" L'islamophobie puante
de Philippe Tesson"
N'y a-t-il pas une haine de bon aloi, en certaines circonstances ? N'y a-t-il pas une juste haine, comme il y a de " saintes colères " ?

          J'appelle aujourd'hui à la barre le journaliste Philippe Tesson. Monsieur Tesson est accusé d'avoir enfreint l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 en proférant ces mots sur l'antenne d'Europe 1 mardi dernier: " D'où vient le problème de l'atteinte à la laïcité, sinon des musulmans? On le dit, ça? Eh bien moi, je le dis! Je rêve ou quoi? C'est ça, notre problème actuellement, c'est les musulmans qui mettent en cause la laïcité! C'est les musulmans qui amènent la merde en France aujourd'hui! " Au moment où j'écris ces lignes, il aurait été congédié par Le Point.

          Certes, on ne peut pas dire que monsieur Tesson soit un expert de la " langue de coton " ; on ne peut lui ôter un certain panache viril dans l'expression de ses idées - panache d'autant plus frappant que l'homme se dirige vers sa quatre-vingt-septième année. Sans doute aussi est-ce un âge où l'on ne craint plus guère de brûler ses vaisseaux - et de dire ce que l'on pense haut et fort quoi qu'il en coûte.
          Entendant ces mots, un auditeur - Charlie anonyme - a déposé plainte contre le journaliste pour incitation à la haine raciale. Charlie Duflot, quant à elle, demande "une réaction plus forte" contre "les propos abjects et l'islamophobie puante de Philippe Tesson". Les Charlie de la presse - ceux-là mêmes qui pleuraient à chaudes larmes, il y a quelques jours, sur le cadavre de la liberté d'expression - ne savent plus quels mots ils doivent sortir de leur petit glossaire indigné pour couper le sifflet du malfaiteur. Stigmatisation ? Dérapage ? Propos pitoyables ? Consternants ? Ignobles ? Délire ? Appel au meurtre ?
          Tesson essaiera vainement d'expliquer qu'il ne visait pas tous les " musulmans de France ", qu'il parlait de leur frange la plus revendicative - c'est-à-dire la plus "éveillée", pour reprendre l'idée de Sami Aldeeb. On ne s'embarrasse plus de nuances quand il s'agit de mettre un islamophobe au pilori. Quant à la haine, qu'on voit et qu'on dénonce partout - et qui déborde évidemment de tous ces appels à virer, à boycotter, à pénaliser -, on s'abstient très soigneusement de la distinguer de la simple méfiance, de la répugnance ou de la discrimination (au sens de distinction).
          Et puis, n'y a-t-il pas une haine de bon aloi, en certaines circonstances ? N'y a-t-il pas une juste haine, comme il y a de " saintes colères " ? Que serait aujourd'hui notre liberté si, tout au long de notre histoire, des hommes n'avaient pas haï les tyrans, les barbares et les oppresseurs de toutes leurs forces ? Quand un jeune, de son territoire perdu, déclare ou chante qu'il " a la haine " - contre les flics, Pôle emploi et la société -, quelqu'un lui met-il un Code pénal sous le nez ? Eh bien, si monsieur Tesson exprime sa " haine " de tout ce qui, dans le comportement de certains musulmans, lui semble menacer la paix civile, n'est-il pas dans le droit de sa conscience ? De quelle espèce de soumission et d'avachissement intellectuel relève cet amour vague et sans consistance qu'on lui oppose ?