu'il ne pourrait recevoir des bâtiments de plus de 100 tonneaux. Les gros navires s'arrêtent au large, mais ils ne doivent pas y séjourner ils sont exposés à tous les vents sur un fond pierreux et de mauvaise tenue.

       Cent bateaux corailleurs et plus encore, peuvent trouver un refuge à La Calle, se hâler sur la plage sablonneuse du fond, être radoubés et préservés de tout danger dans les gros temps et pendant la mauvaise saison.
       Il n'y avait qu'un mètre et demi d'eau dans l'anse de Saint-Martin, qui s'ouvre à l'E., mais la plage qui l'entoure est assez grande pour contenir 80 bateaux corailleurs. Ils y étaient jadis mis à terre sous la protection de la batterie de l'Est. Il est très regrettable que cette anse ait été comblée ; on aurait pu la faire communiquer, par un petit canal, avec le fond du Port, et on aurait créé ainsi un arrière-bassin parfaitement calme dans les plus grandes tempêtes.
       Plusieurs projets ont été présentés pour améliorer le Port de La Calle celui de la Commission présidée par le Commandant Mouchez, et connu sous le nom de port de Boulif, sera sans doute adopté. Il a l'avantage incontestable de favoriser l'agrandissement de la ville et sa prospérité future ; de pouvoir abriter sûrement, par tous les gros temps et par tous les vents, les plus forts vaisseaux, et, enfin, de devenir un Port de refuge pour tous les navires qui, par les vents d'Ouest, ne peuvent gagner Bône. Le port de Boulif, à l'Ouest de La Calle, n'aurait pas moins de 80 hectares, et serait fermé par une jetée partant de la pointe des Carrières. L'isthme, ou plutôt la petite plage qui sépare le Port de La Calle, a été élargi, jadis, par des moyens artificiels.

       La mer la surmontait, autrefois, par les moindres coups de vent du N.-O., et la communication du rocher avec la terre était interceptée. Pour peu que le gros temps se prolongeât, on y manquait d'eau douce, la citerne n'en contenant pas assez pour suffire longtemps à la consommation. Pour remédier à cet inconvénient, on construisit, du rocher au continent, un mur qui arrêtait les sables poussés par les vagues ; ils eurent bientôt surmonté et enfoui cette muraille, et la plage reçut un prompt accroissement.
       Mais on fut ensuite obligé de la diminuer pour prévenir un ensablement au fond du Port. Dans les temps calmes et à loisir, on enlevait les sables du pied de la muraille et on les jetait du côté de l'anse de St-Martin. Le premier coup de vent du N.-O., qui venait ensuite, poussait de nouveaux sables à la place de ceux qu'on avait enlevés. On parvenait ainsi à entretenir, au fond du Port, la profondeur d'eau nécessaire au tirant d'eau des bateaux de la Compagnie.
       L'abandon où La Calle resta durant de longues années, ayant suspendu cette opération, il fallut, après notre prise de possession de 1836, procéder à quelques travaux de curage dans le fond du Port ensablé.
       Il y avait, jadis, une belle calle d'embarquement entre la porte de la Marine et celle du Centre, et une autre, plus petite, au-dessous de la maison de l'Agence. L'action des vagues les avait dégradées aussi.
       A l'Ouest de La Calle, la côte se prolonge au S.-O. et est bordée d'escarpements ; elle laisse, devant elle, la petite île de l'Abondance, forme une plage, dite Plage Romaine, se relève aussitôt vers le N.-O., avec des pentes très raides, pour aller passer au Cap Gros.
       La plage romaine, appelée aussi quelquefois Rade des Romains, a près d'une lieue de longueur et facilite singulièrement l'entrée du port de La Calle. Elle n'offre aucun abri contre les vents du large, mais les bateaux corailleurs qui, dans le cas d'une réunion générale, n'auraient pu trouver place dans l'intérieur du port, pourraient, quel que fut leur nombre et l'activité de la pêche, se rassembler sur ses bords. Malgré sa grande distance, la saillie du Cap Gros abrite parfaitement contre les vents d'Ouest fréquents dans ces parages.
       La côte se dirige ensuite à l'O.-N.-O. par le Cap Mezara et on découvre les ruines d'une tour. Elle s'élève sur un escarpement rougeâtre, au-dessus d'une petite anse bordée de sable blanc, aujourd'hui déserte, mais, il y a moins de deux siècles pleine d'animation et de bruit.
       Cette tour est tout ce qui reste de l'ancien Bastion de France, El-Bastioun, comme les Arabes l'appellent encore. Le pays environnant, dont la prodigieuse végétation excitait autrefois l'admiration du Père Dan, a conservé le même aspect : une riche verdure couvre les vallées, et les montagnes sont toujours revêtues d'épais taillis avec quantité de bois de haute futaie.

       La côte descend ensuite vers le S.-O., en présentant alternativement des falaises taillées à pic et de petites plages. A un peu moins de deux milles du Bastion, elle semble se creuser brusquement. On y remarque une déchirure profonde, semblable à l'embouchure d'une rivière, mais il n'y a là qu'un chenal par lequel la mer communique avec le lac connu des marchands français, aux derniers siècles, sous le nom de Étang du Bastion.
       C'est le Garâ ou Guelta el-Malah des Arabes, dans lequel, autrefois, les corailleurs pénétraient souvent et qui servait de Port à leurs barques pendant l'hiver. M. le Lieutenant de vaisseau Dubouchage s'est livré à une étude très intéressante, pour démontrer l'utilité d'établir, au lac Malah, un Port qui aurait surtout une certaine importance militaire... Ce lac, dit-il, est situé entre le Cap Gros et le Cap Rosa. C'est un bassin de 867 hectares d'étendue, dont le point le plus rapproché de la côte en est à 250 mètres. Il a actuellement une communication avec la mer par un canal tortueux, dont l'embouchure est exposée en plein aux vents de N.-O. et repose sur un lit de roches. Tous les dépôts amenés par les eaux du lac, et les sables entraînés par la mer du N.-O, se sont en conséquence amoncelés à cette embouchure jusqu'à la combler. Elle est côtoyée sur la rive E. par un monticule dont l'élévation est d'environ 30 mètres. Ce monticule, en s'avançant dans la mer, forme, sur son autre côté, une petite baie qui abrite des vents d'Ouest.

       C'est dans cette baie qu'aboutirait la passe à creuser pour faire communiquer le lac avec la mer par la plus courte distance qui les sépare. Le lac a une profondeur qui varie entre quatre et cinq mètres ; lorsque sa communication avec la mer sera ouverte, les navires du commerce pourront donc entrer dans un port vaste et parfaitement abrité, par une passe dont la direction serait du N.-N.-E. au S.-S.-O. où, par conséquent, on entrerait toujours largue par les vents du large, qui sont les vents régnants.
       Il y a, du Cap Gros au Cap Rosa, une étendue de neuf milles de côtes avancées dans la mer et faciles à reconnaître très au large. Lorsqu'on approcherait, on aurait pour l'entrée du Port un point de reconnaissance certain dans le monticule dont j'ai parlé, qui indiquerait le côté Ouest de la passe. On voit qu'en creusant simplement un canal de communication qui aurait 250 mètres de long entre le lac et la mer, on aurait un Port sûr et meilleur, pour le séjour des navires du commerce, qu'aucun de ceux qui existent sur la côté d'Afrique. Mais si l'on se bornait à creuser cette passe, on n'aurait fait qu'un travail incomplet. Elle doit être protégée contre l'envahissement des sables par deux jetées : l'une, appuyée sur la pointe du promontoire, qui la prolonge à l'O. et dirigée vers l'E.-N.-E., la protégera au N.-O.; l'autre, de 150 mètres, partant du milieu de la baie, à 300 mètres de la rive E. du canal d'entrée et dirigée au N.-N.-O., la protégera du côté de l'E.

       L'utilité de l'établissement d'un Port au lac Malah, est fort grande, au point de vue du commerce et de la colonisation. Le Cercle de La Calle est, je ne crains pas de le dire, une des parties les plus riches de l'Algérie ; son sol est d'une très grande fertilité il est couvert de bois de toutes essences, et contient des mines de fer, de cuivre et de plomb argentifère, dont l'exploitation donnerait de splendides résultats s'il y avait un bon Port à portée. De plus, placé sur la frontière de Tunis, il doit attirer à lui tout le commerce de la Régence par les marchés de la lisière, et notamment par celui de Roum-el Souk. Et puis, une chute d'eau de 30 mètres de hauteur, produite par le déversement du Lac Oubeïra dans le Lac Malah donnerait de puissantes ressources pour établir, sur le lieu même de l'embarquement, des usines de toute sorte.
       Ce Port aurait donc; pour alimenter son commerce, tous les produits tunisiens, outre l'exploitation de la contrée dans laquelle il est situé. Enfin, il deviendrait le centre du commerce du corail, lequel commerce pourrait y prendre une grande extension.
       Au-delà de l'Étang du Bastion, la côte se prolonge avec la même alternative monotone de falaises abruptes et de plages étroites ; puis on rencontre le Cap Rose, le Ras bou Fahal des Arabes, terre peu élevée et couverte seulement de broussailles, sans la moindre culture. Le géographe Edrissi mentionne ce promontoire sous le nom de Tarf.

       Il est aussi représenté sur toutes les anciennes cartes nautiques. L'Atlas catalan de Ferrer lui donne le nom de Cap de la Rosa et le portulan de Visconti celui de Cavo di Rosso.
       Au moyen-âge, le Cap Rose était souvent visité par les marchands européens. C'était une des meilleures stations pour la pêche du corail. Aujourd'hui, encore, pendant la belle saison, c'est-à-dire depuis le commencement d'avril jusqu'à la fi n de juillet, les parages du Cap Rose sont très fréquentés. Les pêcheurs assurent que ses bancs de rochers donnent toujours le corail le plus beau et le plus riche de la côte d'Afrique et qu'on n'est pas obligé d'aller le chercher à une trop grande distance ; on le trouve à une profondeur de quarante à cinquante brasses.
       Les Français avaient formé en ce lieu un établissement, " où demeurait un caporal avec huit soldats et un interprète pour le négoce ; " mais ce que le Cap Rose donnait au commerce, était peu considérable ; on n'en tirait guère annuellement que trois ou quatre mille mesures de blé et mille à douze cents cuirs. Ce poste, considéré comme peu utile et d'un entretien trop coûteux, fut abandonné en 1677, la même année que le Bastion de France.
       La forteresse du Cap Rose était bâtie sur un rocher escarpé au Sud d'une petite anse connue sous la dénomination de Cale du Prisonnier. Cette crique, située à l'Ouest du Cap, était un lieu de rendez-vous pour les pêcheurs de corail. Le pays qui l'avoisine, entièrement inculte et inhabité, leur donnait la facilité de faire de l'eau et du bois, sans crainte d'être surpris par les Arabes.



1) Un arrêté du Maréchal Clauzel avait nommé Yousouf Bey in partibus de Constantine en remplacement d'EL-Hadj Ahmed.
2) Le camp de Clauzel établi à Dréan dans la plaine de Bône.
3) Du nom arabe Bou-Merchem, qui appartient à la plaine touchant le lac, ou en fit Beaumarchand.
4) Cette île, située sur le banc de La Calle, à 8 ou 10 lieues à l'Est de l'établissement, est presque vis-à-vis de la limite des deux Régences. Ce n'est qu'un rocher autour duquel on trouve un abri momentané contre certains vents.
5) Faute d'avoir pris cette précaution, beaucoup de bâtiments se sont laissés surprendre et ont péri depuis que nous occupons La Calle. Les bateaux corailleurs ont également éprouvé des pertes. A la louange des habitants de La Calle, nous devons mentionner ici que chaque fois qu'un sinistre maritime s'est produit, toute la population a porté secours aux naufragés avec un dévouement extrême.
Je ne citerai qu'un homme entre tous qui, dans ces pénibles circonstances, s'est le plus fait remarquer, c'est Luigi Aquilina, d'origine maltaise. Jadis capitaine d'une flottille de barques de corailleurs, il est le premier européen qui s'établit à La Calle, en 1836. Il serait long d'énumérer tous les services rendus par Aquilina pour faire prospérer La Calle au point de vue du commerce, de la pêche du corail et de la colonisation. Bornons-nous à rappeler, ici, les nombreux sauvetages qu'il a faits et les victimes qu'il a arrachées au péril de sa vie à la fureur des flots. C'est après le sauvetage, de l'équipage du bâtiment de l'État le Boberak, que le gouvernement français décerna an Maltais Aquilina, la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur.

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

PHOTO de LA CALLE
Envoyé par M. Buonomano
Conseil Municipal

        Bonjour,
     Voici une photo dont je désirerez connaître l'endroit exact où elle a ete prise.


     Elle représente le Conseil Municipal de La Calle: pour info sur la photo mon grand-père a une petite croix au dessus de la tête ;son nom était Buonomano François et son surnom était laganichque il a habité route de la pépinière puis à la presqu'ile il est décédé en 1957.
     Au cas et j'espère qu'il y aurait d'anciens callois qui reconnaitraient certaines personnes. je ne vois aucuns problèmes à ce qu'ils entrent en contact avec moi
     Comptant sur votre aide, très amicalement. Mr Buonomano
claire.buonomano@sfr.fr
M. Buonomano       

NOS BUVARDS D'ANTAN
Envoyé par M. Jean Pierre PEYRAT
collection personnelle de M. Paul Rost de Constantine.

Maxime du retraité
Envoyé Par Chantal

          Ma femme me demande avec sarcasme:
          -"Que penses tu faire aujourd'hui ?"
          -"Rien."
          Elle me répond :
          -"C'est déjà ce que tu as fait hier!"
          -"Oui mais j'ai pas fini."



NOTES
Bulletin de l'Algérie
N° 7, Mai 1856

MÉLANGES ET NOUVELLES.

Préceptes hygiéniques à l'usage des habitants de l'Algérie
- Précautions à prendre contre les miasmes. — Le matin, avant de sortir, prenez quelques aliments, ou, du moins, une boisson amère, café amer, infusion de centaurée, vin de quinquina, infusion de thé ou de bourrache.
La nuit, tenez votre demeure bien close. Dormez le plus haut que vous pourrez au-dessus du sol.
Buvez de l'eau filtrée, jamais d'eau stagnante, car un seul verre de cette dernière vous transmet ou peut vous transmettre la fièvre ou la dysenterie.
Si vous n'avez pas d'eau filtrée, usez de celle que vous aurez fait bouillir avec du café, 30 à 40 grammes par litre de liquide.
Si vous n'avez pas une nourriture tonique, consistant en viandes ou vin de bonne qualité, mangez force oignon, ail ou cresson.
Si vous couchez sous une tente, ou baraque, ou sur le sol, enveloppez-vous le corps d'un vêtement épais en laine, burnous, paletot ou sac. Respirez à travers ce vêtement. Ces précautions vous éviteront des chances d'absorption miasmatique.
N'allez point au marais avant le lever du soleil allez-y lorsque le soleil est déjà fort et après un repas !
Dès que vous sentirez un accès de fièvre et que vous aurez la bouche pâteuse, avalez un vomitif ou un vomito-purgatif ; puis, quelques heures après l'effet de ce remède, ingérez-vous une forte dose de sulfate de quinine.
Si vous êtes sujet à la fièvre et qu'il vous faille vivre au milieu du miasme paludéen, saturez-vous, d'avance, de sulfate de quinine.
Le miasme paludéen est mis en mouvement par les premiers dessèchements des terres vierges; c'est pourquoi il faut autant que possible faire une première récolte sur cette espèce de terre avant d'y habiter.

Hygiène de l'enfance. — S'il est absolument impossible à une femme européenne du Nord de nourrir l'enfant qu'elle a mis au monde, il faudra s'assurer de la salubrité du logement de la nourrice qui devra remplacer la mère dans l'allaitement de l'enfant. Les nourrices les meilleures sont les Espagnoles des îles Baléares, parce qu'à cause du lieu de leur naissance, leur acclimatement est plus facile. Il ne faut jamais, en Afrique, sevrer les enfants avant quinze ou dix-huit mois, et ne point le faire en été, surtout pendant le travail de la dentition. Que les nourrices ne couchent jamais leurs nourrissons avec elles! Un berceau à claire-voie sera préférable à une couchette à panneaux pleins. Ce lit sera tenu élevé au-dessus du sol. Une moustiquaire en tulle garantira les enfants de la piqûre des cousins. Le crin ou même la paille de maïs sera préférable à la laine et surtout à la plume pour les matelas et oreillers.

Préceptes généraux.Pendant les chaleurs, faites une sieste au milieu du jour.
Quelle que soit la chaleur, prenez chaque jour de l'exercice physique, si vous avez des occupations sédentaires.
Evitez de vous baigner dans les eaux stagnantes des marais, à l'embouchure des rivières, car elles ont dans leur sein des miasmes paludéens qui inculquent des fièvres pernicieuses.
Dans un voyage, si vous couchez en plein air, ou sous une tente, évitez le refroidissement de la nuit. En conséquence, couvrez-vous de vêtements de laine, burnous ou paletot à capuchon. Dormez le visage enfoncé dans un capuchon ou les yeux recouverts d'une étoffe quelconque. Vous vous préserverez ainsi des ophtalmies.
Buvez ou mangez peu avant et pendant la marche; faites un repas réparateur quand votre étape sera terminée.
Si vous êtes surpris en route par le siroco, et si vous vous trouvez sur un terrain déjà échauffé, ne vous couchez pas par terre. Tenez-vous debout, ou mieux continuez de marcher jusqu'à ce que vous soyez arrivé à un lieu plus frais et moins brûlé par le siroco.
Ne passez pas la nuit sur les bords des marais, des flaques d'eau, des rivières encaissées et dans les vallées. Gagnez les hauteurs de préférence, vous aurez moins à craindre le miasme paludéen et les moustiques, deux inconvénients des lieux bas et humides.

Retour en Europe.Bien portant ou malade, il faut, en général, pour quitter l'Algérie, choisir le commencement de l'été.
S'il arrivait qu'on dût partir plus tôt, on fera bien, avant de pénétrer jusqu'au centre de l'Europe, de séjourner quelque temps en Provence.
Enfin, pour conjurer les inflammations d'estomac, il faut éviter de se livrer sans réserve à l'appétit excessif que l'on éprouve au retour en Europe.   (Guide du Colon.)

Brevets d'invention pris en Algérie.Le décret du 5 juillet 1850, qui a rendu applicable en Algérie la loi du 5 juillet 1844, a eu pour objet d'étendre aux brevets d'invention demandés dans la colonie les privilèges attachés à ceux de la métropole.
L'effet salutaire de cette mesure, qui s'était fait sentir dès les premières années de son application, a contribué à élever, d'une manière très sensible, le chiffre des brevets pris en Algérie pendant la période de 1852-1854, comme on peut en juger par la nomenclature suivante :

ANNÉE 1852.

Brevet d'invention de 15 ans, au sieur Garnier-Savatier, d'Alger, pour une pompe, sans clapet, ni soupape.
- De 15 ans, aux sieurs Renard, Martin et Bertren, d'Oran, pour la fabrication de blocs destinés aux travaux hydrauliques, d'ardoises factices pour toitures, et de tubes pour conduites d'eau, au moyen de l'huile de houille dite coltar.

- De 15 ans, au sieur Turgis et à la dame Hennequin, d'Oran, pour une machine à force motrice spontanée et continue.
- De 15 ans, au sieur Lavoute aîné, de Constantine, pour un double levier hydraulique, dit de Lavoute aîné.

ANNÉE 1853.

Brevet d'invention de 15 ans, au sieur Borde, de Philippeville, pour l'extraction d'une huile du fruit de lentisque.
- De 15 ans, au sieur Bénier, d'Alger, pour la transformation en filasse des feuilles du palmier-nain.
- De 15 ans, au sieur Cruzel, d'Alger, pour la fabrication du crin végétal au moyen de la sparterie.
- Au sieur Salaville, d'Alger, pour un appareil destiné à transformer les blés durs en blés blancs et tendres.
- Au sieur Mourguet, d'Alger, pour un procédé propre à la fabrication du crin végétal au moyen de la sparterie.
- Au sieur Daigre, d'Alger, pour un appareil propre à la destruction des charançons.
- De 15 ans, aux sieurs Millon et Mouren, d'Alger, pour des perfectionnements apportés par eux au traitement des blés et autres grains.
- De 15 ans, au sieur Danduran, pour un appareil plongeur.
- De 15 ans, au sieur Le Batteux, pour un appareil désigné par le nom de pêcheur sous-marin.
- De 10 ans, au sieur Maggiolo, d'Alger, pour une boisson dite bière gazeuse d'Afrique.

ANNÉE 1854.

Brevet d'invention de 15 ans, à la dame Cauvin, pour un cosmétique, dit Eau d'Oran.
- De 15 ans, aux sieurs Bresson et Benazet, pour amélioration dans la mouture des céréales.
- De 15 ans, au sieur Roche, pour la fabrication d'un papier à cigarettes hygiénique.
- De 15 ans, au sieur d'Agen de Lacontrie, pour une machine à égrener le coton, dite égreneuse algérienne, et pour une machine à ouvrir préalablement le coton.
- De 15 ans, au sieur Torgue, pour une presse destinée au pressage des huiles, des vins, du coton, etc.
(Tableau des établissements français dans l'Algérie.)

Histoire et archéologie.M. le ministre de l'instruction publique et des cultes a bien voulu offrir le titre de correspon­dant du ministère pour les travaux historiques, à cinq personnes auxquelles un long séjour en Afrique a permis de publier des ouvrages aussi utiles qu'intéressants sur l'histoire, la géographie, la littérature, les dialectes et l'archéologie de l'Algérie. Les savants que M. le ministre a honorés de son choix sont MM. Berbrugger, à Alger; le colonel de Neveu, à Alger; Cherbonneau, à Constantine; Brosselard, à Tlemcen, et Mac-Carthy, à Alger.

Société impériale d'acclimatation. — Nous constatons avec plaisir l'importance chaque jour plus grande que prennent les questions algériennes dans les délibérations de cette Société. Le Comité; de l'Algérie, reconstitué et accru de nouveaux membres, s'est réuni trois fois déjà sous la présidence de M. Richard (du Cantal). La première délibération a porté sur les moyens de régulariser la pêche et la préparation du corail et de conférer à la France cette industrie, qui tend chaque jour à passer dans les mains des étrangers. M. le ministre de la guerre avait demandé l'avis de la Société sur cette question; le Comité en a fait l'objet d'un examen approfondi. Lorsque le rapport, confié à M. Focillon, aura été présenté, nous donnerons les diverses opinions émises à ce sujet.

Le Comité a entendu la lecture d'un travail de M. le docteur Gosse (de Genève), sur la domestication de l'autruche, et celles des négociants de Paris sur le commerce des dépouilles de cet oiseau.
Après diverses observations échangées sur la pisciculture, la production des huiles et du coton, des rapporteurs ont été nommés. Nous serons à même de tenir nos lecteurs au courant des travaux du Comité de l'Algérie et des réunions générales de la Société, qui poursuit avec succès son but, l'étude des sciences naturelles dans leurs applications aux divers besoins sociaux.

- Un arrêté de M. le maréchal de France, ministre secrétaire d'Etat de la guerre, en date du 22 mars 1856, a prorogé de nouveau et pour une année, l'autorisation, précédemment accordée à M. Grasson, d'entreprendre l'exploration des gîtes de pyrites cuivreuses de l'Oued-Bou-Hallou., près de Ténès (province d'Alger), et de disposer des minerais provenant de ses travaux de recherches. Un arrêté, du 18 avril courant, a aussi prorogé de nouveau et pour une année, l'autorisation, précédemment accordée , à M. Armand d'entreprendre la reconnaissance des gisements de cuivre et de fer du Djebel-Hadid, près de Ténès (province d'Alger), et de disposer des minerais provenant de ses travaux de recherches.

BIBLIOGRAPIHIE

Gazette médicale de l'Algérie. 1ère année 1856, N° 1 à 4 in-4°.
La Gazette médicale de l'Algérie, qui parait depuis le mois de janvier dernier, à Alger, sous la direction de M. le docteur A. Bertherand, médecin principal de l'hôpital du dey, ne contient pas seulement des articles ou des observations de médecine, de chirurgie et de pharmacie, le savant rédacteur en chef accorde encore dans ses colonnes une place à d'autres travaux, moins sérieux, il est vrai, mais tout aussi utiles. Parmi ceux qui figurent dans les quatre numéros ayant vu le jour, en dehors des cliniques médicale et chirurgicale, nous citerons,
1° sous le titre d'hygiène publique, une notice sur les eaux du Sahel, en général, et sur celles de Fondouk, en particulier ;
2° plusieurs articles, traduits par M. Pharaon, sur la littérature médicale arabe;
3° des remarques fort intéressantes de M. Moreau, médecin des établissements civils de Bône, sur la salubrité de cette ville en 1855 et sur les travaux d'assainissement qui y ont été exécutés ;
4° des considérations générales sur les eaux minérales de l'Algérie, ducs à M. le docteur Bertherand;
5° enfin, deux articles d'une notice topographique sur Hammam-Mélouane, près de Rovigo (province d'Alger), par M. Payn, médecin de la colonisation à Hussein-Dey.
Cette publication doit être bien accueillie, nous n'en doutons nullement : son apparition nous paraît très opportune dans un moment où tout semble faire présager un accroissement notable dans la population par l'essor que va prendre, sans aucun doute, la colonisation, le commerce et l'industrie de l'Algérie.

J.R.              

LE PETIT GARÇON ET LA POUPEE
Envoyé Par Nicolas


          Dans un magasin je me suis retrouvé dans l'allée des jouets.

          Du coin de l'œil, j'ai remarqué un petit garçon d'environ 5 ans, qui tenait une jolie poupée contre lui. Il n'arrêtait pas de lui caresser les cheveux et de la serrer doucement contre lui.
          Je me demandais à qui était destinée la poupée.

          Puis, le petit garçon se retourna vers la dame près de lui :
          Ma tante, es-tu certaine que je n'ai pas assez de sous ?
          La dame lui répondit avec un peu d'impatience :
          Tu sais que tu n'as pas assez de sous pour l'acheter.

          Puis sa tante lui demanda de rester là et de l'attendre quelques minutes, et elle partit rapidement.
          Le petit garçon tenait toujours la poupée dans ses mains.
          Finalement, je me suis dirigé vers lui et lui ai demandé à qui il voulait donner la poupée.
          C'est la poupée que ma petite sœur désirait plus que tout pour Noël, elle était sûre que le Père Noël la lui apporterait.

          Je lui dis alors qu'il allait peut-être lui apporter, il me répondit tristement:
          Non, le Père Noël ne peut pas aller là où ma petite sœur se trouve maintenant...
          Il faut que je donne la poupée à ma maman pour qu'elle la lui apporte.

          Il avait les yeux tellement tristes en disant cela.
          Elle est partie rejoindre Jésus.
          Papa dit que maman va aller retrouver Jésus bientôt elle aussi, alors j'ai pensé qu'elle pourrait prendre la poupée avec elle et la donner à ma petite sœur.

          Mon cœur s'est presque arrêté de battre.
          Le petit garçon a levé les yeux vers moi et m'a dit:
          J'ai dit à papa de dire à maman de ne pas partir tout de suite. Je lui ai demandé d'attendre que je revienne du magasin.

          Puis il m'a montré une photo de lui, prise dans le magasin, sur laquelle il tenait la poupée en me disant:
          Je veux que maman apporte aussi cette photo avec elle, comme ça, elle ne m'oubliera pas. J'aime ma maman et j'aimerais qu'elle ne me quitte pas, mais papa dit qu'il faut qu'elle aille avec ma petite sœur.

          Puis il baissa la tête et resta silencieux.
          Je fouillais dans mes poches, en sortis une liasse de billets et je demandais au petit garçon :
          Et si on recomptait tes sous une dernière fois pour être sûrs ?
          OK, dit-il, Il faut que j'en aie assez.

          Je glissais mon argent avec le sien et nous avons commencé à compter.
          Il y en avait amplement pour la poupée et même plus.
          Doucement, le petit garçon murmura :
          Merci Jésus pour m'avoir donné assez de sous.

          Puis il me regarda et dit:
          J'avais demandé à Jésus de s'arranger pour que j'aie assez de sous pour acheter cette poupée afin que ma maman puisse l'apporter à ma petite sœur.
          Il a entendu ma prière. Je voulais aussi avoir assez de sous pour acheter une rose blanche à ma maman, mais je n'osais pas lui demander. Mais il m'a donné assez de sous pour acheter la poupée et la rose blanche.
          Vous savez, ma maman aime tellement les roses blanches...

          Quelques minutes plus tard, sa tante revint, et je m'éloignais en poussant mon chariot.
          Je terminai mes courses dans un état d'esprit complètement différent de celui dans lequel je les avais commencé.
          Je n'arrivais pas à oublier le petit garçon.
          Puis, je me suis rappelé un article paru dans le journal quelques jours auparavant qui parlait d'un conducteur en état d'ivresse qui avait frappé une voiture dans laquelle se trouvaient une jeune femme et sa fille.
          La petite fille était morte sur le coup et la mère gravement blessée.

          La famille devait décider s'ils allaient la débrancher du respirateur.
          Est-ce que c'était la famille de ce petit garçon ?
          Deux jours plus tard, je lus dans le journal que la jeune femme était morte.
          Je ne pus m'empêcher d'aller acheter un bouquet de roses blanches et de me rendre à la morgue où était la jeune maman.

          Elle était là, tenant une jolie rose blanche dans sa main, avec la poupée et la photo du petit garçon dans le magasin.
          J'ai quitté la morgue en pleurant sentant que ma vie changerait pour toujours.
          L'amour que ce petit garçon éprouvait pour sa maman et sa sœur était tellement grand, tellement incroyable et en une fraction de seconde, un conducteur ivre lui a tout enlevé...

          Je ne sais pas si cette histoire est vraie, elle pourrait l'être.
          QUE FAIRE DEVANT UN TEL DRAME
1 - Faire comme si nous ne l'avions pas lu et qu'il ne nous touche pas.
2 - Ou le faire connaître à ses amis, peut-être que cela empêchera quelqu'un de conduire après avoir consommé de l'alcool et peut être aussi que cela remettra en place sa vision de la vie.


LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE PREMIER. (suite)
Historique et politique sur la régence d'Alger.
Cause de la guerre de la France contre Alger - Blocus -
Préparatifs de l'expédition - Départ de l'armée d'expédition.
Aperçu géographique,

          L'Espagne, dont la politique cruelle envers les Maures de l'Andalousie avait été cause en grande partie de l'établissement de la piraterie barbaresque, fit aussi des efforts pour la réprimer; mais, en général, ses entreprises ne furent pas heureuses. Tout le monde connaît les détails de la funeste expédition de Charles-Quint. En 1775, O'Reilly, Irlandais au service de Charles III, se fit battre par les Algériens avec une armée de débarquement de plus de 50,000 hommes. En 1785 et en 1784, quelques tentatives de bombardement furent dirigées contre Alger; mais elles furent sans résultat. En 1785, la paix fut rétablie, entre les deux puissances, à des conditions qui augmentèrent prodigieusement l'insolence des Algériens.
          L'expédition de lord Exmouth, en 1816, rabattit un peu leur orgueil; mais, Omar pacha, qui était un prince actif et habile, répara leurs pertes avec tant de rapidité que, deux ans après, ils purent braver une flotte combinée anglaise et française, qui vint les sommer, au nom du congrès d'Aix-la-Chapelle, de s'abstenir, à l'avenir, de toute hostilité contre les États chrétiens. Cette bravade n'ayant pas été punie, ils oublièrent bien vite l'humiliation de 1816 ; quelques succès qu'obtinrent leurs navires dans la guerre de l'insurrection de la Grèce accrurent encore leur orgueil, qu'ils poussèrent jusqu'à insulter à deux reprises différentes le pavillon du Grand Seigneur leur suzerain. Mais ce fut principalement contre la France qu'ils dirigèrent leurs outrages.

          Le traité qui, en 1817, nous remit en jouissance de nos possessions de La Calle et du monopole de la pèche du corail, stipulait une redevance de 60,000 fr. ; trois ans après elle fut arbitrairement portée à 200,000 fr., et pour prévenir la perte totale de nos établissements nous fûmes obligés d'en passer par ce que voulut le Gouvernement d'Alger.
          En 1818, un brick français fut pillé par les habitants de Bône, et nous ne pûmes obtenir aucune espèce de réparation.
          En 1825, la maison de l'agent consulaire de France à Bône fut violée par les autorités algériennes, sous prétexte de contrebande ; quoique le résultat de la visite eût prouvé la fausseté de l'accusation, le Dey ne donna aucune satisfaction de cette offense.
          Des bâtiments romains, portant pavillon français en vertu de la protection accordée au Saint-siège par la France, furent capturés, et des marchandises françaises furent saisis à bord de bâtiments espagnols, malgré la teneur des traités existant avec la Régence, qui établissaient que le pavillon français couvrait la marchandise, et que la marchandise française était inviolable sous quelque pavillon qu'elle fût.

          Enfin, 1827, une insulte grossière faite à M. Deval, notre consul à Alger, par le dey Hussein pacha, vint mettre le comble aux outrages que nous avions reçus du Gouvernement algérien : voici comment elle fut amenée.
          Deux riches négociants juifs d'Alger, les sieurs Busnack et Bacri, avaient fourni à la France, lorsqu'elle était constituée en république, une quantité considérable de blé, et devinrent créanciers de l'État pour une assez forte somme. Les embarras financiers dans lesquels se trouva longtemps la France, firent ajourner la liquidation de cette créance. En 1816 seulement, une commission fut nommée pour cet objet : la somme due, y compris les intérêts, fut reconnue s'élever à 14 millions; mais, par suite d'une transaction qui eut lieu le 28 octobre 1819, elle fut réduite à 7 millions, et il fut stipulé que les créanciers que Bacri pouvait avoir en France seraient appelés à la discuter. En vertu de cette convention, plusieurs paiements furent faits en France aux créanciers français de Bacri. Mais ce Juif en avait d'autres en Afrique, dont le principal était le Gouvernement algérien lui-même, qui lui avait vendu des laines et autres objets. Le Dey, qui s'était habitué à considérer la créance de Bacri sur la France comme le meilleur gage de celle de son Gouvernement sur ce négociant, fut contrarié de voir ce gage diminuer chaque jour par les paiements opérés au profit des créanciers français. Il crut, ou affecta de croire, que tous n'avaient pas eu lien de bonne foi. Cette opinion a été partagée par d'autres personnes en France comme en Afrique. Il était donc possible que les nombreuses réclamations, que le Dey éleva contre le mode de liquidation de la créance Bacri, ne fussent pas sans fondement. Comme ce prince voyait que bien des intrigues particulières étaient mêlées à cette affaire, il crut devoir en écrire directement au Roi de France, pensant que de cette manière il pourrait la ramener sur un autre terrain. Sa lettre resta sans réponse. Sur ces entrefaites le consul de France s'étant présenté chez lui, selon l'usage, à l'occasion de la fête du Beiram, le Dey lui demanda quelle était la cause de ce silence. M. Deval répondit par une phrase dont le sens était qu'il n'était pas de la dignité d'un roi de France d'entrer en correspondance avec un dey d'Alger sur une pareille matière. Il y avait mille manières de dire la chose; mais il paraît que M. Deval choisit la plus offensante pour le Dey. Ce prince, quoique circonspect et poli, ne pu maîtriser un mouvement de colère, et il frappa M. Deval d'un chasse-mouches en plumes de paon qu'il avait à la main. Pour son malheur, il accompagna cette action de propos injurieux pour le Roi de France, et qui étaient de nature à ne pouvoir être tolérés, quand même notre Gouvernement aurait été disposé à passer sous silence l'insulte faite au consul, en considération de la provocation déplacée de cet agent.

          M. de Villèle était alors à la tête des affaires de notre pays. Ses ennemis, qui étaient nombreux, lui reprochaient avec raison une politique corruptrice dans l'intérieur, et sans dignité au dehors. Il crut voir dans l'outrage que venait de nous faire le Dey d'Alger un moyen de déployer de la fermeté diplomatique sans danger, et de s'attirer sous ce rapport un peu de considération. En conséquence, il fit sonner bien haut les torts du Dey d'Alger, et il annonça que le Roi saurait en tirer une éclatante vengeance. Il s'était persuadé qu'il suffirait de quelques menaces pour intimider Hussein pacha; ses espérances furent déçues; alors, au lieu de se déterminer à frapper fort, il ne prit qu'une demi-mesure: le blocus du port fut ordonné; le Dey se moqua du blocus comme il s'était moqué des menaces. Aussi cette affaire, dont M. de Villèle comptait profiter pour ramener à lui l'opinion publique, ne servit qu'à la lui aliéner encore davantage. On crut y voir l'influence de l'Angleterre, et la haine et le mépris qu'il inspirait s'en accrurent. Il tomba; une administration sage, mais trop faible pour les graves circonstances dans lesquelles se trouvait la France, prit sa place. Ce nouveau ministère, qui, à l'intérieur, déplut à la cour, sans satisfaire pleinement l'opinion publique, se conduisit dans sa politique extérieure avec peu d'habileté. Le blocus d'Alger fut continué, et l'on remit à un autre temps l'emploi des seuls moyens qui pouvaient amener la soumission entière des barbares.

          Il était réservé au ministère présidé par le prince de Polignac de prendre un parti décisif dans cette affaire. On a dit qu'il y fut surtout poussé par la pensée de donner un certain éclat guerrier à la couronne dans un moment où celle-ci songeait à accroître ses prérogatives en s'appuyant plus sur la force que sur le droit; mais les Algériens, en tirant sur un bâtiment parlementaire, avaient tellement augmenté les motifs avouables que l'on avait de porter les choses à l'extrême contre eux, qu'il n'est peut-être pas nécessaire de chercher des causes secrètes à une conduite qui s'explique d'elle-même. D'ailleurs, ce ne fut pas de prime abord que le Gouvernement royal se décida à envoyer une expédition à Alger : il avait un instant pensé à faire occuper les trois régences d'Alger, de Tunis et Tripoli, par le pacha d'Egypte, dont le Gouvernement aurait offert à l'Europe plus de garantie que celui des puissances barbaresques. Méhémet Ali, à qui de forts subsides étaient offerts, prêta d'abord l'oreille aux propositions de la France; mais, intimidé par les menaces de l'Angleterre, qui se jeta à travers cette négociation, il finit par refuser. Ce fut alors que le cabinet français se détermina à agir lui-même. Dès que sa résolution fut connue, elle excita dans celui de Londres un de ces accès de fureur diplomatique, où la jalousie en délire et la crudité de l'égoïsme breton poussent jusqu'à l'absurde l'énormité des exigences : on voulait arracher à la France la promesse qu'elle ne formerait point d'établissement à Alger, et l'on n'épargna pas pour l'obtenir les insinuations menaçantes. M. de Polignac repoussa ces insolentes prétentions, et poursuivit son entreprise sans s'embarrasser des menaces. Cette attitude vis-à-vis de l'Angleterre fut en tout noble et convenable. Cette puissance affectait surtout de vouloir défendre l'intégrité de l'Empire turc, dont Alger faisait nominalement partie; mais la Porte prit la chose bien moins à coeur, et déclara à notre ambassadeur que, sans approuver ouvertement l'entreprise, elle n'entendait y mettre aucun obstacle, soit diplomatique, soit réel. Il ne restait plus à l'Angleterre, battue sur le terrain des négociations, qu'à tirer le canon, mais elle ne le tira pas.

          A peine la résolution prise par le Gouvernement fut-elle connue du public, que les journaux, qui jusqu'alors s'étaient plaints de la mollesse avec laquelle cette affaire avait été conduite, commencèrent à déclamer contre l'expédition qui se préparait. Ils en exagéraient les dangers à l'envi l'un de l'autre, et en niaient la nécessité. Cet insigne mauvaise foi fait peu d'honneur aux publicistes de cette époque.
          La saine partie du public vit les choses sous leur véritable point de vue. Comme l'expédition en elle-même était commandée par l'honneur national, qu'elle pouvait être utile pour le commerce et glorieuse pour nos armes, les hommes impartiaux y applaudirent généralement, tout en se préparant à combattre à outrance l'administration qui la dirigeait, si les droits de la France venaient à être attaqués. Le choix que l'on fit du comte de Bourmont pour commander cette expédition était fâcheux. Des souverains peu honorables s'attachaient au nom de ce général. Néanmoins les voeux de la France l'accompagnèrent; car la nation comprit que son plus puissant intérêt est que l'étendard de la France, déployé contre l'étranger, sorte victorieux de la lutte, quelle qu'en soit la couleur, quelle que soit la main qui le porte.
          M. de Bourmont, qui faisait de cette guerre une affaire tout à fait personnelle, ne négligea rien pour s'assurer du succès. Une commission, présidée par le général Loverdo, fut chargée de réunir tous les documents existants sur Alger. Le commandement du génie et celui de l'artillerie furent confiés à des hommes habiles. Le premier échut au général Valazé, dont les talents étaient incontestables, et dont la brillante valeur fut la moindre qualité; le second fut donné au général Lahitte, officier du plus haut mérite sous tous les rapports.
          Le choix des officiers généraux d'infanterie fut également bon en général. Cependant quelques-uns furent imposés à M. de Bourmont par des intrigues et des exigences de cour.
          L'infanterie se composa de trois divisions, de trois brigades chacune. Chaque brigade était composée de deux régiments, et chaque régiment de deux bataillons.
          La première division était commandée par le lieutenant général Berthezène. La première brigade de cette division, commandée par le maréchal de camp Poret de Morvan, était composée du premier régiment de marche, formé des 2° et 4° léger, et du 3° de ligne; la deuxième brigade, commandée par le maréchal de camp Achard, était composée du 14° et du 37° de ligne ; la troisième brigade, composée des 20° et 28° de ligne, était sous les ordres du maréchal de camp Clouet.

          La deuxième division avait pour chef le lieutenant général Loverdo. La première brigade de cette division, composée du 6° et du 49° de ligne, était commandée par le maréchal de camp Denis de Damrémont ; la deuxième brigade, formée du 15° et du 40° de ligne, était sous les ordres du maréchal de camp Munch d'Uzer ; la troisième brigade, formée du 21° et du 29° de ligne, était commandée par le maréchal de camp Colomb d'Arcine.
          La troisième division avait à sa tète le duc d'Escars. La première brigade de cette division, composée du 2° régiment de marche, formé lui-même du 1° et du 9° léger, et du 55° de ligne, avait pour général le maréchal de camp Berthier de Sauvigny ; la deuxième brigade était commandée par le maréchal de camp Hurel, et composée du 17° et du 50° de ligne ; la troisième brigade, composée du 25° et du 24° de ligne, était sous les ordres du maréchal de camp Montlivault.

          Les deux régiments de marche n'avaient chacun qu'un bataillon de chacun des régiments qui avaient concouru à leur formation.
          Les bataillons étaient à huit compagnies de 94 hommes, non compris les officiers ; les compagnies d'élite avaient été portées à 120 hommes ; ainsi, la force de chaque division était de 10,000 hommes environ.
          Deux escadrons du 17° de chasseurs et un du 15° régiment de la même arme composaient toute la cavalerie. Ces trois escadrons, réunis sous la dénomination de chasseurs d'Afrique, présentaient un effectif de 500 chevaux, commandés par le colonel Bontemps du Barry.
          Les troupes de l'artillerie se composaient de quatre batteries montées, dix batteries non montées, une batterie de montagne, une compagnie d'ouvriers, une de pontonniers, quatre du train des parcs. La force totale de l'artillerie était de 2,268 hommes (non compris les officiers), et 1,380 chevaux.
          Les troupes du génie consistaient en deux compagnies de mineurs, six de sapeurs, et une demi compagnie du train, et présentait une force totale de 1,260 hommes et 118 chevaux.
          L'état-major se composait d'un lieutenant général chef d'état-major général, d'un maréchal de camp sous-chef d'état-major, de trois colonels chefs des états-majors divisionnaires, de trente-quatre aides de camp de tout grade, de vingt-huit officiers employés à l'état-major général et aux états-majors divisionnaires, un commandant du quartier général, un vaguemestre général et trois ingénieurs géographes.
          L'état-major de l'artillerie se composait ainsi qu'il suit : un maréchal de camp commandant l'artillerie, un colonel chef d'état-major, un directeur du parc, deux aides de camp, sept chefs de bataillon, six capitaines, quatorze gardes.
          L'état-major du génie comprenait : un maréchal de camp commandant le génie, un lieutenant-colonel chef d'état-major, un chef de bataillon directeur du parc, un aide de camp, deux chefs de bataillon, quinze capitaines, trois lieutenants, sept gardes.
          Le nombre des combattants s'élevait en tout à 344,181 hommes (officiers compris).
          Le personnel non combattant se composait ainsi qu'il suit: un intendant en chef, dix-huit sous-intendants ou adjoints; un payeur général, quatre payeurs particuliers (un au quartier général et un dans chaque division) ; un médecin en chef et un médecin principal, un chirurgien en chef et un chirurgien principal, un pharmacien en chef et un pharmacien principal, douze médecins de différents grades, cent cinquante chirurgiens, quatre-vingt-treize pharmaciens: en:tout, deux cent soixante et onze officiers de santé, non compris ceux des régiments; quatre-vingt-trois employés aux vivres et fourrages, vingt-trois aux hôpitaux, dix-huit au campement; un commandant des équipages, deux brigades de mulets de bât de 394 hommes et 656 mulets; une compagnie du train d'administration conduisant 128 caissons à deux roues, forte de 195 hommes et de 515 chevaux ; une autre compagnie forte de 908 hommes et de 518 chevaux, conduisant 199 caissons à quatre roues; une demi compagnie, provisoire du train d'administration, forte de 28 hommes et de 34 chevaux; un bataillon d'ouvriers d'administration, fort de 780 hommes ; quarante guides et interprètes ; enfin un grand-prévôt et 123 gendarmes tant à pied qu'à cheval : en tout, 5,389 individus non combattants.
          Le nombre des chevaux et mulets s'élevait à 3,423 non compris ceux des officiers.
          L'armée traînait à sa suite un immense matériel. Celui de l'artillerie était composé ainsi qu'il suit:
ARTILLERIE DE SIEGE

          Pièces de 21                          30
          Pièces de 16                          20
          Pièces de 12                          12
          Mortiers de 10 pouces            8
          Obusiers de 8 pouces           12

          Total                                       82 bouches à feu.

          Les canons étaient approvisionnés à mille coups, les mortiers à trois cents et les obusiers à huit cents.
ARTILLERIE de CAMPAGNE

          Pièces de 8                            16
          Obusiers de 24                       8
          Obusiers de montagne           6

          TOTAL. . .                               30 bouches à feu.

          Les canons et obusiers de campagne étaient approvisionnés à cinq cents coups; les obusiers de montagne l'étaient à deux cents cours. Quarante-six mulets suffisaient pour porter les six pièces de montagne, leurs affûts et leur approvisionnement.
          On avait, de plus, cent cinquante fusils de rempart, approvisionnés à trois cents coups, deux mille fusils de rechange pour l'infanterie, et un grand nombre de fusées incendiaires. L'approvisionnement en cartouches était de 5,000,000.
          Il y avait en tout 556 voitures d'artillerie, affûts, caissons, forges, etc., etc.
          Le matériel du génie comprenait 6 blockhaus à deux étages, 600 lances pour former des chevaux de frise portatifs, 190,000 piquets, 5,000 palissades, plusieurs milliers de fagots pour gabions et saucissons, 506,000 sacs à terre (tout cela pour les travaux du siége dans un pays où l'on craignait de manquer de bois); 9.7,000 outils de pionniers; enfin, du fer et de l'acier non travaillés pour les besoins imprévus : 26 caissons étaient destinés au transport des outils et des objets les plus indispensables.
          Les approvisionnements en vivres et fourrages avaient été largement calculés et disposés de manière à présenter le moins de volume possible, et à pouvoir être à l'abri de toute détérioration. Le biscuit fut mis dans des caisses recouvertes d'une forte toile goudronnée; le foin fut dressé par des machines destinées à cet usage, et connues depuis peu en France, quoiqu'elles le soient depuis longtemps en Angleterre.

          Des fours en tôle furent mis à la suite de l'armée, afin de remplacer, le plus tôt possible, le biscuit par le pain. On embarqua plus de mille boeufs, et du vin en grande quantité. Enfin, rien ne fut négligé pour assurer le bien-être du soldat dans un pays que l'on présumait ne devoir offrir aucune ressource.
          Les divers corps qui devaient composer l'armée se réunirent, pendant le mois d'avril, dans les départements de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Var. La flotte, qui devait la transporter en Afrique, se rassemblait en même temps dans les ports de Marseille et de Toulon. M. de Bourmont arriva dans cette dernière ville le 27 avril, et y établit son quartier général; celui de la division Berthezène s'y trouvait également; le quartier général de la deuxième division fut établi à Marseille ; et celui de la troisième à Aix.
          Pendant le temps qui s'écoula depuis la réunion de l'armée jusqu'à son départ, les troupes furent exercées aux grandes manoeuvres, et surtout à la formation des carrés. La première division fut exercée, en outre, aux opérations du débarquement ; des chalands ou bateaux plats étaient destinés à cet usage. Il y en avait pour toutes les armes. Ceux qui étaient destinés à l'artillerie de siége pouvaient porter des pièces démontées. Les canons étaient placés transversalement sur de grosses poutres fixées dans le sens de la longueur, à un pied au-dessus du fond du chaland. Ceux qui étaient destinés à l'artillerie de campagne pouvaient contenir deux pièces sur leurs affûts, avec les canonniers nécessaires. Chaque pièce portait sur trois coulisses, une pour la queue du flasque, et les deux autres pour les roues. Ces coulisses étaient légèrement inclinées pour atténuer l'effet du recul; de cette manière, les pièces pouvaient tirer du chaland même, et protéger le débarquement des troupes. Les chalands destinés aux troupes pouvaient contenir chacun 16 chevaux ou 130 hommes. Les plats-bords de l'avant et de l'arrière de tous ces bateaux s'abaissaient à la manière des ponts-levis, soit pour passer d'un bateau à l'autre, soit pour débarquer.
          On fit plusieurs essais de débarquement à Toulon, et tous eurent les plus heureux résultats. Le 2 mai, quatre chalands, remorqués par des canots, se dirigèrent du côté de la grosse tour, à l'entrée de la rade ; lorsque les canots manquèrent d'eau, les marins se jetèrent à la mer et remorquèrent eux-mêmes les chalands jusqu'à ce qu'ils touchassent. Le premier chaland était chargé de pièces de siége, le deuxième de deux pièces de campagne et d'un obusier de montagne, le troisième portait des sapeurs armés de ces sortes de lances dont nous avons parlé plus haut, le quatrième était chargé de soldats d'infanterie. En moins de cinq minutes, depuis le moment où les chalands eurent touché, l'artillerie de campagne et l'infanterie furent à terre. En moins d'un quart d'heure, les pièces de siége furent roulées sur la plage, un espace d'environ cinq cents mètres de pourtour fut entouré des lances des sapeurs, et l'infanterie, placée derrière ce retranchement mobile, eut commencé son feu.
          Ce retranchement consistait en une ligue de faisceaux de trois lances, semblables à ceux que forment les troupes avec leurs fusils; les trois lances de chaque faisceau étaient liées par une courroie ; un long câble passant dans des anneaux unissait tout le système.

          A tous ces préparatifs belliqueux que nous venons de décrire, on crut devoir joindre les secours de la diplomatie. Des négociations furent entamées avec Tunis et avec Maroc. M. de Lesseps, notre consul à Tunis, fut chargé de sonder les dispositions du bey de Constantine, et de lui faire entendre que, loin de soutenir le dey d'Alger dans sa guerre contre la France, il devait profiter de la circonstance pour se rendre indépendant.
          Mrs. Girardin et d'Aubignosc, qui avaient déjà rempli des missions au Sénégal et dans le Levant, furent envoyés à Tunis vers la fin de mars ; ils en revinrent le 2 mai, et firent connaître que le chef de cette Régence était dans des dispositions favorables, mais qu'il désirait ne point choquer les préjugés religieux de ses sujets en se déclarant trop ouvertement pour nous. On apprit en même temps que le bey de Constantine devait partir pour Alger le 20 ou le 25 mai. On pensa que si l'on ne pouvait empêcher ce voyage, il fallait du moins tacher de le prévenir, et cette circonstance fit hâter le départ, quoique tous les navires de l'expédition ne fussent pas encore réunis. On en attendait quelques-uns qui devaient venir des ports de l'Océan. On se décida à partir sans eux, et même à laisser à Toulon les troupes qu'ils devaient porter; mais ils arrivèrent avant que l'embarquement fût terminé.

          M. Girardin repartit pour Tunis le 11 mai. Il était porteur d'une lettre qu'il devait faire tenir au bey de Constantine, dans le cas où celui-ci ne serait point encore en route pour Alger. Un commis du munitionnaire général partit avec M. Girardin pour aller faire des achats de bestiaux à Tabarka.
          L'embarquement du matériel s'était opéré dans le cou n tif. ?RE tilt a tant du mois d'avril, et dans les premiers jours du !vois de mai; celui des troupes commença le 11 mai, et ne fut terminé que le 18, le mauvais temps l'ayant souvent interrompu.
          La flotte se composait de 11 vaisseaux, 24 frégates, 14 corvettes, 25 bricks, 9 gabares, 8 bombardes, 4 goélettes, 7 bateaux à vapeur; en tout 100 bâtiments de guerre ; 557 transports nolisés, dont 119 français et 258 étrangers; une flottille composée de gros bateaux, destinés à servir d'intermédiaires entre les navires et les chalands au moment du débarquement ; 12 chalands pour l'artillerie de siége. 11 pour l'artillerie de campagne et 50 pour les troupes. Ces embarcations, qui n'étaient pas de nature à tenir la mer, furent hissées à bord des gros navires pendant la traversée ; au débarquement, elles devaient être remorquées par les canots. On avait construit, en outre, plus de 50 radeaux de tonneaux, recouverts de poutres et de madriers, qui pouvaient se monter et se démonter en moins de six heures, et porter 70 hommes chacun.
          Le vice-amiral Duperré était à la tête de cet armement, le plus considérable qu'eût fait la France depuis longues années. Cet officier général jouissait d'une belle réputation parmi les marins ; les journaux exaltaient son mérite aux dépens de celui de M. de Bourmont, circonstance qui ne contribua pas peu, sans doute, à celte froideur qui exista constamment entre les deux généraux.
          L'armée navale fut partagée en trois escadres : la première prit le nom d'escadre de combat, et fut destinée à l'attaque des forts et des batteries, pendant que la seconde, l'escadre de débarquement, mettrait les troupes à terre ; la troisième fut celle de réserve.

          La première escadre portait la seconde division de l'armée de terre et 450 artilleurs.
          La seconde portait la première division, 500 artilleurs et 500 hommes du génie.
          La troisième portait six bataillons de la troisième division, beaucoup de matériel, et une partie du personnel de l'artillerie et du génie.

          Le convoi était divisé en trois escadrilles; il portait le reste des troupes et du matériel, et tous les chevaux.
          Après avoir attendu plus de huit jours un vent favorable, la flotte mit à la voile le 25 mai et sortit majestueusement de la rade de Toulon. Les collines voisines étaient couvertes d'une foule de curieux, accourus de tous les points de la France, pour jouir de ce magnifique spectacle. En voyant cet immense déploiement de la puissance d'un grand peuple, on se sentait heureux d'être Français ; mais en reportant les regards sur notre situation intérieure, on ne pouvait se défendre d'un sentiment de tristesse, bien justifié par les événements qui se préparaient, et dont il n'était donné à personne de prévoir exactement l'issue.
A SUIVRE


BULLETIN        N°13
DE L'ACADÉMIE D'HIPPONE

SOCIÉTÉ DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
ET D'ACCLIMATATION


NOTICE
SUR UN AUTEL A LA DISCIPLINE MILITAIRE
TROUVÉ DANS LES RUINES DE HADJAR-ER-ROUM

(Province d'Oran)

Par M. A. CHERBONNEAU,
Inspecteur des Écoles musulmanes d'enseignement supérieur,
Membre correspondant

          L'inscription dont, j'ai l'honneur d'offrir le fac-similé à l'Académie d'Hippone décore un autel de marbre blanc qui mesure 1m, 40 sur 0m, 75. Ce monument inédit (1) a été extrait des ruines du camp romain situé sur la route de Tlemcen à Sidi-bel-Abbès, et à 40 kilomètres de la première ville. Il est encastré actuellement dans le mur intérieur de la maison Roger, presque au milieu du village de Lamoricière, qui a succédé à l'installation militaire des anciens dominateurs de l'Afrique septentrionale. Les caractères, qui y sont gravés en creux, sont d'un galbe élégant et conservent une netteté parfaite ; le relief des moulures servant de cadre n'a rien perdu de sa pureté. Voici la disposition de la légende, telle que je l'ai relevée le 22 avril 1877 :

DIS
CIPLI
NAE
MILI
TARI

Hauteur des lettres, 0m, 05.

          On ne peut avoir aucun doute sur la destination de cette stèle. C'était un autel à la Discipline militaire, par conséquent l'un des principaux ornements du camp. Nous savons, en effet, quelle importance, les Romains attachaient à la discipline, qui est le véritable nerf de l'armée, l'arme la plus fatale aux ennemis, et souvent le mobile de la victoire. Chez eux, plus que chez aucun peuple de l'antiquité, le régime militaire s'appuyait sur le maintien d'une obéissance passive, à tel point que l'on vit des officiers punis de peines sévères pour avoir vaincu sans ordre. On conçoit dès lors qu'ils aient élevé à la hauteur d'un culte l'observance du code militaire. Une pareille institution avait sa raison d'être en Afrique, où la cavalerie se recrutait en grande partie parmi les Maures et les Numides, peuples assez mal façonnés à la soumission et dont la fidélité pouvait être ébranlée par les fluctuations de la politique.

          Il n'est pas inutile de signaler ici, en terminant, la rareté de ce genre de monuments. Non seulement celui de Hadjar-er-Roum (2) est unique parmi les autels exhumés du sol de l'Afrique, mais les ouvrages que j'ai consultés n'en fournissent pas d'exemple.
          Alger, le 24 mai 1877.

(1) L'inscription militaire de Hadjar-er-Roum (territoire des Oulad-Mimoun) n'est pas inédite. En 1862, M. Pignon en donnait la copie dans la Revue africaine, mais sans l'accompagner de réflexions. J'ai pensé qu'il y avait lieu d'accorder quelque importance à ce petit monument, qui est unique en son genre, et dont l'érection pourrait remonter au règne d'Alexandre-Sévère (22-2-236), s'il est vrai, comme l'affirment les historiens, que cet empereur déploya une sévérité extrême pour le maintien de la discipline dans les armées. (Note rectificative par M. A. Cherbonneau.)
(2) Hadjar-er-Roum, " pierres romaines " ou " pierre des Romains, " est une de ces appellations vagues que l'ignorance des indigènes applique à une foule de ruines. Ici il est question d'un castrum dont j'ai rapporté le nom sur un assez bon estampage.

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BOULETS EN PIERRE
DES MÉRINIDES
Par M. A. CHERBONNEAU,
Membre correspondant

          Il n'est pas rare de trouver à Tlemcen, et même sur le terrain qui sépare cette ville de Mansoura, des boulets en calcaire jurassique dont quelques-uns mesurent jusqu'à 37 centimètres de diamètre. On les appelle hadjar el-medjanik, ce qui signifie " pierres lancées par des machines " ou " catapultes. " Ceux dont je viens offrir le dessin (1) à l'Académie d'Hippone, sont posés actuellement sur le linteau de la porte du musée de Tlemcen. La tradition les fait remonter au siège que soutint l'émir Abou-Tachefin contre le sultan mérinide Abou'l-Hassan, et qui se termina par sa mort, Ils ont, par conséquent, cinq cent quarante ans d'existence.

          L'usage des catapultes et autres machines de guerre est mentionné dans plusieurs chroniques arabes, notamment dans les Kartâs, ou Histoire des sultans du Maroc, et dans l'Histoire des dynasties berbères par Ibn-Khaldoun. Il y aurait un Mémoire intéressant à faire sur ce sujet; mais je n'ai à présenter aujourd'hui qu'une simple Note, destinée à motiver la provenance des projectiles retrouvés au milieu de l'ancienne capitale des Zeiyanites. C'est un passage où Ibn-Khaldoun, le mieux informé des historiens indigènes, raconte la prise de Tlemcen par Abou'l-Hassan.

          " Le sultan mérinide rétablit, auprès de Tlemcen, la ville neuve pour lui servir de résidence, ainsi qu'à ses troupes, et il lui donna le nom d'El-Mansoura, " la victorieuse " (2). Autour de la capitale d'Abou-Tachelîn, vouée maintenant à la destruction, il forma une ceinture de murailles et creusa un large fossé Derrière le fossé il dressa ses catapultes et autres machines de guerre, et sur le bord extérieur il construisit plusieurs tours dont chacune faisait face à une dos tours de la ville. Du haut de ces édifices les archers mérinides lançaient des traits sur les archers abd-el-ouadiles et les obligeaient à s'occuper uniquement de leur propre sûreté, pendant que les assiégeants bâtissaient d'autres tours plus rapprochées de la ville et assez élevées pour en dominer les remparts De cette manière ils poussèrent en avant leurs ouvrages jusqu'à ce que leurs dernières tours eussent couronné la contrescarpe de la place. Enfin, les combattants se trouvèrent tellement rapprochés, qu'ils pouvaient se battre du haut de leurs tours à coups d'épée. On fit alors avancer les catapultes, et on les tira sur la ville avec un effet prodigieux.... Les Abd-el-Ouadites continuèrent néanmoins à se défendre, quoique bien convaincus que rien ne pourrait les sauver, et ce ne fut que deux ans après que le sultan parvint à s'emparer de la ville. Tlemcen fut pris d'assaut le 1er mai 1337. " (Trad. de M. de Slane, t. IV, p. 221.)

          La catapulte dont Végèce et Vitruve ont donné une description très intelligible, appartenait à l'art de la poliorcétique. Archimède perfectionna cet engin. Nous savons par le témoignage de Plutarque, que les catapultes employées au siège de Syracuse lançaient des blocs de pierre du poids de trois cents kilogrammes.

          Les boulets en calcaire, qui perpétuent à Tlemcen le souvenir des Mérinides, ne sont pas les seuls que l'on ait trouvés en Algérie ; on en voit de semblables dans l'intérieur de quelques maisons mauresques, à Constantine.

(1) Que l'on peut voir au musée d'Hippone. (Note de la commission.)
(2) Ibn-Khaldoun parait oublier ici qu'il a lui-même écrit, quelques pages plus bas, que la ville neuve avait reçu le nom d'El-Mansoura, " la victorieuse, " de son fondateur Abou Yakoub Youça i-1302-1303). Abou'l-Hassan, fils et successeur d'Abou Saïd, n'a fait que rebâtir El-Mansoura (1335) détruite par la famille de Yaghmoracen, par cette dynastie qui, un moment auparavant, allait succomber, ajoute-t-il quelques lignes plus loin (t. IV, p. 143-144), et n'avait échappé à sa perte que par l'intermédiaire de cette providence dont la bonté sauve les malheureux prêts à tomber dans l'abîme. (Note de M. Papier.)

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NOTE DANS LAQUELLE IL EST DÉMONTRÉ
QUE LES CANONS ET LES BOULETS EN FER
ÉTAIENT DÉJÀ EN USAGE CHEZ

LES ARABES AU TREIZIÈME SIÈCLE
Par M. PAPIER,
vice-président

          Si, d'après Ibn-Khaldoun, dont le nom a acquis, depuis la récente découverte de son Livre des exemples concernant l'histoire des Arabes, des Berbères, etc., une grande et juste renommée dans le monde savant, le sultan mérinide Abou'l-Hassan n'avait pour assiéger Tlemcen, en 1335, que des machines névrobalistiques et des boulets en pierre, il ne faudrait pourtant pas en conclure que les Arabes ne connaissaient pas encore à cette époque l'usage des canons et des boulets en fer.

          En effet, s'il résulte d'un passage de Yousouf ben Aldjouni qu'ils ne s'en étaient pas encore servi avant 1311, il résulte d'un passage d'Ibn-Khaldoun même que le sultan Abou-Youçof, fils et successeur d'Abou-Yahia ibn Abd-el-Hak, les employait en l'année 1274 déjà de notre ère pour assiéger Sililjilmcssa (1) et l'enlever aux Beni-Abd-el-Ouad.

          Arrivé dans le voisinage de la ville, dit Ibn-Khaldoun, le mieux informé des historiens indigènes, il (Abou-Youçof) dressa contre elle des machines de siège, telles que catapultes, balistes et l'engin de fer qui lance du gravier de fer. Cette mitraille est chassée hors de l'âme de la pièce par le moyen de la poudre enflammée dont la propriété singulière (2) opère des effets qui rivalisent avec la puissance du Créateur (3).

          D'un autre côté, d'après le savant conservateur de la bibliothèque de l'Escurial, Conde, auteur d'une Historia de la dominacion de los Arabes en Espania, acada de varios manuscritos y memorias arabigas (4), les Maures se seraient même déjà servi du canon en 1257 pour se défendre dans Niebla contre les chrétiens. Les termes dont cet historien se sert ne permettent pas, il est vrai, de décider si les machines et les traits de tonnerre avec lesquels les Arabes lançaient leurs pierres et leurs dards étaient de véritables canons; mais comme il n'aurait pas eu, selon les critiques dont il a été l'objet, une connaissance très approfondie de la langue arabe, il peut se faire qu'il n'ait pas très bien rendu le sens des mots employés dans les manuscrits pour désigner ces engins, et que les musulmans aient réellement fait usage du canon à Niebla.

          En tout cas, si on ne peut l'affirmer absolument, on peut encore moins le nier.

          On ne saurait donc plus, on le voit, contester aujourd'hui aux Arabes d'avoir été les premiers à faire usage, en Espagne comme en Afrique, de canons et de boulets en fer, et répéter avec Henri Sponde et tous les historiens qui l'ont mis à contribution, que les Anglais furent les premiers, en Europe, à s'en servir à la bataille de Crécy (1346) ; d'autant plus que non seulement une pièce authentique de la république de Florence constate que des canons et des boulets en fer se fabriquaient déjà dans cette ville en 1325, mais que certains historiens italiens dignes de foi parlent même de leur usage en 1325 et des services qu'ils rendirent à l'attaque des Cividalè en 1331.

          Je pourrais citer à l'appui de mon assertion encore bien d'autres faits historiques de ce genre; mais comme, en entrant dans plus de détails à cet égard, je risquerais de franchir les limites d'une simple Note, je m'arrête ici, en faisant remarquer toutefois que, tout en employant des canons et des boulets en fer, les Arabes, et voire même les Européens, n'en continuèrent pas moins encore assez longtemps à se servir de machines névrobalistiques et de boulets en pierre.

          En effet, outre que cela découle tout naturellement, pour les Arabes, du récit que fait Ibn-Khaldoun du siège de Tlemcen par Abou'l-Hassan, cela découle aussi, pour les Européens, du récit de certains historiens modernes et contemporains attestant et prouvant que les canons et les boulets en fer ne furent d'un usage plus général qu'à partir du seizième siècle, et que les projectiles en pierre étaient encore en usage dans l'artillerie allemande à la fin du dix-septième siècle, et même pas encore tout à fait abandonnés de nos jours par la milice turque.

(1)- Ville du Maghreb-el-Akra, dont les habitants avaient, à l'instigation des Monebbat, reconnu l'autorité de Yaghmoracen ibn Hammama, roi de Tlemcen.
(2) Comme matière explosive et incendiaire, la poudre était sans doute déjà connue des Arabes au huitième ou neuvième siècle ; mais il n'en est question pour la première fois, sous le nom de baroud qu'elle porte encore aujourd'hui, que dans un ouvrage arabe sur l'art militaire dont l'auteur, cité par M. Reinaud, vivait en Egypte vers l'an 1249.
(3) Ibn-Khaldoun, Hist. des Berbères, etc., t. IV, p. 09 et 70. Trad. de M. le baron de Slane.
(4) Trad. en français par De Mariés. Paris, 1825, 3 vol. in-8°.


GRAVURES et PHOTOS Anciennes
De BÔNE
Envoi de M. Cinobatti


Le Collège avant de devenir le Lycée Saint-Augustin

Le Maxeville dont la tenture existe encore.


L'Hôtel d'Orient à coté du Théâtre sur le Cours Bertagna

Recherche du patrimoine
Envoyé par M. Jean Louis Ventura
La statue de Jeanne d'Arc

   La photo de la statue de Jeanne d'Arc que je cherchais depuis longtemp. Où se trouve cette statue actuellement ?
Qui peut me renseigner ?
D'avance merci
jlventura@netmarine.net

Jean Louis Ventura       

FILM « LE RAVIN ROUGE »
Tiré du livre d’ANNE CAZAL

NOTE DU WEBMASTER

A l'attention surtout des coupeurs de cheveux en quatre : SVP. Ne me faites aucun procès d'intention car je ne fais que de l'information et donne un petit avis personnel. Je n'ai aucun intérêt personnel dans cette opération. Je ne suis pas impliqué et je ne fais parti d'aucun comité de contrôle ou d'organisation. Un groupe bénévole sérieux s’est lancé dans cette opération.
           Je souscris et soutiens à titre personnel car je pense que c'est une idée qui aurait déjà dû être mise en route il y a bien longtemps. Il serait temps que la communauté pieds-noirs prenne en charge sa mémoire et qu'au moins une union et une solidarité s'établissent pour mener à bien un projet qui nous concerne tous.

Même, si je devais me tromper en soutenant personnellement ce projet, je préfère faire :
           - le pari de la réussite face à celui de l'échec ;
           - le pari de la Mémoire face à celui de l’Oubli ;
           - le pari de l'action face à celui de l'inaction et de l'attentisme ;
           - le pari de l’enseignement de la connaissance face à celui de la désinformation ;
           - le pari du cri de la vérité face à la rouspétance inutile.

Tout cela dans l'espoir qu'il y aura d'autres projets qui pourront se concrétiser avec au bout la paix des mémoires, des esprits et des âmes.

Chacun doit être face à sa conscience et choisir d'amener librement sa modeste obole selon ses moyens financiers ou peut-être d'aller manger un couscous merguez ou une paella. (C'est pour rire).

Plus nous serons nombreux à apporter « des grains de riz ou de couscous », plus la réalisation pourra se mettre en batterie pour nous concocter un menu où déjà l’impatience se fait jour. C’est mon cas, comme tout bon convive, je veux déguster ce film qui doit être à la hauteur du livre « Le Ravin Rouge ».

En attendant, je vous invite à lire
attentivement ce qui suit.

Jean-Pierre Bartolini,
Webmaster

DROIT DE MEMOIRE

« Ligue du Droit des Français à disposer de leur Mémoire »

OPERATION FILM « LE RAVIN ROUGE»
Par Le Président, de Droit de Mémoire
Pierre Barisain Monrose

En 2012, cela fera 51 ans que nous avons quitté notre Algérie.

Nous avons tous la nostalgie de notre terre natale et nos souvenirs sont encore vifs. Beaucoup d'associations tentent de mener une bataille mémorielle difficile. Mais aujourd'hui nos cheveux blanchissent et notre devoir est de nous battre encore afin que notre belle oeuvre accomplie là bas ne tombe pas dans l'oubli et que certaines vérités ne soient pas enterrées avec nous.

C'est en fait un devoir pour nous, un devoir envers nos morts qui se sont battus pour une Algérie aimée, un devoir envers nos enfants et nos petits enfants.

L'association « DROIT de MEMOIRE » - Président Pierre Barisain -, soutient le projet de lancement d'un film tiré d'un très beau livre de la journaliste Anne Cazal « LE RAVIN ROUGE ». Tout est dit dans ce livre. Une histoire vécue, de l'arrivée des premiers pionniers jusqu'aux tragédies que nous avons connues sans oublier la vérité souvent cachée des relations entre les diverses communautés.

En participant à la promotion de ce film,
vous accomplirez un geste de générosité naturelle.

Selon vos moyens, vous pouvez adresser un chèque de 10 euros (minimum) ou plus à l'ordre de l'association « DROIT de MEMOIRE » - Le Ravin Rouge.

– Une association, (ou une entreprise), peut grouper des fonds et remplir un seul bulletin de participation. Elle sera citée dans le générique du film, « avec le soutien et les encouragements de,,,. ».

Autre possibilité :
En participant à la production de ce Film, vous pourrez aussi réaliser une économie d'impôt, I.R. (impôt sur les Revenus), voire supprimer votre I.S.F. (impôt sur la fortune), en plus d’un geste de générosité naturelle.

Tout participant, aura la possibilité de demander à faire partie de la figuration du film et recevra également une invitation pour sa projection en avant première.

Le Président, de Droit de Mémoire
Pierre Barisain Monrose

FAISONS UN FILM
Par Michel XIMENES
http://realifilmpn.com.over-blog.fr  06 08 67 61 61

« Faites un film, c’est par l’image que vous arriverez à vous faire entendre.
            Les livres ne suffisent pas car les gens lisent peu, et, je vous donne un exemple, le choc qu’a produit le film «Indigènes» de Rachid Bouchareb, voilà le seul moyen. »

            Ces paroles sont de Raphaël Delpard auteur de plusieurs ouvrages comme : Les oubliés de la Guerre d’ Algérie, Les persécutions des Chrétiens dans le monde, les convois de la honte, et aussi Souffrances secrètes des Français d’Algérie (Histoire d’un scandale).

            Chers amis de toutes origines et de toutes confessions.

            A quelques encablures de mes 71 ans et avec un collectif d’amis nous avons pensé qu’il était temps de faire un film un vrai film non pas des documentaires. Ce projet vise à rétablir la Vérité Historique sur l'Algérie Française  face aux  mensonges qui nous stigmatisent, c’est avec une étonnante convergence de vue, que la plupart (journaux, revues, radios, télé, cinéma) ont révélé, sur cette période « Française » en Algérie une vision singulièrement sinistre, travestie ou défigurée.
            Pour ce film beaucoup nous ont dit ce n’est pas une mince affaire, nous en convenons, sa réalisation sera très difficile, mais comme nous sommes têtus et que nous avons foi en vous, nous devons essayer.
            Nous, nous adressons à tous ceux qui ont eu cette idée, nous devons ensemble mettre notre foi, notre force, notre volonté, notre savoir pour réaliser ce film. Nous n’avons plus beaucoup de temps devant nous et nous devons laisser la vérité à nos petits enfants, au monde entier et avant tout au peuple de France avant notre disparition.

Que savent ils de nous ? Principalement ce que les médias et l’enseignement en disent, à savoir entre autres désinformations:
            - Ils savent que la présence Française en Algérie fut de tout temps illégitime
            - Les Français d’Algérie ont exploité les arabes et ont volé leurs terres.

Pour réaliser un tel film je ne vous cacherai rien, il faut pour cela :
            Un scénario, un producteur, un metteur en scène, des acteurs, des costumes, du matériel technique, de la pellicule, le tirage des copies, la publicité et enfin des salles pour le projeter.<
            Tout cela coûte très cher, donc le problème est simple. Il faut trouver un producteur assez courageux pour se risquer dans un projet à contre-courant de l’idéologie dominante. Nous n’en connaissons pas, mais ça peut se trouver à condition de lui apporter un scénario qui tienne la route (Madame Anne Cazal nous offre ses droits d’auteur sur son livre le « Ravin Rouge», puisse en être de même pour d’autres…), et un début de financement sûr. Si nous arrivons à convaincre qu’il y a un public pour ce genre de film, il peut prendre les choses en mains, compléter le budget et mener le projet à son terme. Comme vous l’avez bien compris le point crucial c’est l’argent. Nous ne voyons qu’une souscription ouverte auprès de tous ceux (Pieds Noirs et autres) encore assez motivés pour vouloir défendre notre mémoire. Nous tenons à préciser que tout sera fait devant avocat, huissiers et tout ce que vous voudrez pour qu’il n’y ait pas d’arnaque!!!.
            Nous avons donc décidé de vous solliciter par Internet et vous inviter à réfléchir sur le questionnement suivant :
            - Etes-vous conscients que les Français d’Algérie et leur œuvre en Algérie sont victimes d’une désinformation odieuse et systématique de la part des Médias ?
            - Savez-vous qu’il est quasiment impossible d’accéder aux grands moyens d’informations pour rétablir la Vérité Historique et faire entendre notre voix ?
            - Pensez-vous que nous devons nous résigner à subir ces campagnes de calomnies sans riposter ?
            - Que pensez- vous de l’idée d’un film retraçant l’Epopée « Française » dans la plus grande objectivité et qui rendrait justice à l’Œuvre de la présence en Algérie des Pieds Noirs ?
            - Que pensez-vous de l’idée de financer ce film, d’un coût qui n’est pas encore fixé, par une souscription ouverte auprès de tous ceux qui ont à cœur de défendre la mémoire de ce que fut notre pays natal. ?

Nous avons parmi la communauté des gens avec de gros moyens, des artistes, des écrivains, des compositeurs, des producteurs, des réalisateurs…. qui peuvent participer à ce projet, et sinon nous irions, s’il le fallait voir les étrangers. Nous tenons à dire que les caricaturistes s‘abstiennent !!!. Pour la petite histoire sachez qu’en 1936 sous le Front Populaire, le film de Jean Renoir, "la Marseillaise"fût réalisé par une souscription populaire lancée par la CGT.
            Sachant que pour atteindre la somme finale qui sera nécessaire pour la réalisation de ce film, toutes les idées seront les bienvenues, il faudrait un très grand nombre de souscripteurs.
            - VOUS, pour quelle sommes seriez-vous prêt à souscrire ?

Aujourd'hui nous pouvons vous dire que le film, d'après l'oeuvre littéraire de Anne Cazal "le Ravin Rouge" qui prouve que toutes les communautés pouvaient vivre ensemble, qui rectifie les mensonges à notre encontre et qui met en évidence la Vérité Historique sur l'Algérie Française, va se faire.
            Ce livre a été transmis à Mme Evelyne Colle (Responsable de la Commission du Film Alpes-Maritimes - Côte-d'Azur. Cette dernière nous a confirmé que seul un producteur pouvait développer notre projet. Nous avons ensuite été dirigés vers une société de production et un producteur. Cette société nous a confirmé son intérêt pour développer ce projet et passer ainsi de l'écrit à l'écran.

1) Nous avons donc maintenant une Association : Droit de Mémoire, dont le Président est le Docteur Pierre Barisain-Monrose qui se charge de récolter les dons qui serviront à financer le Scénariste qui nous coûte environ 35 000 euros. Tous les dons doivent être envoyés à DDM - Ravin Rouge à Mme Maryse Gillmann - 21 quai Louis Gillet - 69004 Lyon le plus rapidement possible. Le moindre don sera le bienvenu.
2) Le Producteur trouve le scénariste, celui-ci fait le scénario, ensuite il est proposé à un Comité de Lecture composé de l'écrivain Anne Cazal et de quelques amis et qui pourra modifier le scénario afin qu'il reste bien dans les idées et dans la trame du livre !

Les délais étant courts pour réunir la somme de 35 000 Euros, tous les dons seront remboursés à la fin de ces délais si nous ne pouvons pas payer le scénariste. Cela voudra dire que n'avons pas été capables de nous réunir autour d'une idée qui aurait pu changer le regard des autres sur notre histoire.

3) Ceux qui ont le bonheur de payer l'ISF (impôt sur la fortune) et qui peuvent donner au-delà de 5000 euros, doivent envoyer leurs dons à la Société de Production A.C.A.P., 1830 Avenue des Templiers, l'Horizon, 0640 Vence- contact@action-prod.com, N° de téléphone à composer pour laisser un message et être rappeler : 04  93 58 78 93. Vous serez informés de vos possibilités et vous pourrez bénéficier d'un accompagnement complet sur les démarches à suivre. (réduction importante d'impôts).

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LE RAVIN ROUGE
Par ANNE CAZAL
Roman historique

Quel beau roman que le Ravin Rouge ! On sent qu’il a été écrit avec le cœur ! Ses lecteurs se sont attachés aux personnages qui traversent le récit car ils sont profondément authentiques : ils ont vécu, ils ont existé, ils ont connu la joie, et aussi le malheur. Nombreux sont les lecteurs, qui ont écrit à l’auteur, croyant les avoir rencontrés, aux quatre coins de la province française d’Algérie.
            « Même si l’on a une certaine pudeur à les évoquer, on ne peut s’empêcher d’avoir pour eux de l’attention et même de l’amitié » a écrit Jeannine de la Hogue, préfacière de l’ouvrage.
            Adrien de Courtenay, le héros de ce roman, est un être de chair et de sang, mais il est aussi un mythe, un exemple, une sorte de prototype de ceux qui sont venus en Algérie par nécessité, et qui se sont attachés au pays au point de s’identifier à lui, d’en devenir le symbole, d’en devenir, comme dans le récit d’Anne Cazal, la mémoire.
            La démarche de ce récit, de ce témoignage, écrit avec passion, mais aussi avec respect pour les acteurs, races, religions, milieux sociaux, confondus dans la plus grande tourmente de leur vie, est une arme pacifique mais absolument efficace, et le Ravin Rouge le prouve à ses lecteurs, depuis bientôt seize ans...
            Les Pieds Noirs sont orphelins de leur terre. Ils l’ont pleurée avec désespoir. Certains l’ont fait avec violence, d’autres ont transformé leur désespoir en nostalgie, l’auteur a essayé de le faire ressentir par l’écriture car rien n’est pire que de se sentir incompris, parfois injustement jugé, et, bien souvent mal aimé.
            Anne Cazal a simplement écrit la vie là-bas, et sous sa ferveur et sa plume, se sont fait soudain comprendre des lecteurs les peines, les difficultés et les drames humains vécus.
            Le héros de ce récit, venu en Algérie à la suite d’un deuil, d’un désarroi, y trouva, grâce à son travail et à sa ténacité une certaine réussite matérielle. Il y fut aidé par un camarade de guerre, Kader Kouïder habitant la mechta voisine, puis par la femme dont il tomba amoureux, institutrice dans le bled, Elise Cortès. Puis vint le temps des turbulences où tous furent emportés par le vent dit … de l’Histoire
            A travers les peines et les drames dont la vie du héros et de sa famille seront accablés, Les lecteurs ressentent, qu’ils fassent partie des exilés de l’Algérie Française ou qu’ils ne l’aient pas connue, le fil conducteur qui anime ce roman : ferveur, foi et espoir.

            Personne ne ressort intact de cette lecture !
            Boualem SANSAL et Anne CAZAL, d’une seule et même main

ANNE CAZAL COMMUNIQUE :

Le Ravin Rouge, paru en 1994 et de nombreuses fois réédité (la 9ème et dernière édition datant de fin décembre 2010), est un long cri du cœur, un cri qui commence dans l’allégresse et dans l’extase pour s’achever dans la douleur et la révolte. C’est aussi l’histoire mêlée, mais authentique, de plusieurs de nos compatriotes… Et c’est, de plus, le reflet fidèle, sans haine et sans crainte d’une fraternité brisée par l’infâme collision d’un Etat de droit avec un terrorisme naissant qui devait s’en trouver renforcé au point de devenir international.
            Tous ceux qui lisent ce livre (pour lequel, à l’époque, j’avais refusé le prix algérianiste estimant qu’un roman, fut-il historique, ne pouvait pas entrer en concurrence avec l’œuvre immense du professeur Yacono) en sont bouleversés… Combien de fois m’a-t-on écrit : « On ne peut pas ressortir intact de cette lecture… ». On m’a aussi écrit : « il faut en faire un film… ». ou « Je prie pour qu’on en fasse un film… » Vœu pieux qui dépassait mes limites… Il semblerait, aujourd’hui, que ceux qui prient aient été entendus.
            Il a fallu que plusieurs de nos compatriotes, révoltés par les films antifrançais et chargés de contrevérités historiques que l’Etat subventionne largement, rencontrent un producteur, lui proposent de faire un film tiré du Ravin Rouge, ouvrage qui, après lecture, a sensibilisé ce dernier au point que nos amis ont obtenu de lui la volonté de concrétiser ce projet. Depuis, m’ont-ils écrit, ils rêvent d’avoir bientôt leur « AUTANT EN EMPORTE LE VENT … DE L’HISTOIRE ! »
            Et je me suis mise à rêver avec eux… Je n’ai posé qu’une seule condition : avoir un droit de vérification et de modification éventuelle sur le film, ceci dans le cadre du respect scrupuleux de la vérité historique, et je m’y tiendrai. Boualem Sansal, écrivain algérien opposant au régime en place dont la réputation n’est plus à faire, me soutiendra dans cette action.
            J’ai cru comprendre que, pour la mise en marche du projet et la réalisation du scénario, les producteurs avaient besoin d’une première mise de fond à laquelle tous ceux qui le désirent peuvent contribuer. Je n’ai pas à m’en mêler – et, je le précise, VERITAS non plus – mais je donnerai mon obole comme les autres, en fonctions de mes moyens, simplement parce que je suis certaine que le Ravin Rouge témoignera encore de notre drame à tous, et qu’il serait bénéfique pour tous qu’il soit mis en image.
            Vous pourrez donc, si vous le souhaitez, participer à cette première mise de fond, auprès de l’association chargée de recueillir les fonds : DROIT DE MEMOIRE - Maryse GILMAN, 21 Quai Louis Gillet - 69004 Lyon . Bien préciser sur l'envoi : à l'ordre de « Droit de Mémoire-Ravin Rouge ».
            Le combat continue, bonne année à tous !  Anne Cazal

N.B. Je vous informe, en outre, que mon éditeur vient de m’envoyer un stock de livres sur la dernière édition et que je suis à la disposition de ceux qui souhaiteraient l’acquérir au prix de 28 € par chèque à mon nom, étant précisé que j’offre le port et la dédicace éventuelle.

PRÉFACE du livre ‘LE RAVIN ROUGE »

Il est toujours difficile de présenter un livre. Ce n'est pas un acte innocent. Il reste parfois un doute : a t-on bien compris la pensée de l'auteur, ne va t-on pas trahir ses intentions ?
Pour le Ravin rouge, il me semble pourtant pouvoir évoquer sans difficulté les personnages qui traversent le récit car ils sont profondément authentiques.
Ils ont existé, ont vécu, ont connu le malheur, les difficultés et les joies. Et si l'on a une certaine pudeur à les évoquer, on ne peut s'empêcher d'avoir pour eux de l'attention et même de l'amitié.
Adrien de Courtenay, le héros de cette histoire, est un être de chair et de sang mais il est aussi un mythe, un exemple, une sorte de prototype de tous ceux qui sont venus en Algérie, certains par hasard, beaucoup par nécessité, et qui se sont attachés au pays au point de s'identifier à lui, d'en devenir le symbole. D'en devenir, comme dans le récit d'Anne Cazal, la mémoire.

Sous une forme romancée, c'est la somme de plusieurs tragédies, authentiques témoignages du destin douloureux de ceux qui avaient cru bâtir en Algérie pour l'éternité. II est bon de leur rendre hommage, de faire connaître la réalité de leur vie.
            Et pour cela, il faut écrire, écrire pour vaincre l'oubli. Il est une formule que j'aime beaucoup employer car elle me paraît essentielle : la mémoire passe par l'écriture. C'est la démarche de ce récit, de ce témoignage écrit avec passion, avec respect aussi pour les acteurs, races, religions, milieux sociaux, confondus dans la plus grande tourmente de leur vie.
            Les Pieds-Noirs sont orphelins de leur terre. Ils l'ont pleurée avec désespoir. Certains l'ont fait avec violence, d'autres ont transformé leur désespoir en nostalgie, d'autres encore ont tenté de se faire entendre à travers l'écriture.

            Et quand on dit entendre, c'est plutôt comprendre qu'il faudrait dire. Rien n'est pire que de se sentir incompris, parfois même injustement jugé et, dans tous les cas, mal aimé.

            Il est important d'écrire des récits comme celui-ci. Ils portent témoignage, ils ajoutent leur pierre à la maison Histoire qui, depuis quelques années, se construit patiemment, avec amour, avec maladresse parfois, mais toujours avec une sincérité évidente. L'écriture est la seule arme qui reste aux Pieds-Noirs, une arme pacifique, jamais neutre, bien souvent efficace. Il faut écrire, écrire beaucoup, écrire toujours pour vaincre l'oubli de ceux qui ont construit une oeuvre injustement décriée, qu'il faut défendre et faire connaître, avec lucidité, avec objectivité et sans omettre les erreurs.

            Il n'est pas souhaitable d'être polémique, il faut seulement raconter. Dire tout simplement la vie, et à la lecture se feront comprendre les peines, les difficultés, les drames. Le héros de ce récit, venu en Algérie à la suite d'un deuil, d'un désarroi, y trouvera, grâce à son travail, à sa ténacité, une certaine réussite matérielle. II y sera aidé par un camarade de guerre, Kader Kouïder, qui habite la mechta voisine, par la femme qu'il aimera et qu'il épousera, Elise Cortès. On notera, à travers les peines et les drames dont sa vie et celle de sa famille seront accablées, un fil conducteur, foi et espoir. La personnalité de cet homme exceptionnel marque fortement tout le récit. Et si les derniers chapitres sont tragiques, c'est qu'ils sont, malheureusement, la réalité des derniers mois vécus en Algérie avant l'exil douloureux.

            Anne Cazal, dans ce livre-mémoire, ouvre son cœur, délivre un message où se devinent d’inguérissables blessures.

Jeanine de la Hogue
Journaliste et écrivain

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SOIRÉES
                ALGERIENNES            N°3

CORSAIRES, ESCLAVES ET MARTYRS
DE BARBARIE   (1857)
PAR M. L'ABBE LÉON GODARD

ANCIEN CURE D'EL-AGHOUAT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE
AU GRAND SÉMINAIRE DE LANGRES

Dominare in medio inimicorum tuorum.
Régnez, Seigneur, au milieu de vos ennemis.


SOIREES ALGERIENNES
TROISIÈME SOIRÉE
Tableau des souffrances des esclaves.

        Le père Gervais apportait à son auditoire empressé le tableau des souffrances des pauvres esclaves en Barbarie. La veille, au moment de l'adieu, il avait pris l'engagement d'entrer sur cette matière en d'assez longs détails. Pour être en mesure de tenir sa parole, il n'avait eu qu'à résumer ses souvenirs et à feuilleter les papiers et quelques livres provenant de l'ancienne maison des trinitaires d'Alger.
        " Je ne crains pas de l'avancer, dit-il, on trouverait dans l'histoire des esclaves chrétiens d'Afrique la matière d'un ouvrage qui serait le digne pendant des actes des martyrs. Les bagnes ont renfermé des mystères de douleur et d'héroïques vertus comparables à ce qu'ont vu les prisons romaines durant les premiers siècles de l'Église. Les travaux des esclaves ne sont pas moins durs que ceux des confesseurs condamnés aux mines, et les civilisés du mahométisme n'ont rien à envier aux civilisés de l'idolâtrie et de la philosophie païenne pour le génie dé la cruauté. Les supplices inventés par les sectateurs de Mahomet ne furent ni moins longs ni moins atroces que ceux dont il faut faire hommage aux adorateurs de Jupiter et de Vénus. Même on doit reconnaître chez les musulmans un trait odieux qui leur est propre : ils mêlent à tous les vices qui servaient de mobile aux païens celui de la cupidité.

        Suivez ce vieux Maure fanatique et avare (quel Maure ne l'est pas?) au marché des esclaves, au Souk-Euloudja, place carrée entourée d'une galerie, et qu'on nommait à Alger le Batistan. Il scrute de son regard fauve la troupe des captifs que le bachi du bagne amène en présence des raïs qui les ont pris. Des courtiers les promènent enchaînés, et crient que la marchandise est en vente. Ils louent la santé, la force et la condition des esclaves, et n'épargnent pas l'exagération qui peut séduire l'acheteur. Le vieux Maure ne se paie pas de phrases. Il s'approche d'un captif, le fait mettre nu, examine tous les membres, les dents, les yeux, la physionomie pour deviner le caractère, la main pour voir si des callosités révèlent un homme de peine, ou si une peau blanche et douce trahit une condition sociale plus élevée. Il observe de près les lignes formées par les rides au creux de la main, car il demande à la chiromancie quel sera l'avantage de ce marché. Il ordonne au captif de faire des cabrioles pour montrer s'il est agile, et le bâton vient, au besoin, vaincre toute résistance.
        - Assez, mon père, interrompit Alfred, qui bondissait sur son banc. Cela me fait mal. Et ce sont des chrétiens, des Français, de fiers gentilshommes, de courageux marins qui ont subi ces outrages de la part de cette canaille ! Et l'Europe, et la France l'ont souffert pendant des siècles !
        - Les corsaires emploient toutes sortes de ruses et de violences pour savoir ce que peuvent valoir leurs prisonniers pour le travail ou au rachat. Ils interrogent les uns sur le compte des autres, et punissent ceux qui ne veulent pas trahir les secrets de leurs compagnons d'infortune. Les esclaves, de leur côté, s'efforcent de paraître aussi pauvres et aussi infirmes qu'ils le peuvent. Plusieurs ont réussi des années à passer pour boiteux, pour malades, ou, comme dit le bon père Dan, trinitaire français, pour estropiés de cervelle. Mais sur un qui a réussi, mille ont payé leur feinte par la bastonnade. D'abord on leur parle doucement, on promet de les bien traiter s'ils disent la vérité sur ce qui intéresse le maître. Celui-ci tâche de se faire entendre au moyen du sabir, cette langue que le troupier français perfectionne en Algérie et qu'on pourrait définir avec le père Dan : " Un baragouin facile et plaisant composé de français, d'italien, d'espagnol, et saupoudré d'arabe : Dios grande ! Ana bono. Andar casa tua : Grand Dieu ! - Moi je suis bon. - Tu retourneras à ta maison. "
        Et si les paroles mielleuses restent sans effet, on passe aux coups assaisonnés d'injures : Cane, joudi, traditor, kelb ben kelb : chien, juif, traître, chien fils de chien, et autres aménités que nous entendons chaque jour dans les rues d'Alger.

        La condition des riches ou de ceux qui sont supposés riches est souvent pire que celle des pauvres. On ne peut demander à ceux-ci que leur travail; mais pour forcer les autres à se racheter à tout prix, on les maltraite autant que possible. Leurs chaînes pèsent quelquefois jusqu'à cent livres. La crainte des nations d'Europe avait adouci de mon temps ces traitements sauvages ; mais Dan cite Pierre Infantine, prêtre sicilien, dont la chaîne était si lourde, qu'un esclave, ami l'aidait à marcher en la soutenant en partie, et qu'il pouvait à peine se tourner vers les assistants lorsqu'il disait la messe. Le patron Gaspard Doucaigne, de Marseille, avait à un pied deux chaînes, dont il portait l'une sur l'épaule dans un panier de jonc, et dont il traînait l'autre derrière lui. Quelquefois la chaîne était de quatre anneaux de douze à quinze livres chacun et qui meurtrissaient les épaules ; ou bien c'était une chaîne-entrave : le malheureux qui la subissait n'avançait qu'à petits pas, et ne soulevait le pied qu'avec un effort pénible. "
        En ce moment, Carlotta portait discrètement à ses lèvres une petite croix, et sa prunelle humide dissimulait mal ce mouvement de pieuse sensibilité. Le vénérable vieillard s'en aperçut.
        " Carlotta, dit Mme Morelli, baise une croix fabriquée avec du fer d'un de ces anneaux sacrés. J'ai eu la pensée de transformer ainsi cette espèce de relique, en lisant un jour, par hasard, que plusieurs papes ont adressé à des rois des clefs où entraient quelques parcelles des chaînes de saint Pierre à la prison Mamertine. Pour moi, j'ai une de ces petites croix que les esclaves avaient coutume de donner à baiser aux marchands chrétiens qui leur faisaient l'aumône. Je la conserve avec plus d'amour que si elle était d'or et de pierreries.
        - Oui, Madame, on ne saurait trop respecter ces instruments de supplice ou ces objets de piété arrosés des sueurs et des larmes des confesseurs, et peut-être du sang des martyrs. Il me semble parfois entendre encore le bruit de ces fers qui m'a si souvent causé le frisson. Ah ! Bénie soit la France, qui les a brisés pour toujours !

        Aujourd'hui les Arabes et les Maures passent à côté de vous la rage dans l'âme. Ils osent à peine vous envisager, quoiqu'ils aient encore une contenance fière. Mais autrefois avec quel orgueil ils nous foulaient aux pieds !
        - Je le soupçonne bien, dit Alfred. Même aujourd'hui à Tanger, à Tunis, ils ont l'air de vouloir nous forcer à baisser les yeux.
        - Autrefois, pour peu qu'un malheureux esclave laissât errer un sourire sur ses lèvres, le Turc se précipitait vers lui et faisait pleuvoir sur ses membres les coups de bâton, en s'écriant " Tenes fantasia tu ! Ah! Tu fais de la fantasia ! " Aussi le brave père Dan, que je me plais à citer, ajoute cette réflexion judicieuse : " A vrai dire, en ce pays-là, l'on apprend plus d'obéissance et d'humilité par force en un seul jour, qu'on n'en apprend en dix ans en tout autre lieu. "
        Dans les rues on crache au visage des captifs, on leur jette des pierres, on ne se détourne pas devant ceux qui portent des fardeaux, et s'ils ont le malheur d'approcher un Maure de trop près, on les accable de coups, bien qu'ils aient eu soin de répéter sans cesse de la voix la plus humble : " Balek, sidi ! Prenez garde à vous, monseigneur. "

        Déjà nous avons visité les bagnes proprement dits ; mais les plus grandes souffrances n'étaient pas toujours là. Vous connaissez ces petites caves humides et sombres nommées matamores, et qui existent souvent dans les maisons mauresques. Les esclaves y sont pressés ; ils ont le cou, les pieds, les mains chargés de chaînes. Pour nourriture, voilà du pain moisi et de l'eau croupie. On ne saurait croire ce qu'on souffrait dans ces basses-fosses. Lorsque les esclaves en sortaient, on les eût pris pour des squelettes plutôt que pour des corps animés, tant ils avaient les yeux enfoncés dans la tête, la peau collée sur les os, le teint d'un trépassé qui aurait été trois jours en terre, les cheveux en désordre et retombant sur le visage, le sarouel ou le caleçon, la gandoura ou tunique de laine, leurs seuls vêtements, pourris et grouillants de vermine, tout le corps enfin couvert d'ordure et exhalant la puanteur. On leur ôtait les livres, la lumière; on leur défendait de s'entretenir même à voix basse ; les coups de pied et de bâton, parfois même le bâillon punissaient les infracteurs de ces ordres tyranniques. Quelquefois des esclaves échappaient aux tortures en feignant de vouloir se suicider ; d'autres se sont suicidés réellement, désespérés de ne pouvoir se soustraire à des maîtres infâmes.

        Survenait-il à Alger quelques désordres, on s'en prenait aux chrétiens. De temps à autre, pour exciter contre eux la fureur populaire, on répandait par méchanceté le bruit qu'ils venaient de se révolter. Un vendredi de juillet 1629, un mensonge de ce genre courut parmi les Turcs au sortir de la mosquée ; ils se jettent sur les chrétiens qui ne pouvaient s'attendre à rien, ils en tuent quarante et en blessent d'autres. Une prophétie annonçait que les Roumis s'empareraient de la ville à pareil jour. On leur défendit en conséquence de sortir durant la grande prière, de midi à deux heures, et l'on décréta la peine de cinq cents coups de bâton contre celui qui serait nanti d'une arme offensive ou défensive. Ils redoutaient principalement les jours de fête, tels que le Baïram, où l'on clôt par des saturnales le jeune du Ramadan, et, chaque jour, ils devaient se défier de l'heure où Turcs et renégats sortaient avinés des immondes tavernes que la police tolérait.
        Quant au travail de l'esclave, il était ordinairement mesuré sur cette base : tirer de cette machine humaine la plus grande somme de profit, et la ménager en conséquence. Mais vous comprenez que l'intérêt sordide de l'Arabe et du Maure n'arrêtait pas toujours un élan subit de colère ou de fanatisme. Les esclaves étaient en fait à la merci du maître.
        Voici comme on pourrait tracer, après le père Dan, la table de leurs travaux ordinaires.
        Ils exercent quelque métier pour le patron, qui leur accorde un léger pécule. Par exemple, ils vendent de l'eau qu'ils portent eux-mêmes ; ou, s'ils sont trop faibles, ils en chargent une bourrique. S'ils ne rapportent pas chaque jour telle somme à leur maître, le bâton les stimule pour le lendemain. Ils nettoient la maison, même les endroits les plus sales, ils lavent les briques vernies qui sont encore en usage pour les escaliers et les parois intérieures des habitations mauresques. Ils blanchissent fréquemment les murs à la chaux; ils font la brique ; ils sont manœuvres ; ils portent les immondices, et on les loue pour ces sortes d'ouvrages, comme ces pauvres ânes qui fléchissent sous le poids du chouari dans les ruelles d'Alger. Ils font le pain et la lessive à défaut de négresses. A la campagne, ils gardent les troupeaux, font les moissons sous les feux d'un soleil tropical ; ils labourent attachés parfois avec un âne ou un cheval ; ils cultivent les jardins, a et alors, observe le père Dan, ils peuvent bien dire, à leur grand regret, qu'il y croit pour eux plus d'épines que de roses, et plus de soucis que d'autres fleurs. "

        Un grand nombre d'esclaves travaillaient au port, continua le trinitaire reprenant son sujet ; ils ramaient sur les galères, armaient les navires, les enduisaient de suif, s'attelaient jusqu'à trente ou quarante au même chariot ; et le bâton, le terrible matrak était constamment prêt à donner des forces à celui qui n'en avait plus. Que de fois le yatagan d'un raïs irrité abattit les bras de rameurs épuisés "
        J'oubliais de dire que le mesouar, magistrat chargé de la police, prenait, pour remplir l'office de bourreau, le premier esclave venu. La fonction de bourreau ne déshonore pas un musulman; mais pour les chrétiens c'est différent. On les forçait à serrer la corde lorsqu'il s'agissait de faire subir à un Turc la strangulation.
        - Et les femmes, mon révérend père, demanda Mme Morelli, quel était donc leur sort dans la captivité ?
        - Vous n'ignorez pas, Madame, que partout où l'esprit de l'Évangile n'a pas soufflé, la condition des femmes est misérable. Vous avez sous les yeux les Mauresques, vous avez vu les femmes des tribus qui habitent la tente ou le gourbi ; leur dégradation morale est extrême. Les riches Mauresques, pour n'être point accablées de travaux manuels, n'en sont pas moins avilies, mal protégées par la loi, soumises aux caprices et à la brutalité de leur mari. Quant aux femmes des Arabes, ce sont, à peu de chose près, des bêtes de somme ; et si l'on admet ici d'assez rares exceptions, elles tiennent à ce que la nature humaine a quelquefois dans les individus des instincts supérieurs au Coran, et surtout aux mœurs communes de ses disciples.
        - Révérend père, objecta le jeune marin, j'entends souvent des officiers et surtout des gens de lettres prendre parti en cette matière pour les peuples musulmans. Leurs femmes ne se plaignent pas, disent-ils ; elles ne demandent pas le moins du monde l'affranchissement de la femme, que plusieurs Françaises réclament quelquefois avec chaleur.
        - Les hommes amis du paradoxe sont très nombreux aujourd'hui. Il est de mode de se rendre intéressant en soutenant des thèses insoutenables, et en allant, sous prétexte d'exagération, contre toutes les idées reçues, contre les jugements que l'expérience a le mieux sanctionnés. Nul chrétien ne saurait absoudre le mahométisme de la destinée qu'il a faite ou laissé faire partout à la femme. Il faudrait pour cela que la lumière de Jésus-Christ et le sens moral fussent bien affaiblis en lui ; il faudrait qu'il oubliât sa mère, sa sœur, son épouse, si honorables, si honorées. Quelle distance, Mesdames, vous séparent de la femme musulmane ! Ah ! Ce doit être pour vous un sujet de reconnaissance éternelle envers Dieu. Quand je considère la vierge chrétienne, la mère de famille catholique si haut placées dans notre société, il me semble contempler la Vierge Marie, Mère de Dieu, entourée de cette auréole d'or et de flammes qui encadre ses images offertes à notre vénération. Vous n'êtes pas ingrates envers la sainte Vierge, Mesdames ; mais jamais vous ne lui rendrez en hommages d'amour et de dévotion ce que vous lui devez en dignité et en liberté.

        Les femmes arabes ne se plaignent pas, dit-on ; c'est une marque de dégradation et d'abrutissement. Du reste, il est faux qu'elles ne manifestent pas quelque envie de partager le sort des femmes chrétiennes ; quoiqu'on leur représente les Français comme des maudits et des chiens, aussitôt qu'elles peuvent comparer leur situation à celle des chrétiennes, elles commencent à rêver d'affranchissement.
        - Du reste, reprit M. Morelli, si elles étaient satisfaites de leur état, verrait-on à l'état civil d'Alger, dans les résumés mensuels, un nombre de divorces équivalents, supérieur même à celui des mariages ?
        - Eh bien ! Pour revenir à la question que vous m'avez posée, Madame, les captives chrétiennes ne pouvaient pas espérer un sort meilleur que celui des épouses musulmanes. Il n'est rien qu'on ne fi t pour les amener à renier la foi, et c'est vers elles que se portaient, par cette raison, les plus grandes sollicitudes des pères rédempteurs. Tous les moyens, la violence même étaient mis en œuvre pour leur ravir le plus bel ornement de leur sexe et le trésor de leur vertu. Rien ne les protégeait, non plus que les enfants, dans leur affreuse situation. Cependant je dois dire que les beys s'adjugeaient en général les femmes de distinction. Ils les confiaient à un magistrat, le cheikh-el-beld, jusqu'au jour où l'on concluait leur rachat.

        Pour les autres, on les soumettait ordinairement au travail des servantes et des négresses. On ne leur épargnait pas le bâton, vous savez qu'il est d'un usage légal.
        - Oui, moi sabir ; mirar, sidi marabout..., chof, chof. "
        C'était Fatma, dont l'oreille attentive, à quelque distance du groupe de la famille, percevait déjà quelque peu le sens de la conversation. Depuis douze ans elle était au service de M. Morelli ; mais auparavant elle servait un Maure de la rue Lalahoum,
        " Oui, moi je sais, disait-elle ; regarde, monsieur le marabout..., vois, vois. " Et, rejetant son haïq de coton bleu à raies blanches, elle montrait les cicatrices de ses épaules et de ses bras, déchirés autrefois par le matrak et les lanières du querbadj.
        " Pauvre femme, dit en soupirant Carlotta, elle a bon cœur : quand un rayon de la grâce achèvera-t-il d'éclairer cette raison obscure !
        La négresse avait déjà donné des soins à l'enfance de Carlotta, et cette pieuse demoiselle essayait de lui rendre en échange le bienfait de la lumière évangélique. Mais les ténèbres des races déchues que l'Église catholique n'a pas encore touchées sont bien épaisses.
        On n'eut pas besoin, pour en croire Fatma, de vérifier la trace de ses blessures.

        " Que le bâton ait fait partie du régime imposé aux captives, cela devait être, reprit M. Morelli ; car les cadis autorisent en certains cas les maris à battre leurs femmes. J'ai lu positivement dans le commentaire du Coran par l'iman Chouchaoui, que si une femme néglige les soins du ménage, le mari est autorisé, après avoir employé vainement les remontrances, à la frapper de dix coups, avec un objet doux, souple et large, si toutefois il pense que la chose soit profitable. Qu'en pensez-vous, Mesdames ? Ajouta plaisamment M. Morelli.
        - Nous rions, dit Carlotta, mais il n'y a vraiment pas de quoi rire.
        - D'autant plus, continua dom Gervasio, que si l'on se souvenait peu des tempéraments de la loi en frappant l'épouse libre, on les oubliait encore davantage lorsqu'on bâtonnait une esclave.
        - Si telle était la vie journalière des captifs, quel ne dut pas être le code pénal établi à leur usage ?
        - Vous parlez de code, Alfred, reprit le moine. Un code, si barbare qu'il soit, est du moins une règle, une garantie. L'iniquité dans la loi ne peut pas être poussée aussi loin que par le caprice et l'irritation du moment. Le captif n'avait pas cette garantie; il est vrai qu'avant de le mettre à mort on demandait l'autorisation du pacha; mais rien n'était plus facile à obtenir. Les pachas n'osaient guère répondre par un refus aux janissaires ou aux Turcs. Souvent on jetait l'esclave, pour les moindres fautes, sur les moindres soupçons et en face des plus faibles accusations, aux mains de la foule effrénée, qui le punissait à sa guise. Il n'y avait pas de fixité dans la peine, ni de proportion entre la faute et le châtiment, pas de règle enfin dans l'exécution plus ou moins lente, plus ou moins cruelle, de la sentence. La justice arabe est connue; dans les temps encore barbares du moyen âge, alors que l'Église commençait à peine à introduire la loi écrite à côté des coutumes suivies par les peuplades de l'invasion, et à régler toutes choses d'après les principes de l'équité, les lois goths, franques et germaniques valaient mieux que celles des Arabes après quatorze siècles. Et ici le magistrat pèche encore plus que la loi.

        Aussi qu'arrive-il ? De nos arts, de nos sciences, de tout ce qui constitue notre civilisation, les disciples de Mahomet ne comprennent et n'estiment guère qu'une chose, notre justice. Je ne veux pas calomnier ces vénérables têtes de cadis à barbe blanche, au large turban éblouissant comme neige ; mais souvent je voudrais pouvoir en retirer les formules de Sidi-Khelil et des jurisconsultes musulmans, pour y substituer les simples notions d'équité naturelle.
        A défaut de code pénal précis et régulièrement appliqué pour les esclaves, il y avait un cercle de peines traditionnelles dont on ne sortait que rarement. Du reste le cercle était large, et les plus exigeants en matière de torture pouvaient y assouvir leur cruauté.
        Qu'est-ce que ces longs crocs de fer dont la langue de serpent se projette hors des murs de Bab-Azoun ?
        - En terme de marine, ce sont des ganches, dit Alfred.
        - Précisément; Mais celles-ci ne servaient ni à la pèche, ni pour tenir la tente des galères; on élevait au-dessus d'elles l'esclave nu, puis on le laissait tomber sur les dents de fer, où il s'accrochait par le dos, par le ventre ou par la poitrine.

        On l'écartelait aussi, en l'attachant à quatre barques, dont les rameurs partaient en sens contraires.
        On le perçait de flèches, lié aux vergues d'un navire. On le noyait, renfermé dans un sac.
        On le brûlait, après l'avoir enchaîné à un poteau planté au centre d'une couronne de feu.
        Le supplice de la croix fut aussi en usage. On clouait le patient sur les deux branches d'une échelle ou sur une croix en forme d'X, appelée crois de Saint-André.
        Ou bien, après l'avoir lié fortement, on lui ouvrait les épaules avec un rasoir, et on introduisait dans la plaie béante un flambeau ardent.

        On l'enterrait jusqu'aux épaules, et la mort saisissait par degrés le corps en décomposition.
        On le faisait mourir de douleur et de faim, en l'enfermant dans un tonneau hérissé de pointes de fer et qu'on faisait rouler de temps à autre.
        Le supplice du pal était des plus fréquents. Le pieu sortait d'ordinaire par le gosier, en renversant la tête de la victime.
        A côté du pal, mentionnons la falaque. Ce supplice consistait à placer l'esclave la tête contre terre, à passer en haut ses pieds dans les trous d'un morceau de bois, et à donner ensuite au patient des coups de bâton, des coups de corde poissée ou de nerf de bœuf.
        Quelquefois l'esclave était écorché vif.
        On l'attachait encore à la queue d'un cheval, qui le mettait en lambeaux dans une course fougueuse.

        La bastonnade jusqu'à la mort était réputée une peine des plus douces entre les peines capitales, parce qu'elle n'est pas infâme dans l'opinion des Turcs.
        Le condamné était encore rompu vif, à coups de levier ou d'une masse de fer.
        Il était lapidé par le peuple.
        On le pendait la tête en bas, et on faisait ruisseler de la cire brûlante sur la plante de ses pieds.
        Une populace ivre le perçait de coups de couteau.
        On le plaçait à la gueule d'un canon, et le boulet ou la mitraille emportait ses membres affreusement mutilés. Ainsi périt, en 1682, un consul de France, le père Levacher, de la congrégation des Lazaristes. Son successeur eut le même sort.

        D'autres fois, on coupait successivement à l'esclave le nez, les oreilles, et d'autres membres, jusqu'à ce que mort s'ensuivit.
        Ou bien, la faim et la soif faisaient seules tout l'ouvrage.
        On a vu, au contraire, les esclaves chrétiens forcés d'exécuter eux-mêmes un de leurs compagnons, en lui assenant tour à tour un coup de hache. En 1630, un esclave accusé d'avoir fait connaître par lettre, à l'Espagne, la situation d'Alger, succomba de la sorte.
        L'estrapade mouillée n'était qu'un jeu. L'esclave était élevé nombre de fois par une poulie à une vergue de navire, et on le laissait retomber dans l'eau.
        - L'estrapade est une peine militaire qui a été fort en usage dans la marine européenne, dit Alfred. Faire subir l'estrapade s'appelait donner la cale. Mais ce supplice fut toujours regardé comme un châtiment des plus graves ; il disloque facilement un homme, et messieurs les musulmans auraient pu imaginer un jeu plus doux.
        - Révérend père, demanda Mme Morelli, est-ce que les esclaves ont été en butte à ces mauvais traitements jusqu'aux derniers temps ?
        - Il est certain, Madame, qu'il faut distinguer les époques et même les nationalités. De plus, il .y avait diverses classes de captifs, et tous n'avaient pas également à souffrir. Les Espagnols et les Portugais excitaient particulièrement la sévérité de leurs maîtres, parce qu'ils appartenaient à des nations plus souvent en guerre avec les musulmans. Elles avaient chassé les Maures de mon pays, et ils ne croyaient pas pouvoir s'en venger assez. Elles avaient conquis des terres en Afrique, et sur les points les mieux choisis pour menacer l'intérieur du pays.

        Quant aux époques, il est vrai aussi que les actes de cruauté diminuent à mesure que la lutte générale s'apaise entre la chrétienté et l'islamisme, à mesure que les corsaires apprennent à leurs dépens ce que vaut la marine d'Europe, dont les progrès vont toujours croissant. Lorsque Alger eut compté plusieurs fois les mâts de nos flottes et reçu nos boulets dans ses flancs, elle se prit à réfléchir, et laissa descendre par instinct de conservation le niveau de son orgueil et de sa tyrannie.
        Enfin, comme je l'ai dit précédemment, les esclaves appartenaient au gouvernement ou aux particuliers. Parmi les premiers, quelques-uns, appelés au service du dey, dans son palais, n'avaient point à souffrir de fatigues ou de peines corporelles excessives. Ceux qui étaient employés dans les casernes avaient un sort tolérable ; les soldats turcs usaient quelquefois de ménagements envers eux; ceux des bagnes, dans les derniers temps, avaient trois petits pains par jour, un petit matelas et une couverture. Le dey les faisait monter sur les navires de course, et ils conservaient les deux tiers de leur part dans les prises ; il les louait encore selon leur profession et leur industrie, en prélevant les deux tiers sur le gain de leur journée.

        Parmi les esclaves des particuliers, quelques-uns sont traités humainement, et acquièrent même de l'autorité près de leurs patrons, à cause des services qu'ils leur rendent. Mais je n'ai point à atténuer la peinture que j'ai tracée au sujet des souffrances de ceux qui deviennent la propriété de revendeurs ou de Maures avares et fanatiques.
        Je ne doute pas que des captifs n'aient exagéré quelquefois leurs souffrances, afin d'exciter la compassion ; les bons pères rédempteurs ont du se servir eux-mêmes des couleurs les plus sombres pour augmenter l'aumône en éveillant la charité.
        - Mais, observa Mme Morelli, s'il était possible de forcer les couleurs dans le tableau des souffrances du corps, on ne pouvait pas, on ne pourra jamais, ce me semble, révéler au monde les douleurs morales, les secrètes angoisses qui ont dévoré une foule d'existences au sein de la captivité.
        - Et puis, ajouta M. Morelli, nous n'avons sur les rivages de Barbarie que la moitié de ces peines morales. Regardez sur l'autre bord de la Méditerranée, que de larmes et de regrets ! Quel désespoir au sein des familles, à la pensée de ceux qui sont tombés dans les fers !
        - O ma mère, dit Carlotta, si les temps n'étaient pas changés, et que je fusse esclave d'un Maure, tandis que des rives de Naples vous me tendriez vainement les bras !... O Dieu ! C'est horrible... Ne permettez pas que cela m'arrive, même en un rêve.
        - Et ce rêve, ma fille, pour combien de milliers de mères ne fut-il pas une réalité ! Il est des parents qui eussent volontiers donné leur vie pour arracher leurs enfants à un esclavage qui mettait en péril le salut éternel lui-même.
        - De l'autre côté de la Méditerranée, dit Alfred, il y avait aussi des bagnes et des esclaves musulmans. Est-ce qu'on usait de représailles envers ceux-ci ?
        - Il y avait des bagnes, il est vrai, dans plusieurs ports chrétiens ; car en cet état de guerre perpétuelle qu'entretenait la course, il fallait bien opposer à force à la force, et faire des prisonniers. Les peuples d'Europe les traitaient comme prisonniers de guerre, et non comme esclaves. On ne les vendait point aux particuliers pour servir d'animaux domestiques, et ils avaient pour eux le bénéfice de l'équité, qui règne depuis longtemps dans nos lois, et de la charité, qui est dans nos mœurs. L'Espagne, peut-être, s'est montrée plus dure que les autres nations européennes. Mais, après tout, les corsaires l'exaspéraient outre mesure et provoquaient ses colères. Elle était sans pitié pour le renégat ; elle jugeait son crime au point de rue religieux, selon l'esprit de sa législation; et d'ailleurs elle avait le droit de condamner le transfuge, traître à sa religion et à sa patrie, comme on a condamné partout le déserteur pris les armes à la main dans les rangs ennemis.

        Ainsi l'on constate une énorme différence entre la conduite des peuples chrétiens et celle des musulmans. Nul des premiers n'a pris l'initiative ; nul n'a fait de la coure la principale source des revenus publics, un rouage essentiel de son gouvernement; nul enfin n'a commis les horreurs dont l'islamisme s'est souillé.
        Je me rappelle d'avoir lu, aux archives des révérends pères capucins de Tunis, une lettre adressée par le cardinal Sacripante au père François-Marie de Modène, préfet de la mission établie dans la régence. Elle est datée du 25 septembre 1719. Elle fera voir comment on se comportait de part et d'autre à l'égard des esclaves. Le bruit s'était répandu à Tunis que les Turcs prisonniers à Cività-Vecchia et sur les galères du pape, étaient maltraités. Alors il n'est sorte de vexations et d'avanies que les Maures, par esprit de vengeance, ne fissent endurer aux chrétiens. Le père Marie de Modène en informa la Propagande, et le cardinal lui répondit :
        " Très révérend père, autant sont légitimes les plaintes des esclaves chrétiens qu'on accable à Tunis d'un joug insupportable, autant sont déraisonnables et dénuées de fondement celles qu'adressent en cette ville les Turcs du bagne de Cività-Vecchia. Ici les esclaves ne peuvent se plaindre de rien, si ce n'est de la liberté perdue : a sola riserva della perditta libertà.
        " En effet, nous leur laissons la faculté de se livrer au commerce ; ils réalisent de beaux bénéfices en vendant du pain, du vin, du coton, des vêtements, du fer, de l'étain, et d'autres marchandises. Ils tiennent boutiques ouvertes sur l'arsenal et les chantiers du port, nella Darsena. Et si on leur a retiré le trafic du tabac et de l'eau-de-vie, c'est qu'ils persistaient, malgré des admonitions réitérées, à faire la contrebande sur une large échelle, au grand préjudice de la gabelle.
        " Ensuite leurs prêtres, i loro Papassi, sont respectés et séparés des autres esclaves. On les exemple de tout travail ; on leur permet de porter le turban, et ils circulent par toute la ville sans entendre une seule parole injurieuse : tandis que les prêtres chrétiens, au contraire, sont conspués, insultés, lapidés, bâtonnés à Tunis. On s'est indigné parmi nous en apprenant, par exemple, qu'un clerc augustin esclave d'un particulier avait été roué de coups, et forcé néanmoins à travailler sans relâche et à porter le fumier des écuries.
        " Lorsque nous montrons une si grande charité envers les esclaves de ce peuple, disait-on, nos frères là-bas travaillent sans vêtements dans les jardins ; on les prive d'aliments, on leur met des fers, on les frappe pour les forcer à se racheter plus vite ; et on exige pour leur rachat cinq cents et jusqu'à mille pièces de huit, pezze da otto, et même davantage ; au lieu que nous accordons la liberté aux conditions les plus douces. Mais ce qui révolterait par-dessus tout, ce seraient ces violences dont on nous parle, et que beaucoup de maîtres exerceraient sur leurs esclaves, contre les lois de Dieu et de la nature elle-même.
        " Que si nous examinons maintenant les circonstances graves et critiques où l'homme a le plus besoin de secours, c'est-à-dire les maladies et la mort, les esclaves turcs sont soignés avec toute la charité et toute la bonté possible, amorevolezza, jusqu'à ce qu'ils soient entièrement guéris. On leur sert une excellente nourriture ; ils reçoivent toute espèce de médicaments, sont couchés dans des lits excellents, assistés avec zèle par les meilleurs médecins et chirurgiens ; on a pour eux les attentions que nous avons pour les personnes d'une condition distinguée. Et là-bas, nos pauvres chrétiens meurent de besoin et gisent abandonnés, sans médicaments, sans nourriture, dans de sales écuries, comme vous l'avez vu de vos yeux. On a été jusqu'à remplacer le médecin chrétien qui soignait les esclaves du bey par un renégat dépravé, et qui ne sait pas le premier mot de son art.
        " La sacrée Congrégation et Sa Sainteté apprécient cependant les vertus morales de Son Altesse le bey. Il mettrait fin, s'il les connaissait, à ces traitements inouïs. Mais un certain écrivain espagnol, auquel il a confié le gouvernement des esclaves, inspire à ceux-ci une si vive terreur, qu'ils n'osent réclamer auprès du bey, en sorte qu'ils tombent dans le désespoir, et de là dans l'apostasie. "

        Le cardinal donne ensuite l'assurance au père Marie de Modène que le pape s'efforcera d'éclairer le prince sur la conduite indigne de ses subordonnés. Les généreux pères capucins partageaient la misère des esclaves. Ils n'avaient pour vivre que les aumônes des fidèles francs et des malheureux auxquels ils prodiguaient les soins du saint ministère ; leur hôpital était alors encombré de malades ; ils étaient logés dans un coin du consulat de France, au premier étage, où sont maintenant le salon de justice et la salle à manger des consuls ; et ils n'avaient pas en caisse " un seul aspre, ne pur un aspro in cassa " : ils n'avaient pas deux centimes. Oh ! Les vrais disciples de saint François ! "
        La molle brise du soir avait fraîchi peu à peu, et les feuilles de jasmin, dont les rameaux s'enlaçaient au treillage des murs d'appui de la terrasse, commençaient à s'incliner sous la rosée de la nuit. C'était l'heure de clore la conversation et de céder à l'invitation du sommeil.
A SUIVRE

SOUVENIRS
Pour nos chers Amis Disparus
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis


Par Mme Colette Levy
Décès de Mme. Mme Jacqueline Crozatier

"Chers(es) amis (es),

                  M. Christian Crozatier, son époux, Sylvie et Laurence ses filles, Renaud et Philippe, ses gendres,
                  Fanny-Florian-Julia-Alexia-Valentin et Léa - ses petits-enfants ont la douleur de vous faire part du décés de Mme Jacqueline Crozatier née Barbe - survenu le lundi 7 février 2O11 à l'âge de 69 ans.
Mon Adresse : levy22@club-internet.fr



 UNE AMIE VIENT DE NOUS QUITTER

                  Notre belle ville de Bône comptait une majorité de personnes très attachantes, et, nous gardons dans notre cœur leur souvenir. En 1962, je revois encore notre Amie Jacqueline Barbe, dans toute la fraîcheur de ses 18 printemps. Elle affichait une jovialité naturelle et communicative, elle aimait à se promener sur notre Cours Bertagna, en compagnie de sa meilleure amie Josette Canto, qui nous a déjà quittés en 2OO4.
                  Toujours aussi charmante dans ses petites robes à fleurs, elle a su séduire Christian Crozatier, venu droit de la grande Métropole, pour servir notre Patrie, et il devint son époux.
                  J'ai toujours eu beaucoup de plaisir à la revoir notamment à Tourves, pour le repas annuel de notre Association, où elle rencontrait d'autres amis d'enfance et de toujours.
                  Depuis deux ans, elle luttait avec détermination contre une longue et douloureuse maladie. Je tiens particulièrement à saluer tout son courage, et celui de sa chère famille. Voici encore une Amie qui nous laisse dans une peine très légitime, car, elle avait encore tant d'amour à donner à son époux, ses deux filles Sylvie et Laurence, et ses six petits enfants. Jacqueline nous laisse le souvenir d'une charmante personne de caractère que nous garderons pour toujours, dans notre cœur d'enfant de Bône.
                                                      Pour toute sa chère famille,
                                                      Pour ses amis d'enfance,
                                                      Pour ses amis
                                                      et connaissances,
                                                      Avec toute mon Amitié.
                                                      Colette LEVY
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MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
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sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De Me Fabienne DUCOURNEAU

Bonjour, je m'appelle Fabienne DUCOURNEAU née SCALA le 03/02/1961 à BÔNE
Mon père Edmond Jean-Pierre SCALA né le 01/12/1936 est lui aussi né à BÔNE. Il était dans la police de l'air et des frontières.
Mon grand père Daniel Raphaël SCALA travaillait aux chemins de fers et ma grand mère Juliette SCALA née DALL'ORSO, sont tous de BÔNE...
Le frère de mon grand père tenait un bar à BÔNE et sa soeur une épicerie.
Mes parents habitaient un HLM mais je ne connais pas le nom... Si quelqu'un se rappelle ou a des photos je serais très heureuse de prendre contact...
En vous remerciant par avance, Fabienne DUCOURNEAU
Mon adresse : ducourneauf@aol.com

De M. Jean Claude Busidan

Bonjour
Ayant fait une grande partie de mes études primaires et secondaires à l'école Victor Hugo et au Lycée Saint Augustin de Bône, des années 1944-48 puis 1948-55, je souhaiterais partager des souvenirs avec des personnes ayant à peu près parcouru le même arc temporel.
Souvenirs comme par exemple, les époux Sauvayre, Mr Lumbroso, instituteurs à Victor Hugo, Costabile, Clément, Mme Briney, Mme Haddad, Mme Sourice, Giboin, Schneider, Garnier et j'en passe des dizaines, professeurs à Saint Augustin, Brachet Proviseur, Bernert Censeur, Bourdieu et Allouche surveillants généraux, l'innénarrable Mme Dupin, professeur d'italien, et combien d'autres!!
Si, comme moi, vous avez connu ces personnes, ou au moins certaines d'entre elles, n'hésitez pas à prendre contact avec moi.
A bientôt j'espère!
Mon adresse : jeanclaude.busidan@wanadoo.fr

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
Diaporama 34                                           Diaporama 35
Diaporama 36                                           Diaporama 37
Diaporama 38                                           Diaporama 39
Diaporama 40
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mars 2011.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois
CLIQUEZ ICI pour d'autres messages.

Neuf mois plus tard !
Envoyé par Gilbert

       Roger et son ami allaient skier.
       Ils avaient pris le monospace de Roger et se dirigeaient vers le nord. Après avoir roulé quelques heures, ils arrivèrent dans une formidable tempête de neige, ils n'eurent d'autre choix que de s'arrêter près d'une petite ferme où ils demandèrent à la charmante jeune femme qui leur ouvrit la porte s'ils pouvaient passer la nuit chez elle.
       "Je réalise très bien qu'il fait vraiment très mauvais dehors, dit-elle, mais je suis veuve depuis peu, et je ne voudrais pas que les voisins commencent à médire à mon sujet si je vous laissais passer la nuit ici".
       "Soyez rassurée, dit Roger, nous serons très contents de dormir dans votre grange. Et dès que le temps se sera amélioré, nous partirons immédiatement". La dame accepta et les deux amis se rendirent dans la grange où ils passèrent la nuit. Le lendemain le temps s'était éclairci et Marcel et Roger continuèrent leur chemin.
       Ce fut un fantastique week-end sur les skis.
       9 mois plus tard, Roger eut la surprise de recevoir une lettre d'un avocat.
       Il lui fallut quelques instants avant de réaliser qu'il s'agissait de l'avocat de la charmante jeune femme qu'ils avaient rencontrée durant leur week-end de ski.
       Il se rendit chez son ami Marcel et lui demanda :
       " Marcel, tu te rappelles cette charmante jeune veuve que nous avons rencontrée durant notre week-end de ski, et qui nous avait offert l'hospitalité ? "
       " Oui", répondit Marcel.
       " Euh, est-ce que cette nuit-là tu ne te serais pas levé pour aller lui rendre visite dans sa maison? "
       " Eh bien, euh, oui, dit Marcel, un peu gêné, je dois avouer qu'en effet j'ai été la voir."
       " Et tu lui as donné mon nom à la place du tien ? "
       Le visage de Marcel était cramoisi lorsqu'il répondit : " Euh, en effet, désolé, vieux, je crains que oui. Mais pourquoi me demandes-tu ça?"
       'Elle vient de mourir et m'a tout légué.'


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En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
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